Nigéria : information sur les conséquences auxquelles s’expose une personne qui refuse le titre de grand prêtre ou de chaman [aussi appelé féticheur], pour lequel elle a été choisie dans le sud et le centre du Nigéria; protection offerte par l'État (2019–octobre 2021)
1. Aperçu sur le rôle de grand prêtre et/ou de chaman
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure émérite spécialisée en anthropologie culturelle africaine à l’Université de Birmingham, qui mène de la recherche d’archives depuis plus de vingt ans, a expliqué que [traduction] « le terme "prêtre féticheur" est obsolète et offensant, et ne devrait pas être utilisé » (professeure émérite 14 oct. 2021). Dans un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un chercheur à l’Université de Toronto qui mène des recherches sur l'éducation et la migration a également expliqué que les mots [traduction] « objets fétiches » et « prêtre féticheur » sont utilisés par les chercheurs occidentaux dans un sens péjoratif et que les chercheurs africains ainsi que le peuple nigérian leur préfèrent les termes « "amulettes" et "chamans" ou "guérisseurs traditionnels" [traditional doctors] ou encore "prêtres de sanctuaire" » (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur principal à l’Université du Nigéria, à Nsukka, qui s’est spécialisé notamment dans les groupes religieux traditionnels, a aussi abondé dans le même sens en soulignant que
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le concept de prêtre féticheur n’a pas sa place dans la spiritualité et la culture religieuse africaine contemporaine. C’était un concept colonial occidental concocté de manière péjorative et imposé à l’image spirituelle africaine pour rabaisser l’efficacité et le caractère puissant de la personnalité spirituelle africaine (chercheur principal 30 oct. 2021).
Le chercheur affilié à une université canadienne a affirmé qu’il n’existe qu’un seul grand prêtre pour chaque communauté au Nigéria, tandis qu’il peut y avoir plusieurs chamans au sein d’une même communauté (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Dans une communication envoyée à la Direction des recherches, un chercheur à l’Université James Cook (Australie), qui se spécialise notamment en études autochtones, a affirmé que [traduction] « le poste de grand prêtre est crucial » et qu’il sert de médiateur entre le peuple et les divinités (chercheur affilié à une université australienne 1er nov. 2021). Lors d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur agrégé spécialisé en histoire africaine à l’Université Brock au Canada a pour sa part affirmé que tout grand prêtre est nécessairement chaman, mais que tout chaman n’est pas grand prêtre pour autant (professeur agrégé 20 oct. 2021). D’après la même source, un grand prêtre est responsable d’un sanctuaire à l’intérieur duquel il est amené à se servir d'amulettes dans la plupart des rituels qu’il réalise et aura besoin d’engager un [chaman] au fur et à mesure que s’agrandit son sanctuaire, de la même façon qu’il va engager une sorcière avec l’augmentation des activités du sanctuaire (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur principal a quant à lui expliqué que [traduction] « [l]e rôle d’un prêtre traditionnel ou grand prêtre tourne autour de la tutelle spirituelle d’une communauté donnée » et que sa position est en général « liée à une divinité donnée » ainsi qu’au territoire géographique particulier où ladite divinité règne ou exerce « son influence et ses pouvoirs » (chercheur principal 30 oct. 2021).
Selon le chercheur affilié à une université canadienne, la croyance populaire répandue au sud du Nigéria veut que le métier de grand prêtre ne s’acquière pas, ne s’enseigne pas, ne se transmette pas et ne soit pas héréditaire puisqu’on le devient automatiquement le plus souvent à la suite d’une prophétie d’un oracle, alors que le chaman peut être choisi par un grand prêtre ou par la communauté, et son titre peut être transmis de père en fils, voire dans la famille élargie de l’ancêtre chaman (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). En revanche, le professeur agrégé a quant à lui affirmé qu’une personne peut devenir grand prêtre ou [chaman] de manière héréditaire, le rôle de prêtre traditionnel se transmettant le plus souvent de génération en génération entre les hommes, tandis que cela se fait majoritairement entre les membres de sexe féminin pour les activités relatives à la sorcellerie (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur principal a également déclaré ceci à propos de la façon dont les grands prêtres sont choisis :
[traduction]
Concernant la désignation des grands prêtres, il est instructif de souligner qu’en qualité de titres spirituels, de telles nominations sont dépourvues de procédures laïques. La première condition est qu’un tel candidat doit être associé à la divinité donnée d’un point de vue historique et ancestral. Dans certains cas, le choix est déterminé par ladite divinité, soit à travers la divination, par inspiration personnelle directe […]. Dans d’autres cas, le candidat est choisi selon un cadre de succession défini au sein d’une parenté sacerdotale donnée ou de l’appartenance à un village ou à un clan (chercheur principal 30 oct. 2021).
