Réponses aux demandes d'information

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28 avril 2023

COD201154.F

République démocratique du Congo : information sur la situation des personnes d’origine banyamulenge [banyamurenge], ou perçues comme telles, et le traitement qui leur est réservé par la société et par les autorités, en particulier à Kinshasa, y compris dans le contexte des tensions avec le Rwanda; information sur les caractéristiques physiques, traits et comportements communément attribués aux Banyamulenge; protection offerte par l’État (2021-avril 2023)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches en 2015, un professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Floride, qui a étudié les conflits ethniques en Afrique centrale, y compris en République démocratique du Congo (RDC), a affirmé que quoique la communauté banyamulenge, au sens restreint, se trouve au Sud-Kivu, le terme « Banyamulenge » est aussi utilisé au sens large pour désigner les Tutsis ou les autres personnes d’origine rwandaise en RDC (professeur 2015-08-12). Dans un rapport sur les Banyamulenge et leur situation par rapport aux conflits qui touchent l’Est de la RDC, publié par l’Institut de la Vallée du Rift (Rift Valley Institute - RVI) [1] en 2013, on peut lire que le terme « "Banyamulenge" » peut être utilisé « pour désigner sans discernement et souvent de manière péjorative tous les Tutsi[s] de l’[E]st de la RDC » (RVI 2013, 13).

Un article de Delphin R. Ntanyoma, qui possède un doctorat de l’Université Érasme de Rotterdam et qui a mené des recherches sur la violence dans le Sud-Kivu et la situation des militaires banyamulenge (The Conversation s.d.a), publié par The Conversation, un média en ligne [traduction] « à but non lucratif, indépendant » publiant des articles écrits par des universitaires pour le grand public (The Conversation s.d.b), explique que les Banyamulenge se sont établis sur les territoires actuels de Fizi, Mwenga et Uvira dans la région du Sud-Kivu entre le 16e et le 18e siècle en provenance des territoires qui forment actuellement le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda (Ntanyoma 2023-03-13). Selon la même source, ils ont été pris pour des étrangers du fait qu’ils [traduction] « sont en général des éleveurs de bétail » dans la région des Grands Lacs où, après la colonisation, les éleveurs sont généralement considérés comme des « immigrants, étrangers et des envahisseurs » tandis que les agriculteurs sont perçus comme sédentaires et donc « autochtones » (Ntanyoma 2023-03-13).

Selon un article publié par Congo Indépendant, un journal en ligne créé par un groupe de journalistes congolais établis en Belgique (Congo Indépendant 2005-10-30), et écrit par Gaston Nganguzi Rwasamanzi, un « [c]onsultant en gouvernance publique et privée » et « [e]xpert de la région des Grands Lacs », la situation des Banyamulenge relève de causes datant de la période postcoloniale où c’est « la communauté tutsi congolaise qui s’est retrouvée à être la seule ethnie, lors de l’indépendance en 1960, sans chefferie traditionnelle propre dans un pays de tribus comme le Congo au sein duquel l’unique marque de l’authenticité nationale repose sur l’appartenance à une chefferie traditionnelle (ethnique) » (Rwasamanzi 2020-09-02). La même source explique aussi qu’il y a d’autres causes plus récentes de la situation actuelle en RDC des Tutsi congolais y compris les Banyamulenge [2], dont la guerre civile rwandaise de 1990-1994 et le génocide ainsi que les guerres rwando-congolaises en 1996-1997 et 1998-2002 (Rwasamanzi 2020-09-02).

