Réponses aux demandes d'information

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1 octobre 2021

CIV200766.F

Côte d'Ivoire : information sur le traitement réservé aux personnes ayant diverses orientations sexuelles, identités de genre et expressions de genre (OSIGEG) par la société et par les autorités, y compris les lois, la protection offerte par l'État et les services de soutien (2019–août 2021)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Traitement réservé par la société
1.1 Discriminations subies par les personnes ayant diverses OSIGEG

Des sources signalent que les cas de discrimination sociale envers les minorités sexuelles et de genre en Côte d'Ivoire sont « nombreux » (HRW 14 janv. 2020; directeur exécutif 9 sept. 2021) et qu'ils sont devenus « la norme culturelle » (directeur exécutif 9 sept. 2021). Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2020 du département d'État des États-Unis, [traduction] « [l]es organisations de défense des droits de la personne ont signalé que la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexe (LGBTI) continuait de subir de la discrimination » (É.-U. 30 mars 2021, 29). Amnesty International souligne de son côté en octobre 2018 que « la situation des personnes LGBTI s'est détériorée en Côte d'Ivoire » depuis 2014 (Amnesty International 1er oct. 2018, 8). Cependant, dans un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le président de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO), une organisation indépendante de tout groupement politique ou confessionnel (LIDHO s.d.) dont les activités consistent en la promotion des lois, la sensibilisation de la population, l'assistance juridique et la dénonciation des violations, a affirmé que « les minorités sexuelles et de genre sont de plus en plus acceptées par la société ivoirienne » (LIDHO 6 sept. 2021).

Selon des sources, la discrimination envers les minorités sexuelles et de genre a lieu dans tous les milieux socio-économiques (France mars 2020, 100; directeur exécutif 9 sept. 2021). Le président de la LIDHO a signalé que « les minorités sexuelles et de genre sont beaucoup mieux tolérées en ville que dans les campagnes proches des traditions » (LIDHO 6 sept. 2021). Cependant, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur exécutif d'Arc en ciel + (AEC+), une ONG de lutte contre les ITS et le VIH/sida et de défense des droits des personnes LGBTIQA ainsi que de toutes les populations aux genres non conformes en Côte d'Ivoire (GlobalNPO s.d.), s'exprimant en son propre nom, a souligné que la discrimination « ne varie pas selon les lieux géographiques » (directeur exécutif 9 sept. 2021). La même source a également affirmé ceci :

La communauté ivoirienne LGBTIQA […], nous sommes très stigmatisés par la société qui nous traite de tous les noms, […] partout ostracisés, tout le temps marginalisés et discriminés sur tous les plans de la vie quotidienne […] ainsi que sous tous les aspects impliquant les relations sociales (directeur exécutif 9 sept. 2021).

Pour illustrer ses propos, le directeur exécutif a donné l'exemple d'une personne trans de 14 ans à qui ACE+ offre un accompagnement psychosocial et qui est ostracisée à l'école, n'a aucun ami de son âge et est rejetée par les membres de sa famille, y compris par la tante chez qui elle vit et qui la maltraite, et dont le seul soutien vient d'ACE+ ainsi que de sa mère vivant actuellement en Europe (directeur exécutif 9 sept. 2021). Selon la source, « [l]es cas d'autres jeunes avec des problématiques d'identité sexuelle et de genre identiques qui sont rejetés par la société sont très nombreux en Côte d'Ivoire » (directeur exécutif 9 sept. 2021).

Les Country Reports 2020 signalent que

[traduction]

[d]es membres de la communauté LGBTI ont déclaré avoir été expulsés de leur domicile […] par leurs propres familles. Le rejet des jeunes LGBTI par leurs familles les a souvent amenés à devenir des sans-abris et à abandonner l'école (É.-U. 30 mars 2021, 29).

