Nigéria : information sur la chefferie au Yoroubaland et les rituels, y compris le sacrifice humain et le rituel du sang lors de l'initiation à la chefferie ou au cours de la chefferie; réaction des ministères aux affaires de chefferie de chaque État aux rituels des chefs yoroubas, y compris l'indication de savoir si la réaction varie selon les États; fréquence du refus du titre de chef yorouba et conséquences de ce refus; protection offerte aux personnes qui refusent le titre (2019–octobre 2021)
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur les rituels lors de l'initiation ou au cours de la chefferie, la réaction des ministères aux affaires de chefferie de chaque État face aux rituels d'initiation des chefs yoroubas, la fréquence et les conséquences du refus d'un titre de chef et la protection offerte par l'État.
1. Aperçu sur la chefferie au Yoroubaland
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure émérite spécialisée en anthropologie culturelle africaine à l'Université de Birmingham qui mène de la recherche d'archives depuis une vingtaine d'années a affirmé qu'il existe [traduction] « de grandes différences entre la chefferie civile/politique et les titres traditionnels religieux/rituels au Yoroubaland » (professeure émérite 14 oct. 2021). En juin 2017, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (European Asylum Support Office – EASO) de l'Union européenne a organisé une réunion de coopération pratique sur le Nigéria où David Pratten, un professeur agrégé d'anthropologie sociale en Afrique et membre du St Antony's College de l'Université d'Oxford, a expliqué qu'au Nigéria, la définition même d'un chef varie énormément, tout comme les individus admissibles à la chefferie, la circonscription qu'un chef peut représenter, et la manière selon laquelle un chef est nommé (Pratten août 2017, 78). Selon la même source, quand on fait référence aux chefs, il s'agit parfois [traduction] « d'institutions assez différentes » (Pratten août 2017, 78). De même, lors d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur agrégé spécialisé en histoire africaine à Brock University au Canada a affirmé qu'il existe divers titres et rôles de chef traditionnel au Yoroubaland (professeur agrégé 20 oct. 2021). Dans une communication écrite avec la Direction des recherches, un chercheur principal à l'Université du Nigéria, Nsukka, qui mène des recherches notamment sur les groupes ethniques et les groupes religieux, a quant à lui affirmé
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qu'il faut garder à l'esprit en premier lieu qu'il existe deux types de titres de chefferie : les titres traditionnels avec des fonctions et des hiérarchies bien définies au sein d'un régime traditionnel donné et les titres traditionnels honorifiques donnés volontairement par le chef traditionnel et sans fonctions ni hiérarchies définies dans le contexte politique traditionnel. L'autre facteur à garder à l'esprit est l'impact de la modernisation sur l'institution de la chefferie yorouba. Ces impacts, qui sont généralement arrivés avec le Christianisme et dans une certaine mesure l'Islam, ont fortement dilué la prévalence de certaines de ces pratiques, notamment celles relatives aux sacrifices humains (chercheur principal 30 oct. 2021).
La professeure émérite a affirmé que d'éminents politiciens, fonctionnaires, universitaires et hommes d'affaires acceptent [traduction] « volontiers » des titres de chefferie de leurs villes natales et que certains de ces titres honorifiques sont accordés à des individus qui sont associés à la communauté, mais qui n'y résident pas toujours nécessairement (professeure émérite 14 oct. 2021). Selon la même source, certains titres de chef sont détenus par des lignées familiales précis tandis que d'autres résultent d'un [traduction] « don » de l'oba (souverain) local (professeure émérite 14 oct. 2021). Le professeur agrégé a également affirmé que la plupart du temps, le titre de chef est transmis de manière héréditaire, mais qu'il y a une [traduction] « nette augmentation » des titres décernés sur le principe du mérite ou à titre honorifique (professeur agrégé 20 oct. 2021).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur de l'Université James Cook en Australie dont les recherches portent notamment sur les études autochtones, y compris au Nigéria affirme que :
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Dans le Yoroubaland (au sud-ouest du Nigeria) et dans d'autres régions du pays, plusieurs détenteurs de titres de chefferie sont instruits avec de solides intérêts commerciaux . De nos jours, presque tous les hommes d'affaires et les politiciens influents tentent d'obtenir des titres de chefferie, ce qui est principalement vu comme un phénomène courant où les titres sont perçus comme étant « achetés » à place d'être transmis par voie héréditaire ou honorifique. Les politiciens éminents accumulent aussi de nombreux titres de chefferie. Ce sont cependant les souverains traditionnels « officiellement reconnus » (communément appelés « obas » au Yoroubaland) qui accordent ces titres honorifiques.
