Directives numéro 8 du président : Accessibilité des procédures devant la CISR – mesures d’adaptation d’ordre procédural et considérations de fond

​​​​​​​​​​​​Date d'entrée en vigueur : le 31 octobre​ 2023

(Titre abrégé : Directives sur l’accessibilité​)

Directives données par le président
en application de l'alinéa 159(1)h)
de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés


Table des matières​

1. Objet

1.1 Les présentes Directives ont pour objet d'améliorer l'accès à la justice à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) en fournissant des lignes directrices sur ce qui suit :

  1. l'octroi de mesures d'adaptation d'ordre procédural (ou « mesures d'adaptation »), notamment :
    • déterminer les cas où des mesures d'adaptation sont légalement nécessaires;
    • encourager la CISR à accorder des mesures d'adaptation lorsque cela aiderait une personne, même en l'absence d'obligation légale;
    • déterminer si des documents à l'appui sont nécessaires.
  2. les situations dans lesquelles le handicap, la vulnérabilitéNote de bas de page 1 ou les caractéristiques personnelles d'une personne peuvent être pertinents relativement à l'évaluation du bien-fondé de l'affaire.
  3. l'utilisation d'un langage approprié; le fait d'éviter les mythes et les stéréotypes; les principes du processus décisionnel tenant compte des traumatismes et de l'intersectionnalité; et la protection de renseignements confidentiels.

1.2 Les présentes Directives remplacent les Directives numéro 8 du président intitulées Procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR (modifiées le 15 décembre 2012). Plus particulièrement ces Directives :

  • éliminent le besoin de désigner et, par conséquent, de cataloguerNote de bas de page 2 une personne comme « personne vulnérableNote de bas de page 3 »;
  • éliminent l'obligation pour une personne d'établir que sa capacité de présenter son cas devant la CISR est « grandement diminuéeNote de bas de page 4 »;

1.3 Les présentes Directives aident les commissaires à s'acquitter de leur devoir de mener des audiences équitables et à rendre des décisions bien motivées. Elles ne modifient pas les exigences législatives ni les principes établis par la jurisprudence.

2. Champ d'application

2.1 Les présentes Directives sont applicables à toutes les sections de la CISR : la Section de la protection des réfugiés (SPR), la Section d'appel des réfugiés (SAR), la Section de l'immigration (SI) et la Section d'appel de l'immigration (SAI).

2.2 Les présentes Directives devraient être appliquées par les commissaires et les autres membres du personnel de la CISR qui participent au processus décisionnel ou au règlement anticipé des cas devant la CISR (« commissaires et personnel de soutien au processus décisionnel »).

2.3 Lorsque plus d'une des Directives du président s'applique, les présentes Directives devraient être appliquées parallèlement aux autres Directives du président, le cas échéant.

Partie I – Principes applicables à toutes les procédures

3. Utilisation d'un langage approprié

3.1 Il n'existe pas de terminologie normalisée qui rende compte de manière adéquate de la diversité des personnes susceptibles de bénéficier de l'application des présentes Directives. Les commissaires ne devraient pas supposer que les personnes comparaissant devant la CISR utiliseront les termes contenus dans les présentes Directives pour décrire leur situation personnelle. La culture et la vision du monde peuvent influer sur la façon dont les personnes interprètent des sujets personnels, et cela peut aussi teinter la façon dont elles décrivent leurs expériencesNote de bas de page 5.

3.2 Les commissaires devraient reprendre la terminologie utilisée par les personnes comparaissant devant eux, de façon à respecter le choix qu'elles ont fait en relatant leur propre expérience. Par exemple, une personne peut utiliser un langage axé sur la personne pour se décrire, tandis que d'autres privilégieront un langage axé sur l'identité. Un exemple de langage axé sur la personne serait « une personne vivant avec la schizophrénie ». Un exemple de langage axé sur l'identité serait « une personne sourde »Note de bas de page 6.

3.3 De même, il est possible que les personnes comparaissant devant la CISR décrivent les traumatismes qu'ils ont vécus de différentes manières. Par exemple, il est possible qu'une personne se qualifie de « victime » ou de « survivante », alors que d'autres n'utilisent ni l'un ni l'autre de ces termes.

4. Éviter les mythes, stéréotypes et hypothèses inexactes

4.1 Le fait de s'appuyer, directement ou indirectement, sur des mythes, des stéréotypes et des hypothèses inexactes concernant les vulnérabilités, les handicaps et/ou les caractéristiques personnelles peut avoir une influence défavorable sur le processus décisionnel.

4.2 Les commissaires devraient éviter que de tels mythes, stéréotypes et hypothèses inexactes teintent leurs questions aux témoins et leurs conclusions mixtes de fait et de droit, tout particulièrement les conclusions quant à la crédibilité. De même, tous les participants à une procédure de la CISR, devraient se garder d'appliquer des mythes, stéréotypes et hypothèses inexactes de ce genre quand ils posent des questions aux témoins et formulent des observations.

4.3 Voici des exemples de mythes, de stéréotypes et d'hypothèses inexactes concernant les vulnérabilités, les handicaps et les caractéristiques personnelles :

  1. une personne en situation de handicap est intrinsèquement vulnérableNote de bas de page 7;
  2. une personne en situation de handicap aura toujours besoin de mesures d'adaptation;
  3. les handicaps et les vulnérabilités sont toujours visibles ou apparentsNote de bas de page 8;
  4. le handicap physique a nécessairement une incidence sur les capacités intellectuellesNote de bas de page 9;
  5. les troubles de communication sont associés à un déficit cognitif;
  6. la vulnérabilité dans certaines situations signifie qu'une personne est vulnérable dans toutes les situationsNote de bas de page 10;
  7. une personne ayant une maladie mentale, une déficience intellectuelle ou un trouble lié à l'utilisation d'une substance demandera nécessairement l'accès à des soins ou à du soutien dans son pays d'origine ou au CanadaNote de bas de page 11;
  8. une personne ayant un handicap invisible l’aurait nécessairement révélé aux membres de sa famille ou à ses connaissancesNote de bas de page 12;
  9. le témoignage d’une personne ayant un problème de santé mentale est nécessairement non fiable​Note de bas de page 13 ou incohérent;
  10. les personnes réagissent toutes de la même façon aux événements traumatisantsNote de bas de page 14.

