Colombie : information sur l’Armée de libération nationale (Ejército de Liberación Nacional – ELN), y compris ses activités ainsi que ses zones d’opération et d’influence; sa capacité de retrouver des personnes qui déménagent ailleurs au pays; les profils des personnes qu’elle voudrait retrouver et prendre pour cible; la réponse de l’État, y compris le processus de paix; la protection offerte par l’État aux cibles de l’ELN (2022-juillet 2024)
1. Aperçu
Des sources décrivent l’ELN comme [traduction] « le plus grand groupe rebelle restant » en Colombie (Al Jazeera 2023-06-09; AP 2023-12-26). Selon le Jane's Country Risk Daily Report, qui fournit du [traduction] « renseignement de défense de source ouverte » (Janes s.d.), l’ELN est encore active en 2023 et a tiré parti de la [traduction] « démobilisation » d’un autre groupe armé, les Forces armées révolutionnaires de la Colombie (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia – FARC), en élargissant son empreinte territoriale et en devenant « la principale menace parmi les GANE [groupes armés non étatiques] en Colombie » (2024-03-12). Pour des renseignements sur les FARC, en particulier les groupes dissidents des FARC, sur leurs activités, leurs zones d’opération et d’influence, ainsi que sur leur capacité de retrouver des personnes partout en Colombie, veuillez consulter la réponse à la demande d’information COL201939 publiée en juillet 2024.
Dans un rapport humanitaire sur la Colombie, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fait observer que [traduction] « [l]es affrontements entre le gouvernement et les groupes armés ont diminué en 2023, tandis que les différends entre les acteurs armés ne relevant pas de l’État se sont intensifiés », signalant un conflit entre le gouvernement et l’ELN, un conflit entre l’ELN et les Forces d’autodéfense gaitanistes de Colombie (Autodefensas Gaitanistas de Colombia – AGC) [aussi connues sous les noms de Clan du golfe (Clan del Golfo), Los Urabeños et Clan Úsuga], ainsi qu’un conflit entre l’ELN et un groupe dissident des FARC (2024-04-03).
La Silla Vacía, un site d’actualités en espagnol en Colombie (La Silla Vacía s.d.), citant des données [traduction] « confidentielles » obtenues du ministère de la Défense, signale que les effectifs de l’ELN ont augmenté, passant à 6 158 membres durant le premier semestre de 2023 (2024-03-13). Selon la même source, bien que l’ELN soit le groupe armé qui compte le plus grand nombre de membres en Colombie, les chiffres cités pour la première partie de 2023 ne représentent qu’une [traduction] « croissance modérée de 5,3 p. 100 » par rapport aux 5 851 membres comptabilisés en 2022 (La Silla Vacía 2024-03-13). D’après des renseignements publiés en octobre 2022 dans le Counter Terrorism Guide des États-Unis – un site Internet sur les [traduction] « menaces terroristes internationales » créé par le Centre national de lutte contre le terrorisme (National Counterterrorism Center – NCTC) de la Direction du renseignement national (Office of the Director of National Intelligence) des États-Unis – il y a « environ 2 500 combattants [de l’ELN] » (É.-U. 2022-10).
2. Zones d’opération et d’influence
Citant des données du ministère de la Défense et sans nommer de régions en particulier, l’article de La Silla Vacía signale que, durant le premier semestre de 2023, l’ELN menait des activités dans 19 départements et 184 municipalités à l’échelle du pays (2024-03-13). D’après une carte dressée par la Fondation pour la paix et la réconciliation (Fundación Paz & Reconciliación – Pares), une organisation qui mène des recherches pour appuyer la démocratie, la paix et les droits de la personne en Colombie (Pares s.d.), l’ELN est présente dans 231 municipalités en Colombie (Pares 2024-05-22). Cette carte, qui peut être consultée en ligne, montre le type de présence de l’ELN partout au pays, à savoir [traduction] « inactive », « nouvelle présence » et « présence continue » (Pares 2024-05-22). D’après cette carte, le groupe est présent dans de nombreuses municipalités : dans l’Ouest du pays, y compris dans les départements de Cauca et de Nariño; dans l’Est du pays, y compris dans les départements d’Arauca et de Vichada et dans certaines parties de La Guajira et de Cesar; du département de Chocó au département de Norte de Santander, y compris le Nord d’Antioquia et le Sud de Bolívar (Pares 2024-05-22).
