Réponses aux demandes d'information

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7 mars 2023

SOM201366.EF

Somalie : information sur Al Chabaab [Al Chabab], y compris ses dirigeants, sa structure, ses objectifs, ses activités, ses zones d’opération, sa capacité à retrouver des personnes d’intérêt et les personnes prises pour cible (2021-mars 2023)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Selon des sources, Al Chabaab est un groupe [traduction] « terroriste » (CFR 2022-12-16) ou [traduction] « d’insurgés » formé dans les années 2000 (CFR 2022-12-16; É.-U. 2020-01-16). Le Conseil des relations étrangères (Council on Foreign Relations – CFR), un groupe de réflexion [traduction] « indépendant » et « non partisan » et éditeur dans le domaine des affaires internationales qui a son siège aux États-Unis (CFR s.d.), signale que les Chabab ont pour but de faire de la Somalie un État islamique (2022-12-16). D’après Tricia Bacon [1], directrice du Carrefour des politiques en matière de lutte contre le terrorisme (Policy Anti-Terrorism Hub) de l’Université américaine à Washington, l’idéologie d’Al Chabaab est le salafisme-djihadisme et les Chabab croient qu’ils combattent [traduction] « l’injustice » imposée par des forces externes, y compris des « régimes apostats » (Bacon 2022-03, 3, 36). D’après les Country Reports on Terrorism 2020 publiés par le Département d’État des États-Unis, Al Chabaab constitue une [traduction] « menace terroriste importante » en Somalie (É.-U. 2021-12-16). De même, dans un rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies préparé par un [version française des Nations Unies] « [g]roupe d’experts sur la Somalie », on peut lire qu’Al Chabaab « rest[e] la plus grande menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de la Somalie » (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 5). Dans un rapport d’études de cas [2] portant sur les milices en Somalie, publié par l’Université des Nations Unies (United Nations University – UNU), un groupe de réflexion dont le siège est au Japon (UNU s.d.), Vanda Felbab-Brown, chercheuse principale à la Brookings Institution, fait état d’une [traduction] « augmentation significative » des effectifs d’Al Chabaab, qui sont passés d’entre 2 000 et 3 000 combattants en 2017 à entre 5 000 et 7 000 en 2020 (Felbab-Brown 2020-04-14, 120). Selon un rapport du Service de recherche du Congrès (Congressional Research Service – CRS) des États-Unis, le Département d’État des États-Unis estimait en 2019 que le mouvement comptait de 7 000 à 9 000 membres (É.-U. 2020-01-16). D’après Voice of America (VOA), un radiodiffuseur international aux États-Unis qui est financé par le Congrès des États-Unis (VOA s.d.), il ressort des renseignements de sécurité somaliens qu’Al Chabaab compte [traduction] « jusqu’à » 10 000 combattants, actifs en Somalie et dans « des régions du Kenya » (2022-03-27). Dans un rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions présenté au Conseil de sécurité des Nations Unies en juillet 2022, on estimait qu’Al Chabaab commandait entre 7 000 et 12 000 combattants (Nations Unies 2022-07-15, paragr. 21).

2. Dirigeants, objectifs et structure

D’après le CFR, les liens avec Al-Qaïda sont apparus entre 2006 et 2008 et les dirigeants d’Al Chabaab ont déclaré leur allégeance à Al-Qaïda en 2012 (2022-12-06, 2). De même, dans le rapport du CRS des États-Unis, il est signalé qu’une [traduction] « affiliation officielle » entre les deux groupes a été annoncée en 2012 et que, bien qu’Al Chabaab mène ses activités « de manière indépendante », ses dirigeants « souscrivent largement » au « programme transnational » d’Al-Qaïda et entretiennent des relations avec leurs mouvements affiliés, y compris Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) (É.-U. 2020-01-16). Selon un article du Washington Post, Al Chabaab est [traduction] « un des plus riches et des plus puissants mouvements affiliés à Al-Qaïda dans le monde » (2022-12-14).

Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un analyste principal de l’International Crisis Group (Crisis Group) a fait observer qu’Al Chabaab est un groupe [traduction] « d’où rien ne filtre » qui ne veut pas que ses dirigeants soient publiquement identifiés (analyste principal 2023-01-25). De même, Tricia Bacon affirme qu’il y a des structures de direction [traduction] « établies », mais qu’il est « dur de savoir » comment se prennent les décisions « actuellement » (2022-03, 25). Des sources signalent qu’Ahmed Diriye, aussi connu sous le nom d’Abu Ubaidah, est l’émir (dirigeant principal) qui a pris la relève après que le dirigeant précédent a été tué en 2014 (É.-U. 2020-01-16; CFR 2022-12-16). D’après des sources, les instances dirigeantes sont un conseil exécutif (CFR 2022-12-16) et une choura [conseil] plus vaste (analyste principal 2023-01-25; Bacon 2022-03, 24). Citant son entretien avec un ancien responsable gouvernemental somalien, Tricia Bacon ajoute que les avis diffèrent sur la question de savoir si le conseil exécutif dirige encore le groupe ou si les décisions sont prises à un niveau inférieur (2022-03, 25-26). Selon l’analyste principal, chacune des grandes régions a un wali qui joue le rôle de gouverneur de cette région; de plus, des responsables de district parallèles sont nommés, mais il est dur de savoir comment ces personnes se voient assigner leurs rôles (2023-01-25). La même source a aussi déclaré que le dirigeant est choisi par la choura et qu’il est [traduction] « probable » que « beaucoup » de nominations soient faites par le dirigeant au moyen de consultations auprès de conseillers (analyste principal 2023-01-25). D’après l’analyste principal du Crisis Group, bien que ce ne soit [traduction] « pas toujours » le cas, le groupe préfère que les personnes nommées ne soient pas originaires de la région, et n’aient donc pas d’attaches locales (analyste principal 2023-01-25). De plus, selon un rapport du Crisis Group, quand les Chabab s’emparent d’une région, ils remplacent les aînés des institutions locales qui ont fui ou qui [traduction] « refusent de collaborer » et nomment leurs propres aînés afin qu’ils travaillent pour leur compte; toutefois, les personnes nommées « ont souvent de la difficulté » à être perçues comme étant légitimes (2022-06-21, 8). La même source ajoute qu’Al Chabaab a une [traduction] « cohérence interne » et une « idéologie salafiste djihadiste unificatrice » (Crisis Group 2022-06-21, 5). De même, Tricia Bacon souligne que le conseil exécutif est [traduction] « unifié, très fonctionnel et pratiquement exempt de tensions internes » (2022-03, 25-26).

Selon des sources, un des objectifs d’Al Chabaab est d’établir un État islamique (Bacon 2022-03, 97; É.-U. 2020-01-16; CFR 2022-12-16). D’après Tricia Bacon, le groupe croit que l’adoption de la charia est nécessaire pour une bonne gouvernance et qu’il est [traduction] « le seul » qui soit en mesure de l’accomplir; citant des entretiens réalisés avec des sources des milieux universitaire et médiatique, Tricia Bacon ajoute que le groupe perçoit le gouvernement comme étant « anti-islamique », ayant « faill[i] » à la tâche d’instaurer la charia (2022-03, 39). Vanda Felbab-Brown fait observer que la version de la charia prônée par Al Chabaab est [traduction] « considérée comme extrême », son interprétation étant largement rejetée par les Somaliens parce qu’elle prévoit « des décapitations, des lapidations, des amputations et une répression généralisée à l’encontre des femmes » (Felbab-Brown 2020-04-14, 117). Dans le rapport du CRS, on peut lire que les dirigeants d’Al Chabaab ont [traduction] « à maintes reprises affirmé leur engagement envers le djihad mondial » (É.-U. 2020-01-16). Selon des sources, un des objectifs d’Al Chabaab est d’unifier les régions où habitent les populations de souche somalienne en Afrique de l’Est sous un gouvernement [traduction] « islamiste » (É.-U. 2020-01-16) ou islamique (CFR 2022-12-16). Tricia Bacon signale que, [traduction] « avant tout », Al Chabaab « veut établir un État islamique fidèle à sa version de la charia en Somalie » et que, si le groupe a une vision pour l’ensemble de la région, il accorde la priorité à la Somalie (2022-03, 39, soulignement omis).