2. Traitement réservé aux Banyamulenge par la société et les autorités congolaises

Des sources signalent la possibilité d’un génocide contre les Banyamulenge (Saidi, et al. 2023-02-06; Genocide Watch 2021-09-03). L’organisation Genocide Watch, [traduction] « qui existe pour prédire, prévenir, arrêter et punir le génocide et les autres formes de tueries » (Genocide Watch s.d.), alerte sur les possibilités d’un génocide contre les Banyamulenge en expliquant que ceux-ci sont [traduction] « persécutés » depuis la période coloniale, qu’ils sont la cible d’attaques de la part des Maï-Maï depuis 2017 et que [traduction] « la violence a empiré en mars et avril 2021 » (Genocide Watch 2021-09-03). Selon Genocide Watch, les étapes 9 (extermination) et 10 (déni) parmi les 10 étapes de son schéma du processus génocidaire seraient en cours en RDC (Genocide Watch 2021-09-03). Ces 10 étapes ne sont pas linéaires et peuvent se dérouler en même temps; l’étape 9 est décrite comme celle [traduction] « que les avocats nomment génocide, soit la destruction intentionnelle, complète ou partielle, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux », et l’étape 10 consiste en la « tentative de détruire les victimes sur les plans psychologique et culturel, de les priver du souvenir même des meurtres de leurs proches » (Genocide Watch 2023).

L’information contenue dans le paragraphe suivant est tirée d’un rapport publié le 10 juin 2021 par le Groupe d’experts sur la RDC créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le rapport signale que les attaques contre des Banyamulenge « s’intensifiaient » en 2019 et que certains groupes Maï-Maï ont mené ces attaques « conjointement ou séparément » et avec la participation de plusieurs membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), « souvent pendant des vols de bétail, qui constituaient pour les groupes Maï-Maï une ressource financière clef ». Ces attaques de 2019 consistaient « systématiquement à incendier des habitations, des centres de santé et des écoles, à contraindre les populations à se déplacer, à pi[l]ler, y compris des vaches, principalement à des civils banyamulenge ». Le Groupe d’experts signale sans plus de détails que des personnes ont été tuées lors de ces attaques, notamment des chefs locaux et des éleveurs banyamulenge. En janvier 2020, aux alentours de Kivumu, des combattants Maï-Maï ont enlevé et retenu durant deux jours une femme de la communauté banyamulenge. En avril 2020, dans la même région, des combattants Maï-Maï ont tué deux femmes banyamulenge et ont mutilé leurs corps; ils en ont aussi kidnappé une troisième avant de la relâcher après quelques jours en lui disant de quitter la RDC. Le même rapport souligne également que des sources interrogées, y compris les représentants de six ONG, d’une autorité locale, des FARDC et des Nations Unies, « ont décrit ou manifesté un fort sentiment anti-banyamulenge parmi bon nombre de membres des populations babembe, bafuliiru, banyindu et bavira, dont des chefs communautaires et des dirigeants politiques », considérant ainsi les Banyamulenge « comme des Rwandais plutôt que comme des Congolais » et généralisant la responsabilité quant aux actions commises par des groupes armés banyamulenge en l’attribuant à toute la communauté banyamulenge (Nations Unies 2021-06-10, paragr. 133, 140, 144, 146, références omises).

L’information contenue dans le paragraphe suivant est tirée d’une note analytique publiée en août 2020 par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en RDC documentant la situation dans les hauts plateaux du Sud-Kivu de février 2019 à juin 2020.

Le BCNUDH signale avoir documenté 171 atteintes et violations des droits de la personne et du droit international humanitaire survenues dans les zones de Mikenge, Minembwe et Itombwe, où 38 p. 100 des victimes proviennent de la communauté banyamulenge. La même source signale que pendant la même période, « des milliers de têtes de bétail » appartenant à cette communauté ont été « tuées, mutilées ou volées » et que 32 (sur 95) villages de la même communauté ont été incendiés par divers groupes armés dans le cadre de « représailles et contre-représailles sur les membres des communautés impliquées ». La même source affirme aussi avoir documenté 92 atteintes aux droits de la personne attribuables notamment aux combattants Maï-Maï, dont

  • 32 cas d’atteintes au droit à la vie où 41 des 44 victimes « d’exécutions sommaires » étaient Banyamulenge,
  • 18 cas d’atteintes au droit à l’intégrité physique où 18 des 26 victimes de violences sexuelles étaient d’origine banyamulenge,
  • et enfin, 5 cas d’enlèvements où 13 des 14 victimes provenaient de la communauté banyamulenge.