Dans un rapport sur le conflit armé en Colombie, la Fondation Idées pour la paix (Fundación Ideas para la Paz – FIP), un groupe de réflexion [traduction] « indépendant » ayant pour but de contribuer « à la paix, à la sécurité et au développement durable » en Colombie (FIP s.d.), signale que l’ELN [traduction] « contrôle une grande partie du département [d’Arauca] » (2024-02-13, 3). Selon le rapport de la FIP, l’ELN est présente dans les régions suivantes :
- le Sud du Cauca,
- le Nord du Cauca,
- la région de Bajo Cauca à Antioquia, le Nord-Est d’Antioquia et le Sud du Bolívar,
- les sous-régions de Cordillera dans le département de Nariño et de Guambuyaco,
- le Sud et le Centre du Chocó, le Nord de Buenaventura (Bajo Calima),
- le Catatumbo,
- le Nord d’Antioquia et le Sud du Bolívar,
- la région du Pacifique de Nariño,
- les zones rurales du Sud de Buenaventura (2024-02-13).
Des sources signalent que l’ELN a pris de l’expansion au Venezuela [traduction] « ces dernières années » (InSight Crime 2024-06-18; Indepaz 2024-05-07). D’après InSight Crime, un groupe de réflexion et organe de presse qui étudie le crime organisé dans les Amériques (Insight Crime s.d.), l’ELN est [traduction] « devenue un groupe de guérilléros binational » (2024-06-18).
Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un professeur à l’Université d’Antioquia dont les recherches portent principalement sur [traduction] « les conflits armés, les négociations de paix et l’après-conflit », a déclaré que les groupes armés « ne sont pas répartis dans l’ensemble du pays », mais ont plutôt divers niveaux de présence dans différents territoires (professeur 2024-06-25). Le professeur a fait observer que l’ELN a une [traduction] « forte présence » dans les départements d’Arauca, de Chocó et de Cauca, dans le Sud du Bolívar et le Nord d’Antioquia, et une « présence moindre » dans le département de Norte de Santander et dans le Sud de Córdoba (2024-06-25).
D’après un article publié par l’Associated Press (AP), malgré l’accord de paix signé en 2016 entre le gouvernement de la Colombie et les FARC, la [traduction] « violence » continue d’avoir des répercussions sur les communautés des régions rurales du pays « où l’ELN mène ses activités, tout comme les groupes réfractaires des FARC et les gangs impliqués dans le trafic de stupéfiants » (2023-08-03). Selon La Silla Vacía, les données fournies par le ministère de la Défense montrent que la [traduction] « politique de paix totale ne s’est pas avérée efficace pour freiner l’expansion des groupes armés » (2024-03-13). Pour des renseignements sur la politique de paix totale, veuillez consulter la section 5 de la présente réponse.
Citant un [traduction] « rapport sur les interventions dans le cadre du cessez-le-feu », la fondation Pares signale que « l’ELN continue de mener des opérations dans les départements où elle a une présence historique », et ajoute que les conflits entre groupes armés « se produisent principalement dans des départements tels que ceux de Chocó, de Bolívar et d’Antioquia » (2024-02-21, 5).
3. Activités
Les renseignements contenus dans la section suivante sont tirés du Counter Terrorism Guide du NCTC des États-Unis et des Country Reports on Human Rights Practices for 2023 publiés par le Département d’État des États-Unis.
Les combattants de l’ELN sont équipés [traduction] « d’armes légères, de mitraillettes, de mines, et [d’engins explosifs improvisés (EEI)] » et le groupe se livre « à des agressions armées, à des assassinats, à des opérations d’extorsion et à des prises d’otages » (2022-10).
