Nigéria : information sur les conséquences auxquelles s’expose une personne qui refuse le titre de grand prêtre ou de féticheur pour lequel elle a été choisie dans le sud et le centre du Nigéria
Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa
Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur les conséquences auxquelles s’expose une personne qui refuse le titre de « grand prêtre » ou de « féticheur » au Nigéria. Toutefois, quatre chercheurs en milieu universitaire ayant des connaissances spécialisées sur la religion au Nigéria ont fourni l’information suivante à la Direction des recherches.
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 22 mai 2010, un professeur d’anthropologie du Collège Franklin et Marshall (Franklin & Marshall College - F&M) a affirmé qu’un grand prêtre est une personne responsable d’un sanctuaire particulier (22 mai 2010). Il a écrit qu’un féticheur est un [traduction] « prêtre responsable de travailler avec l’objet de pouvoir au cœur d’un sanctuaire particulier et d’en prendre soin […] » (22 mai 2010). Un féticheur peut également être un grand prêtre, ou des personnes différentes peuvent jouer chaque rôle (professeur du F&M 22 mai 2010). Dans une communication écrite envoyée le 3 juin 2010 à la Direction des recherches, un professeur d’anthropologie de l’Université du sud de l’Illinois (Southern Illinois University - SIU) qui a effectué des recherches sur les féticheurs dans l’État d’Abia (chez les Igbos), a signalé qu’il existe divers types de féticheurs et a affirmé que ces prêtres peuvent être appelés [traduction] « prêtres des sanctuaires ».
Le professeur du F&M a écrit que dans certains cas, la fonction de grand prêtre ou de féticheur peut être héréditaire, passant de père en fils ou d’oncle maternel à neveu (22 mai 2010). De même, lors d’un entretien téléphonique, un professeur d’histoire au Centre d’études africaines (African Studies Centre - ASC) de l’Université de Leyde a affirmé que le successeur sera sans doute choisi au sein de la famille du prêtre du sanctuaire (11 juin 2010). Le professeur de l’ASC, qui a effectué une recherche sur un sanctuaire traditionnel dans le sud-est du Nigéria, a affirmé que le successeur peut être un membre de la famille élargie du prêtre (11 juin 2010). Selon lui, la fonction de grand prêtre ou de féticheur n’a pas nécessairement à être transmise au fils aîné, puisqu’il s’agit d’une tradition européenne et non pas africaine (professeur de l’ASC 11 juin 2010). Souvent, c’est plutôt le fils d’une sœur qui est choisi (ibid.). Un professeur de sociologie et d’anthropologie à l’École d’études orientales et africaines (School of Oriental and African Studies - SOAS) de l’Université de Londres a affirmé lors d’un entretien téléphonique que les systèmes traditionnels de succession - en ce qui concerne les prêtres des sanctuaires - ne fonctionnent plus au pays (10 mai 2010).
Le professeur de l’Université de Londres, qui a écrit un livre sur la religion et les Yoroubas, a en outre affirmé que l’influence de la religion traditionnelle est en déclin au Nigéria (10 mai 2010). Le professeur du F&M a fourni de l’information allant dans le même sens, affirmant que les chrétiens et les musulmans sont [traduction] « de loin la force la plus puissante de toutes au Nigéria aujourd’hui, alors que les religions indigènes sont en déclin » (professeur du F&M 22 mai 2010).
Par contre, le professeur de l’ASC a dit que dans les communautés rurales, les sanctuaires locaux ont de l’influence et les membres de la communauté [traduction] « respectent et craignent, même, » le prêtre du sanctuaire (11 juin 2010). Il a ajouté que les sanctuaires locaux servent d’arbitres non officiels de la justice, en particulier compte tenu du fait que le système de justice pénal du Nigéria [traduction] « ne fonctionne pas » (11 juin 2010). De même, le professeur de la SIU a écrit que les sanctuaires [traduction] « ne sont pas réellement des institutions religieuses [mais plutôt] des institutions judiciaires » et qu’ils deviennent de plus en plus influents au fur et à mesure que le système de justice pénal du Nigéria se [traduction] « détériore » (3 juin 2010).
Le professeur de l’ASC a également dit que les Nigérians vont aux sanctuaires pour prêter serment et que des criminels peuvent prêter serment relativement à diverses activités illégales (11 juin 2010). Le Service danois de l’immigration a publié des renseignements similaires dans un rapport sur les victimes de la traite de personnes qui s’appuie sur deux missions d’enquêtes menées au Nigéria (Danemark avr. 2008, 3, 22-23). Le document attire l’attention sur le fait que des Nigérianes victimes de la traite de personnes et qui ont été envoyées en Europe ont dû prêter des serments du secret dans des sanctuaires traditionnels - des serments qu’elles craignent de rompre (ibid., 22-23). Selon le professeur de l’ASC, qui est également spécialiste du crime organisé nigérian, certaines personnes croient que les forces surnaturelles s’en prendront à quiconque manque à un serment prêté dans un sanctuaire (11 juin 2010). Il a ajouté que parfois, effectivement, il arrive du mal à une personne qui a manqué à son serment et que ce mal peut être attribuable à une personne agissant au nom du sanctuaire (11 juin 2010).
