Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

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C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

25 novembre 2021

TUR200821.EF

Turquie : information sur le traitement réservé aux athées par la société et les autorités, en particulier à Istanbul; information indiquant si des groupes socioreligieux qui appuient le gouvernement jouent le rôle d’informateurs et signalent les pratiques religieuses des citoyens (2019–novembre 2021)

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur le traitement réservé aux athées par la société et les autorités, en particulier à Istanbul.

1. Lois

Le Code pénal de la Turquie prévoit ce qui suit :

[traduction]

Incitation du public à la haine, à l’hostilité ou à l’humiliation

Article 216

  1. Quiconque incite publiquement à la haine ou à l’hostilité une partie de la population envers une autre partie de la population sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région, si pareille incitation fait naître un risque manifeste et imminent pour la sécurité publique, est passible d’une peine d’emprisonnement allant de un à trois ans.
  2. Quiconque humilie publiquement une partie de la population pour des motifs fondés sur l’appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région, est passible d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à un an.
  3. Quiconque dénigre publiquement les valeurs religieuses d’une partie de la population est passible d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à un an si pareil dénigrement est susceptible de troubler la paix publique (Turquie 2004, en gras dans l’original).

2. Traitement réservé aux athées par la société

Un rapport sur une enquête sur la polarisation en Turquie [1] produit par KONDA, une société de recherche et de conseil en Turquie (KONDA s.d.), observe que 7 p. 100 des athées [traduction] « pensent que leurs droits en tant que citoyens sont adéquatement protégés » (KONDA janv. 2019, 20). Le même rapport précise que 63 p. 100 des athées sont d’accord avec l’affirmation [traduction] « je me sens [comme un] citoyen de seconde zone », alors que 69 p. 100 sont d’accord avec l’affirmation « je me sens comme un étranger dans mon pays » (KONDA janv. 2019, 42, 45).

Dans un rapport du Centre pour le progrès américain (Center for American Progress – CAP), un institut de politique indépendant et non partisan (CAP s.d.), on peut lire qu’une [traduction] « enquête nationale » menée par le CAP et la société de sondage turque Metropoll par le biais de sondages en personne et téléphoniques confidentiels effectués en octobre 2019 a constaté que « 32 p. 100 des Turcs ont déclaré que le déisme/l’athéisme était plus dangereux » que l’extrémisme religieux « [d]ans la société d’aujourd’hui » (CAP août 2020, 3, 12–13, 23). La même source indique en outre que parmi les électeurs du Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi – AKP) de M. Erdoğan, 50 p. 100 ont déclaré que [traduction] « le déisme/l’athéisme était plus dangereux » que l’extrémisme religieux; parmi les électeurs de « l’ultranationaliste » Parti du mouvement national [Parti d’action nationaliste] (Milliyetçi Hareket Partisi – MHP), une « majorité relative de 40 p. 100 a déclaré que le déisme/athéisme est la plus grande menace » (CAP août 2020, 13, 17).

Selon le Turkey 2020 Crime & Safety Report pour Istanbul publié par le Conseil consultatif de sécurité outre-mer (Overseas Security Advisory Council – OSAC) des États-Unis, les athées [traduction] « font encore l’objet d’intimidation dans les médias progouvernementaux, mais à un degré moindre que les autres minorités religieuses » (É.-U. 27 juill. 2020, 9). IPA News, un portail d’informations en ligne portant sur la politique turque, fondé [traduction] « par un groupe de journalistes turcs vivant à l’étranger » (IPA News s.d.), signale [traduction] « [qu’]un théologien au franc-parler » « "est devenu une cible" pour des médias intégrés » et il a été « congédié » de son emploi dans une école secondaire après avoir été cité alors qu’il aurait dit « "les athées locaux suivent davantage les valeurs islamiques que les musulmans" » (IPA News 16 janv. 2019).

