Colombie : information indiquant si les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia - FARC), l’Armée de libération nationale (Ejército de Liberación Nacional - ELN), les groupes paramilitaires et les groupes criminels (Bandas Criminales - BACRIM) retrouvent des victimes qui déménagent ailleurs au pays; si ces groupes suivent la trace de leurs victimes à long terme, même si elles retournent en Colombie après une longue absence (2010-mars 2013)
1. Aperçu
Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur du Département de science politique de l’Université des Andes a dit que, même si les groupes de guérilleros [les FARC et l’ELN] et les groupes paramilitaires ne sont pas présents partout dans le pays, ils sont capables de retrouver leurs victimes n’importe où en Colombie et la probabilité qu’ils le fassent est [traduction] « élevée » (directeur 5 mars 2013).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la Fondation idées pour la paix (Fundación Ideas para la Paz - FIP), un groupe de réflexion indépendant qui [traduction] « favorise la compréhension de toutes les questions liées au conflit armé en Colombie » et qui est financé par des entreprises colombiennes et étrangères, des gouvernements étrangers et des organismes de coopération internationale, ainsi qu’au moyen de dons versés par des organisations philanthropiques (FIP s.d.), a signalé que, selon plusieurs reportages des médias, des personnes qui ont été déplacées ou dépossédées de leurs terres ont pu être retrouvées par les responsables de leur situation et ont [traduction] « alors été victimes d’actes d’une très grande intensité » (ibid. 5 mars 2013). Le représentant de la FIP explique que les victimes sont à nouveau prises pour cible lorsqu’elles ont participé à des activités ou se sont organisées pour récupérer les biens qui leur ont été volés, ou lorsqu’elles promeuvent ou défendent leurs intérêts ou leurs droits (ibid.). Human Rights Watch a écrit dans un rapport de 2012 sur les droits des personnes déplacées qu’elles sont victimes de violence de la part de groupes armés qui [traduction] « sont parfois les mêmes groupes que ceux qu’elles ont fuis » (nov. 2012, 1). Des sources soulignent que, d’après le directeur de l’Observatoire des droits de la personne et du déplacement (Consultoría para los Derechos Humanos y el Desplazamiento - CODHES), les dirigeants des associations de victimes qui s’efforcent de récupérer les terres qui leur ont été volées sont [traduction] « persécutés encore et encore » (Agencia EFE 9 avr. 2012; El Espectador 9 avr. 2012). Le représentant de la FIP a précisé qu’il s’agissait particulièrement d’une pratique des groupes paramilitaires, leurs membres [traduction] « [craignant] de laisser en vie leurs victimes ou les héritiers de leurs victimes qui pourraient revenir réclamer les terres qui leur ont été volées » (5 mars 2013). Pour ce qui est des groupes de guérilleros, le représentant de la FIP a écrit ceci :
[traduction]
les groupes de guérilleros ont l’habitude de persécuter et de tuer les fonctionnaires qui leur ont « causé du tort » […] ou qui ont défendu ouvertement et efficacement des opinions politiques contraires aux leurs. D’anciens guérilleros qui se sont démobilisés ou qui ont déserté en emportant des ressources qui appartenaient à leur groupe, ou qui ont collaboré avec les forces armées ou des organismes de sécurité ont également été « exécutés ». Les groupes de guérilleros ont déplacé des groupes religieux sur des territoires sous leur contrôle et ont assassiné ceux qui assumaient un rôle de dirigeant (ibid.).
On peut lire dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2011 des États-Unis, sur la Colombie, que les FARC [traduction] « ont tué des personnes qu’elles soupçonnaient de collaborer avec les autorités gouvernementales ou de présumés groupes paramilitaires » (É.-U. 24 mai 2012, 17).