De même, le professeur de la SIU a affirmé qu’à son avis, des personnes travaillant pour un sanctuaire peuvent être responsables d’avoir tué ou blessé des personnes qui ont offensé ledit sanctuaire (3 juin 2010). Il a également écrit que de nombreux féticheurs de premier rang ont des liens étroits avec le crime organisé, la police corrompue, des contrebandiers et d’autres sources de pouvoir au Nigéria (3 juin 2010). Il a aussi affirmé que la police [traduction] « craint les féticheurs puissants » et que quiconque se sent [traduction] « menacé » par un sanctuaire est davantage susceptible de se présenter dans une église qu’à un poste de police pour obtenir de l’aide (3 juin 2010).
Le professeur de l’ASC était d’avis que le fait de refuser le rôle de grand prêtre ou de féticheur ne serait pas considéré comme un affront au sanctuaire (11 juin 2010). Il a affirmé qu’il n’avait jamais entendu dire que la prêtrise a déjà été imposée à quiconque au Nigéria (11 juin 2010). De l’avis du professeur de l’ASC, un sanctuaire souhaiterait un successeur qui est intéressé par le rôle et qui a les aptitudes pour le remplir (11 juin 2010). Il est également probable que le successeur soit initié à un jeune âge (professeur de l’ASC 11 juin 2010). Le professeur de l’Université de Londres a affirmé que, selon ses recherches, une personne qui refuse un titre de grand prêtre ou de féticheur ne s’expose à aucune conséquence (10 mai 2010). De même, le professeur du F&M a affirmé que les [traduction] « chrétiens refusent d’occuper leur fonction héréditaire dans les sanctuaires depuis le début des missions chrétiennes au Nigéria - c'est-à-dire depuis le milieu du XIXe siècle » (professeur du F&M 22 mai 2010). Il a en outre affirmé que [traduction] « il y a longtemps », si une personne refusait le titre héréditaire de prêtre d’un sanctuaire, les serviteurs du sanctuaire pouvaient [traduction] « forcer » la personne à jouer ce rôle (ibid.). Il ajouté que
[traduction]
[...] même aujourd’hui, il y a des gens qui maintiennent leurs liens avec la religion indigène et qui jurent que les divinités du sanctuaire trouveront un moyen de punir ceux qui refusent le titre (ibid.).
Le professeur du F&M, spécialiste de la presse populaire nigériane, a également affirmé que la religion traditionnelle est couverte avec [traduction] « sensationnalisme » dans les médias; [traduction] « diabolisée » par les chrétiens pentecôtistes; et généralement considérée comme [traduction] « malveillante » par de nombreux Nigérians (ibid.). Le professeur de l’Université de Londres a fourni des renseignements allant dans le même sens, affirmant que d’autres religions attribuent [traduction] « toutes sortes d’actes haineux » aux sanctuaires et que les médias perpétuent l’opinion selon laquelle les féticheurs sont des [traduction] « démons » (10 mai 2010).
Le professeur de la SIU a écrit que, dans de nombreuses communautés, le fait qu’une personne refuse le rôle héréditaire de prêtre de sanctuaire serait considéré comme [traduction] « un grave problème » (3 juin 2010). Il a en outre affirmé que les gens croiraient que cette personne attire la [traduction] « colère divine » sur elle, ainsi que sur la communauté locale (3 juin 2010).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.
Références
African Studies Centre (ASC) (Leiden University, Pays-Bas). 11 juin 2010. Entretien téléphonique avec un professeur d’histoire.
Danemark. Avril 2008. Service danois de l’immigration. Protection of Victims of Trafficking in Nigeria: Report from Danish Immigration Service's Fact-Finding Mission to Lagos, Benin City and Abuja, Nigeria. <http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/BAD16BF3-A7C8-4D62-8334-DC5717591314/0/Nigeriatrafficking2007FINALpdf.pdf> [Date de consultation : 22 juin 2010]
Franklin & Marshall College (F&M), Pennsylvanie. 22 mai 2010. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un professeur d’anthropologie.
Southern Illinois University (SIU). 3 juin 2010. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un professeur d’anthropologie.
University of London. 10 mai 2010. Entretien téléphonique avec un professeur de sociologie et d’anthropologie.
Autres sources consultées
Sources orales : Des chercheurs ayant de connaissances spécialisées à ce sujet de l’Arizona State University, du Arts & Humanities Research Council du Royaume-Uni, de l’University of California, Los Angeles (UCLA), de l’University of Toronto et du Warren-Wilson College n’ont pas pu fournir de renseignements.
Publications : Journal of African History, Journal of Management and Social Studies.
Sites Internet, y compris : Amnesty International (AI), British Broadcasting Corporation (BBC), Human Rights Watch, International Crisis Group, Washington College of Law.