[…] Les [caractéristiques d'un] titre (traditionnel/héréditaire ou honorifique) sont définis par chaque communauté Yorouba. Les fonctions des titulaires de titres honorifiques et héréditaires varient donc d'une communauté à l'autre. Les chefs au Yoroubaland remplissent de multiples fonctions, y compris le règlement des différends et la codification des lois coutumières ainsi que l'organisation de festivals et d'autres activités sociales qui favorisent la paix et le développement socioéconomique de leurs juridictions (chercheur 1er nov. 2021).
Vanguard, un journal quotidien au Nigéria, rapporte que le roi a le pouvoir de créer ou d'abolir un titre de chefferie et qu'il a décidé d'enlever à l'un de ses chefs son titre [traduction] « pour plusieurs raisons, y compris des abus allégués sur le titre » (Vanguard 6 oct. 2021). La même source signale que le roi des Yorubas a dit qu'il est le [traduction] « seul roi du Yoroubaland qui peut conférer un titre de chef à un homme ou une femme digne pour couvrir l'ensemble du Yoroubaland » (Vanguard 19 janv. 2021). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
David Pratten, lors de la réunion de coopération pratique sur le Nigéria organisée par EASO, a souligné que malgré le nom [traduction] « "souverains traditionnels" », la chefferie est une institution moderne, et les problèmes et tensions associés à cette institution sont « directement liés aux tendances contemporaines dans le pays » (Pratten août 2017, 78). Le chercheur a expliqué qu'au Yoroubaland ainsi qu'ailleurs au Nigéria, la chefferie est une institution fondée sur le principe de la tradition, mais qui s'est adaptée [traduction] « quelque peu » au contexte sociopolitique moderne (chercheur 1er nov. 2021).
Selon M. Pratten, la chefferie occupe un rôle central dans l'organisation sociale et [traduction] « [l]'idée des chefs comme de vieux analphabètes gardiens de traditions séculaires est très dépassée » et les chefs « sont étroitement liés à la constitution et la structure de l'État » (Pratten août 2017, 78). La même source a déclaré ce qui suit à l'égard des chefferies :
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Dans l'ensemble, les chefferies ont tendance à s'aligner sur la structure administrative du pays qui reconnaît les quartiers, les villages, les clans, les zones de gouvernement local et les États. Il existe des tribunaux et des conseils parallèles présidés par des souverains traditionnels financés par l'État. De plus, de nombreux postes [de chefferie] reconnus par l'État sont rémunérés, ce qui signifie que les chefferies au Nigéria font en fait partie de la bureaucratie de l'État (Pratten août 2017, 78).
M. Pratten a souligné d'ailleurs que [traduction] « [l]es chefs et les conseils qu'ils président peuvent contrôler des niches économiques lucratives », telles que des patrouilles de sécurité ou des permis de marché (Pratten août 2017, 79).
Le professeur agrégé a affirmé que [traduction] « la chefferie est une institution gérontocratique […], mais que les jeunes s'y intéressent de plus en plus et veulent la voir plus moderniser qu'elle ne l'est aujourd'hui, ce qui engendre des conflits au sein de certains conseils de chefs au Yoroubaland » (professeur agrégé 20 oct. 2021). D'après M. Pratten, la structure de la chefferie est de plus en plus caractérisée par une tension continue entre les anciens et les jeunes (Pratten août 2017, 79). Vanguard rapporte par ailleurs un fait historique dans la ville de Lagos où un titre de chef a été conféré à un enfant de cinq ans [traduction] « en reconnaissance de ses contributions à la promotion du patrimoine culturel yorouba » (Vanguard 21 août 2021).
Le professeur agrégé a par ailleurs déclaré que dans certaines chefferies communautaires, il existe des dirigeants qui combinent le titre de chef traditionnel avec celui de grand prêtre ou de féticheur [aussi appelé chaman], mais [traduction] « très rarement » avec des responsabilités gouvernementales officielles (professeur agrégé 20 oct. 2021). La même source a également affirmé que [traduction] « certains chefs sont impliqués dans des activités liées à la corruption et aux pots-de-vin qui restent importantes au sud-ouest du Nigéria » ou sont aussi complices de « meurtres rituels à l'ordre des personnes riches et puissantes en quête de plus de richesse et de puissance » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Parmi les sources consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements complémentaires allant dans le sens même sens.