On peut aussi lire dans les Country Reports 2011 que les groupes de guérilleros et les groupes criminels organisés [traduction] « ont continué de déplacer de force des gens afin de prendre le contrôle de territoires stratégiques ou ayant une valeur économique, d’affaiblir la base de soutien de leurs opposants et de miner le contrôle du gouvernement » (ibid., 25). Ils [traduction] « ont [également] continué de recourir à la force, à l’intimidation et à la désinformation pour décourager les personnes déplacées de s’inscrire auprès du gouvernement » (ibid.). Des sources signalent que des dirigeants de collectivités déplacées et des victimes de déplacement ont continué d’être menacés (Freedom House 2012; AI 2012) et tués (ibid.). Amnesty International (AI) écrit dans son Rapport 2012 sur la Colombie que des défenseurs des droits des femmes et des personnes travaillant auprès de personnes déplacées ont été menacés et tués (2012). Freedom House écrit dans son rapport Freedom in the World sur la Colombie [traduction] « [qu’] au moins » neuf défenseurs des droits des victimes et des droits fonciers ont été tués en 2011 par des groupes illégaux armés (2012). Caracol, station radio de Bogotá, a signalé le 26 janvier 2011 que les autorités avaient identifié des guérilleros des FARC qui avaient infiltré un groupe de paysans déplacés à Anorí [Antioquia], et a signalé le 24 février 2011 que l’armée avait identifié un guérillero des FARC qui avait infiltré un groupe de paysans déplacés à Tarazá [Antioquia].
2. Personnes de retour de l’étranger
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 5 mars 2013, le représentant de la FIP a fourni l’information contenue dans le paragraphe ci-dessous.
La possibilité pour les groupes armés illégaux et les groupes de guérilleros de reconnaître une personne qui revient de l’étranger dépend du comportement de cette personne lorsqu’elle est de retour au pays, et non pas d’une structure permanente permettant d’établir l’identité des personnes qui immigrent ou émigrent. Cependant, la famille et les biens d’une personne considérée comme une [traduction] « cible de grande valeur » peuvent faire l’objet d’une surveillance par ces groupes, qui peuvent la trouver si elle retourne en Colombie et contacte les membres de sa famille ou récupère ses biens. Il est difficile de dire si l’information recueillie par ces organisations a une portée nationale ou internationale, ou si elle est centralisée et utilisée pour persécuter les victimes du conflit armé. Néanmoins, il y aurait exception lorsqu’il est question d’une personne considérée comme une [traduction] « cible d’une grande valeur ».
Le directeur du Département de science politique de l’Université des Andes a aussi souligné que la [traduction] « valeur » des victimes joue un rôle dans les efforts que déploient les groupes de guérilleros pour les retrouver, mais que les efforts des groupes paramilitaires ne sont habituellement pas influencés par la « valeur » de leurs victimes (5 mars 2013). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.
3. Réseaux d’information des groupes paramilitaires et criminels
3.1 En Colombie
Le directeur du Département de science politique de l’Université des Andes a affirmé que, bien que les groupes paramilitaires aient un réseau d’espionnage plus sophistiqué que celui des groupes de guérilleros, ces deux types de groupes ont une structure militaire appuyée par des réseaux sociaux établis par l’intermédiaire d’informateurs qui sont rémunérés ou intimidés (5 mars 2013).
Le directeur a aussi affirmé que la présence des groupes de guérilleros et des groupes paramilitaires est généralement plus importante dans les régions où de grands groupes de personnes déplacées se sont installés, y compris Bogotá (ibid.). Certaines personnes ont reconnu leurs agresseurs lors de rencontres organisées par des personnes déplacées (directeur 5 mars 2013). Le représentant de la FIP a écrit [traduction] « [qu’] il ne fait aucun doute que des membres de groupes paramilitaires infiltrent des groupes de personnes déplacées, de victimes et de personnes qui se sont démobilisées, et même les organismes responsables de l’élaboration des politiques relatives à l’aide aux victimes » (5 mars 2013). Il a également écrit que les personnes qui ont été forcées de se déplacer par des groupes de guérilleros [traduction] « sont moins protégées et moins organisées que les victimes des groupes paramilitaires, et leur situation n’est pas aussi connue que celle de ces dernières » (FIP 5 mars 2013).
Selon le directeur, des membres de groupes paramilitaires et de groupes de guérilleros ont infiltré des organismes gouvernementaux comme la Police nationale, l’armée et le ministère de l’Immigration pour obtenir des renseignements sur leurs victimes ou aux fins de leurs activités (5 mars 2013). Le représentant de la FIP a souligné que les groupes de guérilleros ont des réseaux de renseignement dans les gouvernements municipaux et dans les villes (5 mars 2013). On peut lire dans les Country Reports 2011 des États-Unis que des membres de groupes de guérilleros et de groupes criminels organisés [traduction] « sont entrés de force dans des résidences privées, ont écouté des communications privées et ont déplacé des gens de force » (24 mai 2012, 20). On peut également y lire que ces groupes [traduction] « ont continué de mettre en place des points de contrôle illégaux sur les routes de campagne et les rivières » (É.-U. 24 mai 2012, 23).
