Liban : information sur la situation des minorités sexuelles à Beyrouth, y compris le traitement que leur réservent la société et les autorités, les lois, les services qui leur sont offerts et les organisations qui leur viennent en aide (2010-2013)
1. Lois
L'article 534 du Code pénal du Liban interdit les actes sexuels contre nature (Al Arabiya 20 juill. 2013; SocialistWorker.org 2 févr. 2011; Human Rights Watch juin 2013, 11). Selon Human Rights Watch, la loi n'interdit pas de façon explicite l'homosexualité et ne propose pas une définition de ce que constitue un acte contre nature, ce qui laisse aux juges [traduction] « une grande marge d'interprétation » (ibid.). Deux sources signalent que l'article 534 est interprété comme interdisant les relations entre personnes de même sexe (ibid.; Al Arabiya 20 juill. 2013). D'autres sources signalent que l'homosexualité est effectivement illégale au Liban (VOA 20 mars 2011; Wagner et al. 2013, 2; SocialistWorker.org 2 févr. 2011).
Selon certaines sources, la loi prévoit une peine d'emprisonnement allant jusqu'à un an pour la violation de l'article 534 (Human Rights Watch juin 2013, 11; É.-U. 19 avr. 2013, 32). Voice of America (VOA) signale que la peine n'est habituellement pas appliquée (20 mars 2011). Le Département d'État des États-Unis signale que, selon Helem, une ONG libanaise établie en 2004 qui milite pour les droits des personnes LGBT [lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres] (Helem s.d.a), il y a eu moins de 10 poursuites en vertu de l'article 534 en 2010 (É.-U. 19 avr. 2013, 32). De même, un militant libanais qui gère un site Internet consacré au tourisme LGBT au Liban, cité dans un article de Gay Star News en août 2013, a affirmé qu'il y a eu très peu de cas récents d'arrestations (Gay Star News 29 août 2013). Néanmoins, on peut lire dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2012, publiés par le Département d'État des États-Unis, que cette disposition est parfois appliquée aux hommes participant à des activités homosexuelles (É.-U. 19 avr. 2013, 32, 33). Diverses sources signalent que les autorités font subir aux hommes soupçonnés d'être gays des examens rectaux, dont les résultats sont utilisés comme « preuve » que ces hommes se sont livrés à des activités sexuelles illégales (BBC 7 août 2012; Human Rights Watch 10 août 2012).
Selon les Country Reports 2012, l'article 534 serait rarement appliqué aux femmes, mais la police s'en servirait pour exercer un chantage sur les femmes (É.-U. 19 avr. 2013, 33). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixes, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
2. Attitudes de la société envers les minorités sexuelles et traitement qu'elle leur réserve
Le journal libanais L'Orient-Le Jour affirme que les minorités sexuelles sont « moins persécuté[e]s » au Liban qu'ailleurs au Moyen-Orient, mais « restent ostracisé[e]s par la société sauf dans les milieux aisés de la capitale » (L'Orient-Le Jour et AFP 9 mai 2013). De même, un rapport de recherche sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) à Beyrouth, publié conjointement en 2013 par des chercheurs du groupe de réflexion américain RAND Corporation, de la Lebanese AIDS Society et d'autres organismes, signale qu'à Beyrouth, il y a une acceptation croissante de la communauté gay, qui n'existe pas dans le reste du Liban (Wagner et al. 2013, 2). La BBC fait état d'un milieu gay discret mais dynamique à Beyrouth, qui comprend des bars et des boîtes de nuit destinés à la communauté LGBT (24 nov. 2013). Un article diffusé par VOA en 2011 signale également qu'il y a des boîtes de nuit, des bars et des restaurants ouverts aux populations LGBT, ce qui n'est pas le cas dans le reste du pays (20 mars 2011).