Le chercheur basé en Australie a affirmé pour sa part qu’il [traduction] « existe des titres/postes traditionnels stratégiques qui ont été exclusivement attribués à certaines familles tels que le grand prêtre, le seigneur de guerre, etc. » et qu’il « s’agit d’une pratique courante dans toutes les régions du Nigéria » (chercheur affilié à une université australienne 1er nov. 2021).
Des sources ont affirmé que le nombre de sanctuaires et de prêtres traditionnels est en diminution dans le centre-sud du Nigéria au fur et à mesure que la religion chrétienne y gagne du terrain (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021; professeur agrégé 20 oct. 2021). Les mêmes sources ont également affirmé que le grand prêtre joue parfois le rôle de juge dans le contexte d’un tribunal traditionnel informel et que son influence dans ce sens s’agrandit avec les dysfonctionnements du système judiciaire des tribunaux officiels, notamment sur le plan de la justice pénale (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021; professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur principal a abondé dans le même sens en affirmant qu’un certain nombre de personnes tendent à se tourner vers la justice divine rendue par le grand prêtre croyant qu’il s’agit du seul moyen d’obtenir un jugement impartial et efficace à la place du [traduction] « système judiciaire moderne habituellement corrompu » (chercheur principal 30 oct. 2021).
La professeure émérite a aussi affirmé que [traduction] « les titres religieux traditionnels ou les titres rituels sont souvent malvenus, ce qui n’est pas surprenant dans un pays où plus 90 p. 100 de la population se déclare comme étant musulmane ou chrétienne » et « [qu’]aujourd’hui, la religion traditionnelle n’a presque plus de pouvoir » (professeure émérite 14 oct. 2021). Le chercheur affilié à une université canadienne a par ailleurs affirmé que les rôles respectifs de grand prêtre et de chaman s’inscrivent dans le cadre de pratiques relatives à diverses religions traditionnelles qui ont existé au Nigéria dont les principales sont le Juju, l’Ayelala, le Vaudou et la religion yorouba de laquelle elles descendent presque toutes (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021).
1.1 Prêtre juju
Selon le chercheur affilié à une université canadienne, le Juju est une pratique religieuse issue de la religion yorouba qui se pratique surtout dans tout le centre-sud du Nigéria, alors que le mot juju orthographié en minuscules renvoie aux amulettes utilisées dans les rituels qui s’y rattachent (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (European Asylum Support Office – EASO) de l’Union européenne présente le juju comme un « terme populaire au Nigeria désignant la médecine et la magie » (UE nov. 2018, 55). Le New Yorker définit aussi le juju comme un [traduction] « ensemble de croyances parallèles » consistant en rituels traditionnels et impliquant des dieux locaux, qui ont persisté au moment où les missionnaires chrétiens convertissaient la majeure partie du sud du Nigéria et dont le nom s’est répondu dans toute l’Afrique de l’Ouest (The New Yorker 3 avr. 2017). Le Monde diplomatique, un magazine mensuel français, décrit de son côté le juju dans un contexte de trafic sexuel de femmes nigérianes comme étant « un petit objet » confectionné et utilisé dans une cérémonie de contrat rituel, constitué notamment « de cheveux, de poils, de rognures d’ongles et parfois même de sang menstruel prélevés sur la jeune fille » (Le Monde diplomatique nov. 2018).