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a effectué en 2019, en collaboration avec la Cour nationale du droit d'asile (CDNA), une mission d'observation en Côte d'Ivoire où il a réalisé des entretiens avec notamment des membres de quatre ONG locales dédiées à la défense des minorités sexuelles et de genre ou des droits de la personne (France mars 2020, 97). À la suite de cette enquête, l'OFPRA signale que, bien que certaines personnes LGBTI puissent bénéficier de l'aide des proches et parvenir à s'affirmer, « dans la majorité des cas, elles sont rejetées par leur cercle familial » (France mars 2020, 99). Selon l'OFPRA,

[c]e rejet peut se matérialiser par un ostracisme, une exclusion du domicile familial ou des violences morales ou physiques. Il arrive même régulièrement que les parents informent le reste de la famille élargie de l'homosexualité de leur enfant, afin que celui-ci soit effectivement rejeté par l'intégralité de la famille et qu'il n'y ait plus de risque de « déshonneur » (France mars 2020, 99).

Par ailleurs, l'OFPRA explique que d'après les organisations interrogées, les personnes LGBTI rejetées par la société et par leurs familles se retrouvent en situation précaire et que certaines sont obligées de se prostituer pour survivre (France mars 2020, 101).

Le directeur exécutif a affirmé que les personnes LGBTIQA subissent de la discrimination dans l'accès à l'éducation, l'accès à l'emploi et l'accès au logement (directeur exécutif 9 sept. 2021). La même source a également affirmé que les personnes LGBTIQA sont forcées de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre pour accéder à l'éducation et que le contexte discriminatoire est encore « plus grave » en matière d'accès au logement et à l'emploi, en particulier dans la fonction publique (directeur exécutif 9 sept. 2021). Les Country Reports 2020 signalent que des personnes LGBTI ont affirmé avoir été expulsées de leur logement par des propriétaires (É.-U. 30 mars 2021, 29).

Selon des sources, les membres de la communauté LGBTI subissent également de la discrimination dans l'accès aux soins de santé (É.-U. 30 mars 2021, 29; directeur exécutif 9 sept. 2021). Dans un article sur les personnes vivant avec le VIH en Côte d'Ivoire, la BBC signale que « les personnes LGBTQI+ doivent à la limite cacher leur orientation sexuelle pour recevoir des soins de santé adéquats dans la plupart des cliniques et hôpitaux » (BBC 6 nov. 2019).

1.2 Violences subies par les personnes ayant diverses OSIGEG

Le directeur exécutif a affirmé que les personnes LBTIQA subissent des agressions verbales, morales et physiques en Côte d'Ivoire (directeur exécutif 9 sept. 2021). Human Rights Watch (HRW) signale de même que les cas d'agressions physiques contre les personnes LGBT « restent nombreux » (HRW 14 janv. 2020). L'OFPRA signale que l'une des organisations qu'elle a rencontrées, Alternative Côte d'Ivoire (ACI), une des ONG établies à Abidjan, lui a rapporté « "beaucoup de violences physiques et morales basées sur le genre" » (France mars 2020, 98). Toutefois, la même source ajoute que, selon une source diplomatique, « [l]a police et le ministère de la [J]ustice ont très peu de chiffres au sujet des violences homophobes, et les associations ne font pas vraiment de veille systématique » (France mars 2020, 98-99).

Selon l'OFPRA, Ombres et lumières et Secours social, deux autres ONG interrogées, ont recensé neuf agressions à Bouaké entre juin et novembre 2019, grâce à leur système d'alerte par téléphone et sur les réseaux sociaux (France mars 2020, 99). D'après la même source, l'ONG ACI également a rapporté, sans préciser quand ni sur quelle période, sept cas de violences « "recensés et validés par l'[O]bservatoire national sur le VIH pour les droits humains et les violences basées sur le genre qui est financé par le Fonds mondial et qui travaille sur les 39 districts où celui-ci finance des activités" » (France mars 2020, 99). Selon les Country Reports 2020, en février 2020, un homme homosexuel a subi des violences physiques et a été menacé de mort par les membres de sa famille lorsqu'il venait de leur présenter son partenaire, puisque son oncle disait ne pas tolérer que l'homosexualité nuise à l'image de la famille (É.-U. 30 mars 2021, 29).