Parmi les atteintes aux droits de la personne attribuables aux FARDC, la même source rapporte 25 violations des droits de la personne dont 10 atteintes au droit à la vie où 7 sur 15 victimes d’exécutions extrajudiciaires étaient Banyamulenge, 8 cas d’atteintes au droit à l’intégrité physique où 3 des 5 femmes victimes de violences sexuelles étaient d’origine banyamulenge, et enfin, 5 violations du droit à la liberté et la sécurité de la personne avec 11 victimes dont 5 étaient Banyamulenge (Nations Unies 2020-08, paragr. 5-7, 10-13).

Dans un autre rapport sur le discours de haine et l’incitation à l’hostilité publié en mars 2021, la même source signale aussi avoir documenté 30 cas de discours de haine ainsi que des messages incitant à l’hostilité entre mai et décembre 2020 et que 80 p. 100 de ces messages étaient liés à l’identité ethnique, avec 31 p. 100 de ceux-ci visant les personnes Banyamulenge et 37 p. 100 visant les personnes Luba (Nations Unies 2021-03, paragr. 46, 57-58). Au Sud-Kivu en particulier, le BCNUDH a documenté des messages provenant des personnalités influentes de la sphère politique ou de la société civile et relate le cas d’un message daté du 20 janvier 2020 qui « incitait "le peuple congolais de se munir de machettes et de lances pour chasser les étrangers Banyamulenge pour qu’ils retournent chez eux au Rwanda" » (Nations Unies 2021-03, paragr. 57-58).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un avocat et président de l’Agence pour la gouvernance participative et droits humains (AGOPA-DH), une organisation qui promeut les droits de la personne à travers la participation citoyenne en RDC, a par ailleurs affirmé que les Banyamulenge « bénéficient et exercent leurs droits comme tout autre citoyen », mais que certains Congolais qui ont du mal à différencier un Munyamulenge [le singulier de Banyamulenge] d’un Tutsi rwandais « se sentent mal à l’aise » lorsque l’on parle des Rwandais (AGOPA-DH 2023-03-15).

L’information contenue dans le paragraphe suivant a été fournie dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le chargé de programme en RDC au sein de la Ligue des droits de l’homme dans la région des Grands Lacs (LDGL), une ONG dont le siège se trouve à Kigali, Rwanda, et qui œuvre dans le domaine de la promotion et la protection des droits de la personne au Burundi, au Rwanda et en RDC (Irenees.net 2014-03).

S’exprimant en son propre nom, il a affirmé que la situation des Banyamulenge et le traitement qui leur est réservé dépendent des circonstances qui changent « d’une période à une autre » en RDC, mais que, « en général », ce groupe ethnique ne rencontre « pas de problèmes parce qu’ils sont présents dans la vie sociale, politique, [et] économique du pays et ils y évoluent bien comme tous les autres Congolais ». Selon la même source, les Banyamulenge sont présents dans les services publics de sécurité (l’armée et la police nationale) et comptent des membres qui sont ministres au gouvernement et députés au parlement, sans que cela présente « aucun souci pour les autres communautés ». Néanmoins, la même source a souligné le fait que bien que les Banyamulenge n’aient pas de problèmes dans diverses villes congolaises, ils sont « point[és] du doigt » et accusés de « collaborer avec les ennemis de la paix qui causent la désolation dans certaines parties du pays » lorsqu’ils s’impliquent activement dans « des troubles sécuritaires avec les différentes rébellions » à l’instar du M23 [3], Twirwaneho et Androïd [4]. D’après la même source, « [d]ans des zones comme Uvira [et] Fizi, le problème est permanent, car leurs conflits sont au-delà de la simple rébellion et vont jusqu’à la conquête des entités administratives et le pouvoir tant administratif que coutumier; ce qui est jugé inacceptable par les communautés d’accueil de ces zones ». La même source a également expliqué que bien qu’ils « se sentent souvent mal appréciés, non tolérés, non acceptés » dépendamment du contexte et en fonction des périodes, les Banyamulenge n’éprouvent aucune difficulté d’acceptation de la part d’autres communautés congolaises « [l]à où ils ne participent [pas] dans les conflits » (chargé de programme 2023-03-16). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

2.1 Situation à Kinshasa

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur le traitement réservé aux Banyamulenge par la société et les autorités congolaises à Kinshasa.