Les groupes armés comme l’ELN [traduction] « ont commis des exécutions extrajudiciaires » principalement dans les zones où la présence gouvernementale est faible et où les économies « illicites » se sont établies (2024-04-22, 16). De plus, l’ELN « a commis des crimes et des actes terroristes partout au pays, y compris des attentats à la bombe, des exactions contre la population civile et de violentes attaques contre des installations militaires et policières » (2024-04-22, 13). D’après le Bureau du procureur général de la Colombie (Fiscalía General de la Nación), il y a eu [traduction] « 45 affaires comptant 93 homicides de civils sans rapport avec le conflit, mais commis par des dissidents des FARC, l’ELN ou d’autres groupes armés illégaux » du 1er janvier au 31 juillet 2023 (2024-04-22, 16). Selon les données du Centre pour la recherche et l’éducation populaire/Programme pour la paix (Centro de Investigación y Educación Popular / Programa por la Paz – CINEP/PPP), [une organisation sans but lucratif colombienne de défense des droits de la personne dirigée par la Compañía de Jesús [l’Ordre des Jésuites] du pays (CINEP/PPP s.d.)], [traduction] « l’ELN et les organisations criminelles sont responsables de quatre cas documentés de violences physiques graves à l’endroit de sept victimes » de janvier à août 2023 (2024-04-22, 18).
3.1 Enlèvement et extorsion
Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un professeur adjoint au Département des études professionnelles en sécurité de l’Université de New Jersey City, dont les recherches portent sur le trafic de stupéfiants, le crime organisé et la sécurité en Amérique latine, notamment en Colombie, a déclaré que [traduction] « [l]es enlèvements, les rançons et l’extorsion sont des sources d’argent lucratives pour les groupes armés » (professeur adjoint 2024-06-18). Le Jane's Country Risk Daily Report précise que les enlèvements contre rançon [traduction] « sont une importante source de revenus » pour l’ELN depuis sa création (2023-11-06). D’après un article publié par l’AP en 2024, bien que l’ELN [traduction] « [soit] réticente à divulguer le nombre d’otages qu’elle détient actuellement », le ministère de la Défense estime que le groupe « détiendrait au moins 38 civils » (2024-02-06). Les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis citent aussi des données du ministère de la Défense de la Colombie selon lesquelles il y a eu 13 enlèvements [traduction] « attribués » à l’ELN du 1er janvier au 20 juin 2023 (2024-04-22, 17-18).
Des sources signalent qu’en octobre 2023, un détachement de l’ELN dans le Nord de la Colombie a enlevé les parents d’un joueur de l’équipe nationale de soccer, mettant en péril l’accord de cessez-le-feu (AP 2024-02-06; Jane's Country Risk Daily Report 2023-11-06). Les mêmes sources ajoutent que la mère du joueur a été libérée quelques heures plus tard (Jane's Country Risk Daily Report 2023-11-06) ou que la police a secouru la mère peu après, [traduction] « tandis que le père a été libéré 12 jours plus tard, à la suite de nombreuses manifestations et pétitions » (AP 2024-02-06).
Selon Infobae, un site Internet d’actualités en espagnol de l’Argentine (The Washington Post 2016-06-08), une sergente de police et ses deux enfants ont été enlevés par l’ELN le 3 juillet 2023 dans le département d’Arauca, puis libérés le 7 juillet 2023 (2023-07-07). D’après les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, le 29 juillet 2023, l’ELN a enlevé un chef de police à Genova, dans le Nariño; il a été libéré le 2 août 2023 [traduction] « dans le cadre des demandes formulées par le gouvernement national en vue de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu bilatéral avec l’ELN le 3 août » (É.-U. 2024-04-22, 18).