L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), une organisation sans but lucratif d'utilité publique, politiquement et confessionnellement indépendante, et dont le siège se situe à Berne en Suisse (OSAR s.d.), illustre la violence faite aux personnes LGBTQI à travers le cas de la milice « "microbes" » qui lui a été signalé dans une communication écrite envoyée le 13 juillet 2021 par l'une ses sources anonymes travaillant comme directeur d'une association de défense des droits de ces minorités (OSAR 16 juill. 2021, 6). Selon l'OSAR, sa source lui a affirmé que la milice « "microbes" », composée de jeunes réunis en bandes violentes [ou des bandes criminelles composées de « jeunes hommes, souvent repris de justice, considérés comme dangereux, parfois payés par un chef quelconque pour faire ses basses œuvres » (RFI 18 août 2020)], organise des attaques contre les personnes LGBTQI avec un mode opératoire consistant à les piéger en se faisant passer pour des homosexuels pour les attirer dans un guet-apens où les attendent des personnes armées de couteaux, et que les membres de ladite milice ont « récemment poignardé » deux jeunes gays par ce biais (OSAR 16 juill. 2021, 6). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon l'OFPRA, ACI a aussi évoqué la pratique qui s'est développée au sein des familles évangélistes depuis 2014, consistant à faire interner « jusqu'à six mois » des jeunes LGBTI dans des « camps de prières » dans le but de « faire cesser tout comportement considéré comme déviant » (France mars 2020, 100). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le président de la LIDHO a affirmé par ailleurs que les violences faites aux minorités sexuelles et de genre ne varient pas selon les groupes ethniques, mais qu'elles varient selon le niveau d'instruction et le niveau de vie, notamment en milieu urbain, par exemple à Abidjan, dans la mesure où les personnes plus pauvres des quartiers populaires « sont plus exposées à la violence », alors que les personnes qui vivent dans les quartiers chics de la ville « ont moins de risques de se faire agresser » (LIDHO 6 sept. 2021).

2. Cadre législatif

Des sources soulignent que le mariage entre personnes de même sexe n'est pas permis en Côte d'Ivoire (ILGA World déc. 2020, 325) ou que le mariage est défini par la « nouvelle » loi comme l'union entre un homme et une femme (HRW 14 janv. 2020).

Des sources rapportent qu'en Côte d'Ivoire, les relations sexuelles entre deux adultes de même sexe ne sont pas criminalisées (É.-U. 30 mars 2021, 29; Freedom House 3 mars 2021, sect. F4; ILGA World déc. 2020, 91). Selon Amnesty International,

[b]ien que la Côte d'Ivoire n'érige pas en infraction les relations sexuelles consenties entre des personnes du même sexe, l'article 360 du Code pénal prévoit une aggravation de la peine minimale infligée pour « outrage à la pudeur » quand l'acte « consiste en un acte impudique ou contre nature avec un individu du même sexe » (Amnesty International 1er oct. 2018, 18).

L'article 360 de l'ancien Code pénal de la Côte d'Ivoire de 1981 était formulé comme suit :

Article 360

Est puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 50.000 [114 $CAN] à 500.000 francs quiconque commet un outrage public à la pudeur.

  • Si l'outrage public à la pudeur consiste en un acte impudique ou contre nature avec un individu du même sexe, l'emprisonnement est de six mois à deux ans et l'amende de 50.000 à 300.000 francs.
  • Les peines peuvent être portées au double si le délit a été commis envers un mineur ou en présence d'un mineur de dix-huit ans [sic] (Côte d'Ivoire 1981, art. 360).

