Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

31 décembre 2018

PAK106222.EF

Pakistan : information sur le traitement réservé aux époux de mariages mixtes entre sunnites et chiites; information sur la possibilité de déménager dans d’autres régions du pays; information sur la protection offerte par l’État (2017-décembre 2018)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

Pour de l’information sur les différences entre les musulmans chiites et les musulmans sunnites, ainsi que sur la situation des musulmans chiites minoritaires au Pakistan et le traitement qui leur est réservé, veuillez consulter la réponse à la demande d’information PAK104713 publiée en janvier 2014.

1. Traitement réservé aux époux de mariages mixtes entre sunnites et chiites

D’après un rapport national d'information sur le Pakistan préparé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade – DFAT) de l’Australie, [traduction] « [i]l n’y a pas d’obstacle juridique officiel empêchant les mariages interconfessionnels entre chiites et sunnites au Pakistan » et « de tels mariages sont célébrés partout au pays (le plus souvent dans les grandes villes comme Lahore) » (Australie 1er sept. 2017, paragr. 3.37). Toutefois, dans ce même rapport, on peut aussi lire que, selon [traduction] « des sources crédibles », « les mariages entre sunnites et chiites sont de moins en moins fréquents en raison de la religiosité croissante à l’échelle du pays » (Australie 1er sept. 2017, paragr. 3.37). De plus, les auteurs du rapport signalent que [traduction] « [l]orsque de tels mariages interconfessionnels ont lieu, l’un des époux (habituellement la femme) se convertit » (Australie 1er sept. 2017, paragr. 3.37). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un maître de conférences en science politique à l’École des études orientales et africaines (School of Oriental and African Studies – SOAS) de l’Université de Londres, qui se penche sur les facettes politiques des institutions islamiques en Asie du Sud, y compris au Pakistan, a déclaré que les avis sur les mariages entre sunnites et chiites [traduction] « varient considérablement » à travers le Pakistan (maître de conférences 12 déc. 2018). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la Commission des droits de la personne du Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan – HRCP), une ONG indépendante qui observe la situation des droits de la personne et défend ces droits au pays (HRCP s.d.), a déclaré que [traduction] « [l]es mariages mixtes entre sunnites et chiites sont considérés différemment, selon les groupes sociaux  » (HRCP 14 déc. 2018). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur de droit à l’Université de Warwick qui étudie le droit islamique, les droits de la personne et les droits des femmes, particulièrement au Pakistan, a déclaré que le traitement réservé aux époux de mariages mixtes entre sunnites et chiites au Pakistan [traduction] « dépend dans une très large mesure de l’endroit où ils se trouvent au Pakistan. Il y a des endroits où les tensions entre sunnites et chiites sont très fortes; à d’autres endroits, les gens vaquent tout simplement à leurs affaires sans qu'il n'y ait trop de frictions » (professeur de droit 14 déc. 2018).

Selon le maître de conférences,

[traduction]

[i]l y a des endroits où la politisation des clivages entre les sunnites et les chiites est bien connue (Quetta, Gilgit, Agence de Kurram, Jhang, certaines parties de Karachi, etc.), mais ces endroits sont disséminés dans toutes les provinces du Pakistan, dans des régions urbaines et rurales (et, par conséquent, à travers tous les groupes ethniques) (maître de conférences 12 déc. 2018).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un adjoint à l’enseignement au Département des sciences humaines et sociales de la Lahore University of Management Sciences (LUMS), qui donne des cours sur l’islam et le droit islamique, a déclaré que [traduction] « d’une manière générale », les mariages entre chiites et sunnites « se heurtent à des difficultés, et les facteurs qui contribuent à ces difficultés vont du mépris ou de la dissuasion de la part de la société, jusqu'aux menaces de mort, selon le lieu et la région, le niveau social et la situation familiale » (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018). La même source a ajouté que [traduction] « [l’]acceptation pacifique de tels mariages [est] rare » (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018).

Le maître de conférences a déclaré que [traduction] « la tolérance envers les mariages mixtes [est] un peu plus fréquente chez l’élite supérieure » (maître de conférences 12 déc. 2018). De même, l’adjoint à l’enseignement a affirmé que les mariages mixtes entre sunnites et chiites [traduction] « ne réussissent habituellement qu’aux échelons les plus élevés de la société », en ajoutant que chez « certains membres des classes supérieures instruits dans certains établissements de langue anglaise […] il se peut que de tels mariages soient nettement plus acceptables » (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018).