3.2 Économies illicites
Dans son rapport sur les événements survenus en 2023, Human Rights Watch fait remarquer que [traduction] « [d]e nombreux groupes armés », y compris l’ELN, « mènent leurs activités en Colombie grâce aux économies illicites », telles que « le trafic de drogues et l’extraction minière illégale » (2024-01-11, 161). D’après les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, les forces de sécurité colombiennes soulignent que l’ELN et d’autres groupes armés se livrent à [traduction] « l’extraction illégale d’or, de charbon, de coltan, de nickel, de cuivre et d’autres minéraux » et que de telles mines « [i]llégales », qui sont exploitées dans des conditions dangereuses, sont « particulièrement courantes dans les départements d’Antioquia, de Boyacá, de Chocó, de Cundinamarca et de Valle del Cauca » (2024-04-22, 49). Selon InSight Crime, l’ELN se livre à des activités [traduction] « d’extraction minière illégale » au Venezuela « avec la bénédiction des secteurs militaires et politiques » fidèles au président du Venezuela (2024-06-18).
Selon l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale (Global Initiative Against Transnational Organized Crime – GI-TOC), [traduction] « une organisation indépendante de la société civile, dont le siège est à Genève » (GI-TOC s.d.), les groupes criminels en Colombie [traduction] « se livrent à la déforestation, principalement au moyen de pratiques d’extorsion », et l’ELN de même que les groupes dissidents des FARC sont « les principaux acteurs de la déforestation » (2023, 4). Pour des renseignements sur les groupes dissidents des FARC, veuillez consulter la réponse à la demande d’information COL201939 publiée en juillet 2024.
4. Capacité de retrouver des personnes
D’après le professeur adjoint, bien qu’elle mène ses activités [traduction] « principalement » dans la jungle et les régions rurales de la Colombie, l’ELN n’est pas concentrée dans une seule zone et il n’y a pas de région en Colombie qui soit « hors de la portée » des groupes armés, y compris l’ELN (2024-06-18). Le professeur adjoint a ajouté que, pour les personnes prises pour cible par ce groupe, le fait de déménager dans de grandes villes urbaines comme Bogotá ou Medellín [traduction] « ne signifie pas nécessairement qu’elles sont hors de danger » (2024-06-18). La même source a fait observer que l’ELN utilise ses [traduction] « cellules et ses relations », de même que des renseignements recueillis auprès de responsables publics « corrompus », renseignements obtenus « en [leur] versant le bon prix », afin de retrouver ses cibles (professeur adjoint 2024-06-18). Le professeur a affirmé que la capacité d’un groupe armé de retrouver une personne ciblée varie selon la [traduction] « domination territoriale » exercée par ce groupe dans la région où se trouve la personne ciblée; dans de telles régions, le groupe armé a accès à des ressources telles que des armes, des entreprises et des « hommes » (2024-06-25). Toutefois, la même source a ajouté que les renseignements sont [traduction] « coûteux et difficiles » à recueillir dans les zones où les groupes armés ont un contrôle « partagé » avec d’autres groupes armés ou avec les autorités étatiques, ou dans celles où ils sont peu ou pas présents, comme dans les grandes villes urbaines telles que Bogotá, qui sont « étroitement surveillées par les autorités » (professeur 2024-06-28).
Le professeur a déclaré que le déménagement dans une grande région urbaine [traduction] « ne réduit pas entièrement le risque » couru par une personne ciblée si le groupe armé la considère comme une cible de « grande valeur », si elle représente un « risque élevé [pour l’ELN] » ou si elle est perçue comme ayant « tra[hi] » le groupe, si bien que le groupe aurait la volonté de la chercher dans des régions où il ne dispose pas d’une présence importante (2024-06-28). Selon la même source, les personnes qui déménagent d’une région rurale où [traduction] « l’ELN exerce une emprise » pour s’établir dans une grande ville pourraient être encore exposées à « certains risques » et ne pourraient pas vivre une vie « normale », car elles seraient tenues « de vivre prudemment et de prendre des précautions » au travail, à la maison et sur les réseaux sociaux (professeur 2024-06-28).