2. Rituels lors de l'initiation ou durant la chefferie
Le chercheur a signalé que les titres de chefferie impliquent des pratiques rituels qui varient selon la ville et qu'en général, les pratiques liées à l'installation d'un nouveau chef [traduction] « peuvent incluent s'adresser aux esprits ancestraux et aux dirigeants de la communauté pour obtenir du soutien, des conseils, des prières, des bénédictions et de la fortification » (chercheur 1er nov. 2021).
La professeure émérite a affirmé qu'il n'y a pas de pratiques rituelles impliquant le sacrifice humain ou le sang lors de l'initiation à la chefferie au Yoroubaland et [traduction] « [qu'i]l s'agit d'une institution politique et non religieuse » (professeure émérite 14 oct. 2021). La même source a aussi affirmé ce qui suit concernant les rituels locaux :
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Les rituels locaux liés à l'installation de la chefferie sont normalement hors de la compétence des autorités de l'État, mais […] ils n'impliqueraient normalement aucune pratique qui serait considérée comme illégale ou préjudiciable aux participants (professeure émérite 14 oct. 2021, mise en évidence dans l'original).
Le professeur agrégé a également affirmé n'avoir aucune connaissance de rituels impliquant le sang ou le sacrifice humain au Yoroubaland et a rapporté que les cérémonies d'initiation à la chefferie ou de célébration de la chefferie [traduction] « ressemblent plutôt à des cérémonies d'inauguration de représentants gouvernementaux » avec « des rituels classiques souvent accompagnés par des chants traditionnels » et « [l]'invocation idolâtrique des divinités par un grand prêtre ou un chaman [ou féticheur] local dans le but de fortifier la chefferie » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Selon le professeur agrégé, [traduction] « les sacrifices humains ne sont plus pratiqués depuis longtemps au Nigéria de toute façon et si cela était le cas de nos jours, ces pratiques seraient punies par la peine de mort en vertu du Code pénal [1] puisqu'elles correspondraient au meurtre prémédité » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Dans une autre communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le chercheur principal a également affirmé [traduction] « [qu'e]n pratique, aucun sacrifice humain n'a été signalé depuis l'avènement de l'ère moderne avec la colonisation européenne » (chercheur principal 4 oct. 2021). Dans une communication écrite de suivi, la même source a expliqué
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[qu']alors que les pratiques rituelles consistant à boire du sang et à sacrifier des humains auraient pu dominer les rites d'initiation à la chefferie durant la période précoloniale et au début de la période coloniale du peuple yorouba, ces pratiques ne semblent pas être en vogue actuellement. […] Il est possible que des sacrifices humains aient encore lieu, mais uniquement pour l'enterrement d'un roi et éventuellement lors des processus rituels d'intronisation des rois. Il s'agit toutefois d'un secret parmi les officiels initiés et ne peut donc pas être déterminé de manière authentique. Ainsi, on peut à juste titre affirmer que de telles pratiques n'existent plus pour la catégorie de la chefferie (chercheur principal 30 oct. 2021).
Cependant, le chercheur a affirmé ce qui suit :
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Dans de nombreuses villes yoroubas, l'installation des souverains traditionnels (obas) implique des rituels de sang et « d'autres » pratiques rituelles. Apparemment, il existe un grand secret dans la manière dont ces rituels sont exécutés en regard de l'installation de l'Oba et de certains titres de chefferie traditionnels tels que « Balogun » (chef de guerre) et « Abore » (grand prêtre), entre autres. Certains rituels sont souvent exécutés ouvertement et certains secrètement (chercheur 1er nov. 2021).
La même source a déclaré que [traduction] « ces pratiques rituelles étaient très répandues à l'époque prémoderne » mais qu'elles « ont diminué à l'époque moderne en raison de l'influence du Christianisme, de l'Islam et de la modernité » (chercheur 1er nov. 2021). La source a également continué en affirmant que [traduction] « [d]ans l'ensemble, les sacrifices d'animaux et d'humains existent toujours au Yoroubaland, mais le sacrifice humain est réduit pour les chefferies, du moins dans une certaine mesure » (chercheur 1er nov. 2021).