D’après un article paru dans le magazine le New Yorker, les prêtres juju sont notamment utilisés dans le trafic de jeunes filles vers les pays européens :
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À Benin City [État d’Edo, sud du Nigéria], les accords importants sont souvent scellés par un serment prêté devant un prêtre juju. Le système juridique peut être esquivé ou corrompu, selon la pensée, mais il n’y a pas d’échappatoire aux conséquences de la violation d’une promesse faite devant les anciens dieux. De nombreux trafiquants sexuels ont utilisé cette tradition pour garantir l’obéissance de leurs victimes. Les femmes proxénètes en Italie demandent à leurs acolytes au Nigéria d’emmener les filles dans un sanctuaire local, où le prêtre juju effectue un rituel de liaison, impliquant généralement les ongles, les poils pubiens ou le sang de la fille que le prêtre conserve jusqu’à ce qu’elle ait remboursé sa dette envers son trafiquant (The New Yorker 3 avr. 2017).
Selon la même source, la plupart de gens impliqués croient en l’efficacité du juju, y compris les trafiquants et ces jeunes filles ainsi que les personnes auxquelles elles sont envoyées et qui les exploitent en Europe (The New Yorker 3 avr. 2017). Le Monde diplomatique déclare également que les jeunes femmes majoritairement originaires de l’État d’Edo (particulièrement de Benin City) sont « amenées à interpréter maladies, douleurs somatiques, insomnies, anxiété comme autant de manifestations du juju » une fois arrivées en Europe (Le Monde diplomatique nov. 2018). Cependant, dans un rapport publié en 2015, l’EASO signale pour sa part, en citant un rapport sur des travailleuses du sexe nigérianes en Norvège publié en 2007 par la FAFO, une fondation norvégienne [traduction] « indépendante de recherche en sciences sociales » (FAFO s.d.), qu’un [traduction] « [g]rand nombre » de femmes qui participent à ces cérémonies rituelles juju considèrent « qu’il s’agit d’un simple rituel de contrat, dénué de pouvoirs magiques, et que le serment scelle un accord » (UE oct. 2015, 28).
1.2 Prêtre vaudou
Selon le chercheur affilié à une université canadienne, [traduction] « le vaudou peut être considéré comme l’une des religions les plus anciennes du centre-sud nigérian avec la religion yorouba de laquelle elle est issue. Mais le vaudou est en recul dans le centre-sud nigérian à cause d’autres pratiques religieuses traditionnelles auxquelles il a donné naissance à son tour et surtout à cause de la montée du christianisme » (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Peter Ademu Anyebe, un chercheur principal à l’Institut nigérian des hautes études juridiques (Nigerian Institute of Advanced Legal Studies - NIALS), dans son article en la matière publié en décembre 2015 dans une revue spécialisée, explique que le vaudou est une pratique traditionnelle originaire de l’Afrique venant en particulier des groupes ethniques efon, ewe et yorouba qui se retrouvent au Ghana, au Togo, au Bénin et au Nigéria (Anyebe déc. 2015, 45). Selon l’auteur, les prêtres vaudous sont impliqués dans le trafic et l’exploitation sexuelle de femmes :
[traduction]
Au Nigéria, les prêtres vaudous sont souvent utilisés pour sceller des transactions financières, souvent avec la menace d’une malédiction mortelle pour le malfaiteur. Par conséquent, les trafiquants d’êtres humains, en particulier de femmes et de filles, ou les gangs de prostitution, exploitent cette peur à leur avantage. Ainsi, des milliers de femmes et de filles cherchant à être amenées en Europe, parfois avec de fausses promesses de travail légal, subissent des rituels vaudous qui peuvent inclure de boire du sang provenant de coupures et de couper leurs ongles et cheveux en guise de totems (Anyebe déc. 2015, 34).
1.3 Chaman
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements en rapport avec le titre de chaman au Nigéria.