5. Processus décisionnel tenant compte des traumatismes

5.1 Définition de traumatisme

5.1.1 Le traumatisme est à la fois l'expérience et la réaction à un événement ou à une série d'événements négatifs, y compris la violence qui ébranlent fortement la personne qui les vitNote de bas de page 15. Le traumatisme est une expérience vécue par une personne comme un préjudice physique ou émotionnel ou qui menace son existence, et qui nuit de manière durable à son fonctionnement et à son bien-êtreNote de bas de page 16.

5.1.2 Le traumatisme peut compromettre totalement la capacité d'une personne à faire face à cette expérience ou à assimiler les idées et les émotions qui y sont associées. Un événement traumatisant peut provoquer chez une personne des sentiments intenses de peur, de terreur, d'impuissance, de détresse et de désespoir, qu'elle percevra souvent comme une menace à sa survieNote de bas de page 17.

5.2 Principes du processus décisionnel tenant compte des traumatismes

5.2.1 Lorsque les répercussions du traumatisme créent des obstacles à l'accès à la justice, la CISR est résolue à éliminer ces obstacles.

5.2.2 Les commissaires et le personnel de soutien au processus décisionnel devraient appliquer les principes du processus décisionnel tenant compte des traumatismes dans les cas où le traumatisme a une incidence sur la capacité d'une personne à participer pleinement aux procédures, ce qui comprend les situations dans lesquelles le traumatisme :

5.2.3 Toutes les personnes qui prennent part au processus décisionnel devraient appliquer les principes suivants :

  • veiller à ce que les procédures se déroulent avec sensibilité pour éviter que le processus décisionnel de la CISR ne traumatise de nouveau la personne concernée;
  • prévoir la possibilité que le traumatisme vécu puisse avoir une incidence sur la mémoire de la personne et avoir une incidence sur sa capacité à témoignerNote de bas de page 19;
  • créer un environnement décisionnel sécuritaire pour tous les participants qui facilite la présentation d'un témoignage.

5.2.4 Le processus décisionnel tenant compte des traumatismes est une approche tenant compte des traumatismes qui est spécifiquement adaptée aux processus décisionnels. Les principes du processus décisionnel tenant compte des traumatismes ne devraient pas être interprétés ou appliqués d'une manière qui porte atteinte à l'indépendance du commissaire ou de la Commission. Ces principes ne peuvent pas non plus porter atteinte à l'équité procédurale que la CISR doit également à toutes les parties à une procédureNote de bas de page 20.

5.3 Faciliter la participation à la procédure

5.3.1 Les commissaires devraient réagir aux indices verbaux et au langage corporel de la personne d'une manière qui favorise la confiance et crée un espace sûr facilitant la présentation d'un témoignage. Cet objectif peut être atteint en établissant un lien, en expliquant le contexte de l'interrogatoire et en étant à l'écoute au moment de planifier les pauses. Une approche calme et empreinte de sensibilité est propice à la communication et à l'établissement d'un lien de confiance et aide à se souvenir des détailsNote de bas de page 21.

5.3.2 Les commissaires devraient mener les audiences et poser leurs questions en tenant compte des traumatismesNote de bas de page 22. Dans la mesure du possible, ils devraient éviter que le processus d'audience provoque ou ravive un traumatisme chez les personnes qui comparaissent devant eux. Par exemple, ils devraient éviter, lors de l'audience ou dans leur décision, les questions ou les raisonnements suggérant qu'une personne est responsable de quelque façon que ce soit du traumatisme qu'elle a subiNote de bas de page 23.

5.3.3 Dans certains cas, il peut ne pas être nécessaire que la personne relate de vive voix un traumatisme qu'elle a subi lorsque la preuve documentaire déposée au dossier pour corroborer les allégations est suffisamment crédibleNote de bas de page 24. En revanche, lorsqu'il y a de sérieuses préoccupations quant à la crédibilité, il peut s'avérer nécessaire pour les commissaires de poser des questions sur des sujets difficiles pouvant être liés à des traumatismes; il est donc approprié pour les commissaires de le faire en suivant les principes du processus décisionnel tenant compte des traumatismes exposés dans les présentes Directives.

5.3.4 Les commissaires devraient éviter de demander à la personne de formuler des hypothèses sur des questions à propos desquelles elle ne connaît rien. Par exemple, une personne peut ne pas être au courant des motifs de l'agent du préjudice ou des méthodes qu'il utiliseNote de bas de page 25.

6. Intersectionnalité

6.1 L'intersectionnalité est un cadre permettant de comprendre l'interaction de multiples facteurs identitaires tels que le genre, le handicap, la race, la religion, l'identité autochtone, l'âge ou l'orientation sexuelle, lesquels peuvent donner lieu à des formes distinctes et amplifiées de discrimination, de maltraitance ou de marginalisation. L'application de cadres intersectionnels est devenue un important outil d'analyse dans un large éventail de contextes stratégiques et décisionnels, et elle est déjà utilisée à la CommissionNote de bas de page 26.

6.2 L'approche intersectionnelle tient compte du contexte historique, social et politique de l'expérience unique vécue par une personne et reconnaît que ce genre d'expérience s'établit à l'intersection de tous les facteurs pertinents.

6.3 Les commissaires devraient appliquer une approche intersectionnelle à toutes les procédures visées par les présentes Directives, en se fondant sur les éléments de preuve de chaque affaireNote de bas de page 27. Par conséquent, ils devraient examiner en quoi une personne pourrait être exposée à des formes distinctes et amplifiées de préjudice, de risque ou de vulnérabilité en fonction des facteurs identitaires qui lui sont propres et de son vécu. Par exemple, une approche intersectionnelle tiendrait compte de la manière dont une personne âgée et vivant avec un handicap qui appartient également à une minorité raciale ou ethnique peut avoir composé avec des formes distinctes de discrimination en raison de l’intersection de son âge, de son handicap et de sa race ou de son origine ethnique.​

6.4 Il n'existe pas de type unique de marginalisation ou de discrimination pour tous ceux qui partagent un facteur identitaire commun, bien que des modèles puissent émerger des expériences de personnes se trouvant dans une situation semblableNote de bas de page 28.

7. Protection des renseignements confidentiels

7.1 Dans toutes les procédures de la CISR, les commissaires doivent tenir compte du respect de la vie privée des personnes, ce qui pourrait comprendre les renseignements de nature délicate relatifs à la vulnérabilité, au handicap et aux caractéristiques personnelles de la personne.

