Pakistan : information sur la loi de 2006 (modifiant le droit criminel) sur la protection des femmes (Protection of Women (Criminal Laws Amendment) Act, 2006) et sa mise en œuvre
La loi de 2006 (modifiant le droit criminel) sur la protection des femmes (Protection of Women (Criminal Laws Amendment) Act, 2006) concerne les lois ayant trait à l’adultère et au viol qui ont été initialement adoptées au titre de l’ordonnance Hudood (Hudood Ordinances) de 1979 (NCSW 2010, i; É.-U. mai 2011, 118). Par exemple, elle prévoit la distinction entre les crimes de zina (relation sexuelle extra-conjugale ou [traduction] « fornication ») et de zina-bil-jabr (viol) (International Crisis Group 12 oct. 2011, 20), criminalisant le viol à titre d’infraction prévue par le code pénal du Pakistan (Pakistan Penal Code) (Pakistan 2006, sect. 5; Shirkat Gah 29 déc. 2010) et empêchant les femmes qui ont été violées d’être accusées de fornication (É.-U. mai 2011; Pakistan 2006, sect. 12A). De plus, elle élimine la peine de mort et le fouet comme sanction pour les personnes déclarées coupables de fornication et permet à l’accusé d’être libéré sous caution (NCSW 2010, i).
Contestations judiciaires visant la loi
En décembre 2010, la Cour fédérale de la charia (Federal Shariat Court - FSC), décrite comme un [traduction] « système judiciaire parallèle » (Plus News Pakistan 31 déc. 2010; NCSW 2010, 11), a déclaré qu’elle détenait la compétence exclusive sur l’ensemble des questions relatives à l’ordonnance Hudood, y compris le crime de zina, définit comme [traduction] « l’adultère, la fornication et le viol » et celui de qazaf ([traduction] « imputation du crime de zina ») (Pakistan 22 déc. 2010, sect. 117.iv). La Cour faisait valoir que quatre dispositions de la loi portant sur les crimes de zina et de qazaf étaient inconstitutionnelles, car elles contrevenaient à l’ordonnance Hudood (ibid., sect. 117.v, vii); elle ordonnait donc au gouvernement fédéral d’abroger ces dispositions au plus tard le 22 juin 2011 (ibid., sect. 117.ix). D’après le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni (United Kingdom Foreign & Commonwealth Office), par l’entremise de sa déclaration, la Cour fédérale de la charia a [traduction] « rétabli son droit d’agir à titre de tribunal de dernière instance dans les affaires de viol, droit qu’elle avait auparavant laissé tomber en raison de pressions internes et internationales importantes » (R.-U. mars 2011). De plus, Shirkat Gah, organisation pakistanaise de défense des droits des femmes encourageant le développement social et économique chez les femmes (Shirkat Gah s.d.), prétend que ce jugement constitue une tentative de la part de la Cour fédérale de la charia [traduction] « [d’] élargir sa compétence et d’écarter celle des cours de juridiction supérieure [ainsi que de] miner les pouvoirs législatifs du Parlement » (Shirkat Gah 29 déc. 2010).
Le gouvernement fédéral aurait interjeté appel de la décision de la Cour fédérale de la charia (É.-U. mai 2011, 118; Plus News Pakistan 31 déc. 2010) à la demande de la Commission nationale sur la condition féminine (National Commission on the Status of Women - NCSW) (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement sur l’appel interjeté par le gouvernement fédéral.
Mise en œuvre de la loi
Plusieurs sources expliquent que la mise en œuvre de la loi a permis de réduire le nombre de femmes accusées d’adultère ou poursuivies à ce titre (International Crisis Group 12 oct. 2011, 20; SPDC 4 nov. 2011; NCSW 2010, 7). Selon une étude menée par la Commission nationale sur la condition féminine, une [traduction] « chute radicale du nombre d’accusations de zina visant des femmes » a été observée par les répondants, parmi lesquels on comptait [traduction] « notamment des juges de session, des policiers, des représentants des autorités [carcérales] et des avocats » (ibid.). Des sources ont aussi souligné une baisse du nombre de femmes détenues (ibid., 9; É.-U. mai 2011, 118). De plus, selon la Commission, davantage de femmes dénoncent les viols à la police (NCSW 2010, 10).