D’après le maître de conférences, ces mariages mixtes [traduction] « sont moins acceptés chez les gens ne faisant pas partie de l’élite dans les régions urbaines ou rurales, ainsi que dans les familles de la classe moyenne, et certains y sont même ouvertement hostiles » (maître de conférences 12 déc. 2018). Selon l’adjoint à l’enseignement, [traduction] « d’une manière générale, le niveau d’acceptation sera nettement plus bas dans les régions rurales et tribales » (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018). Le représentant de la HRCP a déclaré que [traduction] « [d]e tels mariages sont jugés plus acceptables au sein [de la] classe instruite[,] qui est généralement plus tolérante et plus inclusive », en ajoutant que, au Pakistan, « [l]es gens sont plus instruits dans les villes que [dans] les régions rurales, [et], par conséquent, plus tolérants en général » (HRCP 14 déc. 2018). L’adjoint à l’enseignement a ajouté que [traduction] « les groupes ethniques pachtounes, les familles de propriétaires terriens dans les régions rurales [et] les personnes plus religieuses […] s’opposeront de façon très farouche à de tels mariages » (adjoint à l’enseignement 12 déc. 2018).

Selon le représentant de la HRCP, l’acceptation des mariages mixtes variera [traduction] « d’une famille à l’autre » et « dépend de la culture et du système de valeurs de la famille en question »; il a ajouté que certaines familles n’accepteront pas de tels mariages (HRCP 14 déc. 2018). Le maître de conférences a expliqué que [traduction] « certaines familles s’opposeraient fermement aux mariages mixtes », en raison

[traduction]

de questions pratiques ayant une incidence sur des enjeux familiaux précis (p. ex., le divorce, la garde des enfants, la succession, etc.), où il peut y avoir des différences subtiles entre les traditions sunnites et chiites (p. ex., concernant les interprétations du droit islamique), ou, dans des contextes locaux, où les clivages entre sunnites et chiites ont été fortement politisés (entraînant des risques pour les familles élargies associées à un couple mixte) (maître de conférences 12 déc. 2018).

Selon le maître de conférences, [traduction] « [c]ela vaut particulièrement quand les familles s’opposent d'emblée aux "mariages d’amour" et que le mariage n’avait pas l’appui des deux familles », et quand « la "mixité" confessionnelle ou même doctrinale » pourrait être perçue comme un facteur qui aggrave la situation (maître de conférences 12 déc. 2018).

D’après le maître de conférences,

[traduction]

[l]orsque les membres de la famille rejettent les mariages conclus sans l’appui de la famille, il est souvent très difficile pour les époux de trouver refuge dans leurs cercles sociaux locaux – ce n’est pas impossible, mais c’est rare et une question de chance. (Dans un tel cas, la mobilité des gens de l’élite supérieure peut souvent – mais pas toujours – amortir les chocs) (maître de conférences 12 déc. 2018).

L’adjoint à l’enseignement a signalé que

[traduction]

[p]arfois, les [ONG] et les militants des droits de la personne peuvent tendre la main aux couples des classes inférieures qui ont besoin d’aide. Toutefois, de telles choses se produisent le plus souvent lorsque, pour des raisons exceptionnelles, les médias mettent en lumière une situation particulière (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018).

D’après le maître de conférences, [traduction] « [i]l se peut que les ONG locales soient en mesure d’offrir une certaine protection (p. ex., sous la forme de refuges), mais selon mon expérience la disponibilité et la durée d’un tel soutien seraient très restreintes; autrement dit, il s’agirait au mieux d’une solution rare et à court terme » (maître de conférences 12 déc. 2018).

2. Possibilité de déménager dans d’autres régions du pays

Au dire du représentant de la HRCP, [traduction] « [s’]il y a des cas de mauvais traitement dans une région en particulier, les gens déménagent vers de grandes villes là où l'on se soucie habituellement peu de telles questions » (HRCP 14 déc. 2018). Par contre, l’adjoint à l’enseignement a affirmé que [traduction] « dans la plupart des situations », « il sera très difficile [pour un couple mixte sunnite-chiite de déménager ailleurs au pays] à cause d’un certain nombre de facteurs économiques, sociaux et juridiques » et qu’il sera tout aussi difficile ou plus difficile encore de trouver un cadre social où le couple sera accepté (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018).

Selon le maître de conférences, un couple devra généralement cacher son statut [traduction] « mixte » pour faciliter sa réinstallation (maître de conférences 12 déc. 2018). D’après le maître de conférences, [traduction] « [s]i ce statut est dévoilé, il se peut que les cercles sociaux deviennent restreints, si bien que le couple mixte bénéficierait d’une protection moindre s’il était ciblé » (maître de conférences 12 déc. 2018). Le maître de conférences a ajouté ce qui suit :

[traduction]

[I]l n’y a aucun motif de croire que les risques associés à un mariage mixte se manifestent uniquement dans les endroits où la polarisation et la politisation confessionnelles sont élevées […] car, bien que la polarisation entre les confessions sunnite et chiite soit particulièrement forte à certains endroits, il n’existe aucun endroit où les normes locales valorisent les couples mixtes (maître de conférences 12 déc. 2018).