Néanmoins, le rapport de recherche sur les HSH à Beyrouth signale que l'homosexualité est toujours fortement réprouvée dans la ville et que les HSH font preuve d'une très grande discrétion (Wagner et al. 2013, 2). Un fondateur et militant de Helem a déclaré, lors d'un entretien accordé à VOA, que malgré la vie gay nocturne qui existe à Beyrouth, des personnes gays subissent fréquemment « des agressions physiques et psychologiques » dans la vie privée (VOA 20 mars 2011). Ce militant a signalé que les personnes LGBT sont parfois séquestrées chez elles, forcées de se marier ou battues par des membres de leur famille (ibid.). Dans le même article de VOA, on peut également lire que, à Beyrouth, les personnes LGBT subissent des agressions verbales et se font parfois attaquer dans la rue (ibid.). En 2013, au cours d'un entretien accordé au site d'actualités libanais Now, un représentant de Helem a dit que les personnes LGBT sont fréquemment chassées de chez elles par leur famille et que les agressions sexuelles, le chantage, et les menaces sont « très communs » (Now 6 mai 2013). On peut lire dans un rapport de Human Rights Watch que des parents qui désapprouvent l'orientation sexuelle de leurs enfants les font parfois arrêter par la police, invoquant l'article 534 (juin 2013, 12). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixes, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
Lors d'un sondage mené en 2009 auprès de 72 médecins libanais, un chercheur a constaté que 49 p. 100 des médecins travaillant en milieu urbain étaient d'avis que l'homosexualité est une maladie qui doit être soignée à l'aide d'un traitement médical, et que 66 p. 100 d'entre eux croyaient que l'homosexualité est une maladie qui doit être soignée à l'aide de la psychothérapie (Elkak 2010, 10, 11, 16). En juillet 2013, la Société libanaise de psychiatrie a publié un communiqué déclarant que l'homosexualité n'était pas un trouble mental et ne devait pas être médicalement soignée (LebMASH 11 juill. 2013; Al Arabiya 20 juill. 2013).
On peut lire dans l'étude sur les HSH à Beyrouth menée par les chercheurs de la RAND Corporation et de la Lebanese AIDS Society que 24 des 31 répondants, soit 77 p. 100, avaient révélé leur orientation sexuelle à un membre de leur famille; la moitié avaient déclaré leur homosexualité à leur mère ou à leur père (Wagner et al. 2013, 4). Selon les chercheurs, plusieurs répondants ont signalé que leur famille a continué à les soutenir par la suite (ibid.). Par contre, un répondant craignait de se faire battre par des membres de sa famille s'ils découvraient son orientation sexuelle (ibid.). Plusieurs répondants ont affirmé avoir vécu de la discrimination ou du rejet et quatre hommes ont subi des agressions physiques ou sexuelles à cause de leur orientation sexuelle (ibid., 5).
Selon un représentant de Helem, les personnes LGBT risquent de perdre leur emploi si elles dévoilent leur orientation sexuelle (L'Orient-Le Jour et AFP 9 mai 2013). Les Country Reports 2012 signalent qu'il n'existe pas de données sur la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans les domaines de l'emploi, du logement et de l'accès à l'éducation et aux soins de santé (É.-U. 19 avr. 2013, 33). Les Country Reports ajoutent que le gouvernement n'a pas recueilli de telles données et n'a pas fait d'efforts pour combattre la discrimination potentielle (ibid.). En novembre 2010, lors de son Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement du Liban a rejeté la recommandation de « [d]épénaliser l'homosexualité et [d']interdire la discrimination fondée sur l'orientation et l'identité sexuelles » (Nations Unies 12 janv. 2011, 20-21). En novembre 2013, UPR Info, une ONG suisse qui a pour but « de médiatiser l'Examen [p]ériodique [u]niversel et de favoriser la bonne participation des différents acteurs du mécanisme » (UPR Info s.d.), a signalé que la recommandation n'était toujours pas mise en œuvre par le Liban (22 nov. 2013, 45).