D’après l’indice de criminalité [1] publié par InSight Crime, l’ELN s’est vu attribuer une cote de 40 points sur un maximum possible de 40 pour sa [traduction] « portée territoriale » en 2023; InSight Crime souligne la « présence étendue [de l’ELN] au Venezuela », où elle mène des activités dans « 19 des 20 municipalités proches de la frontière colombienne », contrôlant « plus de points de passage [frontalier], de zones de production de drogues et de routes de contrebande que l’État vénézuélien » et recevant la « protection » du régime de Maduro au Venezuela (2024-01-03). La même source ajoute que l’ELN s’est vu attribuer une cote de 30 points sur 40 pour ce qui est de [traduction] « l’infiltration de l’État » (InSight Crime 2024-01-03).
4.1 Volonté de retrouver les personnes ciblées et profils de ces dernières
Selon le professeur adjoint, bien que l’ELN cible [traduction] « de multiples acteurs », il y a une tendance selon laquelle les personnes qui vivent dans les régions rurales « où les institutions sont plus faibles » « souffrent davantage », et les populations autochtones et afro-colombiennes « ont été dévastées par le conflit armé » (2024-06-18). La même source a fait remarquer que ces groupes ciblent ceux qui [traduction] « leur doivent de l’argent » ou ceux « [qu’]ils veulent extorquer », y compris les propriétaires terriens et les journalistes, puis a ajouté que les dirigeants syndicaux courent aussi un danger en Colombie (professeur adjoint 2024-06-18).
D’après les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, des groupes armés, y compris l’ELN, [traduction] « ont menacé et tué des responsables gouvernementaux »; de plus, l’ELN « a menacé de s’en prendre à des candidats politiques locaux qui ne [la] soutenaient pas » (2024-04-22, 26). Dans leur Counter Terrorism Guide, les États-Unis signalent également que l’ELN [traduction] « attaque principalement le gouvernement colombien, les forces militaires et les infrastructures essentielles », puis ajoutent que le groupe « cible aussi des civils » (2022-10). L’organisation Freedom House fait observer que [traduction] « les zones riches en ressources et les corridors de trafic de drogue », en particulier, « demeurent très dangereux », puis ajoute que les groupes armés, y compris l’ELN, « maltraitent régulièrement la population civile, notamment dans les zones de culture de la coca » (2024-02-29, sect. F3).
Selon le Jane's Country Risk Daily Report, une augmentation de [traduction] « l’activisme » de l’ELN et d’autres groupes armés « a entraîné un accroissement de la violence envers les communautés ethniques, ainsi que des déplacements forcés de population et des accaparements de terres » (2024-03-12). Dans un rapport de la mission de vérification des Nations Unies en Colombie, qui couvre la période allant du 27 décembre 2023 au 26 mars 2024, on peut lire que [version française des Nations Unies] « [l]es communautés rurales, en particulier les populations autochtones et afrocolombiennes, ainsi que les femmes et les enfants qui en font partie » souffrent « de manière disproportionnée de la violence qui perdure et du manque de développement dans de nombreuses régions de Colombie où la présence de l’État reste insuffisante » (Nations Unies 2024-03-27, paragr. 97). Pour des renseignements sur la situation des Afro-Colombiens, y compris le traitement qui leur est réservé par les groupes armés, veuillez consulter la réponse à la demande d’information COL201565 publiée en août 2023.
5. Réponse de l’État et processus de paix
D’après Freedom House, en décembre 2022, le gouvernement du président Gustavo Petro a repris les pourparlers de paix avec l’ELN pour la première fois depuis 2019 (2024-02-29, sect. F3). Selon des médias, le président Petro veut parvenir à une [traduction] « paix totale » en engageant des négociations avec l’ELN et d’autres groupes armés en Colombie (Al Jazeera 2023-06-09; Reuters 2023-06-09). Des sources signalent que le gouvernement de la Colombie et l’ELN ont convenu d’un cessez-le-feu de six mois qui est entré en vigueur le 3 août 2023 (Reuters 2023-06-09; Al Jazeera 2023-06-09; AP 2023-08-03). L’AP ajoute que le cessez-le-feu vise à [traduction] « suspendre les attaques » entre l’ELN et les autorités colombiennes dans l’ensemble du pays (2023-08-03).