Selon HRW, le code pénal [de 1981] prévoyait « des peines plancher plus élevées pour les couples de même sexe condamnés pour actes indécents en public » (HRW 18 janv. 2018). Freedom House signale en mars 2021 que [traduction] « des personnes LGBT+ ont fait l'objet de poursuites conformément au code pénal qui fait référence aux "outrages publics à la pudeur" » qui a été modifié en 2019 (Freedom House 3 mars 2021, sect. F4). Les Country Reports 2020 signalent également que

[traduction]

les activités intimes hétérosexuelles et homosexuelles faites en public sont passibles de condamnation comme une forme d'indécence publique pouvant conduire à une peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement. En juillet 2019, le gouvernement a apporté des changements mineurs à la loi, mais les organisations de défense de droits de la personne ont signalé que ces modifications n'ont pas aidé à prévenir des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre (É.-U. 30 mars 2021, 29).

Des sources soulignent de même que la mention « "acte impudique ou contre nature avec un individu du même sexe" » n'apparait pas dans la nouvelle loi (France mars 2020, 97) ou que la disposition a été modifiée en étendant également sa portée aux personnes hétérosexuelles (directeur exécutif 9 sept. 2021). HRW signale que « [l]e nouveau code de procédure pénale [Loi n° 2018-975 portant Code de Procédure pénale, 2019] a supprimé la mention d'actes entre personnes de même sexe comme circonstance aggravante dans les cas d'outrage à la pudeur » (HRW 14 janv. 2020).

L'article 360 du nouveau code pénal ivoirien (Loi no 2019-574 portant code pénal ivoirien) est ainsi formulé :

ARTICLE 360

Est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs, quiconque attente aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant la débauche ou la corruption de mineurs.

Il est tenu compte pour le prononcé de la peine, des actes accomplis même à l'étranger.

La tentative est punissable (Côte d'Ivoire 2019, art. 360).

Selon le directeur exécutif, « la loi ivoirienne est [désormais] muette » quant à la situation de la communauté LGBTQA puisque par ailleurs aucune loi ne la protège (directeur exécutif 9 sept. 2021). De même, des sources signalent que les dispositions législatives anti-discrimination ne protègent pas contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle (HRW 18 janv. 2018; É.-U. 13 mars 2019, 25; Freedom House 3 mars 2021, sec. F4) ou à l'identité de genre (É.-U. 13 mars 2019, 25).

3. Protection offerte par l'État
3.1 Protection policière

Selon le directeur exécutif d'AEC+, il n'est pas possible de porter « facilement » plainte à la police lorsqu'on subit de la violence en tant que membre de la communauté LGBTIQA (directeur exécutif 9 sept. 2021). La même source a affirmé que

[d]ans certains cas, la police ne veut pas accueillir la plainte et dans la plupart des cas, elle ne peut pas le faire puisqu'elle n'est pas assez formée pour traiter ce genre de violence; je dirais qu'un seul policier tout au plus sur huit est formé sur les questions de violence envers la communauté LGBTIQA. Les victimes de ce genre de violence ne sont pas prises au sérieux par la police puisqu'elle n'est donc pas suffisamment sensibilisée à cet effet (directeur exécutif 9 sept. 2021).

Les Country Reports 2020 soulignent que, [traduction] « souvent », les personnes LGBTI ne font pas le signalement des violences qu'elles ont subies ou dont elles ont été menacées puisqu'elles ne croient pas que leurs plaintes seraient prises au sérieux par la police (É.-U. 30 mars 2021, 29). Le président de la LIDHO a affirmé quant à lui que « [l]es personnes appartenant aux minorités sexuelles et de genre sont encore mal reçues au niveau des commissariats à cause de l'influence culturelle et du poids encore lourd des traditions » (LIDHO 6 sept. 2021). Selon les Country Reports 2018, la police a été [traduction] « parfois lente et inefficace » face à la violence sociétale envers les personnes LGBTI et celles-ci ont signalé que la police enquêtait « rarement » sur cette violence (É.-U. 13 mars 2019, 25).

Selon Freedom House, [traduction] « [l]es personnes LGBT+ sont confrontées à des préjugés sociétaux ainsi qu'à du harcèlement par les forces de l'ordre » (Freedom House 3 mars 2021, sect. F4). L'OSAR signale que, selon l'une de ses sources qui travaille comme directeur d'une association de droits des personnes LGBT, les forces policières « ont un biais anti-LGBTQI » (OSAR 16 juill. 2021, 8).