3. Protection offerte par l’État

Selon le représentant de la HRCP, [traduction] « [i]l n’y a pas de ministère ou organisme particulier qui soit chargé de régler les problèmes auxquels se heurtent les époux de mariages mixtes au Pakistan » (HRCP 14 déc. 2018). Le représentant de la HRCP a ajouté que [traduction] « [s’]il y a des craintes sur le plan de la sécurité ou tout autre problème, les époux de mariages mixtes peuvent toujours faire appel à la police ou à d’autres services de maintien de l’ordre » (HRCP 14 déc. 2018). Toutefois, le maître de conférences a signalé que [traduction] « les autorités publiques hésitent généralement à se mêler aux "affaires familiales" telles que les choix en matière de mariage, particulièrement dans les situations où, au sens strict, le mariage n’est pas illégal, si bien que les autorités sont appelées à protéger le couple contre l’imposition de normes familiales qui échappent au cadre juridique » (maître de conférences 12 déc. 2018). De même, l’adjoint à l’enseignement a déclaré [traduction] « [qu’]il sera presque impossible » pour les autorités d’intervenir si les mauvais traitements ne sont pas considérés comme étant des infractions criminelles (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018).

D’après le maître de conférences, [traduction] « [g]énéralement, lorsqu’il existe des preuves crédibles d’une menace de violence, les tendances actuelles donnent à penser qu’il y a peu de chances que les couples mixtes se verront accorder une protection à l’intérieur du pays » (maître de conférences 12 déc. 2018). L’adjoint à l’enseignement a signalé que [traduction] « [t]out comme l’acceptation sociale, il sera plus facile d'obtenir de l'aide dans les régions urbaines et […] pour les couples de la "classe supérieure" ou les couples instruits de la classe moyenne supérieure » (adjoint à l’enseignement 10 déc. 2018). Le maître de conférences a ajouté ce qui suit :

[traduction]

Si l’incident comporte de la violence ou un enlèvement (et cela n’est pas difficile à imaginer), les autorités locales seront attentives aux hiérarchies locales, c’est-à-dire que si des familles puissantes exercent des pressions pour que des mesures soient prises « contre » les auteurs de tels crimes (peu probable dans de tels cas), il se peut que les autorités interviennent; mais si des familles puissantes s’opposent à une intervention policière (pour quelque raison que ce soit), il est moins probable que les autorités apportent une protection (maître de conférences 12 déc. 2018).

De plus, le maître de conférences a signalé

[traduction]

[qu'a]u cours de la dernière année, les autorités locales (et la police en particulier) ne sont pas intervenues de façon « neutre » dans les conflits de nature doctrinale; dans certains cas, leurs interventions étaient partisanes. Cela étant dit, toutefois, un très grand nombre de policiers ont été déployés pour prévenir des affrontements violents entre sunnites et chiites durant le mouharram [le premier mois du calendrier islamique]. (Par le passé, il n’y avait pas toujours de tels déploiements, laissant la porte ouverte à de prévisibles périodes de violence.) Ainsi, le bilan est mitigé et imprévisible (maître de conférences 12 déc. 2018).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Adjoint à l’enseignement, Lahore University of Management Sciences (LUMS). 10 décembre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Australie. 1er septembre 2017. Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT). DFAT Country Information Report: Pakistan. [Date de consultation : 10 déc. 2018]

Human Rights Commission of Pakistan (HRCP). 14 décembre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Human Rights Commission of Pakistan (HRCP). S.d. « Mission & Vision ». [Date de consultation : 10 déc. 2018]

Maître de conférences, SOAS University of London. 12 décembre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeur de droit, University of Warwick. 14 décembre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Autres sources consultées

Sources orales : anthropologue médical qui a mené des recherches sur les minorités religieuses et l’intolérance religieuse au Pakistan; Asian Human Rights Commission; chargé de cours supérieur en science politique qui étudie la pensée et la pratique islamiques en Asie du Sud; deux professeurs d’études islamiques; Jinnah Institute; Pakistan – Council of Islamic Ideology; Pakistan Interfaith League; Pakistan International Human Rights Organization; professeur à la retraite qui a étudié l’islam au Pakistan; professeur adjoint d’anthropologie qui a étudié l’islam en Asie du Sud; professeur d’histoire qui a étudié les minorités et la sécularisation en Asie du Sud, notamment au Pakistan; professeur de religion et d’études féminines qui a mené des recherches sur les communautés musulmanes en Asie du Sud.

Sies Internet, y compris : Amnesty International; AsiaNews.it; BBC; Dawn.com; ecoi.net; The Express Tribune; Factiva; Femmes sous lois musulmanes; Freedom House; The Guardian; Human Rights Focus; Human Rights Watch; Irlande – Refugee Documentation Centre; The Nation; Nations Unies – Refworld; The New York Times; Pakistan – Ministry of Religious Affairs & Interfaith Harmony; Pakistan Today; Parhlo.com; Reuters; Royaume-Uni – Home Office; Shirkat Gah; S. Rajaratnam School of International Studies; Union européenne – European Asylum Support Office.



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