L’organisation Freedom House fait observer que, malgré les cessez-le-feu et les accords de paix conclus par le gouvernement avec l’ELN et les groupes dissidents des FARC en 2023, [traduction] « on continue de recevoir des informations faisant état de violences » (2024-02-29, sect. F3). Selon l’AP, le cessez-le-feu [traduction] « a réduit les combats » entre le gouvernement et l’ELN; toutefois, des informations selon lesquelles l’ELN « recrute des adolescents » et finance ses activités par « l’extorsion et les enlèvements » durant le cessez-le-feu ont soulevé des questions sur la capacité de la trêve à « améliorer la sécurité des civils dans les régions rurales » (2024-02-06). Citant une analyste de la Colombie de l’International Crisis Group, l’AP écrit que, malgré une réduction des affrontements entre l’ELN et le gouvernement durant le cessez-le-feu, la violence en Colombie persiste parce que, depuis longtemps, cette violence découle [traduction] « "des combats entre les groupes illégaux et de la pression qu’ils exercent sur les civils" » (2024-02-06).
Des sources signalent que le gouvernement de la Colombie et l’ELN ont prolongé le cessez-le-feu de six mois additionnels à compter du 6 février 2024 et que l’ELN s’est engagée à suspendre les enlèvements de civils contre rançon (Nations Unies 2024-03-27, paragr. 8, 9; AP 2024-02-06). D’après le rapport de la mission de vérification des Nations Unies, cette prolongation fait en sorte qu’il s’agit du [version française des Nations Unies] « plus long cessez-le-feu » jamais conclu entre l’ELN et le gouvernement de la Colombie (2024-03-27, paragr. 8). Citant des observations faites par le commissaire pour la paix de la Colombie pendant une entrevue à la radio, l’AP écrit ce qui suit : bien que [traduction] « "[b]on nombre des accords de paix qui ont été signés dans ce pays aient eu peu de répercussions sur le terrain" », il demeure « "important d’œuvrer pour la paix territoriale" » (2024-02-06).
Pour des renseignements additionnels sur la politique de paix totale, veuillez consulter la réponse à la demande d’information COL201567 publiée en août 2023.
6. Protection offerte par l’État
Dans le rapport de la FIP, on peut lire ce qui suit :
[traduction]
Jusqu’à présent, les mesures mises en œuvre par le gouvernement sur les plans de la sécurité et du dialogue avec les groupes armés n’ont pas eu d’effets manifestement positifs sur les régions où se produisent les affrontements entre l’État-major central [Estado Mayor Central (EMC), un groupe dissident des FARC] et l’ELN dans l’Arauca et le Cauca, ou l’alliance entre l’EMC et l’ELN contre le Clan del Golfo dans le Bajo Cauca et le Sud du département de Bolívar. Elles n’ont pas eu d’effets non plus sur les disputes entre l’ELN et le Clan del Golfo dans le Sud du Chocó et le Nord de Buenaventura, ou entre les deux factions dissidentes des FARC dans le Nariño (2024-02-13, 4).