Duvar, une [traduction] « gazette indépendante » en ligne située en Turquie (Duvar s.d.), attire l’attention sur le fait que l’Association de l’athéisme (Association of Atheism) basée en Turquie a [traduction] « déposé une plaint[e] au criminel » contre Yeni Akit, un « [journal] quotidien islamiste progouvernemental », pour un article que Yeni Akit a publié en février 2020 [2], « au motif qu’il insultait les athées » (Duvar 6 juin 2020). Selon la même source, l’article [traduction] « comprend un certain nombre de remarques désobligeantes adressées aux athées » et que, selon les avocats de l’Association of Atheism, Yeni Akit « a violé » l’article 216 du code pénal du pays, qui « punit les déclarations qui "humilient ou provoquent la haine ou l’hostilité entre les gens" » (Duvar 6 juin 2020). Un autre article de la même source attire l’attention sur le fait que l’Association de l’athéisme a également [traduction] « déposé une plainte au criminel contre le chef de la Direction des affaires religieuses (Diyanet), Ali Erbaş, en raison de ses commentaires selon lesquels "ceux qui ne croient pas à la vie après la mort peuvent commettre n’importe quelle malignité" » (Duvar 10 nov. 2020).

Le Daily Dot, un portail d’actualités en ligne du Texas, qui couvre la [traduction] « culture Internet » (Daily Dot s.d.), fait observer que [traduction] « la Turquie censure discrètement les sites Internet athées et antimusulmans parce qu’ils seraient diffamatoires » (Daily Dot 4 mars 2015). Selon des sources, une ordonnance d’un tribunal datée de 2015 a entraîné [traduction] « l’interdiction » de 49 URL (Nations Unies 21 juin 2017, paragr. 49; Daily Dot 4 mars 2015), la [traduction] « majorité, si ce n’est la totalité », traitait de « thèmes athées ou anti-musulmans »; le site Internet de l’Association de l’athéisme figurait parmi les sites touchés (Daily Dot 4 mars 2015). Le Daily Dot a en outre observé que le juge n’avait fourni aucun motif pour l’ordonnance, mais a déclaré qu’une enquête était [traduction] « en cours » (Daily Dot 4 mars 2015). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé de renseignements additionnels sur l’interdiction des sites Internet ordonnée par le tribunal.

Dans le Guardian, on peut lire que selon une étude réalisée en Turquie en 2020 par l’Université de Sakarya et le ministère de l’Éducation et qui [traduction] « a examin[é] les programmes d’enseignement religieux dans le système scolaire turc », les élèves « "résistent aux leçons religieuses obligatoires, au projet de ‘génération religieuse’ du gouvernement et au concept de religion dans sa totalité" » (The Guardian 29 avr. 2020). La même source affirme que [traduction] « [p]resque la moitié des enseignants interrogés ont déclaré que leurs élèves étaient de plus en plus susceptibles de se décrire comme athées, déistes ou féministes et de contester l’interprétation de l’islam enseignée à l’école » (The Guardian 29 avr. 2020).