3. Traitement réservé aux minorités sexuelles par les autorités
Selon les Country Reports 2012, les incidents de violence ou de discrimination contre les personnes LGBT sont rarement signalés (É.-U. 19 avr. 2013, 34). De même, le fondateur de Helem, interviewé par VOA, signale pour sa part que les gays victimes de violence ne demandent pas la protection policière ou juridique parce qu'ils sont considérés comme « illégaux » (20 mars 2011).
Selon certaines sources, en juillet 2012, la police a effectué un raid dans une salle de cinéma de Beyrouth (Human Rights Watch 10 août 2012; BBC 7 août 2012), qui serait un lieu de rencontre gay (ibid.). Trente-six hommes ont été arrêtés et ont été transférés à un poste de police, où ils ont tous été obligés de subir un examen rectal afin de « vérifier » s'ils avaient participé à des activités homosexuelles (ibid.; Human Rights Watch 10 août 2012). D'après Human Rights Watch, tous les hommes ont été relâchés quelques jours plus tard, mais trois d'entre eux ont été inculpés en vertu de l'article 534 du code pénal (ibid.). Le raid aurait été le troisième organisé au cours des quelques derniers mois et aurait été effectué dans le district de Burj Hammoud (ibid.), décrit par la BBC comme [traduction] « l'un des districts les plus pauvres de Beyrouth » (BBC 7 août 2012). Le gouvernement aurait par la suite demandé l'interdiction des examens rectaux (BBC 24 nov. 2013; Human Rights Watch juin 2013, 36). Toutefois, selon des dizaines de personnes gays interviewées par la BBC en novembre 2013, la pratique continuerait (24 nov. 2013). On trouve la même information dans un rapport de Human Rights Watch publié en juin 2013 (36).
En avril 2013, la police de Dékouané, une banlieue de Beyrouth, a effectué un raid dans une boîte de nuit gay et a arrêté quatre personnes, y compris une personne transgenre, pour « atteinte aux bonnes mœurs » (L'Orient-Le Jour 24 avr. 2013; Now 25 avr. 2013). Les personnes arrêtées ont été forcées de se déshabiller devant des policiers (ibid.; L'Orient-Le Jour 24 avr. 2013). Selon la personne transgenre, les policiers l'auraient agressée verbalement et sexuellement et l'auraient photographiée lorsqu'elle était déshabillée (Now 25 avr. 2013). Selon Helem, la police surveillait la boîte de nuit depuis plusieurs mois et aurait détenu plusieurs clients qui auraient été emmenés au poste de police dans les coffres de voitures de police (ibid.; L'Orient-Le Jour 24 avr. 2013).
Dans un rapport sur les mauvais traitements et la torture qui auraient été infligés par la police de Beyrouth et d'autres villes libanaises à des personnes LGBT, à des consommateurs de drogues et à des travailleuses du sexe, pour lequel 52 détenus appartenant à ces groupes ont été interviewés en 2012, Human Rights Watch affirme que des agents de police font subir aux détenus [traduction] « de la torture ainsi que des traitements cruels et dégradants » afin de les « punir » pour des actes « "immoraux" », y compris certaines activités sexuelles et l'usage de drogues (juin 2013, 7, 19). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixes, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
Certaines sources signalent que le traitement réservé aux personnes LGBT par la police dépend du statut socio-économique de la personne (Human Rights Watch juin 2013, 42; SocialistWorker.org 2 févr. 2011). Selon un représentant de Helem, les personnes qui fréquentent les lieux de rencontre publics sont plus souvent visées par la police que les personnes qui ont les moyens de fréquenter les boîtes de nuit privées (ibid.).