Des sources signalent que le groupe armé illégal Los Urabeños a infiltré le Bureau du procureur général (Fiscalía General de la Nación) par l’entremise de l’un des gardes du corps du procureur général, qui a fourni des renseignements à un procureur de la République qui avait été arrêté parce qu’il avait des liens avec ce groupe criminel (Colprensa 10 déc. 2012; El Espectador 10 déc. 2012). El Espectador, journal de Bogotá, écrit que le procureur de la République a communiqué les renseignements à Los Urabeños et aux FARC (ibid.). Des sources font aussi état de la détention de deux guérilleros des FARC qui avaient infiltré la 9e brigade d’armée à Neiva dans le but d’obtenir [traduction] « de l’information précieuse en vue de futurs actes terroristes » (La Nación 23 mars 2012; Opa Noticias 23 mars 2012).
Le directeur a en outre fait observer que ces groupes retrouvaient également leurs victimes grâce à la cédula, ou la carte d’identité nationale, qui leur permet d’obtenir des renseignements pouvant les aider à y arriver (5 mars 2013). Les groupes paramilitaires sont aussi connus pour se servir des membres de la famille d’une victime comme moyen de pression (directeur 5 mars 2013). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.
Le directeur a affirmé que des membres de groupes de guérilleros ont également été vus dans des universités, à l’occasion de manifestations et lors de rencontres de personnes déplacées (5 mars 2013). Plusieurs articles de presse soulignent que les FARC ont infiltré des universités (El Nuevo Siglo 28 sept. 2012; Colprensa 21 juin 2011; RCN 27 mars 2012), El Nuevo Siglo faisant état de 10 établissements (28 sept. 2012), et RCN, station de nouvelles de Bogotá, de 11 (27 mars 2012). RCN précise qu’il s’agit entre autres de l’Université nationale, l’Université pédagogique et l’Université de district, toutes situées à Bogotá, ainsi que de l’Université de l’Atlantique, l’Université d’Antioquia, l’Université industrielle de Santander, l’Université technologique de Pereira et l’Université de Nariño (27 mars 2012). RCN précise aussi que l’opération d’infiltration a été coordonnée par le Parti communiste colombien (Partido Clandestino Comunista Colombiano - PC3) (27 mars 2012). El Tiempo, journal de Bogotá, écrit que le PC3 est une [traduction] « structure très fermée et difficilement détectable », son objectif étant d’infiltrer les universités, les écoles, les associations d’enseignants, la communauté des chauffeurs de taxi et les groupes de personnes déplacées (16 févr. 2012).
3.2 À l’étranger
Le directeur a dit que les victimes qui ont vécu ou qui vivent aux États-Unis et en Europe ont affirmé avoir eu l’impression d’être surveillées (5 mars 2013). Le représentant de la FIP a écrit que les groupes de guérilleros peuvent trouver des personnes dans d’autres pays par l’intermédiaire de leurs cellules à l’étranger, même si cela dépend plus du comportement de ces personnes à l’extérieur de la Colombie, par exemple si elles participent à des rencontres, à des événements politiques ou à des séminaires, que d’une stratégie [traduction] « délibérée » pour les retrouver (FIP 5 mars 2013). Le représentant a également écrit qu’il serait [traduction] « très difficile » pour les groupes de guérilleros de commettre quelque acte que ce soit contre une personne qui se trouve à l’étranger compte tenu du risque que représenterait une telle opération (ibid.). En ce qui concerne les groupes paramilitaires, le représentant de la FIP a fait remarquer [traduction] « [qu’] il serait difficile de les imaginer se servir de leurs contacts à l’étranger, qui sont fondés sur le trafic de stupéfiants, pour chercher et trouver des victimes du conflit armé » (ibid.). Ces groupes commettent des actes de violence à l’étranger pour des raisons liées au trafic de stupéfiants (ibid.). Des sources font état de la mise en détention en février 2013 de sept citoyens colombiens en Espagne qui transportaient un arsenal (El Tiempo 25 févr. 2013; El País et Agencia EFE 25 févr. 2013). Les mêmes sources écrivent qu’ils voulaient former un groupe satellite des cartels de la drogue en Espagne pour [traduction] « régler des comptes » en Europe (ibid.; El Tiempo 25 févr. 2013). On peut lire dans un article de presse publié par El País, un journal de Madrid, et l’Agence EFE (Agencia EFE) que le chef du groupe avait des liens avec Los Rastrojos et qu’il est accusé d’avoir recueilli des renseignements sur des personnes liées à des groupes rivaux en Espagne et de les avoir surveillées (25 févr. 2013). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement supplémentaire à ce sujet.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.