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur agrégé à l’Université de St. Lawrence aux États-Unis, spécialiste de la relation entre religion et identité nationale en Turquie, a déclaré qu’il existe des cours d’enseignement religieux obligatoires dont il est [traduction] « théoriquement possible de se désinscrire », mais dans la pratique, seuls les individus désignés non musulmans (les personnes désignées comme juives, grecques orthodoxes ou arméniennes) sont « susceptibles » de pouvoir se désinscrire (professeur agrégé 20 oct. 2021). Des sources précisent que les athées, les agnostiques (Australie 10 sept. 2020, paragr. 2.32; É.-U. 12 mai 2021, 6) et les personnes qui laissent en blanc la section religion sur leur carte d’identité nationale ne sont pas exemptés (Australie 10 sept. 2020, paragr. 2.32) ou [traduction] « sont rarement exemptés » (É.-U. 12 mai 2021, 6) des cours obligatoires de morale et de religion (Australie 10 sept. 2020, paragr. 2.32; É.-U. 12 mai 2021, 6). Les mêmes sources expliquent que ces cours ont lieu dans les [traduction] « écoles primaires et secondaires publiques » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 2.32) ou dans [traduction] « les écoles publiques et privées à tous les niveaux à partir de la quatrième année » (É.-U. 12 mai 2021, 6). Le professeur agrégé a fait observer que même si des parents souhaitent élever leurs enfants sans aucune religion, leurs enfants devront quand même suivre les cours où l’islam est enseigné (professeur agrégé 20 oct. 2021). La même source a en outre déclaré que l’État turc a [traduction] « favorisé » les écoles secondaires religieuses au détriment des écoles secondaires laïques et, par conséquent, les parents « pourraient être forcés » d’envoyer leur enfant dans une école secondaire religieuse où la religion joue un rôle « très important » dans l’éducation (professeur agrégé 20 oct. 2021).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur de l’Université Philipps à Marburg, en Allemagne, qui se spécialise dans les études turques contemporaines, l’athéisme et l’incroyance, a écrit qu’un père athée qu’il a interviewé [3] [traduction] « a enregistré sa fille comme "chrétienne" parce que c’était la seule façon de la faire exempter des cours obligatoires de religion à l’école » (professeur 21 oct. 2021). La même source a en outre écrit, en s’appuyant sur des entretiens qu’il a menés, que [traduction] « [d]e nombreux parents » enregistrent leurs enfants comme musulmans « par crainte que leurs enfants subissent de la discrimination à l’école ou plus tard dans la vie », comme au travail ou dans l’armée (professeur 21 oct. 2021).

Duvar cite le chef de la Diyanet alors qu’il aurait dit que [traduction] « les enfants doivent être protégés des idéologies autres que l’Islam » alors qu’il « mett[ait] en garde contre les "organisations qui encouragent le déisme et l’athéisme" » (Duvar 29 mars 2021). Selon Cumhuriyet, un journal en Turquie, le chef du Département de la Contrebande, du renseignement, des opérations et de la collecte de renseignements (Kaçakçılık İstihbarat Harekât Ve Bilgi Toplama Dairesi Başkanlığı – KIHBİ) a déclaré au cours d’une présentation faite au nom du ministère de l’Intérieur dans le cadre d’un atelier sur la [traduction] « "la santé mentale" » des jeunes que « les mauvaises habitudes » comme « l’athéisme, le déisme, le paganisme, le tengrisme [et] la drogue » sont « les menaces les plus importantes auxquelles sont exposés les jeunes gens qui tombent dans le vide "spirituel" » (Cumhuriyet 29 déc. 2019).

Selon le professeur agrégé, si une personne est à la recherche d’un emploi dans une municipalité [traduction] « socialement conservatrice », être athée est une « tache importante » qui joue contre elle (professeur agrégé 20 oct. 2021). Par ailleurs, le professeur a affirmé que [traduction] « [l]es employés non religieux ou athées » de la Municipalité métropolitaine d’Istanbul (Istanbul Büyükşehir Belediyesi) « semblent craindre de perdre leur emploi ou d’être harcelés par des collègues et des supérieurs s’ils révèlent » leur irréligiosité (professeur 21 oct. 2021). Le professeur a donné l’exemple [traduction] « [d’]une jeune athée qui travaillait pour la Municipalité métropolitaine d’Istanbul (gérée à l’époque par l’AKP) et qui retirait son voile uniquement après avoir quitté son lieu de travail afin d’éviter les conflits avec ses supérieurs et ses collègues » (professeur 21 oct. 2021). La même source a en outre souligné que dans la Municipalité métropolitaine d’Istanbul, sous la gouvernance de l’AKP, [traduction] « le jeûne pendant le ramadan a été imposé à tous sur les lieux de travail », car la nourriture et les boissons n’étaient plus fournies dans la cafétéria ou pendant les réunions (professeur 21 oct. 2021). Le professeur agrégé a déclaré que parce que le gouvernement perçoit la [traduction] « religiosité » d’une personne comme un indice de loyauté, il y a des incitatifs économiques – lors des embauches et des promotions, par exemple – et des pressions pour que les personnes « manifestent » leur religion (professeur agrégé 20 oct. 2021). La même source a expliqué que dans les entreprises intéressées par des contrats gouvernementaux ou qui appartiennent à des [traduction] « conservateurs religieux », il peut y avoir des pressions pour que les personnes pratiquent leur religion en public, par exemple en jeûnant ou en assistant aux prières du midi (professeur agrégé 20 oct. 2021).