7.2 Alors que les procédures devant la SPR et la SAR se tiennent à huis clos, celles devant la SI et la SAI sont généralement publiques. Cela signifie que, conformément au principe de la publicité des débats judiciaires, les renseignements de nature délicate, y compris les renseignements concernant le handicap et la vulnérabilité d'une personne, peuvent être accessibles au publicNote de bas de page 29. Par ailleurs, même si les procédures devant la SPR et la SAR se tiennent à huis clos, si une affaire fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, les renseignements contenus dans le dossier de la Cour fédérale relativement à cette affaire deviennent accessibles au public.

7.3 Par conséquent, à la demande des parties ou sur l'initiative du commissaire, il est possible d'envisager d'autres mesures de protection des renseignements de nature délicate relatifs à un handicap ou à une vulnérabilité. Les commissaires peuvent, conformément à l'article 166 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, chap. 27 (LIPR), ordonner que des renseignements de nature particulièrement délicate soient traités de manière confidentielle lorsque les exigences de cette disposition sont rempliesNote de bas de page 30.

7.4 Les commissaires devraient sélectionner ou élaborer la mesure de confidentialité de façon à ce qu'elle limite le moins possible le principe de la publicité des débats judiciaires pour les procédures publiquesNote de bas de page 31.

7.5 Dans tous les cas, qu'une mesure de confidentialité ait été mise en place ou non, lorsqu'ils rédigent des motifs de décision, les commissaires devraient, dans la mesure du possible, éviter les identificateurs personnels et les renseignements de nature délicate qui ne sont pas nécessaires pour expliquer leur raisonnementNote de bas de page 32.

Partie II – Principes applicables aux mesures d'adaptation d'ordre procédural

8. Principe directeur

8.1 Les commissaires sont encouragés à ​fournir des mesures d’adaptation et​ éliminer les obstacles à la participation aux procéduresNote de bas de page 33 auxquels font face des personnes en travaillant avec toutes les parties et tous les participants afin d’élaborer des solutions au cas par cas.​

9. Les personnes qui peuvent demander des mesures d'adaptation

9.1 Toute personne participant à une procédure devant la CISR peut présenter une demande de mesures d'adaptation.

9.2 Bien que la plupart des personnes n'aient pas besoin de demander des mesures d'adaptation d'ordre procédural pour s'assurer d'être traitées équitablement par la Commission, les processus habituels peuvent créer des obstacles qui entraînent un manquement à l'équité. Le respect de l'équité peut exiger de traiter des personnes différemment en fonction de leurs besoins individuels et de leurs circonstances.

9.3 La CISR doit accorder des mesures d'adaptation raisonnablesNote de bas de page 34 :

  • aux individus ​nécessitant de telles mesures d’adaptation en tenant compte de tout​ handicapNote de bas de page 35, d'une vulnérabilité ou de caractéristiques personnelles qui soient énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas de page 36 ou non. Ceci comprend, entre autres :
    • l'incapacité, y compris l'incapacité physique ou cognitive, les différences sensorielles, la maladie mentale ou les troubles liés à la consommation d'alcool ou d'autres substances;
    • la neurodiversité;
    • le faible niveau d'alphabétisation;
    • l'âge, comme dans le cas de mineurs et de personnes âgées; 
    • l'orientation et les caractères sexuels, l'identité et l'expression de genre
    • les traumatismes passés ou persistants, notamment les survivants de torture, de génocide et de crimes contre l'humanité ainsi que de violence fondée sur le sexe.
  • lorsque cela est nécessaire pour assurer l'équité procédurale.

9.4 Une personne peut avoir besoin de mesures d'adaptation en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, de handicaps ou de vulnérabilités, ou de leur effet combinéNote de bas de page 37.

9.5 Les commissaires et le personnel de soutien au processus décisionnel sont encouragés à prendre des mesures d'adaptation d'ordre procédural afin d'aider une personne, même dans les cas où il n'y a pas d'exigence légale de le faire, pourvu que les mesures n'aient pas d'incidence défavorableNote de bas de page 38 sur la CISR ou sur le droit à l'équité procédurale d'une autre partieNote de bas de page 39.

10. Mesures d'adaptation d'ordre procédural

10.1 Les mesures d'adaptation devraient être personnalisées autant qu'il est raisonnablement possible de le faire, en tenant compte de la nature et de l'étendue des besoins de la personne et en reconnaissant qu'il est possible que ces besoins changent au cours de la procédureNote de bas de page 40.

10.2 La CISR peut prendre des mesures d'adaptation tenant compte du handicap, de la vulnérabilité et/ou des caractéristiques personnelles d'une personne de diverses façons, y compris les suivantes :

  1. assurer une mise au rôle prioritaire, s'il y a lieu, par exemple lorsque l'incertitude et les retards risquent d'accroître l'anxiété d'une personne pour qui cela est particulièrement préjudiciable en raison d'un handicap, d'une vulnérabilité ou d'une caractéristique personnelle, ou lorsque la personne est en détentionNote de bas de page 41;
  2. permettre d'autres options de mise au rôle pour la tenue d'une audience, s'il y a lieu, par exemple, une journée complète, plusieurs demi-journées ou à un moment particulier de la journéeNote de bas de page 42;
  3. permettre à une personne de soutien (p. ex. membre de la famille, ami, travailleur social, conseiller) d'accompagner la personne lors de la procédure;
  4. tenir l'audience dans un environnement plus informelNote de bas de page 43;
  5. varier l'ordre des interrogatoires;
  6. proposer des pauses pendant l'audience (ce qui comprend d'informer la personne qu'elle peut en demander);
  7. exclure de l'audience les personnes qui ne sont pas parties à l'audienceNote de bas de page 44;
  8. affecter au dossier un commissaire et/ou un interprète d'un genre en particulier;
  9. utiliser des techniques visant à atténuer la détresse de la personne ou autoriser cette personne à témoigner d'une autre manière au moment de lui poser des questions de nature délicate;
  10. autoriser l'utilisation de la transcription en temps réel et/ou de fonctions de clavardage virtuel, par exemple, pour les personnes sourdes ou les personnes ayant une déficience auditive;
  11. permettre à la personne de bouger pendant l'audience si son état de santé le requiert;
  12. expliquer à la personne les processus de la CISR dans un langage simple;
  13. tenir une conférence préparatoire à l'audience pour discuter des éléments déclencheurs potentiels liés au traumatisme qui sont reconnus par le conseil ou la personne en cause et pour cerner d'autres moyens possibles de recueillir le témoignage;
  14. rendre la décision et les motifs de décision dès que possibleNote de bas de page 45, par exemple lorsque l'incertitude et les retards risquent d'accroître l'anxiété d'une personne pour qui cela est particulièrement préjudiciable en raison d'un handicap, d'une vulnérabilité ou d'une caractéristique personnelle, ou lorsque la personne est en détention;
  15. autoriser d'autres manières de communiquer la décision et les motifsNote de bas de page 46;
  16. permettre toute autre mesure d'adaptation d'ordre procédural qui peut être raisonnable dans les circonstances.