Le professeur agrégé a affirmé que le chaman est celui qui utilise des amulettes dans le sanctuaire qui appartient dans la plupart des cas au grand prêtre, mais peut aussi lui appartenir dans de rares cas, pour effectuer notamment les rituels d’argent et les serments rituels (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur affilié à une université canadienne a par ailleurs affirmé que les rôles de chaman ou prêtre de sanctuaire sont divers et varient en fonction de leurs domaines de spécialisation, dont le conseil aux chefs, la sagesse, l’amour et les relations, la chasse de mauvais esprits, la voyance, la thérapie et la guérison (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Selon la même source, une grande partie de ceux qui se considèrent comme étant [traduction] « herboristes » et qui se servent d’herbes pour des pratiques médicinales ou rituelles font également partie de ces chamans ou prêtres de sanctuaire (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). La même source continue en disant que ces chamans sont plutôt appelés [traduction] « mauvais chamans » ou « chamans maléfiques » lorsqu’ils se livrent pour le compte de leurs clients ritualistes aux les rituels d’argent ou aux meurtres rituels ou quand ils s’associent au crime organisé en effectuant des serments relatifs aux contrats rituels notamment pour le trafic d’êtres humains (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021).
2. Fréquence et conséquences du refus du titre
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur la fréquence des refus et les conséquences auxquelles s’expose une personne qui refuse le titre de grand prêtre ou de chaman pour lequel elle a été choisie dans le sud et le centre du Nigéria.
Le chercheur affilié à une université canadienne a affirmé que la question de savoir si le titre de grand prêtre peut se refuser ne se pose pas, vu que selon les croyances locales, ce titre n’est pas proposé par des humains, mais est plutôt accepté automatiquement par le bénéficiaire puisqu’il est accordé par les dieux bien avant la naissance dans la plupart de cas (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). La même source a aussi affirmé qu’il est en revanche tout à fait possible de refuser le titre de chaman ou de prêtre de sanctuaire et qu’il n’y a pas de conséquences en général, à part la crainte de fâcher les esprits supérieurs chez ceux qui y croient (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Selon le professeur agrégé, quant à lui,
[traduction]
il n’y a pas de statistiques officielles sur la fréquence de personnes qui refusent le titre de grand prêtre ou de [chaman], mais il en existe forcément et leur nombre doit être en augmentation au fur et à mesure que la religion chrétienne remplace les croyances traditionnelles dans le centre et le sud du Nigéria. La plupart des gens qui refusent d’occuper le titre le font donc parce qu’ils sont chrétiens et que la religion chrétienne n’est pas compatible avec les responsabilités d’un prêtre / féticheur [chaman]. L’une des rares conséquences découlant de ce refus peut être la perte définitive de ce titre dans la lignée familiale ou l’expulsion forcée de la communauté dans les cas les plus graves (professeur agrégé 20 oct. 2021).
Le chercheur principal a aussi affirmé ce qui suit pour ce qui concerne le refus du titre de grand prêtre :
[traduction]
Lorsque le titre est héréditaire et qu’un candidat est choisi en vertu de ce droit pour assumer le poste, il incombe à cette personne d’accepter l’offre. Mais, si pour une raison quelconque une telle personne décline l’offre, comme cela a été le cas avec certains convertis chrétiens, la communauté n’aura pas d’autre option que de lui trouver un candidat de substitution. Dans un tel cas, la communauté laissera à la divinité donnée le soin de déterminer le verdict quant à ce rejet, bien qu’il y ait eu des cas où de tels individus ont été systématiquement exclus des événements de la communauté. Mais en général, il n’y a jamais eu de cas ni de raison de contrainte physique, vu que personne n’a le droit de décider pour la divinité qui doit la servir (chercheur principal 30 oct. 2021).
Néanmoins, le chercheur affilié à une université australienne a affirmé qu’il serait dangereux de refuser le titre de grand prêtre :
[traduction]
[I]l est très risqué de refuser un titre aussi puissant et sensible puisque la conséquence du refus peut être sévère et mortelle. Cependant, quelques chrétiens et musulmans peuvent vouloir refuser ce titre en raison de leur foi, mais ils doivent être prêts à en assumer les conséquences (chercheur affilié à une université australienne 1er nov. 2021).
Selon la même source, [traduction] « [s]auf indication contraire des dieux, la famille à laquelle le titre a été exclusivement attribué doit choisir un successeur au cas où le grand prêtre décède » (chercheur affilié à une université australienne 1er nov. 2021).