2.1 Situation à Istanbul

Selon des sources, le traitement des athées à Istanbul [traduction] « dépend beaucoup du quartier en particulier » (professeur 21 oct. 2021) ou [traduction] « dépend du quartier dans lequel vous vivez » et de son taux de criminalité (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le professeur agrégé a déclaré, par exemple, que [traduction] « dans un quartier bourgeois et laïc, vous n’aurez aucun problème » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Selon le professeur, [traduction] « [d]ans certains "quartiers laïcs" gouvernés par l’opposition (p. ex., Kadıköy, Beşiktaş, Bakırköy), les athées et les personnes non religieuses ne rencontreront généralement aucun problème dans la vie quotidienne », mais « [d]ans d’autres zones », comme Ümraniye, Fatih et Zeytinburu, « les athées font face à de la discrimination ouverte et ils sont parfois menacés et attaqués » (professeur 21 oct. 2021). La même source a ajouté que [traduction] « [d]e nombreuses personnes se sentent autorisées à sanctionner un comportement non religieux dans la vie quotidienne – verbalement et physiquement » et que

[traduction]

les [g]ens cachent généralement leur identité non religieuse dans les quartiers conservateurs. Ils craignent l’isolement social, la perte d’emploi [et] des préjudices physiques pour eux-mêmes et leurs enfants. Cette situation [a] certainement [été] exacerbée sous le règne de l’AKP. Plusieurs personnes m’ont dit qu’elles n’osaient plus boire de thé sur leur balcon pendant le ramadan ou boire un verre d’alcool (raki, bière) devant leur maison par peur [de] provoqu[er] une réaction agressive chez leurs voisins pieux et conservateurs, qui se sentent encouragés par des discours haineux publics à agir au nom de l’islam et du gouvernement. Les gens ont peur du « public échauffé » et le manque de protection de la part des autorités représente une menace constante (professeur 21 oct. 2021).

3. Traitement réservé aux athées par les autorités

Selon le professeur agrégé, les autorités n’ont [traduction] « aucun moyen » de savoir qu’une personne est athée « à moins qu’elle n’en parle ouvertement » (professeur agrégé 20 oct. 2021). La même source a fait observer qu’il est [traduction] « peu probable » qu’une personne soit harcelée par la police ou l’État à moins qu’elle n’ait choisi de « rendre [ses] croyances publiques », mais elle a en outre déclaré qu’il est « peu probable » que l’État prenne des « mesures directes » contre un athée « fervent » (professeur agrégé 20 oct. 2021). En revanche, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chargé de cours dans une université aux États-Unis qui se spécialise en études turques a expliqué que, [traduction] « [t]out spécialement au niveau national, les autorités ne reconnaissent pas les droits et libertés des athées » et elles ne « leur permet[tent] pas d’exprimer leurs points de vue et leurs opinions » (chargé de cours 25 oct. 2021). Selon la même source, [traduction] « cela fait partie d’une vision plus large » selon laquelle « de nombreux » groupes « sont stigmatisés en raison de leur identité propre » (chargé de cours 25 oct. 2021).