10.3 Représentants désignés

10.3.1 Le besoin de mesures d'adaptation se distingue du besoin d'un représentant désigné. Des mesures d'adaptation peuvent être accordées même si la nomination d'un représentant désigné n'est pas nécessaireNote de bas de page 47.

10.3.2 La nomination d'un représentant désigné n'exclut toutefois pas le besoin d'avoir des mesures d'adaptation. Il est attendu du représentant désigné qu'il détermine si la personne qu'il représente requiert des mesures d'adaptation, et si tel est le cas, qu'il présente une demande en ce sens le plus rapidement possible.

11. Identification à la première occasion

11.1 Bien que des mesures d'adaptation puissent être prises à tout moment pendant la procédure, elles devraient être accordées le plus tôt possible et, dans la mesure du possible, bien avant la comparution devant la Commission.

11.2 Le conseil et le représentant désigné sont les mieux placés pour attirer l'attention de la CISR sur la nécessité de prendre des mesures d'adaptation et ils sont censés le faire dès que possibleNote de bas de page 48. De la même façon, les personnes qui ne sont pas représentées peuvent, elles aussi, être les mieux placées pour faire cela et elles sont, elles aussi, encouragées à le faire.

11.3 Si le conseil du ministre a connaissance de faits indiquant qu'une personne pourrait bénéficier de mesures d'adaptation, il est également encouragé à en informer la CISR dès que possible.

11.4 Au cours de l'examen du dossier, la CISR peut prendre connaissance de renseignements qui indiquent qu'une personne pourrait rencontrer des obstacles à sa pleine participation à la procédure. Dans de telles situations, la CISR peut agir de sa propre initiative en accordant des mesures d'adaptation ou en communiquant avec la personne non représentée, le conseil de la personne ou le représentant désigné pour déterminer la nature et l'étendue des mesures d'adaptation nécessairesNote de bas de page 49.

11.5 De même, lors de l'examen d'une demande de mesures d'adaptation, si la CISR a besoin de renseignements supplémentaires, elle peut en faire la demande, ou organiser une conférence préparatoire à l'audienceNote de bas de page 50.

11.6 La décision d'accorder ou de refuser une demande de mesures d'adaptation relève de la responsabilité du commissaire ou du commissaire gestionnaire. Lorsqu'un autre commissaire ou commissaire gestionnaire accorde une mesure d'adaptation, le commissaire qui préside l'audience n'est pas lié par cette décisionNote de bas de page 51. Le commissaire présidant l'audience peut accorder des mesures d'adaptation supplémentaires, ainsi que modifier ou annuler des mesures d'adaptation précédemment accordées, s'il y a lieu, après que la personne bénéficiant des mesures d'adaptation eut été informée de la raison pour laquelle des modifications ou une annulation ont été proposées et qu'elle ait eu la possibilité d'y répondreNote de bas de page 52.

12. Demandes de mesures d'adaptation

12.1 La personne qui souhaite obtenir des mesures d'adaptation doit présenter une demande à la Commission conformément aux règles de la section viséeNote de bas de page 53.

12.2 L'observation rigoureuse des règles de la section visée peut constituer un obstacle pour certaines personnes, par exemple, des personnes qui ne sont pas représentées ou qui composent avec des obstacles ayant une incidence sur leur capacité à interpréter et à appliquer les présentes directives ou les règles de la section visée. Les commissaires sont invités à faire preuve de souplesse dans l'évaluation de la question de savoir si les exigences des règles ont été respectéesNote de bas de page 54 et ils devraient prendre en considération tout type de demande écrite​Note de bas de page 55 reçue avant une comparutionNote de bas de page 56.

12.3 Pour que la CISR accorde une mesure d'adaptation, la demande doit :

  • être présentée le plus tôt possible;
  • préciser la mesure d'adaptation requiseNote de bas de page 57;
  • être fournie à toutes les parties.

12.4 Afin de permettre à la CISR de répondre aux besoins spécifiques de la personne, la demande doit fournir autant de précisions que possible sur le type particulier de mesures d'adaptation nécessaires et les obstacles à la participation de la personne.

12.5 Les mesures d'adaptation prises pour des personnes comparaissant devant la CISR ne doivent pas avoir pour effet de priver une partieNote de bas de page 58 de la possibilité de présenter son cas et de participer pleinement à la procédure.

12.6 Le point de vue de toutes les parties sera demandé avant que des mesures d'adaptation, autres que celles qui sont mineures ou administratives, soient accordées.

12.7 Même si aucune demande antérieure n'a été présentée, les commissaires devraient examiner toute demande présentée de vive voix à l'audience, lorsqu'il est possible de le faire. De plus, ils peuvent, de leur propre chef, fournir des mesures d'adaptation lorsqu'il devient évident, au cours d'une audience, que celles-ci sont nécessaires pour permettre à la personne de participer pleinement.

13. Documents pour appuyer une demande de mesures d'adaptation

13.1 Les commissaires devraient évaluer au cas par cas s'ils ont besoin de documents à l'appui pour accorder une mesure d'adaptation d'ordre procédural. La nécessité de ce genre de documents doit être proportionnelle à la mesure d'adaptation demandée. Par exemple, un commissaire peut décider qu'aucun document à l'appui n'est nécessaire pour accorder plus de pauses pendant une audience, tandis qu'une demande visant la mise au rôle prioritaire d'une audience peut nécessiter la présentation de documents à l'appuiNote de bas de page 59.