4. Services de soutien
Helem offre un programme de sensibilisation sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles, un service d'aide juridique pour les personnes inculpées en vertu de l'article 534, ainsi qu'une ligne d'assistance téléphonique disponible 24 h sur 24; Helem gère également un centre communautaire pour les personnes LGBT (Now 6 mai 2013). En outre, selon son site Internet, Helem dirige des clients vers des services de santé sexuelle et psychologique (Helem s.d.b).
Fondée en 2007, Meem, une association de soutien pour les femmes lesbiennes, bisexuelles, « queer » et en questionnement, gère une maison d'hébergement à Beyrouth (Meem 2010, 25).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Al Arabiya. 20 juillet 2013. Eman El-Shenawi. « Are the Lebanese Becoming More Tolerant to Homosexuality? ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
British Broadcasting Corporation (BBC). 24 novembre 2013. Sima Kotecha. « Lebanon's Gay-Friendly Reputation Challenged by Abuses ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
British Broadcasting Corporation (BBC). 7 août 2012. « Outraged Lebanese Demand End to Anal Exams on Gay Men ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Elkak, Faysal. 2010. Homophobia in Clinical Services in Lebanon: A Physician Survey. [Date de consultation : 31 déc. 2013]
États-Unis (É.-U.). 19 avril 2013. Department of State. « Lebanon ». Country Reports on Human Rights Practices for 2012. [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Gay Star News. 29 août 2013. Tris Reid-Smith. « Lebanon on Course to Legalize Homosexuality ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Helem. S.d.a. « About Us ». [Date de consultation : 7 janv. 2014]
Helem. S.d.b. « Community Center ». [Date de consultation : 7 janv. 2014]
Human Rights Watch. Juin 2013. 'It's Part of the Job': Ill-Treatment and Torture of Vulnerable Groups in Lebanese Police Stations. [Date de consultation : 31 déc. 2013]
span lang="en" xml:lang="en">Human Rights Watch. 10 août 2012. « Lebanon : Stop 'Tests of Shame' ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Lebanese Medical Association for Sexual Health (LebMASH). 11 juillet 2013. « La société libanaise de psychiatrie : l'homosexualité n'est pas une maladie ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Meem. 2010. Arab Queer Women and Transgenders Confronting Diverse Religious Fundamentalisms: The Case of Meem in Lebanon. [Date de consultation : 7 janv. 2014]
Nations Unies. 12 janvier 2011. Conseil des droits de l'homme. Rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel : Liban. (A/HRC/16/18) [Date de consultation : 9 janv. 2014]
Now. 6 mai 2013. Yasmina Hatem. « 10 Questions for Helem ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Now. 25 avril 2013. Nadine Elali. « Transgender Club Victim Speaks Out ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
L'Orient-Le Jour [Beyrouth]. 24 avril 2013. Rania Massoud. « Arrestation de "travestis" à Dékouané : le chef de la municipalité se défend d'être homophobe ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
L'Orient-Le Jour et Agence France-Presse (AFP). 9 mai 2013. « Au Liban, les homosexuels sont encore loin d'être tolérés ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
SocialistWorker.org. 2 février 2011. « The LGBT Struggle in Lebanon ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
UPR Info. 22 novembre 2013. Lebanon Mid-term Implementation Assessment. [Date de consultation : 31 déc. 2013]
UPR Info. S.d. « Nos activités ». [Date de consultation : 9 janv. 2014]
Voice of America (VOA). 20 mars 2011. Heather Murdock. « Lebanese Gay Rights Activists Call for Legal Reform ». [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Wagner, Glenn J., Frances M. Aunon, Rachel L. Kaplan, Rita Karam, Danielle Khouri, Johnny Tohme et Jacques Mokhbat. 2013. « Sexual Stigma, Psychological Well-Being and Social Engagement Among Men Who Have Sex with Men in Beirut, Lebanon ». Cult Health Sex. 15(5). [Date de consultation : 31 déc. 2013]
Autres sources consultées
Sites Internet, y compris : The Daily Star; International Center for Not-for-Profit Law; International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association; Lebanese Media Monitor.