De plus, Tricia Bacon souligne, en citant son entretien avec un responsable américain à la retraite, qu’une [traduction] « préoccupation centrale » des dirigeants du groupe est de prendre le pouvoir et, comme elle l’explique, la religion est un « outil » pour y parvenir (2022-03, 84). Des sources signalent qu’un des objectifs consiste à évincer le gouvernement (Bacon 2022-03, 97; Felbab-Brown 2020-04-14, 117; É.-U. 2021-03-30, 6), que les Chabab perçoivent comme étant [traduction] « "soutenu par l’Occident" » (É.-U. 2021-03-30, 6). Vanda Felbab-Brown fait remarquer que, [traduction] « malgré sa brutalité », « le régime d’Al Chabaab » a permis « le fonctionnement » des administrations municipales, la mise en œuvre d’une « sécurité élémentaire » et le « maintien » de l’activité économique locale (2020-04-14, 117).

2.1 Recrutement

D’après Vanda Felbab-Brown, les messages de recrutement à l’intention de publics internationaux mettent l’accent sur un [traduction] « sentiment d’appartenance, le djihad mondial et la protection de la Somalie contre les envahisseurs "infidèles" », alors que les messages destinés à la jeunesse locale s’axent autour de « l’injustice et l’abus de pouvoir » (2020-04-14, 120). Vanda Felbab-Brown ajoute que le recrutement est [traduction] « complexe » et « varie selon l’endroit, la personne et les besoins d’Al Chabaab à un moment particulier » (2020-04-14, 121).

Des sources signalent qu’Al Chabaab recrute des enfants par la force (Crisis Group 2022-06-21, 8; Bacon 2022-03, 93; Felbab-Brown 2020-04-14, 120). D’après le Crisis Group, qui cite des entretiens réalisés avec des gens [traduction] « ayant vécu sous le régime d’Al Chabaab », le groupe demande « habituel[lement] » aux familles et clans locaux de leur envoyer « un garçon sur deux ou trois âgés de moins de 13 ans par famille » (2022-06-21, 8). Tricia Bacon a déclaré que, de l’avis des personnes interviewées, y compris un analyste au sein d’un groupe de réflexion et un ancien responsable gouvernemental, l’exigence imposée aux clans d’envoyer [traduction] « un certain nombre » d’enfants aux instituts d’endoctrinement était une méthode de recrutement « principale » (2022-03, 93). Dans le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, on peut lire que, d’après des entretiens menés en mai 2021 auprès de [version française des Nations Unies] « des notables déplacés », les responsables d’Al Chabaab « ont demandé » à des villages ruraux se trouvant autour de Xuddur, dans la région de Bakool, de leur confier volontairement des enfants de 12 à 15 ans (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 123). La même source ajoute que, selon certaines informations, Al Chabaab se livre aussi à des enlèvements d’enfants dans des écoles musulmanes, précisant que 35 garçons ont été enlevés dans des écoles des régions du Hiraan et de Bay (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 124). Les Country Reports on Human Rights for 2021 publiés par le Département d’État des États-Unis soulignent ce qui suit :

[traduction]

Les enfants dans les camps d’entraînement d’Al Chabaab étaient soumis à un entraînement physique éreintant, à des exercices de maniement d’armes, à un régime alimentaire inadéquat, à des châtiments physiques et à une formation religieuse forcée conforme à l’idéologie du groupe. Dans le cadre de cet entraînement, des enfants étaient contraints de punir et d’exécuter d’autres enfants. Les Chabab utilisent des enfants lors d’affrontements directs, y compris en tant que boucliers humains en les plaçant devant d’autres combattants et en tant que bombes humaines. Le groupe a parfois eu recours à des enfants pour placer des bombes en bordure de route et installer d’autres engins explosifs. De plus, les Chabab ont utilisé des enfants en leur faisant remplir des rôles de soutien, par exemple pour transporter des munitions, de l’eau et de la nourriture, évacuer les combattants blessés ou morts, recueillir des renseignements et servir de gardiens. De nombreux reportages dans la presse du pays font état de l’endoctrinement d’enfants à l’idéologie extrémiste du mouvement rebelle dans les écoles et de leur recrutement forcé (É.-U. 2022-04-12, 17).

3. Zones d’opération et activités

Dans le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, il est signalé que, en date de septembre 2021, les zones sous le contrôle direct d’Al Chabaab incluaient [version française des Nations Unies] « la plupart des villes du district de Jamaame, dans le Bas-Djouba; Jilib, Bu’aale et Saacow dans le Moyen-Djouba; des parties de Baardheere à Gedo; des villes situées dans le sud des districts de Diinsoor et Buurhakaba dans la région de Bay; Cadale et Aadan Yabaal dans le Moyen-Chébéli; et Ceel Dheere, Ceelbur et Xarardheere [Haradhere] à Galmudug » (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 11). L’analyste principal a fait observer qu’il est difficile de dire avec certitude quelles zones sont sous le contrôle des Chabab, car la situation change continuellement à cause des efforts du gouvernement en vue de les évincer (2023-01-25). Toutefois, la même source a souligné que la zone où Al Chabaab exerce le contrôle [traduction] « le plus solide » est le Sud de la Somalie, au Jubaland [Jubbaland], la région du Moyen-Djouba étant « entièrement » contrôlée et les Chabab étant présents dans les zones rurales du Bas-Djouba et dans la région du Nord (analyste principal 2023-01-25). Selon le CFR, les Chabab continuent de lancer des attaques meurtrières dans le Sud du pays (2022-12-16). D’après le Crisis Group, les activités d’Al Chabaab [traduction] « diminuent en intensité » au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la région du Centre-Sud (2022-06-21, 21). Toutefois, la même source fait aussi observer que les Chabab s’introduisent [traduction] « de plus en plus » dans les régions urbaines qui sont sous le contrôle du gouvernement et des forces de sécurité, grâce à une branche du renseignement qui aurait « apparemment » « infiltré le gouvernement et l’appareil de sécurité » (Crisis Group 2022-06-21, 9). Selon l’International Religious Freedom Report for 2021 publié par les États-Unis, les forces de sécurité du gouvernement et de l’Union africaine (UA) contrôlent [traduction] « la plupart des centres urbains », alors que les Chabab « exercent un contrôle ou une influence sur des zones de terres »; citant les Nations Unies et faisant remarquer que le contrôle territorial d’Al Chabaab était « fluctuant », la même source signale que le groupe a « récupéré » du territoire dans les régions du Bas-Chébéli et de Galmudug et qu’il « a maintenu » sa capacité de lancer des attaques à Mogadiscio (É.-U. 2022-06-02, 5-6). L’analyste principal a ajouté que la situation dans le Centre de la Somalie est [traduction] « la plus instable en ce moment », particulièrement dans les régions de Hirshabelle et de Galmudug; que dans le Sud-Ouest, dans les régions du Bas-Chébéli, de Bay et de Bakool, il y a une présence des Chabab dans les régions rurales et un encerclement de « la plupart » des régions urbaines; et qu’il y a un « contrôle limité de type guérilla » dans le Nord, au Puntland, à l’extérieur de la ville portuaire de Bosaso (2023-01-25). D’après l’Indice de transformation de la Fondation Bertelsmann (BTI) de 2022 (Bertelsmann Stiftung's Transformation Index (BTI) 2022), qui [traduction] « examine la transition vers la démocratie et l’économie de marché ainsi que la qualité de la gouvernance dans 137 pays », Al Chabaab contrôle « de larges parties » de l’État du Sud-Ouest, du Jubaland et de Hirshabelle, et le groupe est actif au Puntland, mais l’État est dirigé par le gouvernement (Bertelsmann Stiftung 2022, 2, 13). Dans les Country Reports 2021 publiés par les États-Unis, on peut lire que dans les États de Puntland et de Galmudug, dans les régions du Bas-Chébéli, du Moyen-Chébéli, du Bas-Djouba, de Baidoa et de Hiiraan, [traduction] « des affrontements » entre les Chabab et les forces claniques ont fait des morts (É.-U. 2022-04-12, 15).

