Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

1 novembre 2018

NGA106184.F

Nigéria : information sur le rite selon lequel une veuve doit boire l'eau qui a servi à nettoyer le cadavre de son mari; conséquences du refus de boire cette eau; information indiquant si le refus est interprété comme une preuve de la responsabilité de la mort de son mari; protection offerte par l'État (2016-novembre 2018)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Le rituel

Des sources mentionnent que les veuves, au Nigéria, sont soumises à divers traitements ou rituels [traduction] « déshumanisants » au moment du décès de leur mari (The Sun 24 sept. 2016; Akinbi avr. 2015, 67; Nwogu mars 2015, 79). Des sources signalent que, parmi ces rituels, certaines veuves sont forcées de boire l'eau qui a servi à laver le cadavre de leur mari (The Sun 4 juill. 2018; Akinbi avr. 2015, 69, 71; Nwogu mars 2015, 80). Selon certaines sources, le but de ce geste est de prouver que les femmes ne sont pas responsables de la mort de leur mari (É.-U. 20 avr. 2018, 34; The Sun 24 sept. 2016).

Divers médias, depuis 2013, reprennent un article concernant une veuve du sud-est du Nigéria qui a été forcée par sa belle-famille, qui la soupçonnait d'être responsable de la mort de son mari, de boire l'eau ayant servi à nettoyer le corps de celui-ci (Divulge Magazine 30 janv. 2018; The Sun 24 sept. 2016; The Africa Report 27 nov. 2013). Des sources signalent le cas d'une veuve qui aurait elle aussi été forcée par sa belle-famille d'accomplir ce geste en mai 2017 (Classic 105 23 sept. 2017; Vanguard 16 sept. 2017), dans l'État du Delta (Vanguard 16 sept. 2017).

Des sources mentionnent que les rites de deuil et de veuvage varient au Nigéria selon les ethnies, dont le nombre est supérieur à 200 (WPD 16 oct. 2018; The Sun 24 sept. 2016).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par la directrice de Widows for Peace Through Democracy (WPD) [1] dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches :

On ne peut, au sujet de ce rituel, ni parler d'une pratique généralisée au Nigéria ni préciser quel groupe ethnique est le plus susceptible de le perpétuer. La fréquence et la gravité des pratiques peuvent varier selon que la famille en question est urbaine ou rurale, instruite ou analphabète, qu'elle travaille dans le domaine professionnel ou dans le secteur informel, qu'elle est religieuse ou laïque, ou encore selon la [traduction] « dynamique familiale ». Au sujet du milieu de vie, il y a des preuves selon lesquelles la pratique est en train de disparaître à certains endroits, notamment dans les zones urbaines, mais il faut se rappeler que la plupart des veuves résidant en milieu urbain ont des racines rurales et que les funérailles ont habituellement lieu dans les villages, là où la tradition et la coutume priment sur les lois modernes. Il faut aussi tenir compte du fait qu'il existe quatre types distincts de mariage au Nigéria et que dans les régions rurales, le droit indigène et la coutume dominent. Enfin, la pauvreté amène la cupidité pour les terres et les propriétés, ainsi que le risque qu'une veuve soit chassée et privée de son héritage (WPD 16 oct. 2018). Pour davantage de renseignements sur le rituel qui consiste à boire l'eau ayant servi à laver le corps du mari décédé, sa fréquence, son but et les conséquences d'un refus d'y participer, veuillez consulter les réponses aux demandes d'informations NGA43282 de janvier 2005 et NGA104217 de novembre 2012.