3. Protection offerte par l’État
3.1. Lois
Le professeur agrégé a affirmé que bien qu’il reste [traduction] « toléré », le métier de grand prêtre est illégal dans les faits, vu que certaines de leurs responsabilités sont interdites par la loi nigériane à l’instar de la sorcellerie, des procès par ordalie et des pratiques relatives au Juju (professeur agrégé 20 oct. 2021). La loi sur le code pénal (Criminal Code Act) de 1990 énonce ce qui suit à ce sujet :
[traduction]
CHAPITRE 20
Ordalie, sorcellerie, juju et amulettes criminelles
207. Jugement par épreuve judiciaire illégal : juju interdit
- Est illégal le jugement par l’épreuve judiciaire du tali, de la fève de Calabar, ou du poison, de l’huile bouillante, du feu, de l’immersion dans l’eau ou de l’exposition aux attaques de crocodiles ou d’autres animaux sauvages, ou par toute épreuve judiciaire susceptible d’entraîner la mort ou une blessure corporelle pour toute partie à la procédure.
- Le président ou, le cas échéant, le gouverneur d’un État peut, par décret, interdire la vénération ou l’incantation de tout juju qui lui semble être associé ou avoir tendance à la commission d’un crime ou d’une atteinte à l’ordre du public, ou à la propagation d’une maladie infectieuse ou contagieuse.
208. Diriger, etc., un jugement par épreuve judiciaire illégal
Quiconque dirige, contrôle ou préside un jugement par épreuve judiciaire illégal se rend coupable d’un crime et est passible, lorsque le jugement qu’il dirige, contrôle ou préside entraîne la mort d’une partie à la procédure, de la peine de mort et, dans tous les autres cas, d’une peine d’emprisonnement de dix ans.
209. Assister à un jugement par épreuve judiciaire illégal ou fabriquer du poison pour un tel jugement
Est coupable de délit mineur et est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an quiconque, selon le cas :
- assiste ou participe à un jugement par épreuve judiciaire illégal;
- fabrique, vend, ou aide ou participe à la fabrication ou à la vente, ou a en sa possession, pour la vente ou l’utilisation, tout poison ou élément destiné à être utilisé dans le cadre d’un jugement par épreuve judiciaire illégal.
210. Infractions liées à la sorcellerie et au juju
Est coupable de délit mineur et est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans quiconque, selon le cas :
- par ses déclarations ou agissements, se représente comme étant un sorcier ou comme étant investi du pouvoir de sorcellerie;
- accuse ou menace d’accuser toute personne d’être un sorcier ou d’être investi du pouvoir de sorcellerie;
- fabrique, vend, utilise, possède ou se représente comme possédant un juju, une amulette ou un stupéfiant, ou aide ou participe à la fabrication, à la vente ou à l’utilisation d’un tel objet, destiné ou réputé destiné à empêcher une personne d’agir dans les limites permises par la loi ou à contraindre une personne à poser un geste qu’elle a légalement le droit de refuser de poser, ou réputé posséder le pouvoir de causer tout phénomène naturel ou toute maladie ou épidémie;
- dirige, contrôle ou préside la vénération ou l’incantation de tout juju interdit par décret du président ou du gouverneur d’un État, ou quiconque y assiste ou y participe;
- détient ou contrôle tout reste humain servant ou devant servir à la vénération ou à l’incantation d’un juju quelconque;
- fabrique, utilise ou possède quelque élément que ce soit dont la fabrication, l’utilisation ou la possession est interdite par décret du fait d’être associé ou réputé associé au sacrifice humain ou à toute autre pratique illicite, ou quiconque collabore à la fabrication ou à l’utilisation d’un tel élément.
211. Chefs permettant une épreuve judiciaire illégale et la vénération d’un juju interdit
Est coupable d’un crime et est passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans tout chef qui, directement ou indirectement, permet, promeut, encourage ou facilite, selon le cas, tout jugement par épreuve judiciaire illégal, ou la vénération ou l’incantation de tout juju interdit par décret, ou qui, ayant connaissance d’un tel jugement, d’une telle vénération ou d’une telle invocation, ou de l’intention d’un tel jugement, d’une telle vénération ou d’une telle invocation, ne le signale pas immédiatement à un agent administratif.
Le contrevenant ne peut pas être arrêté sans mandat.