Des sources signalent que des territoires dans les États de Hirshabelle et de Galmudug ont été repris d’Al Chabaab par les forces de sécurité (AFP 2023-01-20; Crisis Group 2022-12). D’après le Crisis Group, la situation dans l’État du Sud-Ouest était [traduction] « précaire » après la reprise par les forces gouvernementales du village de Daynuunay et de la ville de Goofgaduud (région de Bay); toutefois, les Chabab ont de nouveau occupé la ville de Goofgaduud le 28 décembre 2022 (2022-12). Selon Radio France internationale (RFI), la ville de Haradhere dans l’État de Galmudug avait été reprise après avoir été sous le contrôle d’Al Chabaab pendant dix ans (2023-01-17). Al Jazeera signale que la ville portuaire de Haradhere, qualifiée de [traduction] « forteresse », et la ville avoisinante de Galcad ont été reprises par les forces gouvernementales (2023-01-16).

Toutefois, des sources signalent qu’Al Chabaab a répliqué aux efforts du gouvernement et des forces de sécurité pour reprendre du territoire en menant des attaques « en représailles » (AFP 2023-01-20) ou [traduction] « faisant grand bruit » (Al Jazeera 2023-01-16). D’après le CFR, après qu’un territoire est repris d’Al Chabaab, les forces n’ont pas la capacité de maintenir leur emprise dessus et les Chabab reviennent (2022-12-16).

Selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, les Chabab utilisent [version française des Nations Unies] « des tactiques d’une violence extrême », y compris des « attaques éclair » contre les zones où les forces de sécurité sont établies, l’exploitation de la concurrence entre clans ainsi que le blocage des itinéraires de ravitaillement pour empêcher l’arrivée des ressources jusqu’aux villages, le tout dans le but de « contrôler la population, influencer les résultats politiques et perpétuer un climat de peur dans le centre et le sud de la Somalie » (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 6). Le CFR fait observer que, dans les régions sous son contrôle, Al Chabaab [traduction] « impose sa propre interprétation rigoureuse de la charia » qui comprend l’interdiction de la vente du khat (une plante narcotique), du rasage de la barbe et de certains types de films et de musiques, et qui préconise la lapidation et l’amputation comme châtiment pour les personnes « soupçonnées » d’adultère ou de vol (2022-12-16). D’après le Trafficking in Persons Report for 2021 publié par les États-Unis, les Chabab [traduction] « exploit[ent] » les populations locales au moyen « de taxes illégales, d’attaques aveugles contre des civils et des infrastructures civiles » et de la traite de personnes (É.-U. 2021-07-01). Vanda Felbab-Brown explique que les personnes qui ne sont pas en mesure de payer le tribut à Al Chabaab [traduction] « sous la forme d’enfants » et de paiements en argent ou en bétail « onéreux » risquent la mort ou le déplacement forcé (2020-04-14, 124). Dans le Trafficking in Persons Report for 2021 publié par les États-Unis, on peut aussi lire que

[traduction]

[s]elon des observations empiriques, Al Chabaab continue de faciliter des crimes liés à la traite de personnes, en utilisant la duperie, l’infiltration de médersas et de mosquées, la contrainte ou le harcèlement à l’endroit d’aînés de clan ou de membres de la famille, les rafles dans les écoles ainsi que les enlèvements afin de recruter les victimes — y compris des enfants provenant principalement du Centre-Sud de la Somalie et du Kenya — et de les réduire ensuite par la force à l’esclavage sexuel, à des rôles de soutien militaire, à la participation aux combats directs et à des mariages avec des activistes d’Al Chabaab. […] Durant la période visée [allant d’avril 2020 à mars 2021], les Chabab ont continué d’asservir un nombre indéterminé de jeunes filles et de les exploiter en les forçant à se marier et à agir comme esclaves sexuelles (É.-U. 2021-07-01, en italique dans l’original).

Vanda Felbab-Brown fait remarquer que des enfants sont utilisés pour commettre des actes terroristes et des attentats suicides et que les Chabab [traduction] « commettent régulièrement » des viols (2020-04-14, 124).

Le Crisis Group signale qu’Al Chabaab évite les affrontements militaires directs et se livre [traduction] « rarement » à de « grandes » batailles, mais préfère tendre des embuscades « plus restreintes » à des endroits de son choix pour déterminer le rythme du conflit (2022-06-21, 6). De même, selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, dans les régions où les Chabab n’exercent pas un contrôle direct, ils mènent des opérations d’interception le long des itinéraires de ravitaillement ou exercent des représailles contre les dirigeants locaux pour les contraindre à les appuyer dans leur lutte contre les forces de sécurité (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 12). Des sources soulignent que, dans certaines régions où les Chabab n’exercent pas un contrôle direct, ils imposent une taxation (Felbab-Brown 2020-04-14, 121; Crisis Group 2022-06-21, 9). Le Crisis Group fait observer que dans les villes, Al Chabaab a des agents qui facilitent des [traduction] « rackets d’extorsion élaborés » qui sapent l’autorité gouvernementale (2022-06-21, i). La même source ajoute que, dans les régions rurales sous son contrôle, Al Chabaab fournit des services [traduction] « de base » qui génèrent des revenus grâce à la taxation et qui facilitent le recrutement; le groupe et ses services ont « un certain attrait », et Al Chabaab est « enraciné dans la société » (Crisis Group 2022-06-21, i). De même, Vanda Felbab-Brown déclare qu’Al Chabaab fait mieux que d’autres intervenants et a la [traduction] « réputation » de rendre justice et de régler les différends en prononçant des « décisions rapides, efficaces et – surtout – non teintées par la corruption, sur la base de la charia », si bien que même des gens habitant dans les régions sous le contrôle du gouvernement se tournent vers Al Chabaab pour régler leurs disputes (2020-04-14, 124). Vanda Felbab-Brown ajoute que ces décisions ne comportent pas de [traduction] « garanties officielles », « s’appuient sur l’usage impitoyable de la force » et peuvent entraîner des châtiments tels que la lapidation et l’amputation ou, si une décision n’est pas respectée, l’exécution (2020-04-14, 124).