Des sources ont affirmé ne pas avoir connaissance d’un traitement particulier qui serait réservé aux Banyamulenge à Kinshasa (AGOPA-DH 2023-03-15) ou « écho d’un [Mu]nyamulenge qui serait pris à partie à Kinshasa » (RENADHOC 2023-03-13). Cependant, le président d’AGOPA-DH a signalé l’existence de « deux [cas] isolés d’agression contre deux personnes dites rwandaises » (AGOPA-DH 2023-03-15). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le secrétaire exécutif national du Réseau national des ONGs des droits de l’homme de la République démocratique du Congo (RENADHOC), une organisation constituée de plus 750 ONG et opérant sur tout le territoire de la RDC à travers ses 11 réseaux provinciaux d’ONG (RENADHOC 2023-03-26), a également affirmé qu’il est possible qu’il y ait « des cas isolés » de mauvais traitements à l’égard des Banyamulenge, bien que son organisation « n’a[it] pas encore été saisie de pareils cas » (RENADHOC 2023-03-13). Ces sources signalent aussi qu’à Kinshasa, la sécurité des Banyamulenge est influencée par la présence du M23 mais que les « appels des autorités » congolaises contre la violence ont apaisé les tensions (AGOPA-DH 2023-03-15; RENADHOC 2023-03-13). Le secrétaire exécutif du RENADHOC a ajouté que les Banyamulenge vivent avec la crainte des représailles et ne se sentent plus « en sécurité, à cause de la stigmatisation du fait qu’ils sont assimilés aux Rwandais, donc aux agresseurs de la RDC par les autres communautés » (RENADHOC 2023-03-13).

Selon le chargé de programme de la LDGL, les Banyamulenge qui sont établis à Kinshasa « sont tous dans des fonctions politiques, administratives et armée et police. Ils y arrivent par des vagues de promotion politique, administrative et les hautes fonctions militaires et policières » (chargé de programme 2023-03-16). La même source a affirmé par la suite que lorsqu’ils ne sont plus parrainés politiquement pour garder leurs postes dans la fonction publique, ces Banyamulenge « choisissent le chemin de l’exil, pour la plupart » (chargé de programme 2023-03-16). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

3. Contexte des tensions depuis la fin de 2021 avec le Rwanda et leur incidence sur les Banyamulenge

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur le contexte des tensions depuis la fin de 2021 avec le Rwanda et leur incidence sur les Banyamulenge.

Le chargé de programme en RDC au sein de la LDGL a affirmé que lorsque les tensions ont commencé, « il n’y avait aucun impact visible » sur les Banyamulenge, mais au fur et à mesure que la crise a pris de l’ampleur, « certains ont commencé à être indexés » et pointés du doigt (chargé de programme 2023-03-16). D’après la même source, les rebelles « justifient leur lutte par la discrimination dont les Banyamulenge et d’autres communautés tutsi sont victimes; dont l’exclusion, le rejet » (chargé de programme 2023-03-16). Cependant, la même source a aussi affirmé que « certains hauts responsables de la communauté banyamulenge » se sont exprimés « pour rejeter les propos des rebelles » afin de ne pas être assimilés à la rébellion que les autres Congolais condamnent (chargé de programme 2023-03-16). La même source a aussi souligné qu’à la suite de ces tensions, les Banyamulenge font « à certains moments » l’objet « des attaques physiques, et destruction de leurs patrimoines ou biens », à l’instar de ce qui s’est produit « dans la ville de Goma avec les avancées des rebelles M23 et leurs déclarations qui mettaient en danger les autres Tutsi congolais et non seulement les Banyamulenge » (chargé de programme 2023-03-16). Des médias signalent que le 6 février 2023 à Goma, lors d’une journée de manifestation contre l’inaction de la force est-africaine contre le M23 qui gagne du terrain, il y a eu du pillage, notamment dans des églises fréquentées par des Banyamulenge (France 24 2023-02-08) ou des « "rwandophones" » (Africanews & AFP 2023-02-07).