2. Conséquences du refus

Dans une étude de 2015 sur les pratiques de veuvage dans certaines régions du Nigéria (chez les Yorubas, les Igbos, les Ikweres et des peuples de l'État d'Akwa Ibom), Joseph Olukayode Akinbi [2] renvoie à une étude sur les pratiques de veuvage dans l’État d’Imo [3], où l'on décrivait, en 1981, le rituel ainsi que les conséquences de le refuser :

[traduction]

Une fois qu'un homme meurt, les beaux-parents accusent immédiatement la femme et lui demandent d'avouer le meurtre. Pour prouver son innocence, il lui faut boire l'eau utilisée pour laver le corps du défunt mari. Si elle refuse, évidemment, elle a tué le mari. Par conséquent, elle doit être punie; ou la veuve croise trois fois le cercueil du mari; si elle décède avant la fin du deuil, elle sera jetée dans la forêt perverse, car sa mort la confirme comme meurtrière (Akinbi avr. 2015, 71).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par WPD dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches :

Cette [traduction] « pratiqu[e] traditionnelle néfaste », entre autres, peut tirer ses origines de la croyance qu'une veuve doit prouver son innocence en subissant cette épreuve à la suite de la mort de son mari. « [D]ans le passé », la veuve qui refusait d'accomplir le rituel aurait été considérée comme « complice de la mort de son mari », par exemple, en ayant utilisé la sorcellerie, mais ces « attitudes » sont plus rares de nos jours. Cependant, la veuve qui refuse le rite sera néanmoins stigmatisée dans sa communauté et dans sa famille, et elle risque d'être violentée, déshéritée, chassée, abandonnée, privée de ses enfants, considérée comme une « sorcière » ou une mauvaise épouse, ou encore accusée de désobéir aux coutumes du patriarcat (WPD 16 oct. 2018).

3. Protection offerte par l'État

Pour des renseignements sur les mesures prises par l'État et la police dans le sud du Nigéria pour protéger les personnes qui refusent de participer aux pratiques rituelles, veuillez consulter la réponse à la demande d'information NGA105659 de novembre 2016.

Des sources rapportent que la Loi interdisant la violence contre les personnes (Violence Against Persons (Prohibition) Act - VAPP), y compris les [traduction] « rituels de veuvage néfastes » ou les « pratiques traditionnelles néfastes », est en vigueur au Nigéria depuis 2015 (News Deeply 25 avr. 2018; WILPF, et al. juill. 2017, paragr. 20). Cependant, les dispositions de cette loi, d'après des sources, ne sont en vigueur que dans la région de la capitale fédérale (Federal Capital Region - FCT), tant qu'elles n'ont pas été adoptées par les différents États du Nigéria (É.-U. 20 avr. 2018, 32; WILPF, et al. juill. 2017, paragr. 21). Dans un rapport de janvier 2016 soumis au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies, le Nigéria énumère des lois destinées à protéger les veuves dans quatre de ses États : Anambra, Edo, Enugu et Imo (Nigéria 11 janv. 2016, 11).

Selon des sources, l'application de la VAPP est [traduction] « faible » (News Deeply 25 avr. 2018; WILPF, et al. juill. 2017, paragr. 21). Un rapport conjoint rédigé par différentes ONG nigérianes de défense des droits des femmes signale en outre que la VAPP est méconnue de la plupart des institutions et organisations (WILPF, et al. juill. 2017, paragr. 21). La directrice du WPD a rapporté de son côté que le Nigéria avait adopté plusieurs lois criminalisant la violence envers les femmes, y compris contre les veuves, mais que ces lois n'existent [traduction] « que sur le papier » et qu'il y a « très peu de preuves montrant que ces lois, en ce qui concerne les veuves, sont appliquées » (WPD 16 oct. 2018). La même source a signalé que l'accès à la justice est parsemé des embûches suivantes, autant devant les tribunaux modernes que devant les cours religieuses ou coutumières : la corruption, les préjugés, les coûts, la bureaucratie et la crainte de la violence de la part des membres de la famille s'ils découvraient que la veuve a l'intention de les poursuivre (WPD 16 oct. 2018). L'article du journal nigérian The Sun signale pour sa part que les droits sur papier sont difficiles à réaliser dans une société ou l'inégalité entre les hommes et les femmes est une tradition de longue date, où les biens d'une femme sont cédés à son mari lors de son mariage, et où les institutions responsables de la justice en matière d'héritage sont des [traduction] « scènes de conflit entre les droits sur papier (inscrits dans la loi) et les "lois vivantes" (intériorisées par la culture) » (The Sun News 24 sept. 2016).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Widows for Peace Through Democracy (WPD) est une organisation pour la défense des droits des veuves qui regroupe diverses associations et organisations de veuves dans leurs pays et qui établit des réseaux pour échanger des informations et des pratiques (WPD s.d.).