13.2 La preuve d'expert n'est généralement pas requise à l'appui d'une demande de mesures d'adaptation d'ordre procédural, et, comme il est mentionné dans la section 14.5.1 ci-après, les commissaires devraient prendre en considération les obstacles auxquels les personnes peuvent faire face dans l'obtention d'une preuve d'expert. Toutefois, une preuve d'expert peut être utile pour la CISR dans l'application des présentes Directives si elle porte sur les mesures d'adaptation requises pour qu'une personne puisse participer pleinement à la procédure ou sur la capacité de cette personne à fournir un témoignage fiable ou à présenter des éléments de preuve d'une autre manièreNote de bas de page 60.

13.3 Si les commissaires ont besoin de documents pour évaluer une demande de mesures d'adaptation, ils devraient donner à la personne la possibilité de fournir les documents en question ou d'expliquer pourquoi ceux-ci ne seront pas fournis.

Partie III – Lignes directrices applicables à l'évaluation du bien-fondé d'une affaire

14. Documentation pertinente pour l'évaluation du bien-fondé d'une affaire

14.1 Bien qu'il soit possible que les documents à l'appui soient peu ou pas nécessaires pour demander une mesure d'adaptation, des documents à l'appui peuvent être requis pour l'évaluation du bien-fondé d'une affaire pour les personnes en situation de handicap et/ou vulnérabilité, notamment pour l'évaluation de la crédibilitéNote de bas de page 61.

14.2 Une décision accordant une mesure d'adaptation d'ordre procédural ne signifie pas que les documents fournis à l'appui de cette demande ont été jugés crédibles ou que les commissaires rendront une décision particulière dans l'évaluation du bien-fondé de la procédure.

14.3 Les documents à l'appuiNote de bas de page 62 pour l'évaluation du bien-fondé d'une affaire peuvent comprendre les suivants :

14.4 Si un commissaire estime que des documents à l'appui sont nécessaires pour évaluer le bien-fondé d'un cas lorsqu'il est question d'une personne en situation de handicap et/ou vulnérabilité et que les documents en question n'ont pas été fournis, le commissaire devrait donner à cette personne l'occasion d'expliquer pourquoi les documents n'ont pas été présentés.

14.5 Preuve d'expert

14.5.1 Bien que les rapports d'expertsNote de bas de page 65 puissent être utilesNote de bas de page 66, les commissaires devraient tenir compte du fait que de nombreuses personnes font face à des obstacles d'ordre financier, géographique, psychologique ou sociaux dans l'obtention d'un traitement et d'un rapport d'expert.

14.5.2 La preuve d'expert comprend les rapports produits par des professionnels du domaine médical, incluant des psychologues, et d'autres spécialistes, comme des travailleurs sociaux, qui se prononcent sur des questions relevant de leur domaine d'expertiseNote de bas de page 67.

14.5.3 En règle générale, les rapports d'experts préparés pour les besoins de procédures devant la Commission devraient contenir les renseignements suivants :

  • la qualification et l'expérience particulières du professionnel qui démontrent une expertise pertinente en lien avec le sujet sur lequel il émet un avisNote de bas de page 68;
  • le fondement factuel sur lequel s'appuie l'avis de l'expert;
  • s'il y a lieu, l'avis de l'expert concernant la capacité de la personne à participer pleinement aux procédures de la CISR, notamment concernant sa capacité à témoigner ou à présenter son cas autrement;
  • la méthode utilisée par l'expert pour évaluer la personne, notamment si une entrevue a été tenue, et, le cas échéant, le nombre d'entrevues qui ont été menées et leur durée, si des tests ont été administrés et, dans l'affirmative, la nature de ces tests et la signification de leurs résultats; et
  • s'il y a lieu, tout traitement suivi par la personne, et, dans l'affirmative, la nature du traitement et son efficacité.

14.5.4 Les commissaires ne devraient pas nécessairement minimiser le poids à accorder à un rapport d'expert s'il ne contient pas tous les renseignements recommandés dans les présentes Directives.

14.6 Évaluation de la preuve d'expert

14.6.1 Pour déterminer le poids à accorder à un rapport d'expert, les commissaires devraient examiner le contenu précis du rapport, et les motifs de leurs décisions devraient expliquer cette évaluationNote de bas de page 69.

14.6.2 Un rapport médical peut corroborer les allégations d'une personne concernant des événements passés par l'entremise d'une évaluation médicale indépendante, y compris des observations cliniquesNote de bas de page 70.

14.6.3 Le récit des événements qui a été fait à un expert ne confirme pas en soi la crédibilité des événementsNote de bas de page 71. Toutefois, les rapports médicaux ne devraient pas être écartés pour cette seule raison; ils devraient être évalués en tenant compte du but dans lequel ils ont été présentés.Note de bas de page 72

14.6.4 Les commissaires peuvent ne pas tenir compte des passages d'un rapport qui s'engagent dans un plaidoyer ou qui contiennent des opinions qui sortent du champ d'expertise de son auteurNote de bas de page 73.

15. Crédibilité

15.1 Lorsqu'ils évaluent la crédibilité, les commissaires devraient tenir compte des handicaps particuliers et/ou vulnérabilités de la personne, y compris de la preuve d'incidence potentielle sur sa capacité de témoignerNote de bas de page 74. Cependant, ce ne sont pas toutes les vulnérabilités et/ou tous les handicaps qui ont une incidence sur la capacité d'une personne de fournir des éléments de preuve crédibles et dignes de foiNote de bas de page 75.

15.2 Les conclusions quant à la crédibilité doivent être tirées au cas par casNote de bas de page 76. Les facteurs qui peuvent influer sur la capacité d'une personne à présenter son cas peuvent comprendre des traumatismes passésNote de bas de page 77, des problèmes médicaux ou psychologiquesNote de bas de page 78, des difficultés cognitivesNote de bas de page 79 et des limitations liées à l’âge​Note de bas de page 80.

15.3 La présence de l'un ou l'autre de ces facteurs n'empêche pas les commissaires de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilitéNote de bas de page 81. Les commissaires peuvent tirer une conclusion défavorable des incohérences, omissions ou invraisemblances importantes dans la preuve, à défaut d'explications raisonnablesNote de bas de page 82. Les commissaires devraient toutefois tenir compte des présentes Directives au moment d'évaluer la crédibilité de la personne, et non séparément une fois l'évaluation terminéeNote de bas de page 83.