3.1 Financement

D’après le CFR, Al Chabaab a mis sur pied [traduction] « un vaste racket qui comprend des péages à des points de contrôle, des taxes sur les biens importés et la zakat, une taxe religieuse annuelle » (2022-12-16). De même, Tricia Bacon signale qu’Al Chabaab dirige un [traduction] « racket d’extorsion efficace » qui se présente comme étant un système de taxation, mais qui s’accompagne de « demandes » qui « dépassent » les services [restreints] fournis par le groupe (2022-03, 85). Au dire de Tricia Bacon, les services fournis incluent [traduction] « la protection du groupe »; ceux qui ne paient pas les taxes s’exposent à des menaces, à des enlèvements ou à des exécutions (2022-03, 85). Dans le BTI 2022, il est signalé qu’Al Chabaab a un système de taxation [traduction] « centralisé », « organisé » et « surveillé » qui s’applique dans les régions sous son contrôle ainsi que dans des régions contrôlées par l’État, lui permettant de percevoir des droits « sur l’agriculture, l’immatriculation des véhicules, les transports et les ventes de bétail »; suivant ce système, les Chabab assurent une « protection » aux communautés sous leur contrôle, en misant « fortement sur la violence et l’intimidation » (Bertelsmann Stiftung 2022, 10). Le Crisis Group fait remarquer que, dans les régions contrôlées par le gouvernement, les Chabab extorquent les entreprises au moyen de pratiques telles que les taxes sur les conteneurs d’expédition et les paiements annuels établis en fonction des profits de ces entreprises (2022-06-21, 10). L’analyste principal du Crisis Group a ajouté que, dans les régions urbaines, les entreprises paient des taxes à Al Chabaab, sans quoi elles s’exposent à des menaces de violence; dans les régions rurales, les points de contrôle sur les itinéraires de ravitaillement sont [traduction] « probablement » la principale source de rentrées financières, les taxes sur les entreprises s’avérant une source secondaire (analyste principal 2023-01-25). Dans le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, on peut lire que le réseau de taxation demeure le [version française des Nations Unies] « flux de rentrées le plus lucratif », qui comprend les taxes sur les véhicules et les biens en transit prélevées à une centaine de points de contrôle au pays, mais le groupe se finance aussi par la collecte de la zakat et de l’infaq (« [c]ontribution financière volontaire au profit des combattants »), ainsi que par l’enlèvement contre rançon; ainsi, Al Chabaab s’est doté d’un dispositif national de rentrées financières et n’est pas obligé de « compter » sur un financement extérieur à la Somalie (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 49, 54). Vanda Felbab-Brown fait observer que les entreprises sont moins enclines à payer les taxes gouvernementales, car elles paient les taxes d’Al Chabaab pour [traduction] « le maintien de la sécurité » (2020-04-14, 123). Selon l’Institut Hiraal (Hiraal Institute), un groupe de réflexion en Somalie ayant pour mission de promouvoir la paix et la sécurité, il existe un [traduction] « désir presque universel » de payer des taxes seulement au gouvernement, et pas à Al Chabaab, mais les gens paient parce qu’ils ont des motifs « crédibles » de craindre pour leur vie (2020-10, i, 1).

D’après l’Institut Hiraal, qui cite des entretiens téléphoniques avec des [traduction] « responsables » d’Al Chabaab, les recettes des taxes mensuelles se chiffrent à « au moins » 15 millions de dollars [américains], « plus de » la moitié provenant de Mogadiscio (2020-10, 5). Selon un rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions présenté au Conseil de sécurité des Nations Unies en février 2022, Al Chabaab est [version française des Nations Unies] « en mesure » de collecter entre 2 et 10 millions de dollars [américains] par mois (Nations Unies 2022-02-03, paragr. 20). Dans un rapport présenté au Conseil de sécurité en juillet 2022, la même équipe a signalé qu’Al Chabaab gagne entre 50 et 100 millions de dollars [américains] par an et dispose d’environ 24 millions de dollars [américains] pour acheter des armes et des explosifs (Nations Unies 2022-07-15, paragr. 22).

4. Attaques et cibles

D’après les Country Reports on Terrorism 2020 publiés par les États-Unis, Al Chabaab a dépensé [traduction] « une grande partie » de ses fonds sur des opérations en 2020, y compris des engins explosifs improvisés (EEI) et [traduction] « des attaques à tir indirect, des attentats suicides, des attaques complexes contre des installations gouvernementales et civiles, des assassinats ciblés et des embuscades le long des itinéraires de ravitaillement » (É.-U. 2021-12-16, 37). Dans un communiqué de presse, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) signale que, selon des chiffres de novembre 2021, 613 civils avaient été tués et 948 blessés, ce qui représentait une augmentation de plus de 30 p. 100 par rapport à l’année précédente; 315 de ces morts et 686 de ces blessures avaient été causées par des EEI, dont [version française des Nations Unies] « au moins » 94 p. 100 avaient été attribués aux Chabab (Nations Unies 2022-11-14). Selon un rapport du secrétaire général sur la situation en Somalie soumis au Conseil de sécurité des Nations Unies, les activités d’Al Chabaab ont augmenté de 17 p. 100 de 2020 à 2021 et [version française des Nations Unies] « la majorité » des attaques, commises à l’aide d’EEI, visaient les forces de sécurité somaliennes et la Mission de l’Union africaine en Somalie (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 19). La même source signale que les régions [version française des Nations Unies] « les plus touchées » par les activités d’Al Chabaab en 2021 étaient le Bas-Chébéli, Banaadir et le Moyen-Chébéli (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 19). Selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, en 2021, certaines grandes et petites villes [version française des Nations Unies] « clés » comme Mogadiscio, Baidoa, Gaalkayo et Jawhar ont connu des assassinats, des attaques au mortier ou le recours aux EEI (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 6). D’après Ligne de paix pour la Somalie (Somali Peace Line - SPL), une ONG locale en Somalie (Peace Insight s.d.), les régions [traduction] « les plus touchées » par les attaques d’Al Chabaab en 2021 étaient Banaadir, le Bas-Chébéli et le Moyen-Chébéli, et les endroits ciblés par Al Chabaab où des civils et du personnel de sécurité ont été tués incluaient « les points de contrôle, le quartier général du Corps des agents pénitentiaires, les postes de police, les restaurants et les hôtels » (2021-12-31, 4).

Selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, du 16 décembre 2020 au 31 août 2021, il y a eu 1 047 attaques contre l’Armée nationale somalienne, les forces des États membres fédéraux et les forces internationales [attribuées à] Al Chabaab, [version française des Nations Unies] « principalement » dans le Jubaland, l’État du Sud-Ouest, le Hirshabelle et le Galmudug (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 17). Dans le même rapport, on peut aussi lire que les attentats suicides et les véhicules piégés étaient les tactiques [traduction] « les plus efficaces » pour cibler les forces de sécurité et les responsables gouvernementaux, et que « la plupart » de ces attaques sont survenues sur des sites civils et ont fait un « grand nombre » de victimes civiles (Nations Unies 2021-10-06, annexe 2.4).