3.2 Protection judiciaire

Le directeur exécutif d'AEC+ a affirmé, concernant l'efficacité du système judiciaire ivoirien dans les cas de violence contre les minorités sexuelles et de genre, que

la justice n'est pas toujours efficace puisque les rares affaires qui aboutissent au procès sont mal sanctionnées et les bourreaux s'en sortent avec des peines le plus souvent réduites, car ces affaires sont traitées presque toujours sous l'angle des faits divers comme d'autres crimes de droit commun et non en tenant compte de la motivation criminelle liée à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre.

Par exemple, lorsqu'une personne gay ou lesbienne tombe dans un guet-apens et se fait attaquer à cause de son orientation sexuelle, la police accueillera la plainte pour « coups et blessures » seulement et les tribunaux auront toujours tendance à conclure qu'il s'agit simplement de « voies de fait », masquant ainsi le véritable motif de cette violence qui est la haine contre les minorités sexuelles.

Dans certains cas, ce sont même les personnes de la communauté LGBTIQA qui sont paradoxalement poursuivies et sanctionnées à tort dans une affaire où elles sont les principales victimes. Je peux citer en exemple un LGBTIQA sénégalais vivant en Côte d'Ivoire et qui travaillait dans un maquis (bistrot) de la place. À une heure du matin lorsqu'il fermait le bistrot, le bourreau s'y est introduit en escaladant le mur et lui a demandé d'avoir des rapports sexuels avec lui mais le LGBTIQA a refusé. Le bourreau s'est mis à battre le jeune LGBTIQA, qui par légitime défense, a pris une bouteille pour se protéger. Le bourreau a frappé la bouteille par mégarde et s'est blessé. Par la suite, le bourreau est allé porter plainte pour coups et blessures et le jeune LGBTIQA a justifié son acte par légitime défense. La police et le tribunal ont rejeté la légitime défense lors de l'audience de mise en libération conditionnelle et le jeune LGBTIQA est actuellement en détention provisoire depuis un mois dans l'attente de son procès sur le fond (directeur exécutif 9 sept. 2021).

Le président de LIDHO a aussi affirmé ce qui suit :

Dans la plupart des cas, les dossiers liés de façon flagrante aux crimes motivés par la haine envers les minorités sexuelles et de genre sont traités comme s'il s'agissait de crimes gratuits (non motivés), puisque les autorités judiciaires font généralement en sorte qu'on ne dise pas qu'il y a de l'homophobie dans la société [ivoirienne] (LIDHO 6 sept. 2021).

L'OFPRA souligne que les membres interrogés de trois des quatre ONG faisant l'objet de son étude ont affirmé qu'au moment de la mission d'observation (du 25 novembre au 7 décembre 2019), aucune plainte déposée pour violence liée à l'homophobie ou à la transphobie n'a abouti à une condamnation par un tribunal ivoirien (France mars 2020, 104). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

3.3 Mesures gouvernementales

Selon Amnesty International, la Côte d'Ivoire a rejeté « explicitement » les recommandations des Nations Unies visant à protéger contre des violences envers les personnes LGBTI lors de l'Examen périodique universel en mai 2019 (Amnesty International 7 avr. 2020, 23). Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies rapporte la position du Gouvernement de la Côte d'Ivoire par l'intermédiaire de la secrétaire d'État chargée des droits de l'homme auprès du ministère de la Justice :

Réagissant aux dernières questions posées, notamment celle concernant les droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, la [s]ecrétaire d'État a indiqué que la position de la Côte d'Ivoire restait inchangée depuis son deuxième passage à l'Examen périodique universel. Par conséquent, aucune mesure n'avait été prise ou envisagée pour favoriser une quelconque tendance visant l'acceptation par le public des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes en Côte d'Ivoire. Néanmoins, elle a précisé que la législation ivoirienne n'incriminait pas l'orientation sexuelle des personnes vivant en Côte d'Ivoire (Nations Unies 3 juill. 2019, paragr. 107).