212. Destruction du lieu où se déroulent une épreuve judiciaire illégale ou la vénération d’un juju interdit
Toute maison, tout bosquet ou tout lieu où il était de coutume de pratiquer tout jugement par épreuve judiciaire illégal, ou la vénération ou l’incantation de tout juju interdit par décret, peuvent, ainsi que tous les articles qui s’y trouvent, être détruits ou effacés sur ordonnance d’un tribunal par les personnes que le tribunal peut désigner.
213. Amulettes criminelles
Est coupable d’un crime et est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans quiconque, selon le cas :
- fabrique, vend ou garde, en vue de la vente ou en contrepartie d’un loyer ou d’un prix, tout fétiche ou amulette prétendu ou réputé posséder le pouvoir de protéger les cambrioleurs, voleurs ou autres malfaiteurs, ou d’aider ou d’assister de quelque manière que ce soit à la perpétration d’un cambriolage, d’une effraction, d’un vol qualifié ou d’un vol, ou à la perpétration d’une infraction quelconque, ou d’empêcher, d’entraver ou de retarder la détection ou la condamnation d’une infraction quelconque;
- est trouvé en possession, sans excuse légitime et raisonnable (la preuve de cette excuse incombe à cette personne), d’un fétiche ou d’une amulette tel que susmentionné (Nigéria 1990, art. 207-213, mise en évidence dans l’original).
3.2 Réponse et mesures gouvernementales
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements portant sur la réponse et les mesures gouvernementales mises en place dans le cadre de la protection offerte par l’État aux personnes ayant refusé le titre de grand prêtre ou de chaman.
Selon le chercheur affilié à une université canadienne, il n’y pas de protection gouvernementale pour lutter contre les chamans maléfiques, mais celle-ci ne serait ni nécessaire ni utile dans le cas de grands prêtres, vu que selon l’opinion commune et les croyances collectives, la plupart d’entre eux sont inoffensifs et sont plus puissants que les gouvernements (chercheur affilié à une université canadienne 19 oct. 2021). Néanmoins, le professeur agrégé a quant à lui affirmé que le gouvernement fédéral et les gouvernements locaux ont la capacité de fournir des efforts pour protéger les éventuelles victimes [traduction] « dans la mesure du possible », en appliquant les dispositions du Code pénal concernant les pratiques illégales des grands prêtres et des chamans traditionnels (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur principal a quant à lui expliqué que
[traduction]
[l]a question de la protection offerte par l’État ne peut se poser que lorsque l’affaire atteint le niveau de la contrainte physique ou de la tentative d’atteinte aux droits fondamentaux d’une telle personne en tant que citoyenne libre du pays. Dans de telles circonstances, la victime pourrait alors demander réparation devant un tribunal ou demander aux agences de sécurité de la protéger (chercheur principal 30 oct. 2021).
Le chercheur affilié à une université australienne a affirmé ceci pour sa part à propos de la protection offerte par l’État :
[traduction]
Je ne suis pas sûr que la protection offerte par l’État soit disponible dans une telle situation, car le Nigéria est une société plurielle composée de plusieurs traditions culturelles, qui sont toutes décrites dans les lois coutumières de chaque État (les lois coutumières sont des amalgames de coutumes et pratiques culturelles acceptées par les membres d’un domaine de compétence particulier). Elles sont en grande partie non écrites, contraignantes pour le peuple, et ne sont pas uniformes. À moins qu’il y ait des preuves solides qui montrent qu’une pratique culturelle particulière constitue une menace pour la vie d’un individu, il n’est pas certain que la protection offerte par l’État soit disponible pour les phénomènes d’inspiration culturelle (chercheur affilié à une université australienne 1er nov. 2021).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Anyebe, Peter Ademu. Décembre 2015. « Voodoo and Human Trafficking in Nigeria: A Nation’s Albatross ». Journal of Social Welfare and Human Rights. Vol. 3, no 2. [Date de consultation : 18 oct. 2021]
Chercheur affilié à une université australienne, James Cook University. 1er novembre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Chercheur affilié à une université canadienne, University of Toronto. 19 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.