3.1 Situation à Istanbul

Le professeur a écrit ceci :

[traduction]

Lors des entretiens que j’ai menés, j’ai appris que certains athées ont subi de la discrimination lorsqu’ils ont interagi avec les autorités à Istanbul au cours des dernières années – en particulier en ce qui concerne l’enregistrement de leurs nouveau-nés. Une personne m’a dit que son fils a été « automatiquement » enregistré comme musulman à son insu et le […] fonctionnaire [responsable] a d’abord nié que la catégorie [religieuse] « aucune » existe. Ce n’est qu’après une grave dispute que l’identité religieuse a été retirée du certificat de naissance de l’enfant (professeur 21 oct. 2021).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni de renseignements additionnels.

4. Milices locales et pratiques religieuses des citoyens

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de d’information indiquant si les milices locales servent d’informateurs au gouvernement pour signaler les pratiques religieuses des citoyens. Cependant, l’information qui suit peut s’avérer utile.

Selon le professeur agrégé, [traduction] « l’État central ne surveille pas de près la pratique religieuse individuelle » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Par contre, le chargé de cours a écrit que même

[traduction]

[s’i]l n’y a aucune preuve confirmant que des milices locales informent le gouvernement sur les pratiques religieuses des citoyens, […] il existe un portail appelé [le Centre de communication de la présidence (Cumhurbaşkanlığı İletişim Merkezi – CİMER)] [4] – c.-à-d. un service téléphonique ou une application en ligne du portail du gouvernement – permettant aux citoyens de la Turquie de présenter une pétition contre les personnes qui ont un comportement antiétatique (chargé de cours 25 oct. 2021).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur adjoint dans une université en Turquie spécialiste de la liberté de pensée et de croyance des communautés défavorisées en Turquie a déclaré que

[traduction]

dès ses premières années au pouvoir, le gouvernement de l’AKP [a] mis en place une série de lignes de plaintes faciles d’accès (pour tout ce que vous pouvez imaginer : soins de santé, enseignants dans les écoles publiques, une émission de télévision, etc.). Cette nouvelle stratégie vise idéalement à établir une ligne directe entre le peuple et son seul rempart, le gouvernement de l’AKP, contre « l’élite (républicaine et laïque) technocrate »

[…]

Ces canaux se sont ensuite transformés en un mécanisme national de dénonciation simplement parce que la personne qui porte plainte n’a pas à divulguer son identité et ne [sera] pas tenue responsable même si sa plainte est sans fondements réels.

[…]

SI vous partagez quelque chose sur votre compte de médias sociaux ou faites une déclaration sur l’athéisme ou contre l’Islam, ET SI quelqu’un fait une plainte à votre sujet par l’entremise du système [du] CİMER, alors OUI vous pouvez être exposé (a) à des procédures judiciaires et (b) à une stigmatisation sur les médias sociaux (professeur adjoint 21 oct. 2021, mise en évidence dans l’original).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] Le rapport de KONDA s’appuie sur les résultats d’une enquête sur le terrain réalisée en janvier 2019 au moyen [traduction] « d’entrevues en personne avec 2 659 personnes dans leurs foyers, dans 148 quartiers et villages de 100 districts, y compris les districts centraux de 30 provinces » (KONDA janv. 2019, 5).

[2] Selon l’article de Yeni Akit, [traduction] « les esprits vides qui lisent des articles scientifiques et se perdent dans le monde des atomes deviennent des athées » et « [qu’un] homme sans foi est un esprit vide » (Yeni Akit 11 févr. 2020). La même source souligne en outre que [traduction] « les athées disent qu’ils sont respectueux envers tout le monde, mais au fil du temps », ils peuvent devenir « dangereux » (Yeni Akit 11 févr. 2020).

[3] De 2017 à 2019, le professeur a mené [traduction] « environ 30 entrevues en profondeur avec des athées autoproclamés en Turquie au sujet de leurs antécédents et leur biographie » (professeur 21 oct. 2021).