4. Caractéristiques physiques, traits et comportements attribués aux Banyamulenge

Des sources ont donné comme l’une des principales caractéristiques physiques associées au Banyamulenge le nez « pointu » (AGOPA-DH 2023-03-15; RENADHOC 2023-03-15; chargé de programme 2023-03-16) ou « allongé » (RENADHOC 2023-03-15). Selon le chargé de programme en RDC auprès de la LDGL, les Banyamulenge sont « élancés » et ont des « traits physiques saillants » (chargé de programme 2023-03-16). Des sources ont également signalé que les Banyamulenge font partie des Tutsis (RENADHOC 2023-03-15; chargé de programme 2023-03-16) et sont ainsi « facilement identifiables à partir de leur physique » ou « par leur faciès » (RENADHOC 2023-03-15).

Pour ce qui concerne les comportements attribués aux Banyamulenge, ceux énumérés dans le paragraphe suivant sont communément perçus comme étant liés au groupe banyamulenge, selon le chargé de programme en RDC auprès de la LDGL.

Les Banyamulenge ne s’intègrent pas au sein des autres communautés congolaises, dans la mesure où ils possèdent leurs [propres] églises et leurs mariages sont monoculturels. Ils « résident dans des quartiers frontaliers du Rwanda ou proches et d’autres vivent uniquement au Rwanda ». Ils s’engagent pour la plupart dans les forces militaires et policières mais ils travaillent aussi « dans le petit commerce transfrontalier ». Les enfants des Banyamulenge résident pour la plupart en dehors de la RDC, « alors que les parents y restent et y travaillent » (chargé de programme 2023-03-16).

5. Possibilité d’accéder à un logement, à un revenu, à l’éducation et à des soins de santé

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur la possibilité d’accéder à un logement, à un revenu, à l’éducation et à des soins de santé pour les Banyamulenge en RDC.

Selon le chargé de programme de la LDGL en RDC, les Banyamulenge sont présents « dans toutes les provinces et villes et ont de bonnes fonctions dans l’armée et la police pour la plupart » ainsi que dans le secteur privé et dans les services (chargé de programme 2023-03-16). La même source a affirmé que les Banyamulenge peuvent accéder « facilement » à l’éducation, aux soins de santé et à tous les autres services disponibles, d’autant plus qu’ils possèdent les moyens ou « la capacité de se les payer et parfois mieux que les autres citoyens congolais, et cela partout dans le pays » (chargé de programme 2023-03-16).

5.1 Situation à Kinshasa

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement sur la possibilité d’accéder à un logement, à un revenu, à l’éducation et à des soins de santé pour les Banyamulenge à Kinshasa.

6. Protection offerte par l’État

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur la protection offerte par l’État aux Banyamulenge qui subissent de mauvais traitements en RDC.

Le président d’AGOPA-DH a affirmé que « [l]es autorités congolaises perçoivent les Banyamulenge comme des citoyens congolais à part entière. C’est dans ce sens que les appels ont été lancés pour dissuader ceux qui voulaient en découdre avec eux » (AGOPA-DH 2023-03-15). D’après la même source, « [l]es recours existent pour toute victime quel que soit sa tribu ou son appartenance ethnique »; ces moyens sont tant administratifs que judiciaires (AGOPA-DH 2023-03-15). Selon le chargé de programme de la LDGL, les Banyamulenge qui sont victimes de mauvais traitement peuvent se prévaloir des voies de droit ou des accès aux services de soutien; ils « ont la capacité de saisir la justice, les services de sécurité, et de bénéficier d’une protection en cas de besoin » (chargé de programme 2023-03-16).

6.1 Cadre législatif et réglementaire

La Constitution de la République démocratique du Congo prévoit ce qui suit, notamment quant à l’égalité des citoyens et la lutte contre toute forme de discrimination :

Article 13

Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique.