Des sources donnent les exemples suivants d’attaques attribuées aux Chabab ou revendiquées par ces derniers de 2021 à janvier 2023 :

  • entre le 2 et le 27 janvier 2021, des attaques dans les régions du Bas-Chébéli, du Moyen-Chébéli, du Bas-Djouba, de Gedo et de Hiraan ont fait [traduction] « au moins » 44 morts chez le personnel de sécurité, les civils et les responsables publics; à Mogadiscio, du 5 au 23 janvier, des bombes en bordure de route ont fait « au moins » 15 morts parmi le personnel de sécurité, les civils et les responsables publics (Crisis Group 2022-12);
  • le 31 janvier 2021, un attentat contre l’hôtel Afrik à Mogadiscio a fait 5 morts, y compris le général Mohamed Nur Galaal, ancien ministre de la Défense (CNN 2021-02-01; É.-U. 2022-06-02, 5);
  • du 1er au 21 février 2021, des attaques dans les régions de Mudug, de Galguduud, de Hiraan, du Moyen-Chébéli et du Bas-Chébéli ont fait [traduction] « au moins » 26 morts parmi le personnel de sécurité et les civils; à Mogadiscio, un attentat suicide commis le 13 février a entraîné la mort d’un civil et, le lendemain, de « présumés » activistes d’Al Chabaab ont tiré sur trois civils (Crisis Group 2022-12). Le 28 février, deux attentats à la bombe ont entraîné la mort d’un civil et fait [traduction] « au moins » deux morts parmi le personnel de sécurité (Crisis Group 2022-12);
  • le 23 février 2021, une veste d’explosifs a explosé près d’un poste de police dans le district de Hamarweyne à Mogadiscio, faisant 3 blessés; Al Chabaab était [traduction] « soupçonné » d’être responsable (É.-U. 2022-06-02, 5);
  • le 5 mars 2021, une voiture piégée a explosé près d’un restaurant à Mogadiscio, faisant [traduction] « au moins » 10 morts (É.-U. 2022-04-12, 4) ou [traduction] « [a]u moins » 20 morts (Al Jazeera 2021-03-05; CNN 2021-03-06) et 30 blessés (Al Jazeera 2021-03-05; CNN 2021-03-06; É.-U. 2022-04-12, 4); Al Chabaab a été [traduction] « tenu responsable » de l’attaque (Al Jazeera 2021-03-05) ou l’a revendiquée (CNN 2021-03-06);
  • à Mogadiscio, le 3 avril 2021, 5 civils sont morts à la suite d’attentats suicides et, le 28 avril, [traduction] « au moins » 7 civils ont trouvé la mort, Al Chabaab étant « soupçonné » d’être à l’origine de ces attentats; le 21 avril, une attaque au mortier contre le palais présidentiel a causé la mort de 3 personnes (Crisis Group 2022-12);
  • Al Chabaab a revendiqué une attaque survenue le 15 juin 2021, durant laquelle une bombe humaine a tué [traduction] « au moins » 10 personnes et a fait 20 blessés dans une base militaire à Mogadiscio (VOA 2021-06-15);
  • le 2 juillet 2021, un EEI a explosé dans un restaurant du district de Shibis à Mogadiscio, faisant 12 morts et [traduction] « au moins » 7 blessés (É.-U. 2022-04-12, 4);
  • le 21 juillet 2021, 2 sous-traitants engagés par les Nations Unies ont été blessés à la suite de tirs de mortier sur l’aéroport de Mogadiscio (É.-U. 2022-06-02, 5);
  • le 25 septembre 2021, une voiture piégée a explosé près du palais présidentiel, faisant [traduction] « au moins » 7 morts et « au moins » 8 blessés; Al Chabaab a revendiqué cette attaque (BBC 2021-09-25). Parmi les victimes se trouvait une conseillère chargée de la condition féminine et des droits de la personne au Bureau du premier ministre (Amnesty International 2022-03-29, 330);
  • le 11 novembre 2021, une bombe humaine a attaqué un convoi de la Mission de l’Union africaine en Somalie, entraînant la mort de 3 civils (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 20; É.-U. 2022-06-02, 5);
  • le 20 novembre 2021, le directeur de Radio Mogadiscio et le directeur de la Télévision nationale somalienne (Somali National Television) ont été la cible d’un EEI (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 20);
  • le 25 novembre 2021, 8 civils ont trouvé la mort et 17 (VOA 2021-11-25) ou 20 ont été blessés lorsqu’un convoi transportant du personnel d’une entreprise privée, escorté par une entreprise de sécurité sous contrat avec les Nations Unies, a été attaqué (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 20); Al Chabaab a revendiqué cette attaque (VOA 2021-11-25);
  • le 27 novembre 2021, plusieurs obus de mortier ont été lancés en direction de la zone protégée par la Mission de l’Union africaine en Somalie à Baidoa, dont 5 ont atterri dans la zone protégée; les Chabab ont déclaré [version française des Nations Unies] « [qu’] ils avaient voulu frapper le palais présidentiel de l’État du Sud-Ouest, situé à proximité, et les environs de l’aéroport de Baidoa, au premier jour du scrutin parlementaire organisé dans la ville » (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 23);
  • le 12 janvier 2022, un attentat suicide à la voiture piégée a visé une entreprise étrangère de sécurité, tuant 9 agents de sécurité; les Chabab ont déclaré qu’ils cherchaient à s’en prendre à des [version française des Nations Unies] « "agents de sécurité occidentaux" » (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 20-21);
  • le 16 janvier 2022, un porte-parole du gouvernement fédéral a été blessé à la suite d’un attentant à la bombe (Nations Unies 2022-02-08, paragr. 22; Crisis Group 2022-12);
  • en février 2022, les Chabab ont pris pour cible des participants au processus électoral et des lieux de scrutin : le 9 février, des tirs de mortier ont interrompu la tenue du scrutin à Barawe; le 10 février à Mogadiscio, une bombe humaine a ciblé des délégués électoraux, tuant 8 personnes; le 16 février, des attaques coordonnées contre des postes de police, des points de contrôle et des responsables gouvernementaux ont fait des [traduction] « dizaines » de morts; et le 19 février, un attentat suicide à la bombe à Beledweyne a fait « au moins » 13 morts, y compris des candidats aux élections à la Chambre basse (Crisis Group 2022-12);
  • les 7 et 15 mars 2022, les Chabab ont abattu deux délégués électoraux : un dans la région du Bas-Chébéli et un autre à Mogadiscio (Crisis Group 2022-12);
  • le 23 mars 2022, [traduction] « au moins » 48 personnes, y compris un député en poste, ont trouvé la mort dans des attaques à Beledweyne, dans l’État de Hirshabelle, contre des lieux de scrutin durant les élections à la Chambre basse (VOA 2022-03-27); le même jour, un assaut sur la base d’Halane, une enceinte de l’aéroport de Mogadiscio, a entraîné la mort [traduction] « d’au moins » 6 personnes (Crisis Group 2022-12);
  • le 14 avril 2022, à Mogadiscio, des obus de mortier ont été lancés contre le lieu où se tenait une cérémonie d’assermentation parlementaire (Somali Guardian 2022-04-14; Crisis Group 2022-12), et Al Chabaab a revendiqué cette attaque (Somalia Guardian 2022-04-14); le 18 avril, les Chabab ont ciblé une réunion parlementaire; le 22 avril, un attentat suicide contre un restaurant a fait [traduction] « au moins » 6 morts (Crisis Group 2022-12);
  • le 23 avril 2022, dans la région du Moyen-Chébéli, [traduction] « au moins » 10 soldats sont morts à la suite de l’explosion d’une bombe en bordure de route (Crisis Group 2022-12);
  • au début de mai 2022, les Chabab ont attaqué une base abritant des soldats de la paix burundais, entraînant la mort [traduction] « d’au moins » 30 personnes (Crisis Group 2022-12) ou de [traduction] « plus de » 50 personnes, y compris « plusieurs dizaines » de soldats de la paix (The Washington Post 2022-07-17);
  • le 15 mai 2022, une attaque au mortier a été lancée contre un bureau de scrutin lors de l’élection présidentielle; il n’y a pas eu de victime (Crisis Group 2022-12);
  • dans la nuit du 8 au 9 juin 2022, 9 obus de mortier ont été lancés par de [traduction] « présumés combattants d’Al Chabaab » sur l’enceinte à Mogadiscio où se tiendrait par la suite la cérémonie d’investiture du président (Crisis Group 2022-12);
  • le 17 juillet 2022, une voiture piégée a explosé à un hôtel de la ville de Jawhar (Crisis Group 2022-12; AA 2022-07-17). L’hôtel accueillait une réunion des représentants de l’État de Hirshabelle et l’attentat a fait [traduction] « jusqu’à » 7 morts (Crisis Group 2022-12) ou [traduction] « au moins » 3 morts et « plus de » 14 blessés, y compris le ministre de la Santé de l’État de Hirshabelle; Al Chabaab a revendiqué cet attentat (AA 2022-07-17);
  • le 19 août 2022, une attaque contre un hôtel à Mogadiscio a mené à un siège qui a duré une trentaine d’heures, entraînant la mort [traduction] « d’au moins » 20 ou 21 personnes (DW 2022-08-21; Crisis Group 2022-12);
  • le 25 septembre 2022, un attentat suicide à la bombe visant une installation militaire dans le district de Wadajir à Mogadiscio a fait [traduction] « jusqu’à » 15 morts (Crisis Group 2022-12);
  • les 3 et 19 octobre 2022, dans la région de Hiraan, le gouvernement et les forces de sécurité ont été la cible de bombes qui ont tué [traduction] « plus de » 40 personnes (Crisis Group 2022-12);
  • le 23 octobre 2022, un hôtel à Kismayo dans la région du Bas-Djouba a subi un siège durant lequel 8 (AP 2022-10-23) ou 9 civils ont trouvé la mort (Crisis Group 2022-12); Al Chabaab a revendiqué cette attaque (AP 2022-10-23);
  • le 29 octobre 2022, un double attentat à la bombe est survenu à Mogadiscio, faisant [traduction] « au moins » 120 morts (Crisis Group 2022-12) ou [version française des Nations Unies] « au moins » 121 morts et des centaines de blessés (HRW 2022-11-01; Nations Unies 2022-11-14);
  • du 27 au 28 novembre 2022, un hôtel près du palais présidentiel a subi un siège qui a entraîné la mort [traduction] « d’au moins » 8 ou 9 personnes (Crisis Group 2022-12; Reuters 2022-11-28);
  • le 14 janvier 2023, une bombe a explosé dans la ville de Bulobarde, tuant « au moins » 8 personnes (RFI 2023-01-16) ou [traduction] « au moins » 11 personnes (VOA 2023-01-14). Le même jour, une bombe a explosé dans la ville de Jalalaqsi, mais les soldats avaient intercepté l’attaquant avant qu’il n’atteigne sa cible (VOA 2023-01-14; RFI 2023-01-17). Il s’agit de deux villes agricoles et commerciales importantes; elles avaient été sous l’emprise d’Al Chabaab pendant [traduction] « plus de » 10 ans et des efforts sont en cours pour mobiliser les populations locales contre Al Chabaab (VOA 2023-01-14);
  • le 16 janvier 2023, dans le district de Halgan, une voiture piégée a explosé près d’une base militaire, faisant 3 morts, dont le chef de la police locale (RFI 2023-01-17);
  • le 17 janvier 2023, 11 soldats sont morts lors d’une attaque contre un camp militaire; le 20 janvier, 7 soldats sont morts lors d’une attaque contre un camp militaire; le 22 janvier, une bombe humaine à Mogadiscio a tué « au moins » 6 civils (RFI 2023-01-22).