[4] Un article sur le site Internet de la Direction des communications de la Turquie explique que le CİMER [traduction] « a été créé sur instruction du président Recep Tayyip Erdoğan » pour répondre « aux demandes, aux plaintes et aux demandes d’information » du public (Turquie 12 mars 2019). La même source cite le directeur des communications qui aurait déclaré que le CİMER [traduction] « "renforc[e] la relation entre l’État et la société" » et « "facilit[e] un mécanisme de surveillance efficace" » (Turquie 12 mars 2019).

Références

Australie. 10 septembre 2020. Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT). DFAT Country Information Report: Turkey. [Date de consultation : 7 oct. 2021]

Center for American Progress (CAP). Août 2020. Max Hoffman. Turkey's President Erdoğan Is Losing Ground at Home. [Date de consultation : 8 oct. 2021]

Center for American Progress (CAP). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 8 oct. 2021]

Chargé de cours, université aux États-Unis. 25 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Cumhuriyet. 29 décembre 2019. Ozan Çepni. « Ateizm, deizm: Kötü alışkanlık, çözüm: Ruh doktorluğu ». [Date de consultation : 7 oct. 2021]

Daily Dot. 4 mars 2015 (mis à jour le 29 mai 2021). Efe Kerem Sozeri. « Turkey Quietly Escalating Online Censorship of Atheism ». [Date de consultation : 7 oct. 2021]

Daily Dot. S.d. « About ». [Date de consultation : 7 oct. 2021]

Duvar. 29 mars 2021. « Children Must Be Protected from Ideologies Other than Islam: Turkey’s Top Religious Body ». [Date de consultation : 6 oct. 2021]

Duvar. 10 novembre 2020. « Turkey’s Atheism Association Files Criminal Complaint Against Diyanet Head ». [Date de consultation : 22 nov. 2021]

Duvar. 6 juin 2020. « Turkey’s Atheism Association Sues Daily Akit over Article Denigrating Atheists ». [Date de consultation : 6 oct. 2021]

Duvar. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 19 nov. 2021]

États-Unis (É.-U.). 12 mai 2021. Department of State. « Turkey ». International Religious Freedom Report for 2020. [Date de consultation : 6 oct. 2021]

États-Unis (É.-U.). 27 juillet 2020. Department of State, Overseas Security Advisory Council (OSAC). Turkey 2020 Crime & Safety Report: Istanbul. [Date de consultation : 6 oct. 2021]

The Guardian. 29 avril 2020. Bethan McKernan. « Turkish Students Increasingly Resisting Religion, Study Suggests ». [Date de consultation : 8 oct. 2021]

IPA News. 16 janvier 2019. « Theologian Saying ‘Atheists Locally Follow Islamic Values More than Muslims’, Dismissed ». [Date de consultation : 6 oct. 2021]

IPA News. S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 19 nov. 2021]

KONDA. Janvier 2019. Barometer Themes: Polarization in Turkey. [Date de consultation : 6 oct. 2021]

KONDA. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 6 oct. 2021]

Nations Unies. 21 juin 2017. Conseil des droits de l’homme. Report of the Special Rapporteur on the Promotion and Protection of the Right to Freedom of Opinion and Expression on his Mission to Turkey. (A/HRC/35/22/Add.3) [Date de consultation : 24 nov. 2021]

Professeur, Philipps-University of Marburg, Allemagne. 21 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeur adjoint, université en Turquie. 21 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeur agrégé, St. Lawrence University, New York. 21 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Turquie. 12 mars 2021. Directorate of Communications. « 'CIMER Revolution: In Today’s Turkey, Our Citizens Have a Share in State Administration' ». [Date de consultation : 22 nov. 2021]

Turquie. 2004 (modifié en 2016). Penal Code of Turkey. [Date de consultation : 6 oct. 2021]