Le président de la LIDHO a affirmé que, selon lui, la secrétaire d'État chargée des droits de l'homme a soutenu, lors d'une conférence tenue avec des organisations de défense des droits de la personne, que « "comme il n'y a aucune loi qui réprime ces minorités sexuelles et de genre, il n'y a aucun besoin de mettre en place une loi qui les protège" » (LIDHO 6 sept. 2021).

Néanmoins, l'OSAR signale les propos suivants provenant de l'une de ses sources qui est un ancien chef de projet pour une ONG de défense de droits des minorités sexuelles :

[C]es dernières années, l'État ivoirien s'est engagé auprès de partenaires bilatéraux pour le respect des lois et des libertés individuelles, essentiellement dans la lutte contre le SIDA. À cet effet, il a mis en place des programmes pour former les acteurs de la prise en charge des populations-clés, notamment les LGBTQI, les travailleurs-euses du sexe, les personnes victimes d'addiction et les jeunes filles vulnérables. Ces mesures ont notamment permis la mise en place des points focaux « genre » dans les commissariats pour accompagner les personnes victimes de violences de genre et autres formes de violence, y compris les personnes LGBTQI […] Il existe par ailleurs des poches de résistance au sein des forces de l'ordre liées aux dogmes et croyances qui ne voient pas d'un bon œil les personnes LGBTQI (OSAR 16 juill. 2021, 8).

L'OFPRA affirme de même que trois des ONG interrogées ont souligné la mise en place de points focaux chargés des violences fondées sur le genre dans les commissariats où de la senisbilisation sur ce type de violence est offerte par des « acteurs associatifs et formés spécifiquement pour traiter ces affaires » (France mars 2020, 97). Selon la même source, un représentant de Secours social a affirmé « travailler en bonne entente avec les agents de police [des points focaux], qui n'hésitent pas à intervenir » ou à signaler à son organisation des cas de violence homophobe (France mars 2020, 97). Toutefois, un membre d'ACI a souligné « une diminution de l'impact des actions de sensibilisation effectuées par les associations auprès des points focaux du fait que ces derniers ne rendent pas compte au sein des commissariats des tables rondes auxquelles ils ont assisté » (France mars 2020, 98).

L'OFPRA signale par ailleurs les propos de l'une de ses sources selon qui « "il n'y a pas de discrimination généralisée par les autorités, mais un manque de réactivité" » (France mars 2020, 98).

4. Services de soutien

Le directeur exécutif d'AEC+ a affirmé que le gouvernement ivoirien ne fournit pas de services de soutien à la communauté LGBTIQA qu'en matière de santé, par exemple le Programme national de lutte contre le sida (directeur exécutif 9 sept. 2021). Selon la même source, les ONG comme la sienne fournissent le reste des services de soutien offerts et elles sont entièrement financées par des organisations privées internationales (directeur exécutif 9 sept. 2021). Toutefois, le président de LIDHO quant à lui, bien qu'il ait affirmé que « les autorités ne font pas assez pour protéger les minorités sexuelles et de genre », a également affirmé que le gouvernement a mis en place quelques services d'aide notamment à travers la Direction de la protection des droits de l'homme du ministère de la Justice et le Programme national de lutte contre le sida qui peuvent accueillir sur leur site Internet respectif les plaintes des personnes issues des minorités sexuelles et de genre et les transférer vers les services policiers compétents, ainsi que les numéros verts mis en place par le Comité national de lutte contre les violences du Conseil des droits de l'homme initialement réservés aux victimes de violence familiale et faite aux femmes mais dont les minorités sexuelles et de genre peuvent aussi se servir (LIDHO 6 sept. 2021).