3. Réponse du gouvernement face aux rituels et relation avec la chefferie
Le chercheur a affirmé qu'il y a
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une réaction minimale de l'État aux pratiques rituelles dans l'installation de la chefferie parce que les pratiques pertinentes ne sont pas contraires à la loi. De plus, il est très rare d'enquêter sur les rituels qui ne sont pas pratiqués ouvertement (chercheur 1er nov. 2021).
La même source précise que dans certaines situations, l'intervention de l'État est [traduction] « inévitablement nécessaire », comme dans le cas du sacrifice humain (chercheur 1er nov. 2021).
Selon le professeur agrégé, les réactions du gouvernement fédéral, des gouvernements locaux ainsi que des ministères respectifs à l'égard des pratiques relatives à la chefferie sont [traduction] « globalement positives », cependant « il subsiste des tensions liées aux rapports de force entre les représentants ministériels locaux et les chefs traditionnels » (professeur agrégé 20 oct. 2021). La professeure émérite a également expliqué la relation entre les autorités gouvernementales [ministères aux Affaires de chefferie] et les grands chefs en termes suivants :
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Les gouvernements coloniaux et postindépendances ont maintenu une attitude essentiellement positive envers la politique de chefferie traditionnelle, mais s'est également toujours efforcé de garder le dessus. Les obas locaux (souverains des villes ou des cités-États) ont toujours essayé de maintenir leur propre influence. Le résultat a été une sorte de compromis. L'État s'attendra à ce que ses représentants aient le dernier mot dans les affaires de chefferie, mais en même temps, en tant qu'étrangers, les agents de l'État ne peuvent jamais obtenir le même soutien et la même crédibilité que les chefs, ni comprendre les complexités de la politique de la chefferie locale (professeure émérite 14 oct. 2021).
Le chercheur principal a affirmé de sa part que
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[l]a principale fonction de l'État concernant les titres de chefferie ainsi que la royauté est de réglementer leurs fonctions dans le cadre d'un gouvernement moderne à travers la promulgation des lois nécessaires concernant l'attribution d'un titre de chefferie et les différends qui en découlent. L'État n'est cependant pas impliqué dans ou concerné par les rites d'attribution de titres ou d'initiation qui sont strictement coutumiers et exclusifs à ceux à qui la coutume et la tradition ont confié le droit et la responsabilité de le faire, sauf lorsque ces rites s'écartent des procédures établies et impliquent par conséquent un litige (chercheur principal 30 oct. 2021).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements additionnels allant dans le même sens.
4. Conséquences de refus du titre de chef yorouba
Selon le chercheur,
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[d]ans certaines situations, des individus peuvent être ouvertement, secrètement et spirituellement « contraints » de prendre des titres de chefferie héréditaires qui leur sont transmis par leurs lignées familiales ou « menacés » afin qu'ils prennent le titre. Si le successeur potentiel de ce titre de chefferie refuse, la communauté et la famille peuvent être laissées sans autre choix que de forcer ou de menacer cette personne à prendre le titre de chefferie […] dû à la honte et au manque d'opportunité qu'un tel refus peut causer à la famille de la personne (chercheur 1er nov. 2021).
David Pratten a affirmé ce qui suit en réponse à une question visant à savoir si l'on peut contraindre une personne d'accepter le titre de chef pour cause d'appartenance familiale :
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C'est une question vraiment intéressante à laquelle il est difficile de répondre, précisément […] sur la spécificité des conflits de chefferie et à quel point les modes de succession diffèrent parfois d'un village à l'autre au sein d'une même communauté linguistique et ethnique. […] ce sont généralement des fonctions assez publiques. Être à la tête d'un village est un processus assez transparent. […] D'après mon expérience, les conseils des chefferies traditionnelles ont lieu au grand jour et les gens peuvent suivre leurs avis ou les contester. (Pratten août 2017, 82–83).
La professeure émérite a indiqué que la plupart des gens sont [traduction] « ravis et honorés » d'accepter le titre de chef qui leur est proposé, mais a aussi affirmé que
[c]ertaines personnes peuvent hésiter à accepter un titre de chefferie parce qu'il implique une certaine obligation générale de servir la communauté, que ce soit par un soutien financier, l'assistance à des événements, des aides de toutes sortes, etc. (professeure émérite 14 oct. 2021).
Le chercheur a abondé dans le même sens en expliquant ce qui suit :
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vu que le titre de chefferie comporte des devoirs obligatoires, certaines personnes peuvent rencontrer des difficultés à combiner ces devoirs avec leurs engagements personnels, professionnels ou politiques. En conséquence, elles peuvent refuser le titre (chercheur 1er nov. 2021).