15.4 Lorsqu'il y a des éléments de preuve selon lesquels la situation ou les circonstances particulières d'une personne peuvent avoir une incidence sur sa capacité de témoigner, les commissaires devraient éviter de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité sans tenir compte de la façon dont la preuve pourrait expliquer les incohérences, les omissions, les troubles de mémoire et d'autres lacunes dans le témoignage de la personneNote de bas de page 84.

15.5 Dans les cas où le témoignage d'une personne ne semble pas fiable en raison d'un handicap et/ou d'une vulnérabilité, les commissaires devraient évaluer si des éléments de preuve corroborants indépendants sont nécessaires pour établir s'il est possible de se fier au témoignageNote de bas de page 85.

15.6 Lorsque le témoignage d'une personne soulève une préoccupation en matière de crédibilité et qu'il existe des éléments de preuve démontrant que cette personne présente une vulnérabilité ou un handicap susceptible d'avoir une incidence sur sa crédibilité, les commissaires devraient :

  • expliquer la préoccupation à la personne;
  • donner à la personne l'occasion de répondre à la préoccupation;
  • tenir compte de la réponse de la personne et établir si l'un de ses handicaps et/ou vulnérabilités peut raisonnablement expliquer la préoccupation en matière de crédibilité;
  • évaluer l'ensemble des circonstances et la cohérence interne de la preuve; et
  • expliquer dans leurs motifs de décision si la réponse explique raisonnablement ou pas la préoccupation en matière de crédibilité.

15.7 L'évaluation du caractère raisonnable d'une explication est contextuelle et doit tenir compte de l'effet potentiel des circonstances personnelles de la personne sur sa mémoire. Par exemple, le traumatisme peut avoir une incidence sur la mémoire, ce qui peut entraîner des incohérences, des omissions et des imprécisions dans le témoignage de la personneNote de bas de page 86.

15.8 Des conclusions d'invraisemblance ne devraient être tirées que dans les cas les plus évidentsNote de bas de page 87. Une conclusion raisonnable d'invraisemblance doit tenir compte du contexte culturel, économique et politique de la personne et du pays en questionNote de bas de page 88. Les commissaires ne devraient pas s'appuyer sur des mythes, des stéréotypes et des hypothèses inexactes, que ce soit à l'avantage ou au détriment de la personneNote de bas de page 89.

15.9 Bien que les commissaires puissent tenir compte du comportement d'une personne lorsqu'ils évaluent la crédibilité de son témoignage, ils devraient le faire avec une grande prudenceNote de bas de page 90. Par exemple, il peut être particulièrement difficile d'interpréter le comportement de personnes issues de contextes culturels différents ou de personnes ayant subi des préjudicesNote de bas de page 91. Par conséquent, il faut étayer de manière claire et convaincante les conclusions en matière de crédibilité fondées sur le comportementNote de bas de page 92. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que le comportement à lui seul suffirait à miner la crédibilité du témoignage présenté à l'appui de l'affaire.

15.10 Les commissaires ne devraient pas s'attendre à ce qu'une personne comparaissant devant la CISR se comporte d'une certaine manière lorsqu'elle relate des expériences traumatisantes, et les conclusions quant à la crédibilité ne devraient pas être fondées sur l'absence ou la présence de tels comportementsNote de bas de page 93.

16. Procédures devant la Section de la protection des réfugiés et la Section d'appel des réfugiés

16.1 Sont présentés ci-après quelques points pertinents pour l'évaluation du bien-fondé des cas de réfugiés concernant des personnes ayant un handicap et/ou une vulnérabilitéNote de bas de page 94. Le terme « demandeur d'asile » est employé dans la présente section pour désigner la personne en cause dans les procédures à la SPR ou à la SAR.

16.2 Évaluation des motifs prévus dans la Convention et de la persécution

16.2.1 La définition d'un réfugié au sens de la Convention exige que la persécution soit liée à l'un des motifs prévus dans la Convention (p. ex. un lien). Pour établir s'il existe un lien, les commissaires doivent prendre en considération tous les motifs de protection pertinents, y compris ceux fondés sur les handicaps et/ou les vulnérabilités. Par exemple, les personnes ayant des troubles physiques ou mentaux peuvent remplir les conditions d'appartenance à un groupe social lorsqu'elles peuvent démontrer qu'elles appartiennent à un groupe défini par une caractéristique innée ou immuableNote de bas de page 95.

16.2.2 Le fait qu'une personne subisse un préjudice en raison de son handicap et/ou de sa vulnérabilité peut, dans certains cas, être assimilé à de la persécutionNote de bas de page 96. Les actes de harcèlement ou de discrimination qui, pris individuellement, ne constituent pas de la persécution peuvent, cumulativement, constituer de la persécution. L'effet cumulatif d'un traitement discriminatoire doit être évalué selon une approche intersectionnelleNote de bas de page 97.

16.2.3 Lorsque des personnes, y compris celles ayant un handicap et/ou une vulnérabilité, présentent la preuve d'un risque causé par l'incapacité de leur pays à fournir des soins médicaux ou de santé adéquats, elles ne seront pas considérées comme des personnes à protéger sur cette seule baseNote de bas de page 98. Toutefois, si une personne est en mesure de démontrer qu'elle se verrait refuser des soins de santé ou un traitement pour des raisons liées à l'un des motifs prévus dans la Convention, les commissaires devront examiner la demande d'asile au titre de l'article 96 de la LIPR. Par exemple, le refus, fondé sur la stigmatisation, de fournir des soins de santé ou un traitement médical à une personne séropositive peut être lié à l'un des motifs prévus dans la Convention et constituer de la persécutionNote de bas de page 99.

16.2.4 Même si certains aspects d'une demande d'asile soulèvent des préoccupations en matière de crédibilité, la demande d'asile pourrait être accueillie si le demandeur d'asile est exposé à un risque en raison de son profilNote de bas de page 100. Par exemple, une demande d'asile peut être accueillie si le demandeur d'asile est exposé à une possibilité sérieuse de persécution en raison d'un handicap et/ou d'une vulnérabilité, malgré le manque de crédibilité à l'égard des allégations fondées sur un autre motifNote de bas de page 101.