Selon l'OSAR, l'État ne possède pas de programme d'aide psychologique pour les victimes de l'homophobie, car l'une de ses sources travaillant comme chargé de relations extérieures d'une association de défense de droits des LGBTQI à Abidjan lui a affirmé, au cours d'un entretien tenu le 27 mars 2019, qu'une « personne victime de violence homophobe en Côte d'Ivoire ne peut avoir accès à un suivi psychologique qu'en s'acquittant elle-même des honoraires du psychologue. Il n'y a pas d'aide de l'État à ce titre-là » (OSAR 16 juill. 2021, 10).

4.1 Centres de convivialité

Selon le directeur exécutif, les principaux services et activités que proposent l'ONG AEC+ et les autres organisations semblables avec qui elle collabore [notamment ENDA santé (directeur exécutif 3 sept. 2021)] tournent autour de six centres de convivialité (drop in centre - DIC) dont trois se trouvent dans la ville d'Abidjan (directeur exécutif 9 sept. 2021). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur exécutif a signalé que les autres centres se trouvent à Bassam [ou Grand-Bassam], à Aboisso et à Bouaké et a décrit ces centres de convivialité de la manière suivante :

Tous ces centres ont la même capacité et regorgent en leur sein de toutes les mêmes activités, à savoir :

  • une prise en charge médicale des LGBTIQ;
  • une prise en charge psychologique;
  • une prise en charge psychosociale;
  • un service de parajuriste;
  • un service de suivi des personnes vivant avec le VIH;
  • une salle récréative;
  • des chambres d'hébergement.

AEC+ a en son sein cinq chambres d'hébergement au DIC et trois chambres à son siège social à Abobo Sogefia [à Abidjan]. Notre centre accueille les LGBTIQ victimes de rejet et de stigmatisation pour une période de 3 mois renouvelables selon l'impact de la situation. L'hébergement et la prise en charge sont offerts gratuitement dans nos DIC.

Malgré les efforts fournis pour accueillir nos pairs, notre espace ne peut satisfaire la grande majorité de nos bénéficiaires, vu les restrictions budgétaires auxquelles est confrontée AEC+ (directeur exécutif 3 sept. 2021).

Le président de la LIDHO a aussi affirmé que « ENDA santé et AEC+ regroupent les programmes de lutte contre le VIH/sida et les principaux services offerts aux minorités sexuelles et de genre, y compris l'assistance médicale, l'aide psychosociale, les activités récréatives et les centres d'hébergement » (LIDHO 6 sept. 2021).

4.2 Autres services

Le président de la LIDHO a affirmé que son association fournit essentiellement des services d'assistance juridique et judiciaire aux personnes issues des minorités sexuelles et de genre qui en ont besoin et mène des activités de sensibilisation auprès de ces minorités ou de la population générale sur les droits de ces minorités (LIDHO 6 sept. 2021).

L'OFPRA souligne que les associations de défense des droits des minorités sexuelles et de genre constituent « un soutien et un refuge » pour les personnes LGBTI isolées en leur permettant de se rencontrer à leur siège dans un cadre informel et lors d'activités organisées (France mars 2020, 101). Sans fournir de précisions additionnelles, l'OFPRA signale aussi des initiatives individuelles ou locales à l'instar de celles des ONG Secours social et Ombres et lumières, qui disposent respectivement d'un système de suivi et d'un système d'alerte par téléphone et sur les réseaux sociaux de leurs membres (France mars 2020, 99). Cependant la même source signale également que « [l]es ONG rencontrées disent tenter d'aider au mieux les personnes vulnérables à se loger mais aucune ne dispose aujourd'hui [fin 2019] des moyens matériels pour mettre en place un centre d'accueil » (France mars 2020, 101).

Selon l'OSAR, l'une des sources qui est un ancien chef de projet pour une ONG de défense de droits des minorités sexuelles lui a affirmé dans une communication écrite envoyée le 14 juillet 2021 qu'ACI est « la seule association qui offre une prise en charge psychologique pour des cas urgents » (OSAR 16 juill. 2021, 9).