Selon la professeure émérite, il est donc [traduction] « parfaitement possible » de refuser un titre de chef au Yoroubaland et il n'y a aucune conséquence sauf le fait que la communauté locale exprime sa déception et renouvelle les invitations à accepter le titre refusé (professeure émérite 14 oct. 2021). Le chercheur principal a abondé dans le même sens en affirmant que [traduction] « comme les titres de chefferie ne sont pas obligatoires, personne ne peut être sanctionné pour avoir refusé l'offre » d'un titre (chercheur principal 30 oct. 2021). Le professeur agrégé a expliqué que [traduction] « il est tout à fait possible de refuser un titre de chef yorouba sans aucun risque, mais celui-ci peut être imposé dans certains cas s'il est explicitement prévu selon des règles bien établies que ce titre est toujours censé être transmis de génération en génération entre les membres d'une famille précise » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Selon la source, dans ce genre de configuration où le titre est imposé, certains membres de la famille peuvent exercer une certaine pression sur le successeur présumé ou proposé et celui-ci pourrait devenir chef contre son propre gré pour [traduction] « ne pas déshonorer sa descendance » puisqu'en cas de refus, sa lignée familiale pourrait en être privée (professeur agrégé 20 oct. 2021). La même source a indiqué également que dans de rares situations, le [traduction] « risque le plus grave » est que la personne refusant un titre de chef pourrait se voir « exclu de force » de la communauté (professeur agrégé 20 oct. 2021).
Le professeur agrégé a par ailleurs souligné qu'il y a beaucoup de personnes qui refusent le titre de chef yorouba pour des motifs religieux, la plupart d'entre elles étant chrétiennes et trouvant que les responsabilités liées à la chefferie sont incompatibles avec leurs croyances, et a affirmé que dans la majorité de cas, il n'y a actuellement aucune conséquence à la suite de ce refus (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur a affirmé de même que [traduction] « certaines personnes refusent le titre de chefferie en raison du lien entre ce titre de chefferie et la religion traditionnelle » et que « le refus éventuel des titres de chefferie est courant chez les musulmans et les chrétiens pour des raisons religieuses » (chercheur 1er nov. 2021). Le chercheur principal a également affirmé que les convictions religieuses sont souvent derrière le refus du titre de chef yorouba (chercheur principal 30 oct. 2021). La même source signale que si un individu refuse un titre, le titre passe [traduction] « souvent » au prochain candidat (chercheur principal 30 oct. 2021).
5. Protection offerte par l'État
Dans la réunion de coopération pratique sur le Nigéria organisée en juin 2017 par EASO, David Pratten a indiqué ce qui suit :
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Il n'existe pas de dispositif policier particulier pour les violences et les menaces à la vie qui découlent des conflits de chefferie – ou des conflits liés aux chefs. […] [I]l y a très peu de dispositions législatives standardisées définissant les postes des chefs et leurs rôles. Oui, il existe des décrets de souverains traditionnels et des conseils qui appliquent ces décrets, mais en fin de compte, les chefs peuvent être tenus responsables devant les communautés qu'ils représentent (Pratten août 2017, 79).
Le professeur agrégé a affirmé ne pas être au courant de cas où une personne aurait subi des menaces de mort et aurait dû chercher à se protéger pour avoir refusé un titre de chef, mais que si c'était le cas, [traduction] « les gouvernements local et fédéral seraient en mesure de mobiliser tous les moyens nécessaires afin de protéger quiconque aurait besoin d'une telle protection » (professeur agrégé 20 oct. 2021). Le chercheur quant à lui a évoqué l'intervention possible de l'État notamment en cas de sacrifice humain :
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Il semble que si le sacrifice humain est fait ouvertement, les personnes impliquées seront arrêtées et poursuivies. [L]es personnes qui commettent ce[s] acte[s] sont souvent des chefs puissants, influents et bien connectés qui peuvent finir par faire ce qu'ils veulent sans être arrêtés. En outre, la police a été impliquée dans des enquêtes sur certains chefs, rois et sanctuaires traditionnels pour certaines infractions. La police et le gouvernement de l'État interviennent parfois dans les conflits fonciers et de chefferie ou dans les luttes de pouvoir entre les chefs (chercheur 1er nov. 2021).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements additionnels allant dans le même sens.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Note
[1] Pour davantage de renseignements sur les dispositions concernées dans le Code pénal nigérian, veuillez consulter la réponse à la demande d'information NGA200791 de novembre 2021.