Yeni Akit. 11 février 2020. « Ateizmin evreleri nelerdir? Ateistler herkese saygılı mıdır? ». [Date de consultation : 8 oct. 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : Association for Human Rights and Solidarity for the Oppressed (MAZLUMDER); Atheist Alliance of America; Ateizm Derneği; avocat des droits de la personne, chroniqueur et ancien président de la Human Rights Agenda Association; Belgique – Cedoca; chercheur dans une université en Allemagne spécialiste des études turques contemporaines, de l’athéisme et de l’incroyance; chercheur principal au Center for Global Liberty and Prosperity du Cato Institute; directeur d’une université en Turquie spécialiste en droit relatif aux droits de l’homme; doyen et chargé d’enseignement d’une faculté d’études religieuses dans une université en Turquie; Ex-Muslims of North America; Gatestone Institute; membre du Human Rights Network (Raoul Wallenberg Institute of Human Rights and Humanitarian Law); professeur adjoint dans une université aux Pays-Bas spécialiste des Kurdes, des alévis, des groupes ethniques et des politiques ethniques au Moyen-Orient, y compris en Turquie; professeur agrégé dans une université au Canada spécialiste des frontières et de la mobilité, des études sur la sécurité et de la sociologie politique; professeur agrégé dans une université aux États-Unis spécialiste de l’identité, de la religion, de l’ethnohistoire, des conflits et des études kurdes en Asie du Sud-Ouest et au Moyen-Orient; professeur agrégé dans une université aux États-Unis spécialiste de politique comparée au Moyen-Orient, des mouvements sociaux, de la démocratisation, de la religion et de la politique; professeur dans une université aux États‑Unis qui enseigne l’anthropologie et se spécialise sur la Turquie; professeur dans une université aux États-Unis spécialiste de la laïcité et des politiques de l’État en Turquie; professeur dans une université en Suède spécialiste de l’islam politique, de la politique turque, de l’identité ethnique et des questions de genre; professeur de sciences politiques à la retraite d’une université de Turquie spécialiste de la sociologie politique, de la sociologie de la religion, de la laïcité et de la citoyenneté; théologien et professeur dans une université en Turquie spécialiste du chiisme, du salafisme actuel, des mouvements islamiques contemporains et des relations politico-religieuses; Turkish Bar Council.

Sites Internet, y compris : Ahval; Al Jazeera; Al-Monitor; Amnesty International; The Arab Weekly; AsiaNews; Ateizm Derneği; Atheist Alliance of America; The Atheist Conservative; The Atlantic; Austrian Red Cross – Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation; Banque mondiale; BBC; Begin-Sadat Center for Strategic Studies; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; Bertelsmann Stiftung; Bianet; Brookings Institution; Cato Institute; Center for Strategic and International Studies; Council on Foreign Relations; de Volkskrant; Danemark – Danish Immigration Service; Deutsche Welle; États-Unis – CIA World Factbook, Commission on International Religious Freedom, Library of Congress; European Policy Centre; The Ex-Muslim; Fédération internationale pour les droits humains; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; Gatestone Institute; Georgetown University – Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs; Hrant Dink Foundation; Hudson Institute; Humanists International; Human Rights Watch; Hürriyet Daily News; International Crisis Group; INTERPOL; Kathimerini; London School of Economics and Political Science; Michigan State University – International Law Review; Minority Rights Group International; The National Interest; Nations Unies – Haut-Commissariat aux droits de l’homme, ONU Femmes, Refworld; The New Humanitarian; Norvège – Landinfo; openDemocracy; Organisation suisse d’aide aux réfugiés; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; Radio Free Asia; Radio Free Europe/Radio Liberty; Reporters sans frontières; Reuters; Rice University – Baker Institute for Public Policy; Royaume-Uni – Home Office; Transparency International; Turkey Tribune; Turkish Policy Quarterly; Turquie – Ministry of National Education; Union européenne – European Asylum Support Office; Voice of America; The Week; Wilson Center; WorldReligionNews.com.



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