4.1 Cibles

Selon l’analyste principal, il y a deux [traduction] « grandes » catégories de cibles : d’une part, les personnes qui sont associées au gouvernement, l’appuient ou travaillent pour lui, y compris les forces de sécurité, les fonctionnaires de rang élevé ou subalterne et les personnes qui travaillent pour une ONG financée par les États-Unis; et, d’autre part, les personnes qui se sont opposées à Al Chabaab ou qui ont fait preuve de résistance à son endroit, y compris les personnes appartenant aux communautés qui « ont résisté », les entrepreneurs qui ont refusé de payer les taxes ou les gens qui ont refusé de se présenter devant les tribunaux d’Al Chabaab (2023-01-25). La même source a ajouté que les Chabab auraient [traduction] « probablement un motif précis » de cibler une personne en particulier, car nombreuses sont celles qui tombent dans ces catégories, par exemple tous les fonctionnaires à Mogadiscio (analyste principal 2023-01-25). L’analyste principal a déclaré que les personnes les plus susceptibles d’être prises pour cible ont des profils qui font qu’elles sont perçues comme représentant [traduction] « une menace quelconque pour l’organisation », par exemple : les personnes qui exercent une influence sociale ou détiennent un capital social; les dirigeants communautaires qui pourraient mobiliser leurs concitoyens; les érudits religieux ou les hommes d’affaires importants; ou quelqu’un qui en sait beaucoup sur le groupe, comme un transfuge (2023-01-25). D’après les Country Reports 2021 publiés par les États-Unis, en 2021, les Chabab ont assassiné [traduction] « des militants pour la paix réputés, des dirigeants communautaires, des aînés de clan, des délégués électoraux et des proches parents » à cause de leur participation aux efforts de consolidation de la paix, et ils ont décapité des personnes qu’elles accusaient d’espionnage pour le compte des forces nationales somaliennes et des milices affiliées et de « collaboration » avec ces entités; la même source signale qu’Al Chabaab ciblait des civils associés au gouvernement et s’en prenait aux employés d’ONG humanitaires, au personnel des Nations Unies et aux missions diplomatiques (É.-U. 2022-04-12, 15-16). Dans les Country Reports 2021 publiés par les États-Unis, on peut aussi lire que les Chabab [traduction] « justifient » leurs attaques contre des civils en soutenant que ces derniers sont « de faux prophètes ou des ennemis d’Allah, ou encore rangés du côté des ennemis d’Al Chabaab » (É.-U. 2022-04-12, 16). Amnesty International signale qu’en 2021, Al Chabaab a commis des attaques [version française d’Amnesty International] « répétées » contre des civils et des infrastructures civiles comme des restaurants et des hôtels tout en se livrant à des homicides ciblés visant, « entre autres », des journalistes et des personnes qu’il « soupçonnait » d’avoir des liens avec le gouvernement (2022-03-29, 330). D’après Human Rights Watch (HRW), les personnes accusées d’avoir des liens avec le gouvernement ou les forces étrangères risquent d’être exécutées (2023-01-13). Dans l’International Religious Freedom Report for 2021 publié par les États-Unis, on peut lire qu’Al Chabaab a exécuté des personnes soupçonnées de [traduction] « crimes » d’espionnage pour le compte de puissances étrangères et de sorcellerie (É.-U. 2022-06-02, 6). Citant à l’appui des [traduction] « informations recueillies par les Nations Unies », la même source ajoute que, [pour l’année 2021], en date du 31 juillet 2021, les Chabab avaient exécuté 18 civils qu’ils accusaient d’avoir espionné pour des forces étrangères et 1 autre qu’ils accusaient d’avoir assassiné 2 civils (É.-U. 2022-06-02, 6). Selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, où sont cités des [version française des Nations Unies] « [r]apports sur les médias et la sécurité », du 27 au 30 juin 2021, les Chabab ont exécuté 24 personnes accusées d’être des espions et des collaborateurs du gouvernement (2021-10-06, paragr. 120). La même source ajoute que des civils risquent l’enlèvement et la détention par les Chabab pour [version française des Nations Unies] « avoir défié » leurs ordres, ou pour les « obliger à leur faire allégeance », et a documenté 13 cas d’enlèvement concernant 155 civils; selon les entretiens que le Groupe d’expert a menés auprès de victimes d’enlèvement, il y aurait eu recours « à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’encontre des civils, hommes et femmes, aux mains du groupe » (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 119, 121). Selon l’International Religious Freedom Report for 2020 publié par les États-Unis, les personnes qui refusaient de payer la zakat et de céder les ressources demandées s’exposaient à des [traduction] « menaces crédibles de violence » et les parents, les enseignants et les communautés faisaient l’objet de menaces quand ils « ne se conformaient pas aux préceptes d’Al Chabaab » (É.-U. 2021-03-30, 6).