En revanche, de nombreuses sources affirment que la loi n’a pas été mise en œuvre de façon efficace (SPDC 4 nov. 2011; AWID 12 févr. 2008; voir aussi NCSW 2010) ou qu’elle n’est tout simplement pas appliquée (HRCP 2 nov. 2011; Shirkat Gah 8 nov. 2011). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de Shirka Gah affirme que, depuis que la Cour fédérale de la charia s’est prononcée, [traduction] « la loi ne peut plus être appliquée » (8 nov. 2011).
Sa mise en œuvre est minée du fait que les femmes ne sont pas informées au sujet de la loi et de leurs droits (Shirkat Gah 2 nov. 2011; NCSW 2010, 13; SPDC 4 nov. 2011). D’après la représentante de Shirkat Gah, le [traduction] « principal problème », c’est que les femmes ne connaissent pas la loi et, d’ailleurs, la plupart des organisations de la société civile qui devraient les informer de leurs droits ne la connaissent pas non plus (2 nov. 2011). De plus, les femmes auraient été dissuadées de signaler les agressions dont elles sont victimes, par [traduction] « des menaces et de l’intimidation » (AWID 12 févr. 2008), du [traduction] « harcèlement » par les membres de la police (Rozan sept. 2011, 2), ou par les frais juridiques trop élevés (AWID 12 févr. 2008.; Daily Times 30 mars 2008).
Plusieurs sources soulignent aussi que la mise en œuvre de la loi pose problème au sein des institutions, dont la police (Shirkat Gah 2 nov. 2011; NCSW 2010; Daily Times 30 mars 2008; SPDC 4 nov. 2011) et l’appareil judiciaire, qui la connaîtraient mal (Shirkat Gah 2 nov. 2011; NCSW 2010; SPDC 4 nov. 2011). Dans son étude visant à évaluer l’application de la loi, la Commission nationale sur la condition féminine a constaté qu’aucun des policiers et des juges questionnés n’avaient participé à des séances d’information sur la nouvelle loi (NCSW 2010, 13). D’après le journal Daily Times de Lahore, une organisation non gouvernementale (ONG) locale a été incapable de trouver une copie de la loi dans le poste de police où elle a mené enquête (30 mars 2008).
La Commission nationale sur la condition féminine signale aussi qu’il existe un [traduction] «préjugé patriarcal » au sein des organismes d’application de la loi et du système judiciaire, ce qui signifie qu’il n’y a pas de [traduction] « véritable acceptation de la loi » chez ceux-ci (NCSW 2010, 11, 12). Par ailleurs, la représentante de Shirkat Gah explique que le manque de sensibilisation par rapport aux questions liées au genre au sein de la police et de l’appareil judiciaire constitue un obstacle à la mise en œuvre efficace de la loi (2 nov. 2011). D’après la Commission nationale sur la condition féminine, certains membres de la police et de l’appareil judiciaire croient que la loi a entraîné une augmentation du nombre de [traduction] « meurtres d’honneur » et de crimes commis par les femmes, car les sanctions les visant ont été réduites et la mise en liberté sous caution a été facilitée (NCSW 2010, 12). De plus, une représentante du Social Policy and Development Centre (SPDC), [traduction] « organisation de recherche apolitique et indépendante » travaillant sur les questions liées au développement, y compris le genre (SPDC s.d.), a fait état de l’augmentation du nombre de cas signalés d’enlèvement visant des hommes comme moyen de punir les couples qui se marient sans le consentement de leur famille et qui ne peuvent plus être poursuivis pour zina (ibid. 4 nov. 2011). La représentante de Shirkat Gah affirme également que la population en général est opposée à la loi parce qu’elle la considère comme [traduction] « contraire à l’islam » (8 nov. 2011).