[…]

Article 51

L’Etat a le devoir d’assurer et de promouvoir la coexistence pacifique et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays.

Il assure également la protection et la promotion des groupes vulnérables et de toutes les minorités.

Il veille à leur épanouissement.

[…]

Article 66

Tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimination aucune et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité nationale, le respect et la tolérance réciproques.

Il a, en outre, le devoir de préserver et de renforcer la solidarité nationale, singulièrement lorsque celle-ci est menacée (RDC 2006, mise en évidence dans l’original).

Le président d’AGOPA-DH a affirmé n’avoir « documenté aucun cas dans lequel un citoyen banyamulenge aurait été privé de son droit constitutionnel d’exercer le recours que la loi et la Constitution lui reconnaissent devant la police, le parquet, les instances administratives ou judiciaires » (AGOPA-DH 2023-03-15).

Dans un article paru en février 2023, La Libre Afrique, le site Internet dédié à l’actualité africaine du quotidien La Libre Belgique, signale qu’un collectif d’avocats a déposé en septembre 2021 une plainte sur les exactions commises envers les Banyamulenge dans la province du Sud-Kivu (La Libre Afrique avec Belga 2023-02-20). Ces avocats affirment dans un communiqué de presse cité par La Libre Afrique que

[à] ce jour, après plus d’une année, cette plainte n’est pas instruite par les autorités judiciaires de la RDC. Le procureur général de Bukavu a informé l’un des avocats membres du groupe de l’absence totale de moyen pour instruire la plainte. Un appui pour ce travail a été sollicité mais à ce jour aucune suite n’y a été réservée (La Libre Afrique avec Belga 2023-02-20).

Les Country Reports on Human Rights Practices for 2021 publiés par le Département d’État des États-Unis rapporte également qu’une plainte a été déposée en septembre 2021 par 2 avocats au nom de 71 Banyamulenge des hauts plateaux du Sud-Kivu alléguant qu’un groupe milicien armé Maï-Maï, constitué des membres issus des ethnies Fuliro, Bembe et Nyindu, [traduction] « ont tué, violé, torturé et kidnappé » des personnes appartenant à la communauté banyamulenge, après avoir incendié leurs habitations et pillé leur bétail « avec l’indifférence ou la complicité des FARDC » (É.-U. 2022-04-12, 48).

6.2 Mesures gouvernementales et services de soutien

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur les mesures gouvernementales et les services de soutien offerts aux Banyamulenge qui subissent de mauvais traitements en RDC.

Le BCNUDH signale que « la 12ème Brigade de Réaction Rapide (RR) des FARDC et des unités de la PNC [Police nationale congolaise] ont été déployées sur les hauts plateaux en septembre 2019 », mais que celles-ci « ont été accusées à de nombreuses reprises de partialité par les communautés, principalement banyamulenge » (Nations Unies 2020-08, paragr. 24). Le président d’AGOPA-DH a affirmé sans plus de précisions qu’il existe plusieurs ONG disposées à « assurer un accompagnement » aux Banyamulenge en RDC (AGOPA-DH 2023-03-15).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L’Institut de la Vallée du Rift (Rift Valley Institute - RVI) se consacre à la recherche sur les pays de l’Afrique centrale et de l’Est, et notamment sur des sujets qui touchent la sécurité, la protection du patrimoine culturel et le développement social (RVI s.d.).

[2] L’article de Gaston Nganguzi Rwasamanzi explique que les Banyamulenge se nommaient auparavant « batutsi des hauts plateaux », contrairement aux Banyarwanda qui regroupaient les Bahutu et Batutsi (Rwasamanzi 2020-09-02).

[3] Selon TV5Monde, M23 ou « "Mouvement du 23 mars" » (nommé ainsi en référence aux accords conclus avec le gouvernement congolais en date du 23 mars 2009) est un groupe de rebelles majoritairement constitué d’anciens militaires de l’armée congolaise dont la plupart viennent de communautés tutsies rwandophones de la province du Nord-Kivu, qui a repris les combats à partir de mars 2022 après avoir été dissous et chassé de la RDC en décembre 2013 (TV5Monde 2022-05-27).

