Cas no 19-023

​La plaignante a comparu en tant que conseil d’une demandeure d’asile devant un commissaire de la Section de la protection des réfugiés. Le commissaire en question n’est plus un employé de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).

À l’audience, une demandeure d’asile affirmait avoir été victime de violence familiale de la part de son ex-conjoint.

Selon la plainte, le commissaire a fait preuve d’un manque de compréhension concernant le phénomène de la violence familiale et le contexte socioculturel de la demandeure d’asile; les questions qu’il a posées et les commentaires qu’il a formulés étaient fondés sur des mythes et des stéréotypes. Selon la plainte, le commissaire a créé de la confusion ayant eu pour effet de déstabiliser la demandeure d’asile. Enfin, toujours selon la plainte, le commissaire a fait preuve d’un manque de respect à l’égard de la plaignante en l’accusant d’avoir dirigé la demandeure d’asile et de lui avoir fait dire des choses qu’elle n’avait pas dites.

Le Bureau de l’intégrité a transmis la plainte au président pour qu’il décide, en vertu du paragraphe 5.5 de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire ​(la Procédure), si les allégations étaient visées par le processus de traitement des plaintes. Le président a décidé que les allégations étaient visées par la Procédure et a renvoyé la plainte à une enquêteuse externe afin de permettre un règlement en temps opportun.

L’enquêteuse externe était une arbitre du travail, une médiatrice et une enquêteuse en milieu de travail. Elle a déjà été vice-présidente au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

Les deux parties ont eu la possibilité de parler de l’affaire avec l’enquêteuse par téléphone, de présenter des observations écrites ainsi que des documents supplémentaires et de déposer des répliques aux observations de l’autre partie. L’enquêteuse a écouté l’enregistrement audio de l’audience. Un rapport d’enquête provisoire a été rédigé, et les parties ont eu la possibilité de le commenter. Ni l’une ni l’autre des parties n’a commenté le rapport provisoire. L’enquêteuse a ensuite rédigé un rapport d’enquête final.

Dans le rapport, l’enquêteuse a conclu qu’il y avait eu manquement au Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada​ (le Code de déontologie). Elle a tiré les conclusions suivantes :

  • Le commissaire a reformulé certaines questions et, à quelques reprises, il semblait ne pas comprendre ou ne pas accepter certaines réponses. Alors que la confusion relative aux questions du commissaire et aux réponses de la demandeure d’asile fût regrettable, les commissaires ne sont pas tenus à un niveau de perfection. Rien ne démontre que le commissaire a délibérément créé des moments de confusion pour déstabiliser la demandeure d’asile.
  • Même si le commissaire a exprimé un certain scepticisme face à certaines réponses données par la demandeure d’asile au sujet de la situation des femmes divorcées dans son pays d’origine ainsi que de sa situation si elle devait retourner là-bas, le commissaire n’a pas manqué de respect ou de courtoisie envers elle. Une des fonctions du commissaire consiste à questionner une demandeure pour établir si elle remplit les critères d’asile. De plus, la manière dont un commissaire évalue la preuve, y compris sa considération des facteurs socioculturels, relève de ses pouvoirs décisionnels et dépasse le cadre du processus de traitement des plaintes.
  • Le commissaire a manqué de respect envers la plaignante en l’accusant, sans motif valable, d’avoir fait du « coaching » de sa cliente (la demandeure d’asile). Il existe une distinction entre la préparation d’une cliente (qui est attendue d’un représentant) et le « coaching » — qui signifie généralement le fait d’influencer le contenu d’un témoignage et qui s’agit d’une pratique inacceptable. Alors qu’un commissaire doit prendre des mesures raisonnables pour assurer l’intégrité des éléments de preuve, il ne doit pas lancer de telles accusations à la légère, et, en l’espèce, rien ne suggère que la plaignante se soit comportée de façon inappropriée.
  • Les directives du président sont un outil d’interprétation important pour aider à comprendre quelles normes de conduite sont appropriées dans une situation donnée. Par exemple, en interprétant les obligations selon le Code de déontologie, il est pertinent que les Directives numéro 4 appellent à la sensibilité aux circonstances des femmes victimes de violence sexuelle. Certaines des questions et certains des commentaires du commissaire reposaient — et semblaient perpétuer, voire même renforcer — des mythes et des stéréotypes concernant les femmes victimes de violence sexuelle. Ils démontraient une incompréhension fondamentale de la dynamique qui entoure la violence familiale et le syndrome de la femme battue. Certains commentaires laissaient entendre que la demandeure d’asile avait une part de responsabilité pour les actes de violence qu’elle a subis ou qu’elle était moins crédible parce qu’elle n’avait pas pris certaines mesures pour mettre fin à la relation de violence.

Le rapport d’enquête a été remis au président. Ce dernier était convaincu que l’enquête était approfondie et équitable. Le président a accepté les conclusions du rapport et a conclu qu’il y avait eu manquement au Code de déontologie.

Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte au moyen de lettres de décision de la part du président.

Comme le commissaire n’était plus un employé de la CISR, des mesures correctives ou disciplinaires n’étaient pas justifiées dans les circonstances.

La plainte était fondée, et le dossier est clos.