La BBC signale que la Clinique de confiance appartenant à l'ONG Espace confiance est devenue « un centre de santé spécialisé » visant à diminuer la propagation du VIH chez les groupes vulnérables clés (BBC 6 nov. 2019). Selon la même source, cinq autres centres, gérés par Espace confiance, font également de la prévention et de la sensibilisation auprès des populations clés et des professionnels de la santé (BBC 6 nov. 2019).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Amnesty International. 7 avril 2020 « Côte d'Ivoire ». Les droits humains en Afrique : Rétrospectives 2019. [Date de consultation : 31 août 2021]

Amnesty International. 1er octobre 2018. Côte d'Ivoire : La situation en matière des droits humains demeure fragile. Communication d'Amnesty International concernant l'Examen périodique universel des Nations Unies. 33e Session du Groupe de travail de l'EPU, mai 2019. [Date de consultation : 9 sept. 2021]

British Broadcasting Corporation (BBC). 6 novembre 2019. Suy Kahofi Jischvi. Soigner les LGBTQI+ de Côte d'Ivoire, un défi pour la Clinique de Confiance. [Date de consultation : 10 sept. 2021]

Côte d'Ivoire. 2019. Loi no 2019-574 portant code pénal ivoirien. Dans Droit pénal, par le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), 2020. [Date de consultation : 10 sept. 2021]

Cׅôte d'Ivoire. 1981. Code pénal de la Côte d'Ivoire. [Date de consultation : 8 sept. 2021]

Directeur exécutif, Arc en ciel plus (AEC+). 9 septembre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Directeur exécutif, Arc en ciel plus (AEC+). 3 septembre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). 30 mars 2021. « Cote d'Ivoire ». Country Reports on Human Rights Practices for 2020. [Date de consultation : 31 août 2021]

États-Unis (É.-U.). 13 mars 2019. « Côte d'Ivoire ». Country Reports on Human Rights Practices for 2018. [Date de consultation : 10 sept. 2021]

France. Mars 2020. Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Rapport de mission en République de Côte d'Ivoire du 25 novembre au 7 décembre 2019. [Date de consultation : 1er sept. 2021]

Freedom House. 3 mars 2021. « Côte d'Ivoire ». Freedom in the Word 2020. [Date de consultation : 10 sept. 2021]

GlobalNPO. S.d. « New Arc en ciel plus ivoire ». [Date de consultation : 31 août 2021]

Human Rights Watch (HRW). 14 janvier 2020. « Côte d'Ivoire ». Rapport mondial 2020 : événements de 2019. [Date de consultation : 31 août 2021]

Human Rights Watch (HRW). 18 janvier 2018. « Côte d'Ivoire ». Rapport mondial 2018 : événements de 2017. [Date de consultation : 10 sept. 2021]

International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA World). Décembre 2020. Lucas Ramón Mendos, et al. State-Sponsored Homophobia: Global Legislation Overview Update. [Date de consultation : 6 sept. 2021]

Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO). 6 septembre 2021. Entretien téléphonique avec le président.

Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO). S.d. « Connaître la LIDHO ». [Date de consultation : 6 sept. 2021]

Nations Unies. 3 juillet 2019. Conseil des droits de l'homme. Rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel – Côte d'Ivoire. (A/HRC/42/6) [Date de consultation : 6 sept. 2021]

Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). 16 juillet 2021. Côte d'Ivoire : situation des personnes LGBTQI et protection de l'État. [Date de consultation : 9 sept. 2021]

Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). S.d. « Organisation ». [Date de consultation : 9 sept. 2021]

Radio France internationale (RFI). 18 août 2020. « Côte d'Ivoire : des bandes criminelles sèment-elles le chaos dans les manifestations? ». [Date de consultation : 22 sept. 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : Alliance Côte d'Ivoire; Alternative Côte d'Ivoire; Coalition ivoirienne des défenseurs des droits humains; International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association; Lesbians Life Association Côte d'Ivoire.

Sites Internet, y compris : Austrian Red Cross – Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation; Care International; États-Unis – CIA; Fédération internationale pour les droits humains; International Gay and Lesbian Human Rights Commission; Nations Unies – Refworld.



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