[4] Radio Okapi explique que Twirwaneho et Androïd font partie des groupes armés de la province du Sud-Kivu qui « sont constitués en majorité des membres d’une communauté locale vivant dans les hauts plateaux d’Uvira et de Fizi/Itombwe » (Radio Okapi 2022-07-13). Selon le rapport du groupe d’experts sur la RDC des Nations Unies, les groupes miliciens Twirwaneho et Androïd sont liés à la communauté banyamulenge (Nations Unies 2021-06-10, paragr. 133).

[5] Des sources signalent que « Gumino » ou « Ngumino » fait également partie des groupes armés associés aux Banyamulenge (Radio Okapi 2022-07-13; É.-U. 2022-04-12, 48; Nations Unies 2021-06-10, paragr. 133).

Références

Africanews & Agence France-Presse (AFP). 2023-02-07. « RDC : journée "ville morte" à Goma contre l’inaction des forces de l’EAC ». [Date de consultation : 2023-04-25]

Agence pour la gouvernance participative et droits humains (AGOPA-DH). 2023-03-15. Communication écrite envoyée par le président à la Direction des recherches.

Chargé de programme en RDC, Ligue des droits de l’homme dans la région des Grands Lacs (LDGL). 2023-03-16. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Congo Indépendant. 2005-10-30. « Charte ». [Date de consultation : 2023-03-14]

The Conversation. S.d.a. « Delphin R. Ntanyoma ». [Date de consultation : 2023-03-29]

The Conversation. S.d.b. « About The Conversation ». [Date de consultation : 2023-04-06]

États-Unis (É.-U.). 2022-04-12. Department of State. « Democratic Republic of Congo ». Country Reports on Human Rights Practices for 2021. [Date de consultation : 2023-03-08]

France 24. 2023-02-08. Les Observateurs. Corentin Bainier. « RD Congo : une journée "ville morte" vire aux pillages à Goma ». [Date de consultation : 2023-04-25]

Genocide Watch. 2023. Gregory H. Stanton. « The Ten Stages of Genocide ». [Date de consultation : 2023-04-26]

Genocide Watch. 2021-09-03. « Genocide Emergency: The Banyamulenge of the DRC ». [Date de consultation : 2023-03-16]

Genocide Watch. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2023-03-16]

Irenees.net. 2014-03. « Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL) ». Robin Gerbaux. [Date de consultation : 2023-03-27]

La Libre Afrique avec Belga. 2023-02-20. « RDC : les avocats de communautés congolaises alertent sur les exactions subies à l’est » [Date de consultation : 2023-04-04]

Nations Unies. 2021-06-10. Conseil de sécurité. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo. S/2021/560 [Date de consultation : 2023-03-16]

Nations Unies. 2021-03. Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH). Rapport sur les discours et messages incitatifs à la haine en République démocratique du Congo. [Date de consultation : 2023-03-16]

Nations Unies. 2020-08. Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH). Note analytique sur la situation des droits de l’homme dans les hauts plateaux des territoires de Mwenga, Fizi et Uvira, province du Sud-Kivu, entre février 2019 et juin 2020. [Date de consultation : 2023-03-16]

Ntanyoma, Delphin R. 2023-03-13. « The Banyamulenge: How a Minority Ethnic Group in the DRC Became the Target of Rebels – and Its Own Government ». The Conversation. [Date de consultation : 2023-03-14]

Professeur émérite de sciences politiques, Université de Floride. 2015-08-12. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Radio Okapi. 2022-07-13. « Sud-Kivu : deux factions de la milice Twirwaneho s’affrontent à Mugeti, un mort ». [Date de consultation : 2023-03-28]

République démocratique du Congo (RDC). 2006 (modifiée en 2011). Constitution de la République démocratique du Congo. [Date de consultation : 2023-03-06]

Réseau national des ONGs des droits de l’homme de la République démocratique du Congo (RENADHOC). 2023-03-26. Communication écrite envoyée par le secrétaire exécutif national à la Direction des recherches.