Tricia Bacon fait remarquer que les personnes qui se présentent ou qui participent aux élections sont des cibles (2022-03, 40). D’après l’International Religious Freedom Report for 2021 publié par les États-Unis, Al Chabaab a ciblé et tué des représentants gouvernementaux aux échelons fédéral et local ainsi que leurs alliés; de [traduction] « nombreuses » attaques ont été commises au moyen d’engins explosifs dirigés contre des forces et des édifices gouvernementaux, de même que des hôtels et des restaurants qui sont populaires dans les secteurs sous le contrôle du gouvernement (É.-U. 2022-06-02, 6). De même, dans le BTI 2022, il est signalé qu’Al Chabaab vise les hôtels et les restaurants régulièrement fréquentés par les responsables gouvernementaux et les gens d’affaires, que le groupe [traduction] « a intensifié les exécutions ciblées de membres des gouvernements fédéral, régional et de district, d’agents des services de sécurité étatiques et de civils qui sympathisent avec le gouvernement », et que le groupe a ciblé les aînés au niveau régional qui servent de délégués aux élections locales (Bertelsmann Stiftung 2022, 7). Selon le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, parmi les 270 attaques commises dans les districts de Banadir du 16 décembre 2020 au 6 septembre 2021, [traduction] « la plupart » visaient les forces de sécurité et des représentants gouvernementaux (Nations Unies 2021-10-06, annexe 2.4). Selon un article de VOA, en novembre 2021, une bombe humaine portant une veste d’explosifs a tué un détracteur d’Al Chabaab et, en janvier 2022, un ancien législateur et porte-parole gouvernemental a survécu à un attentat [traduction] « similaire » (2022-03-27). Un article paru dans le Guardian décrit un attentat au cours duquel la bombe humaine a étreint une députée avant de détoner sa bombe, tuant [traduction] « des dizaines » de personnes, y compris la députée, qui critiquait « ouvertement » le gouvernement et qui faisait campagne en Somalie centrale avant les élections parlementaires (2022-03-24). D’après le Crisis Group, l’augmentation du nombre de détracteurs du gouvernement qui ont trouvé la mort [traduction] « a fait naître de nouvelles allégations » selon lesquelles des « éléments » du gouvernement et Al Chabaab « se concertent » (2022-06-21, 10-11). Citant un entretien avec une source du milieu universitaire, Tricia Bacon souligne qu’Al Chabaab [traduction] « s’est infiltré dans toutes les sphères du gouvernement somalien, du service du renseignement à la chambre de commerce » (2022-03, 48).

Des sources signalent que, le 1er mars 2021, un journaliste a été abattu par balle après avoir reçu des menaces d’Al Chabaab; Al Chabaab a revendiqué cet assassinat (Amnesty International 2022-03-29, 330-331; É.-U. 2022-04-12, 20). Selon des sources, le 6 novembre 2021, un journaliste de radio a été tué dans une attaque ciblée perpétrée par Al Chabaab (Amnesty International 2022-03-29, 330-331) ou revendiquée par le groupe (É.-U. 2022-06-02, 5). Dans l’International Religious Freedom Report for 2021 publié par les États-Unis, il est ajouté que le directeur d’une chaîne de télévision publique et un chauffeur ont subi des blessures lors de cette attaque (É.-U. 2022-06-02, 5).

D’après l’International Religious Freedom Report for 2021 publié par les États-Unis, Al Chabaab qualifie les soldats de la paix de la Mission de l’Union africaine en Somalie de [traduction] « "croisés chrétiens" » qui tentent d’occuper le pays, et les organisations humanitaires font observer qu’en 2021, les Chabab ont poursuivi leurs menaces de mort contre les personnes qu’ils soupçonnent de s’être converties au christianisme (É.-U. 2022-06-02, 6, 7). Selon l’International Religious Freedom Report for 2020 publié par les États-Unis, en Somalie, de janvier à novembre 2020, [traduction] « 13 travailleurs humanitaires ont été tués, 12 ont été blessés et 23 ont été enlevés » (É.-U. 2021-03-30, 7); selon le même rapport pour l’année 2021, la violence à l’endroit des travailleurs humanitaires [traduction] « a diminué »; il y a eu 194 incidents de sécurité qui ont « directement touché les activités humanitaires, y compris 2 travailleurs humanitaires qui ont été tués, 8 qui ont été blessés, 11 qui ont été détenus et 1 qui a été enlevé » (É.-U. 2022-06-02, 7).

4.2 Capacité à retrouver des personnes

D’après l’analyste principal, Al Chabaab est en mesure de retrouver des personnes précises et d’exercer des représailles contre elles à l’aide d’un service du renseignement [traduction] « solide », particulièrement dans les centres urbains, et le groupe « intimide et assassine » des gens sur tout le territoire de Mogadiscio (2023-01-25). La même source ajoute que si une personne vit dans une région qui n’est pas contrôlée par Al Chabaab, elle n’est pas [traduction] « entièrement à l’abri du danger », car Al Chabaab a mené des attaques dans des zones où sa présente n’est pas forte, comme l’assassinat d’un gouverneur « et d’autres personnes que le groupe cherchait » au Puntland; si une personne demeure en Somalie, « il y a toujours un risque » (analyste principal 2023-01-25). L’analyste principal a déclaré que le renseignement humain à l’aide d’agents sur le terrain est la méthode utilisée pour retrouver des gens et qu’il existe [traduction] « probablement un certain de degré de corruption » au sein des services de sécurité menant à la communication de renseignements (2023-01-25). Dans un communiqué de presse, le secrétaire d’État des États-Unis a signalé qu’Al Chabaab dispose de son propre service du renseignement, appelé l’Amniyat, qui [traduction] « joue un rôle essentiel » dans les attentats suicides et les assassinats (É.-U. 2022-10-17). D’après un article de la rédactrice pour l’Afrique du BBC World Service, il y a plusieurs sections au sein de l’Amniyat, dont la section [traduction] « principale » qui se voue au renseignement et au contre-espionnage et d’autres qui se chargent des assassinats et des attentats à la bombe; la même source souligne que les transfuges d’Al Chabaab sont « terrifiés » à l’idée d’être retrouvés par l’Amniyat (BBC 2019-05-27). Dans l’article de la BBC sont cités les propos d’un ancien directeur des opérations de la lutte antiterroriste mondiale au Royaume-Uni, qui travaille maintenant en Somalie, selon lesquels l’Amniyat est [traduction] « "une police secrète stalinienne dotée de pouvoirs étendus et d’une vaste latitude opérationnelle" » et ayant la réputation d’être « "efficace, impitoyable et disciplinée" » (2019-05-27). Dans le rapport du Groupe d’experts sur la Somalie du Conseil de sécurité des Nations Unies, on peut lire que, selon des entretiens avec des chauffeurs de camion qui transportent des biens en Somalie, Al Chabaab gère un [version française des Nations Unies] « vaste réseau » de points de contrôle dans les régions sous sa domination et que « les reçus fournis par les Chabab » donnent à penser que le groupe maintient une vaste base de données relatives à la circulation des véhicules, des biens et des personnes dans les zones qu’il administre (Nations Unies 2021-10-06, paragr. 55). Dans son article, la rédactrice pour l’Afrique de la BBC fait remarquer que, à son retour au Royaume-Uni après des séjours en Somalie, elle reçoit [traduction] « souvent » un appel d’Al Chabaab et son interlocuteur lui décrit ce qu’elle a fait et où elle est allée, en disant à la journaliste que bien qu’elle ne soit pas une cible « importante », elle « pourrait se trouver "au mauvais endroit, au mauvais moment", et en subir les conséquences » (2019-05-19).

