Principes de gestion des cas

A.  Principes généraux de la gestion des cas dans un système décisionnel

  1. Le tribunal est maître de ses processus

    Un principe fondamental de la gestion des cas dans n'importe quel système décisionnel est que le tribunal est maître de ses processus. Bien que le tribunal n'ait pas à s'enquérir de la disponibilité du conseil au cas par cas, il le fera dans le but de déterminer si les parties sont prêtes pour procéder à l'audience. Le tribunal est ouvert aux suggestions externes qui permettraient l'amélioration de la gestion de ses processus, mais il ne retient les suggestions que lorsque celles­ci concordent avec ses objectifs.

  2. Un traitement équitable, mais pas un traitement identique

    Le tribunal traite de façon équitable les parties qui se présentent devant lui. Ce principe ne signifie toutefois pas que les parties sont traitées de manière identique, puisqu'un traitement égal n'est pas synonyme d'un traitement identique. La nature même de la justice repose sur la reconnaissance des circonstances particulières de chaque cas. Puisque les circonstances diffèrent d'un cas à un autre, le tribunal doit être capable de différencier les cas et de traiter chaque cas comme il se doit.

  3. Appliquer à chacun des cas un processus approprié à ses exigences

    Le principe d'un traitement égal, mais non identique, est accompli lorsque le tribunal examine chacun des cas et lui applique un processus qui correspond à ses exigences particulières sur le plan des procédures et des questions de fond. Cela implique de différencier les cas en fonction de leur niveau de complexité, de leur urgence et de la nouveauté des questions qu'ils soulèvent.

  4. Gérer le processus du tribunal de façon cohérente, uniforme, équitable et ferme

    La qualité de n'importe quel système décisionnel est mesurée par la façon dont celui-ci traite ses utilisateurs. Les principes susmentionnés doivent éclairer le système de gestion des cas du tribunal; qui plus est, les utilisateurs doivent comprendre ces principes et la manière dont le tribunal fonctionne. Il y a un gain en efficience puisque les utilisateurs sont en mesure d'adapter la présentation de leurs cas en fonction de ces principes.

B.  Principes généraux de la gestion des cas dans un tribunal administratif

Dans les cas où le système décisionnel est un tribunal administratif, les principes énoncés ci­dessus doivent être adaptés à la nature particulière de la décision que doit rendre un tribunal et, par conséquent, ils reposent sur les valeurs fondamentales du tribunal.

  1. Pragmatisme et nature spécialisée d'un tribunal administratif

    Dans la mesure où les tribunaux sont créés par des pouvoirs législatifs dans le but d'accomplir une tâche précise, mais qu'ils n'ont pas de compétence générale, ils ont l'obligation d'agir de façon pragmatique. Cela signifie rechercher les façons les plus pratiques d'accomplir efficacement leurs tâches dans les limites de leur compétence. Les systèmes de gestion des cas dans les tribunaux administratifs doivent être souples plutôt que formels et rigides. À cet égard, un processus de mise au rôle selon le principe du « premier arrivé, premier servi » qui dépend strictement du moment auquel une demande a été renvoyée à la Section de la protection des réfugiés (SPR) n'est pas souple.

  2. Stratégie décisionnelle

    Une stratégie décisionnelle se fonde sur le principe de la délibération institutionnelle en cernant les questions nouvelles ou non résolues qui se posent fréquemment dans la jurisprudence d'un tribunal et en traitant ces questions de manière systématique. Le principe sous­jacent à une telle stratégie a été approuvé pour les tribunaux administratifs par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Consolidated-Bathurst1. Cette décision a pour effet d'encourager les tribunaux à faire preuve de cohérence dans la prise de décisions en faisant en sorte que les décideurs discutent de certaines questions lors de séances plénières, tout en respectant l'indépendance décisionnelle du tribunal dont le cas fait l'objet des discussions.

  3. Absence de forme/accessibilité aux non-juristes et aux parties non représentées

    Pour être une solution de rechange aux cours de justice, les tribunaux doivent promouvoir un accès élargi à la justice. Cela signifie que les systèmes de gestion des cas, et en particulier la façon dont ces systèmes sont compris par le public et mis à sa disposition, doivent être simples et clairs.

  4. Reddition de comptes au Parlement

    Le degré de reddition de comptes aux pouvoirs législatifs permet de distinguer les tribunaux des cours de justice. L'incidence pratique d'une obligation de rendre des comptes est que le tribunal élabore un plan de gestion et fait rapport à l'autorité législative de son rendement à la lumière de ce plan. Cela requiert un système de gestion des cas qui permet au tribunal de respecter ses engagements en ce qui a trait à la qualité et à la quantité.

C.  Principes de gestion des cas spécifiques de la SPR

  1. Les demandes ne sont pas toutes identiques

    La SPR s'est rendu compte du fait que les demandes d'asile qu'elle reçoit ne sont pas toutes identiques. C'est pour cette raison que le processus de la voie rapide et le processus accéléré ont récemment été établis, en vertu duquel les demandes d'asile sont « triées » en diverses catégories auxquelles sont associés des niveaux de ressources correspondants aux fins de traitement.

  2. Les problèmes de charge de travail peuvent avoir une incidence sur les stratégies de gestion des cas

    La SPR a un type de charge de travail différent de celui de bien des tribunaux, en ce sens qu'elle reçoit de nombreux cas provenant de pays où les conditions et les problèmes sont similaires. Le volume des demandes d'asile et la similarité des questions déterminantes sont des critères légitimes pour l'établissement de certaines priorités de traitement. Cela est particulièrement vrai dans le cas des demandes d'asile d'un pays qui constitue le principal pays source de réfugiés, dans lequel les conditions sont relativement stables et pour lequel il y a une importante cohérence dans la prise de décisions. Il devient alors légitime de donner priorité au traitement des cas de ce pays afin d'assurer une utilisation efficace des ressources limitées.

  3. Instruments juridiques à l'appui du droit au traitement prioritaire des demandes d'asile
    • Le paragraphe Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) exige que « [c]hacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité ».
    • Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560 : « En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. »
    • « Directives  no 6 : Mise au rôle et changement de la date ou de l'heure d'une procédure à la Section de la protection des réfugiés », directives données par le président en application de l'alinéa 159(1)h) de la LIPR.

Notes

  1. Syndicat international des travailleurs du bois d'Amérique c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282.