[2] Professeur d’histoire au Nigéria (É.-U. s.d.). Il est aussi l'auteur d’ouvrages socio-politiques sur le Nigéria (WorldCat Identities s.d.).

[3] Cette étude de D. Nzewi, publiée en 1981, était intitulée « Widowhood Practices: A Female Perspective », et a été présentée à un atelier sur les pratiques liées au veuvage dans l'État d'Imo (Akinbi avr. 2015, 74).

Références

The Africa Report. . 27 novembre 2013. Rose Nwaebuni. « Nigeria : A Difficult Place to Be a Widow ». [Date de consultation : 19 oct. 2018]

Akinbi, Joseph Olukayode. Avril 2015. « Widowhood Practices in Some Nigerian Societies: A Retrospective Examination ». International Journal of Humanities and Social Science. Vol. 5, no 4. [Date de consultation : 19 oct. 2018]

Classic 105. 23 septembre 2017. Maureen Waruinge. « Widow Forced to Drink Water Used to Bath Husband's Corpse Speaks Out on Horror Incident ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

Divulge Magazine. . 30 janvier 2018. « Nigeria, A Wrong Place to Be a Widow ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

États-Unis (É.-U.). 20 avril 2018. Department of State. « Nigeria ». Country Reports on Human Rights Practices for 2017. [Date de consultation : 10 oct. 2018]

États-Unis (É.-U.). S.d. Library of Congress. « Akinbi, J.O. (Joseph Olukayode) ». [Date de consultation : 26 oct. 2018]

News Deeply. 25 avril 2018. Kelechukwu Iruoma. « Pushing for Stronger Laws to Protect Widows' Rights in Nigeria ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

Nigéria. 11 janvier 2016. Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention. Rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques des États parties attendu en 2014 : Nigéria. (CEDAW/C/NGA/7-8) [Date de consultation : 12 oct. 2018]

Nwogu, Mary Imelda Obianuju. Mars 2015. « The Legal Anatomy of Cultural Widowhood Practices in South Eastern Nigeria : the Need for a Panacea ». Global Journal of Politics and Law Research, Vol. 3, no 1. [Date de consultation : 12 oct. 2018]

The Sun. 4 juillet 2018. Jeff Amechi Agbodo. « Red Card to Obnoxious Widowhood Practices ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

The Sun. 24 septembre 2016. Vivian Onyebukwa, Kate Halim et Vera Wisdom-Bassey. « Battered, Abandoned ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

Vanguard. 16 septembre 2017. Gabriel Enogholase. « How I Was Forced to Drink My Late Husband's Bath Water by Family -Widow ». [Date de consultation : 10 oct. 2018]

Widows for Peace Through Democracy (WPD). 16 octobre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice.

Widows for Peace Through Democracy (WPD). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 26 oct. 2018]

Women's International League for Peace and Freedom (WILPF), et al. Juillet 2017. Women, Peace and Security in Nigeria. [Date de consultation : 10 oct. 2018]

WorldCat Identities. S.d. « Akinbi, J. O. (Joseph Olukayode) ». [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Autres sources consultées

Sources orales : Africa for Women's Rights; Civil Liberties Organisation; Civil Resource Development and Documentation Centre; International Federation of Women Lawyers Nigeria; Widows Rights International; Women and Young People Rights Advocates; Women's Consortium of Nigeria; Women's Health and Equal Rights Initiative; Women's Rights Advancement and Protection Alternative Nigeria.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; ecoi.net; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; International Crisis Group; Nations Unies – Refworld; Nigéria – Federal Ministry of Women Affairs and Social Development; Nigerian Tribune; This Day; Union européenne - European Asylum Support Office.



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