5. Réponse de l’État

Selon des sources, la Mission de l’Union africaine en Somalie a mené ses activités pendant 15 ans jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord en 2022 (ISS 2022-03-29; É.-U. 2023-01-24). D’après le World Factbook de la CIA, la Mission de l’Union africaine en Somalie était une mission de maintien de la paix qui visait à aider les forces somaliennes à mettre en place un processus politique stable et à réduire la menace d’Al Chabaab (É.-U. 2023-01-24). Des sources signalent que l’UA, les Nations Unies et le gouvernement somalien ont remplacé la Mission de l’Union africaine en Somalie par la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ISS 2022-03-29; CFR 2022). Des sources soulignent qu’un des objectifs de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie est de mettre en œuvre le Plan de transition somalien, qui prévoit le transfert progressif des responsabilités en matière de sécurité aux forces de sécurité somaliennes (AU 2022-03-08, paragr. 7; ISS 2022-03-29; É.-U. 2023-01-24). Des sources font observer que la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie doit achever le transfert de ces responsabilités en matière de sécurité d’ici la fin de 2024 (CFR 2022; ISS 2022-03-29; É.-U. 2023-01-24). Selon l’UA, la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie

[version française de l’UA]

aura le mandat suivant :

  1. Dégrader Al Shabaab et les autres groupes terroristes;
  2. Assurer la sécurité des agglomérations et ouvrir les principales voies d’approvisionnement;
  3. Développer les capacités des Forces de sécurité somaliennes pour leur permettre d’assumer les responsabilités en matière de sécurité d’ici la fin de la période de transition, c’est-à-dire en décembre 2024;
  4. Soutenir les efforts de paix et de réconciliation du GFS [Gouvernement fédéral de Somalie]; et
  5. Contribuer à développer les capacités des institutions de sécurité, de justice et des autorités locales du Gouvernement fédéral de Somalie et des États membres fédéraux (UA 2022-03-08, paragr. 9).

Vanda Felbab-Brown affirme que les forces somaliennes [traduction] « manquent d’entraînement, de matériel et de discipline, ainsi que de capacités de défense, de maintien et d’attaque »; « [d]ans certaines régions », Al Chabaab s’est « infiltré profondément » dans les forces et, d’après des entretiens avec des spécialistes de la sécurité somaliens et internationaux, « jusqu’à » 30 p. 100 de la force policière à Mogadiscio « serait compromise » (2020-04-14, 118, 152). La même source ajoute que les forces nationales souffrent d’un [traduction] « [manque de] cohérence institutionnelle » et que les procédures de contrôle pour le recrutement ne sont pas suivies, si bien que parmi les 23 000 à 27 000 membres des forces, « un nombre beaucoup plus restreint » est apte à mener des opérations contre Al Chabaab (Felbab-Brown 2020-04-14, 118). Vanda Felbab-Brown fait aussi remarquer que l’armée [traduction] « peine » à défendre ses bases d’opérations et ne parvient pas à défendre les territoires avoisinants, les bases d’opérations étant « régulièrement » prises ou détruites par Al Chabaab; citant des entretiens avec des représentants de la Mission de l’Union africaine en Somalie et des conseillers militaires internationaux, la même source signale que l’armée est donc « souvent obligée » de payer Al Chabaab pour se soustraire à des attaques (2020-04-14, 118, 152). Des sources soulignent que la division et les luttes intestines politiques sont la cause sous-jacente de l’échec des forces de sécurité (Felbab-Brown 2020-04-14, 123; Crisis Group 2022-06-21, 3). Le Crisis Group signale qu’il y a souvent des différends entre les politiciens, particulièrement entre les représentants du gouvernement fédéral et des États membres, alors que les Chabab font preuve [traduction] « [d’]une plus grande unité de vues » (2022-06-21, 3). La même source ajoute que, sous l’ancien président Mohamed Abdullahi Mohamed (aussi connu sous le nom de Farmaajo [Farmajo]) [président de 2017 à mai 2022], la friction entre le gouvernement fédéral et les États membres s’est accentuée, ce qui a permis à Al Chabaab de prendre de l’envergure, notamment dans la région du Centre-Sud où les divergences entre les dirigeants fédéraux et étatiques étaient les plus grandes (Crisis Group 2022-06-21, 3). Dans une autre publication, la même source signale que le nouveau président, Hassan Cheikh Mohamoud, prévoit lutter contre Al Chabaab [traduction] « sans se limiter aux moyens militaires »; dans cette optique, il a nommé un ancien haut dirigeant d’Al Chabaab au poste de ministre de la religion (Crisis Group 2022-12). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement sur les répercussions et l’efficacité des stratégies du nouveau gouvernement en vue de contrer Al Chabaab.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Tricia Bacon a effectué une analyse de l’identité, de l’esprit, des émotions et des perceptions (Identity, Mind, Emotions and Perceptions – IMEP) qui comprenait une [traduction] « revue exhaustive de rapports pertinents du milieu universitaire, de groupes de réflexion, de gouvernements, du Groupe de contrôle des Nations Unies et d’autres auteurs » ainsi que des entretiens virtuels avec des « experts » (Bacon 2022-03, 9, 12).

[2] La méthodologie de cette étude comportait une revue documentaire et du travail de terrain à Mogadiscio et à Baidoa en janvier 2020, dont 51 entretiens avec [traduction] « des responsables anciens et actuels du gouvernement de la Somalie et des États membres fédéraux, des agents anciens et actuels des forces de sécurité nationale somaliennes, des politiciens somaliens, des dirigeants d’entreprise, des représentants d’ONG, des aînés de clans de la Somalie, des représentants des Nations Unies, des conseillers internationaux auprès du gouvernement de la Somalie et des diplomates » (Felbab-Brown 2020-04-14, 116).

Références

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Autres sources consultées

Sources orales : Mission de transition de l’Union africaine en Somalie; Peace Direct; professeur au Lesotho dont les recherches portent sur le terrorisme en Afrique de l’Est; professeur dans un collège aux États-Unis dont les recherches portent sur la pensée politique islamique et qui a des publications sur Al Chabaab; professeur dans un collège aux États-Unis dont les recherches portent sur les moteurs de la violence politique en Somalie; professeur dans une université en Norvège dont les recherches portent sur Al Chabaab.

Sites Internet, y compris : Africanews; African Security Review; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; Austrian Red Cross – ecoi.net; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; Brookings Institution; Center for Strategic and International Studies; defenceWeb; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; France 24; Freedom House; The Jamestown Foundation; Nations Unies – Women's Peace and Humanitarian Fund; The New York Times; Nordic Monitor; Norvège – Landinfo; Political Geography Now; Radio Dalsan; Rift Valley Institute; Royaume-Uni – Home Office; Somaliland Standard; Stanford University – Center for International Security and Cooperation; Union européenne – European Union Agency for Asylum; University of Central Arkansas – Department of Political Science Service.



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