Réseau national des ONGs des droits de l’homme de la République démocratique du Congo (RENADHOC). 2023-03-15. Communication écrite envoyée par le secrétaire exécutif national à la Direction des recherches.

Réseau national des ONGs des droits de l’homme de la République démocratique du Congo (RENADHOC). 2023-03-13. Communication écrite envoyée par le secrétaire exécutif national à la Direction des recherches.

Rift Valley Institute (RVI). 2013. Jason Stearns, et al. Les Banyamulenge : insurrection et exclusion dans les montagnes du Sud-Kivu. [Date de consultation : 2015-08-13]

Rift Valley Institute (RVI). S.d. « Aims of the Institute ». [Date de consultation : 2023-03-27]

Rwasamanzi, Gaston Nganguzi. 2020-09-02. « Les causes lointaines et récentes de la problématique de la citoyenneté des rwandophones congolais en RDC ». Congo Indépendant. [Date de consultation : 2023-03-14]

Saidi, Alina et al. 2023-02-06. « RDC : Mémorandum sur la situation des Tutsi congolais ». [Date de consultation : 2023-03-31]

TV5Monde. 2022-05-27. Margot Hutton. « RDC : qui sont les rebelles du M23 et pourquoi sont-ils source de tensions avec le Rwanda ? ». [Date de consultation : 2023-03-28]

Autres sources consultées

Sources orales : Action communautaire pour la promotion des défavorisés Batwa; Action des chrétiens pour l’abolition de la torture RDC; Action des chrétiens activistes des droits de l’homme à Shabundan; Action pour la paix et la concorde; Action pour la promotion des droits des minorités autochtones en Afrique centrale; Action pour la protection des droits de la femme et de l’enfant; Amis de Nelson Mandela pour la défense des droits humains; Les anges du ciel; Anglo Congolese Alliance; Association africaine de défense des Droit de l’homme; Association des juristes pour les droits des enfants et des femmes; Association pour le bien-être familial/naissances désirables; Association pour le regroupement et l’autopromotion des Pygmées; avocat et chef des travaux à la faculté de droit d’une université congolaise; Banyamulenge Mutuality Ubumwe; Barreau de Mbandaka; cabinets d’avocats en République démocratique du Congo (2); Caucus des Femmes; Centre national d’appui au développement et à la participation; Collectif des organisations des jeunes solidaires du Congo-Kinshasa; Collectif pour les peuples autochtones au Kivu; Comité national femme et développement; Conseil national des organisations non gouvernementales de développement; Human Rescue DRC; Initiatives pour la promotion des femmes autochtones et vulnérables; Institut congolais de formation et d’alphabétisation pour la promotion des droits de l’homme; Journalistes en danger à Kinshasa; Justice et Paix Congo; Kivu Rise; Ligue nationale des associations des autochtones pygmées du Congo; Ligue pour la paix et les droits de l’homme; Ligue pour la paix, les droits de l’homme et la justice; Nouvelle société civile congolaise; Organisation d’accompagnement et d’appui aux Pygmées; Pilier aux femmes vulnérables actives en RD Congo; Programme d’appui aux actions féminines; République démocratique du Congo – ambassade à Ottawa; Réseau des femmes pour le développement et la paix; Réseau des femmes pour un développement associatif; Sauve la femme et la jeune fille du Katanga; Solidarité pour les initiatives des peuples autochtones pygmées; Toges noires; Union des jeunes entrepreneurs congolais; Union pour l’émancipation de la femme autochtone; La voix des sans-voix; Women as Partners for Peace in Africa.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme; Amnesty International; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; BBC; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; CBC; Centre d’études stratégiques de l’Afrique; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples; Danemark – Danish Immigration Service; États-Unis – CIA; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom from Torture; Freedom House; Human Rights Watch; Minority Rights Group International; Nations Unies – Conseil des droits de l’homme, Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Haut-Commissariat pour les réfugiés, Organisation internationale pour les migrations, Refworld; The New Humanitarian; Reuters; Royaume-Uni – Home Office; Transparency International; Union européenne – European Union Agency for Asylum; Voice of America.



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