D’après le professeur adjoint, le gouvernement de la Colombie n’a pas été en mesure d’assurer une protection adéquate aux particuliers contre les groupes armés en raison de problèmes institutionnels et économiques, y compris la [traduction] « corruption » et les liens entre l’État et le crime organisé (2024-06-18). Le professeur adjoint a souligné que malgré l’adoption par l’État de mesures et de lois visant à protéger les particuliers, [traduction] « elles ne sont pas toujours efficaces » (2024-06-18). De même, la GI-TOC fait observer que, bien qu’il existe des lois visant à protéger les survivants des conflits armés,
[traduction]
la mise en œuvre de ces lois laisse souvent à désirer, entraînant des retards et des lacunes. Les carences du gouvernement pour ce qui est de mener des enquêtes, de traduire les criminels en justice et d’obtenir des déclarations de culpabilité mettent en lumière la nécessité d’adopter des stratégies améliorées pour lutter contre la criminalité. La protection des témoins est aussi une source d’inquiétude, en raison des menaces auxquelles sont exposés les bénéficiaires, particulièrement de la part des réseaux de crime organisé. Les communautés rurales et autochtones, de même que les militants, ne disposent pas d’une protection suffisante de la part du gouvernement, si bien qu’il leur est difficile d’obtenir justice par les voies officielles (GI-TOC 2023, 7).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Note
[1] L’Indice de criminalité d’InSight Crime s’appuie sur une méthode élaborée pour
[traduction]
cartographier les groupes criminels ayant une présence territoriale établie, les évaluer et analyser leurs caractéristiques […] en utilis[ant] de l’information recueillie au cours d’entretiens sur le terrain et dans des bases de données afin de mesurer les variables suivantes : la portée territoriale (40 points), les économies criminelles (40 points), l’infiltration de l’État (40 points), la capacité militaire (40 points), la structure (40 points), le leadership (20 points) et les alliances criminelles (10 points) (2024-01-03).
Références
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Instituto de Estudios para el Desarrollo y la Paz (Indepaz). 2024-05-07. Daniela Castillo. « Proceso de paz con el ELN: diálogos regionales como alternativa histórica ». [Date de consultation : 2024-06-12]
Janes. S.d. « About ». [Date de consultation : 2024-07-09]
Jane's Country Risk Daily Report. 2024-03-12. « Colombia - Country Overview ». (Janes) [Date de consultation : 2024-06-13]
Jane's Country Risk Daily Report. 2023-11-06. « Kidnapping of Footballer's Father Threatens to Derail ELN Peace Process in Colombia ». (Janes) [Date de consultation : 2024-07-03]
La Silla Vacía. 2024-03-13. Santiago Rodríguez Álvarez. « Cifras secretas del gobierno confirman que todos los grupos armados crecieron ». [Date de consultation : 2024-06-21]
La Silla Vacía. S.d. « ¿Qué es la Silla Vacía? ». [Date de consultation : 2024-06-21]
Nations Unies. 2024-03-27. Conseil de sécurité. United Nations Verification Mission in Colombia: Report of the Secretary General. (S/2024/267) [Date de consultation : 2024-06-13]
Professeur, Universidad de Antioquia, Colombie. 2024-06-25. Entretien avec la Direction des recherches.
Professeur adjoint, New Jersey City University. 2024-06-18. Entretien avec la Direction des recherches.
Reuters. 2024-06-09. Nelson Acosta. « Colombia, ELN Rebels Declare Ceasefire as Latest Cycle of Talks Ends ». [Date de consultation : 2024-06-13]
The Washington Post. 2016-06-08. « Infobae Now Powered by The Washington Post's Arc Technology ». [Date de consultation : 2024-07-09]
Autres sources consultées
Sources orales : Centro de Recursos para el Análisis de Conflictos; Comité international de la Croix-Rouge; Fundación Paz y Reconciliación; Global Initiative Against Transnational Organized Crime; Instituto de Estudios para el Desarrollo y la Paz; International Crisis Group; professeur adjoint dans une université colombienne dont les recherches portent principalement sur la violence urbaine et la réponse de l’État à la criminalité et à la violence en Amérique latine, y compris en Colombie.
Sites Internet, y compris : Amnesty International; Armed Conflict Location and Event Data; Austrian Red Cross – ecoi.net; BBC; Bertelsmann Stiftung; Colombia Reports; Colombie – Defensoria del Pueblo, Jurisdicción Especial para la Paz, Ministerio de Defensa Nacional, Ministerio de Tecnologías de la Información y las Comunicaciones; Conflict and Environment Observatory; Runrun.es; Small Wars Journals; Union européenne – European Union Agency for Asylum; United States Institute of Peace; Universidad del Rosario – Observatorio Colombiano de Crimen Organizado; Washington Office on Latin America.