16.2.5 Dans certains cas, une personne peut ne pas avoir exprimé ou ne pas être en mesure d'exprimer une crainte subjective de persécution en raison de son handicap et/ou de sa vulnérabilité. Cependant, il peut y avoir des preuves d'un risque objectif prospectif dans son pays d'origine. Par conséquent, il peut être nécessaire d'accorder plus de poids aux éléments objectifs qu'aux éléments subjectifs de la demande d'asileNote de bas de page 102.

16.3 Protection de l'État

16.3.1 La réticence subjective du demandeur d'asile à demander la protection de l'État ne suffit pas à réfuter la présomption de protection de l'ÉtatNote de bas de page 103. Toutefois, les commissaires doivent tenir compte des circonstances personnelles de la personne sur sa capacité à accéder à la protection de l'État. Par exemple, des personnes ayant un handicap et/ou une vulnérabilité peuvent ne pas demander l'assistance ou la protection de l'État en raison d'expériences négatives passées avec les autorités publiques, de la honte intériorisée ou suscitée par la communauté, de la peur de ne pas être crues, ou des risques personnels associés au fait de demander de l'aideNote de bas de page 104.

16.3.2 Une approche contextuelle et intersectionnelleNote de bas de page 105 devrait être utilisée pour établir si la réticence d'un demandeur d'asile à solliciter la protection de l'État était raisonnableNote de bas de page 106. Le cas échéant, cette approche devrait tenir compte, entre autres, des facteurs suivants :

  • le profil du demandeur d'asile, y compris son genre, sa race, son âge, son niveau d'instruction, son réseau de soutien, son expérience des traumatismes, ses problèmes de santé mentale ou physique et tout autre facteur pertinentNote de bas de page 107;
  • le profil de l'agent du préjudice, y compris la situation financière et les liens politiques, professionnels ou criminels;
  • la nature de la relation entre la personne qui demande l'asile et l'agent du préjudice;
  • la question de savoir si la recherche de protection de l'État aurait mis la personne dans une situation plus dangereuse;
  • toute tentative antérieure d'obtenir la protection de l'État, y compris la réponse des autoritésNote de bas de page 108;
  • les conditions dans le pays, y compris les normes culturelles et sociétales qui stigmatisent certaines conditions, comme la séropositivitéNote de bas de page 109.

16.3.3 Les commissaires devraient évaluer le caractère adéquat de la protection de l'État en fonction de son efficacité sur le plan opérationnel, et non des efforts ou des intentions de l'État en ce sensNote de bas de page 110. Si les lois d'un pays peuvent officiellement protéger contre certains types de persécution, comme la discrimination fondée sur un handicap mental ou physique, les attitudes sociales et culturelles ou la stigmatisation peuvent faire obstacle à une telle protection dans la pratiqueNote de bas de page 111.

16.4 Possibilité de refuge intérieur

16.4.1 Lorsqu'ils évaluent le caractère raisonnable d'une possibilité de refuge intérieur (PRI), les commissaires doivent examiner les circonstances propres au demandeur d'asile, y compris tout handicap et/ou toute vulnérabilitéNote de bas de page 112.

16.4.2 La santé physique ou mentale d'un demandeur d'asile peut avoir une incidence sur le caractère raisonnable d'une PRI. Il incombe au demandeur d'asile d'établir qu'il ne serait pas en mesure d'accéder à un traitement médical adéquat à l'endroit proposé comme PRI, ce qui rendrait la PRI déraisonnableNote de bas de page 113.

16.4.3 Si un demandeur d'asile a un problème de santé nécessitant un traitement et une assistance sur une base régulière, il peut être déraisonnable d'attendre de lui qu'il déménage dans une région où ce traitement ou cette assistance ne sont pas offertsNote de bas de page 114.

16.4.4 Lorsqu'ils évaluent le caractère raisonnable de l'endroit proposé comme PRI, les commissaires ne devraient pas limiter l'analyse à l'accessibilité et l'abordabilité du traitement médical dans l'endroit proposé comme PRI. Les commissaires devraient tenir compte de l'incidence du retour sur la santé mentale ou physique du demandeur d'asileNote de bas de page 115.

16.4.5 La preuve d'ordre médicalNote de bas de page 116 peut être pertinente pour déterminer si une PRI est raisonnable et doit être prise en considération. Toutefois, les commissaires peuvent accorder un poids moindre à certaines parties de la preuve d'ordre médical lorsque les préoccupations suivantes sont soulevées :

  • le rapport donne un avis sur l'accessibilité des soins dans l'endroit proposé comme PRI, sauf si l'expert est qualifié pour donner un tel avisNote de bas de page 117;
  • le rapport ne traite pas de la mesure dans laquelle ou des raisons pour lesquelles le trouble de santé physique ou mentale s'aggraverait si le demandeur d'asile s'installait à l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 118;
  • le rapport s'engage dans un plaidoyer en donnant un avis sur le bien-fondé de la demande d'asile sous-jacente, y compris la viabilité de l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 119.

17. Procédures devant la Section de l'immigration

17.1 Contrôle des motifs de détention

17.1.1 Les handicaps et/ou les vulnérabilités devraient être pris en compte lors de l'évaluation de tous les facteurs énoncés à l'article 248 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiésNote de bas de page 120 (RIPR), notamment pour déterminer l‘aptitude et la capacité d'un individu à collaborer aux procédures de renvoiNote de bas de page 121 et/ou aux enquêtes sur l'identité.

17.1.2 L'existence de handicaps et/ou de vulnérabilités peut constituer un facteur distinct et pertinent, en plus des facteurs prévus à l'article 248, pour établir s'il y a lieu d'ordonner la mise en liberté ou le maintien en détention. Cependant, les commissaires doivent tout de même tenir compte de tous les facteurs énoncés à l'article 248 du RIPR au moment de décider s'ils maintiennent la détention ou ordonnent la mise en liberté.

17.1.3 Lorsque des handicaps et/ou des vulnérabilités sont identifiés, les commissaires ont une obligation accrue de se pencher sur des solutions de rechange à la détention et d'imposer des conditions réalisables adaptées à la situation de la personneNote de bas de page 122. Les commissaires devraient tenir compte de la manière dont certains handicaps et/ou certaines vulnérabilités, y compris ceux liés à la santé mentale, peuvent affecter la capacité de la personne à respecter les conditions de sa mise en liberté.