Références
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_____. 26 janvier 2011. « Se agrava la sitiación de desplazamiento en Anorí. Denuncian actos vandálicos ». <http://www.caracol.com.co/noticias/regional/se-agrava-la-situacion-de-desplazamiento-en-anori-denuncian-actos-vandalicos/20110126/ nota/1416475.aspx> [Date de consultation : 25 mars 2013]
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_____. 21 juin 2011. « Farc se están infiltrando en colegios y universidades: almirante Cely ». <http://www.eluniversal.com.co/cartagena/nacional/farc-se-estan-infiltrando-en-colegios-y-universidades-almirante-cely-30359> [Date de consultation : 22 mars 2013]
Directeur, Departamento de Ciencia Política, Universidad de los Andes, Bogotá. 5 mars 2013. Entretien téléphonique.
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El Nuevo Siglo [Bogotá]. 28 septembre 2012. « Caen 7 infiltrados de Farc en universidades ». <http://www.elnuevosiglo.com.co/articulos/9-2012-caen-7-infiltrados-de-farc-en-universidades.html> [Date de consultation : 25 mars 2013]
Opa Noticias [Neiva]. 23 mars 2012. « Asegurados presuntos guerrilleros infiltrados ». <http://www.opanoticias.com/judicial/asegurados-presuntos-guerrilleros-infiltrados-_13167> [Date de consultation : 25 mars 2013]
El País [Madrid] et Agencia EFE. 25 février 2013. « Líder de sicarios colombianos capturados en España era de "los Rastrojos" en Palmira ». <http://www.elpais.com.co/ elpais/judicial/noticias/desarticulan-espana-banda-sicarios-colombianos> [Date de consultation : 25 mars 2013]
RCN. 27 mars 2012. « Informe de seguridad dice que Farc y ELN han infiltrado 11 universidades ». <http://www.canalrcnmsn.com/noticias/informe_de_seguridad_ dice_que_farc_y_eln_han_infiltrado_11_universidades> [Date de consultation : 22 mars 2013]
El Tiempo [Bogotá]. 25 février 2013. Juanita Samper Ospina. « Desarticulan una "oficina" colombiana de sicarios en Madrid ». <http://m.eltiempo.com/mundo/europa/sicarios-colombianos-en-espaa/12615921> [Date de consultation : 25 mars 2013]
_____. 16 février 2012. « El PC3, la "máquina" de infiltración de las Farc ». <http://www.eltiempo.com/Multimedia/especiales/caguan-proceso-paz/ARTICULO-WEB-NOTA_INTERIOR_MULTIMEDIA-11151082.html> [Date de consultation : 25 mars 2013]
Autres sources consultées
Sources orales : Les tentatives faites pour joindre des représentants des organisations suivantes ont été infructueuses : Central Unitaria de Trabajadores; Colombie – Unidad Nacional de Protección of the Ministry of the Interior; Corporación Nuevo Arco Iris; Instituto de Estudios para el Desarrollo y la Paz; Northwestern University.
Les organisations et la personne suivantes n’ont pas été en mesure de fournir des renseignements : Centro de Recursos para el Análisis de Conflictos; Colombie – Unidad Nacional de Fiscalías para la Justicia y Paz, Fiscalía General de la Nación; Consultoría para los Derechos Humanos y Desplazamiento; chercheur, Universidad de Los Andes; University of Miami.
Sites Internet, y compris : British Broadcasting Corporation; City University of New York; Colombie – Corte Constitucional, Defensoría del Pueblo, Ejército Nacional, Fiscalía General de la Nación, Ministerio del Interior, Policía Nacional de Colombia, Procuraduría General de la Nación; El Colombiano; El Comercio; ecoi.net; Enfants soldats international; European Center for Constitutional and Human Rights; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l’homme; InSight Crime; Institute for War and Peace Reporting; International Institute for Counter-Terrorism; Jane’s Terrorism and Security Monitor; El Mundo; Nations Unies – Programme des Nations Unies pour le développement, Reliefweb, UNICEF; Organisation des États américains; Organización Nacional Indígena de Colombia; El País; La Patria; Semana; El Universal; Washington Office on Latin America.