Les moyens limités au sein de la police (NCSW 2010, 13; SPDC 4 nov. 2011) et de l’appareil judiciaire ont aussi été cités comme motif à l’inefficacité de la mise en œuvre de la loi (NCSW 2010, 13; SPCD 2 nov. 2011). La Commission nationale sur la condition féminine souligne par exemple que [traduction] « les enquêtes, en particulier dans les cas d’agression sexuelle, sont de très piètre qualité » (NCSW 2010, 13). De plus, son étude lui a permis de découvrir que les services d’enquête criminelle ne comptent aucune femme dans leurs rangs et que les employés ne reçoivent pas de formation convenable sur la façon de travailler auprès des victimes de crimes sexuels (NCSW 2010, 13).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Association for Women's Rights in Development (AWID). 12 février 2008. « Violence Against Women in Pakistan ». <http://www.awid.org/Library/Violence-against-women-in-Pakistan> [Date de consultation : 31 oct. 2011]
The Daily Times. 30 mars 2008. « Women's Protection Law Fails Rape Victims ». <http://www.dailytimes.com.pk/default.asp?page=2008%5C03%5C30%5Cstory_30-3-2008_pg7_34> [Date de consultation : 31 oct. 2011]
États-Unis (É.-U.). Mai 2011. Annual Report of the United States Commission on International Religious Freedom. <http://www.unhcr.org/refworld/publisher,USCIRF,,,4dde16612,0.html> [Date de consultation : 25 oct. 2011]
Human Rights Commission of Pakistan (HRCP). 2 novembre 2011. Entretien téléphonique avec un représentant.
_____. 2010. « State of Human Rights in 2010 ». <http://www.hrcp-web.org/Publications/AR2010.pdf> [Date de consultation : 20 oct. 2011]
International Crisis Group. 12 octobre 2011. « Reforming Pakistan's Prison System ». <http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/asia/south-asia/pakistan/212%20-%20Reforming%20Pakistans%20Prison%20System.pdf> [Date de consultation : 25 oct. 2011]
National Commission on the Status of Women (NCSW). 2010. « Study to Assess Implementation Status of Women Protection Act 2006 ». <http://www.ncsw.gov.pk/apanel/upload_file/StudyonWomenProtectionAct2006.pdf> [Date de consultation : 1er nov. 2011]
Pakistan. 22 décembre 2010. « Declaration ». <http://www.af.org.pk/Important%20Courts'%20judgement/Federal%20Shariat%20Court%20Judgment%20on%20Protection%20of%20Women%20Act.pdf> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
_____. 2006. Protection of Women (Criminal Laws Amendment) Act, 2006. <http://www.pakistani.org/pakistan/legislation/2006/wpb.html> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
Plus News Pakistan. 31 décembre 2011. « "Govt to Lodge Appeal Against FSC Decision" ». (Factiva)
Royaume-Uni (R.-U.). Mars 2011. « Human Rights and Democracy: The 2010 Foreign & Commonwealth Office Report ». <http://reliefweb.int/node/394373> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
Rozan. Septembre 2011. « Reclaiming Space- From Victimhood to Agency: State and Civil Society Response to Violence Against Women ». <http://www.shirkatgah.org/_uploads/_files/f_117-South-Asian-Conference-Reclaiming-Space--From-victimhood-to-agency-Pakistan.pdf> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
Shirkat Gah. 8 novembre 2011. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice de l’Advocacy Unit.
_____. 2 novembre 2011. Entretien téléphonique avec la directrice de l’Advocacy Unit.
_____. 29 décembre 2010. « Shirkat Gah's Preliminary Analysis on Federal Shariat Court Verdict ». <http://www.shirkatgah.org/news.php?id=247> [Date de consultation : 31 oct. 2011]
_____. S.d. « About Us ». <http://www.shirkatgah.org/about-us.html> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
Social Policy and Development Centre (SPDC). 4 novembre 2011. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
_____. 2 novembre 2011. Entretien téléphonique avec une représentante.
_____. S.d. « About Us ». <http://www.spdc.org.pk/About%20Us.aspx> [Date de consultation : 14 nov. 2011]
Autres sources consultées
Sources orales : Les tentatives faites pour joindre dans les délais voulus un avocat de la Cour suprême du Pakistan, un représentant du Ministry of Women Development, un avocat et auteur et un journaliste spécialiste des droits de la personne ont été infructueuses. Des représentants du Council of Islamic Ideology n’ont pas pu fournir d’information.
Sites Internet, y compris : Amnesty International; Dawn.com; European Country of Origin Information Networks; The Huffington Post; Human Rights Watch; The International Herald Tribune; Nations Unies – Réseaux d’information régionaux intégrés, ONU Femmes; ReliefWeb; Royaume-Uni – UK Border Agency.