Chercheur principal, University of Nigeria, Nsukka. 30 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
FAFO. S.d. « About FAFO ». [Date de consultation : 10 nov. 2021]
Le Monde diplomatique. Novembre 2018. Mathilde Harel. « Prostituées nigérianes victimes du "juju" ». [Date de consultation : 20 oct. 2021]
The New Yorker. 3 avril 2017. Ben Taub. « The Desperate Journey of a Trafficked Girl ». [Date de consultation : 15 oct. 2021]
Nigéria. 1990. Criminal Code Act. Extrait traduit par le Bureau de la traduction, Services publics et Approvisionnement Canada. [Date de consultation : 20 oct. 2021]
Professeur agrégé, Brock University, St. Catharines. 20 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.
Professeure émérite, University of Birmingham. 14 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Union européenne (UE). Novembre 2018. European Asylum Support Office (EASO). Rapport d’information sur les pays d’origine. Nigeria : individus pris pour cibles. [Date de consultation : 15 oct. 2021]
Union européenne (UE). Octobre 2015. European Asylum Support Office (EASO). EASO Country of Origin Information Report. Nigeria: Sex Trafficking of Women. [Date de consultation : 27 oct. 2021]
Autres sources consultées
Sources orales : ancien chef traditionnel des Yoroubas et des Igbos ayant collaboré avec des grands prêtres et des chamans; Canada – représentation diplomatique canadienne à Abuja au Nigéria; chef du Département d’études africaines et d’anthropologie dans une université américaine; chercheur avec doctorat en sociologie ayant mené une étude sur les sectes au Nigéria; chercheur et doctorant en études africaines dans une université tchèque; chercheur principal spécialisé en chefferie et religions traditionnelles dans une université nigériane; chercheur principal spécialisé en études africaines dans une université américaine; chercheur principal spécialisé en études stratégiques, gestion de crises, études des sectes et des meurtres rituels au Nigéria dans une université nigériane; chercheur principal spécialisé en études de conflits, groupes ethniques et religieux africains dans une université nigériane; chercheur spécialisé en traditions et religions africaines dans une université australienne; maître de conférences spécialisé en chefferie et pratiques rituelles en régions parlant le yorouba dans une université nigériane; maître de conférences spécialisé en études yorouba et africaines dans une université américaine; maître de conférences spécialisé en pratiques culturelles et communautés traditionnelles africaines dans une université nigériane; Nigéria – Forces de police, Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa; prêtre chrétien catholique ayant collaboré avec des chefs traditionnels yoroubas ainsi que des grands prêtres et des chamans au centre-sud du Nigéria; professeur agrégé spécialisé en anthropologie et études religieuses africaines au sein d’une université américaine; professeur agrégé spécialisé en croyances et religions africaines dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques des religions traditionnelles africaines dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques religieuses, pratiques de serments et problèmes ethniques des Yorouba dans une université américaine; professeure agrégée spécialisée sur le genre dans les religions africaines et pratiques religieuses yorouba incluant des rituels auprès d’une université américaine; professeur émérite d’une université américaine spécialisé en religions et régions de langue yorouba au Nigéria; professeur spécialisé en conflit ethno-régional et religieux au Nigéria dans une université anglaise; professeur spécialisé en études de la diaspora yorouba dans une université américaine; professeur spécialisé en histoire et études africaines dans une université américaine; professeur spécialisé en interprétations culturelles et historiques en Afrique de l’Ouest dans une université américaine; professeur spécialisé en sociologie, criminologie et études sur la sécurité dans une université nigériane; vice-président exécutif d’une école de politiques publiques dans une université nigériane.
Sites internet, y compris : Al Jazeera; Amnesty International; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; Autriche – Austrian Center for Country of Origin & Asylum Research and Documentation; BBC; Bertelsmann Stiftung; États-Unis – Department of State; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; Human Rights Watch; Nations Unies – Refworld; Nigéria – Ministry of Chieftaincy Affairs, Ministry of Foreign Affairs, Ministry of Justice, National Human Rights Commission, Police Forces; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; Pulse.ng; Royaume Uni – Home Office; Suisse – Organisation suisse d’aide aux réfugiés; Vanguard; Voice of America.