Références
Chercheur, James Cook University. 1er novembre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Chercheur principal, University of Nigeria, Nsukka. 30 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Chercheur principal, University of Nigeria, Nsukka. 4 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Pratten, David. Août 2017. « Ritual Killings, Cults and Chieftaincy ». EASO COI Meeting Report. Nigeria: Pratical Cooperation Meeting, 12-13 June 2017. Rome, Union européenne, European Asylum Support Office (EASO). [Date de consultation : 18 oct. 2021]
Professeur agrégé, Brock University, St. Catharines. 20 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.
Professeure émérite, University of Birmingham. 14 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Vanguard. 6 octobre 2021. Jimitota Onoyume. « Royal Rumble: Why I Abolished Ologbotsere Chieftaincy Title – Olu of Warri ». [Date de consultation : 15 oct. 2021]
Vanguard. 21 août 2021. Adeola Badru. « 5-yr Old Oyo-Born Kid Bags Chieftaincy Title in Lagos ». [Date de consultation : 15 oct. 2021]
Vanguard. 19 janvier 2021. « Alaafin Confers Chieftaincy Titles on Shina Peller, Agunbiade ». [Date de consultation : 15 oct. 2021]
Autres sources consultées
Sources orales : ancien chef traditionnel des Yoroubas et des Igbos ayant collaboré avec des grands prêtres et des chamans; Canada – représentation diplomatique canadienne à Abuja au Nigéria; chef du Département d’études africaines et d’anthropologie dans une université américaine; chercheur affilié à une université canadienne ayant un doctorat en éducation de la justice sociale et ayant mené des recherches sur les rituels de veuvage au Nigéria; chercheur avec doctorat en sociologie ayant mené une étude sur les sectes au Nigéria; chercheur et doctorant en études africaines dans une université tchèque; chercheur principal spécialisé en chefferie et religions traditionnelles dans une université nigériane; chercheur principal spécialisé en études africaines dans une université américaine; chercheur principal spécialisé en études stratégiques, gestion de crises, études des sectes et des meurtres rituels au Nigéria dans une université nigériane; chercheur principal spécialisé en études de conflits, groupes ethniques et religieux africains dans une université nigériane; chercheur spécialisé en traditions et religions africaines dans une université australienne; maître de conférences spécialisé en chefferie et pratiques rituelles en régions parlant le yorouba dans une université nigériane; maître de conférences spécialisé en études yorouba et africaines dans une université américaine; maître de conférences spécialisé en pratiques culturelles et communautés traditionnelles africaines dans une université nigériane; Nigéria - Forces de police, Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa; prêtre chrétien catholique ayant collaboré avec des chefs traditionnels yoroubas ainsi que des grands prêtres et des chamans au centre-sud du Nigéria; professeur agrégé spécialisé en anthropologie et études religieuses africaines au sein d’une université américaine; professeur agrégé spécialisé en croyances et religions africaines dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques des religions traditionnelles africaines dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques religieuses, pratiques de serments et problèmes ethniques des Yorouba dans une université américaine; professeure agrégée spécialisée sur le genre en religions africaines et pratiques religieuses yorouba incluant des rituels auprès d’une université américaine; professeur émérite d’une université américaine spécialisé en religions et régions de langue yorouba au Nigéria; professeur spécialisé en conflit ethno-régional et religieux au Nigéria dans une université anglaise; professeur spécialisé en études de la diaspora yorouba dans une université américaine; professeur spécialisé en histoire et études africaines dans une université américaine; professeur spécialisé en interprétations culturelles et historiques en Afrique de l’Ouest dans une université américaine; professeur spécialisé en sociologie, criminologie et études sur la sécurité dans une université nigériane; vice-président exécutif d’une école de politiques publiques dans une université nigériane; Yorouba Traditional & Cultural Renaissance.
Sites internet, y compris : Amnesty International; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; Autriche – Austrian Centre for Country of Origin & Asylum Research and Documentation; BBC; Bertelsmann Stiftung; États-Unis – Department of State; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; Human Rights Watch; Nations Unies – Refworld; Nigéria – Ministry of Chieftaincy Affairs, Ministry of Foreign Affairs, Ministry of Justice, National Human Rights Commission, Nigeria Police Force; Organisation suisse d'aide aux réfugiés; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; Pulse.ng; Royaume-Uni – Home Office; Voice of America.