17.1.4 Les commissaires devraient également prendre en compte l'incidence des conditions de détention sur une personne en situation de handicap et/ou vulnérabilité, notamment la manière dont ces conditions peuvent être particulièrement difficiles à la lumière de leur situation personnelle ou qui peuvent exacerber leur situation personnelleNote de bas de page 123. Les facteurs à prendre en compte comprennent la disponibilité de traitements médicaux ainsi que l'accès à une évaluation et à un traitement psychiatriquesNote de bas de page 124.

17.1.5 Les contrôles anticipés des motifs de détention sont fortement encouragés afin de s’assurer que le dossier progresse rapidement et qu’un intéressé, qui est en situation de handicap et/ou vulnérabilité, ne soit pas indûment affecté.

17.2 Enquête

17.2.1 Lorsque la vulnérabilité de l'intéressé est liée à une capacité mentale diminuée, cette preuve peut être pertinente pour l'application de diverses dispositions relatives à l'interdiction de territoire, y compris, mais sans s'y limiter, la question de savoir si la personne était membre d'une organisation en vertu des articles 34 ou 37 de la LIPR, ou si elle était complice au sens de l'article 35 de la LIPR.

17.2.2 Le handicap et/ou la vulnérabilité d'une personne, tels que, mais sans s'y limiter, les troubles liés à l'utilisation d'une substance, sont pertinents pour l'évaluation des moyens de défense que sont la contrainte et la coercitionNote de bas de page 125. Il s'agit notamment de la capacité de la personne à évaluer de manière rationnelle les moyens possibles de se soustraire de la menace sans dangerNote de bas de page 126.

17.2.3 Les commissaires devraient prendre en considération le contexte social et culturel de l'intéressé au moment d'évaluer la crédibilité de la personne dans le contexte d'une présentation erronée. Par exemple, il est possible que la personne ne connaisse pas l'engagement politique de sa famille ou les antécédents de celle-ci en matière d'immigration, parce qu'elle n'a pas eu accès à ces renseignements en raison des obstacles auxquels elle est confrontéeNote de bas de page 127.

18. Procédures devant la Section d'appel de l'immigrationNote de bas de page 128

18.1 Appels en matière de parrainage

18.1.1 Lorsqu'ils évaluent l'authenticité d'une relation matrimoniale ou conjugale, les commissaires devraient tenir compte de tous les attributs personnels de la personne et ne devraient pas considérer le handicap et/ou la vulnérabilité d'une personne comme sa caractéristique déterminanteNote de bas de page 129.

18.2 Motifs d'ordre humanitaire

18.2.1 Au moment d' exercer leur pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures spéciales fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, les commissaires devraient se demander si le handicap et/ou la vulnérabilité d'une personne sont pertinents à cette évaluation. Par exemple :

  1. lorsqu'un appelant n'a pas respecté l'obligation de résidenceNote de bas de page 130, si le handicap particulier et/ou la vulnérabilité particulière de ce dernier a eu une incidence sur son départ du Canada, sa capacité à revenir au Canada ou sa décision de rester à l'étrangerNote de bas de page 131;
  2. pour les appels portant sur des conclusions de présentation erronée, la question est de savoir s'il est pertinent de prendre en compte le handicap particulier et/ou la vulnérabilité particulière de l'appelant pour établir son niveau de responsabilité, notamment s'il était au courant​ et/ou s'il a participé à la présentation erronéeNote de bas de page 132;
  3. dans l'évaluation des difficultés potentielles dans un autre pays, l'expérience de la personne en matière de discrimination, de stigmatisation et/ou de traumatisme,Note de bas de page 133 et/ou la violence envers des personnes vivant avec un handicap physique ou cognitif, des problèmes de santé mentale et/ou des troubles liés à l'utilisation d'une substanceNote de bas de page 134. L'accès aux traitements, aux soins et au soutien appropriés ainsi que la disponibilité de ceux-ci sont également des facteurs pertinents à prendre en compteNote de bas de page 135;
  4. dans l'évaluation de l'incidence du renvoi du Canada sur la santé mentale de la personne, déterminer si ses problèmes de santé risquent de s'aggraver si elle était renvoyée du Canada. Il s'agit d'un facteur pertinent qui devrait être retenu puis soupesé, peu importe si un traitement est accessible dans le pays de renvoi ou nonNote de bas de page 136;
  5. dans l'évaluation de l'établissement de l'appelant au Canada, si l'établissement limité de l'appelant au Canada est attribuable à des facteurs comme un handicap physique ou cognitif ou des problèmes de santé mentale. Les commissaires devraient tenir compte de la gravité des problèmes de santé de l'appelant, de l'ampleur des soins qu'ils requièrent et du degré de dépendance de l'appelant à l'égard de l'aide communautaire médicale et sociale qu'il reçoit au CanadaNote de bas de page 137.

18.3 Sursis dans les appels de mesures de renvoi

18.3.1 Les commissaires devraient imposer des conditions du sursis qui sont conçues pour favoriser la réussite d'un sursisNote de bas de page 138. Par exemple, les commissaires devraient se demander si des conditions relatives à l'abstinence des drogues et d'alcool sont réalistes dans les circonstances particulièresNote de bas de page 139.

18.3.2 Dans les cas concernant des problèmes de santé mentale sous-jacents‑ ou des troubles liés à l'utilisation d'une substance, les commissaires sont encouragés à considérer la participation à un traitement de réadaptation. La condition selon laquelle un appelant doit suivre un programme de traitement ne doit être imposée que si l'appelant est d'accord et si le commissaire est convaincu que cela facilitera le processus de réadaptationNote de bas de page 140.

18.3.3 Selon la situation personnelle de l'appelant, y compris la nature de ses handicaps et/ou de ses vulnérabilités, il peut avoir besoin d'aide pour respecter les conditions du sursis. Dans de tels cas, les commissaires ont la possibilité de s'appuyer sur la preuve que l'appelant dispose de l'appui nécessaire pour l'aider à se conformer aux conditionsNote de bas de page 141.

19. Demandes de renseignements

Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec : IRB.Policy‑Politiques.CISR@irb‑cisr.gc.ca

OU

Directrice principale, Direction des politiques, de la mobilisation et des affaires parlementaires
Direction générale des orientations stratégiques et des affaires ministérielles
Place Minto – Édifice Canada
344, rue Slater, 14e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0K1

Entrée en vigueur

Les présentes directives entrent en vigueur le 31 octo​bre 2023.

Approbation

Richard Wex​
Président
Date : 19 juillet 2023

​​