El Salvador : information sur la violence conjugale; recours et services offerts aux victimes de cette violence (mars 2006-juillet 2009)
Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa
Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches le 10 juillet 2009, le directeur du Programme d'amélioration des relations familiales (Programa de Saneamiento de la Relación Familiar) de l'Institut salvadorien pour le développement des femmes (Instituto Salvadoreño para el Desarrollo de la Mujer - ISDEMU), qui est un [traduction] « organisme public reconnu qui coordonne les activités gouvernementales et non gouvernementales » (ILO s.d.) a affirmé que [traduction] « le phénomène de la violence familiale persiste, mais qu'il y a eu des avancées significatives en 2008 ». Celles-ci se traduisent par [traduction] « l'augmentation du nombre de dénonciations, de la disponibilité des ressources offertes aux victimes depuis 2003 et de la confiance de la population envers la réponse des autorités » (El Salvador 10 juillet 2009). Le directeur a ajouté que [traduction] « deux nouveaux centres d'aide qui dispensent une aide immédiate aux victimes de violence familiale et leur offre de la formation ont ouvert leurs portes en 2009 » (ibid.). Selon le site Internet de l'ISDEMU, 13 centres, répartis dans les différents départements, sont maintenant en opération (ibid. s.d.a).
Selon les données compilées par l'ISDEMU, parmi les 6 235 cas de violence familiale signalés en 2008 à l'ISDEMU, dans 6 073 cas la victime était une femme (ISDEMU s.d.c, 18), alors qu'en 2007, ce nombre était de 5 578 sur un total de 5 777 cas signalés (ibid. s.d.d, 17). Toujours selon les statistiques de l'ISDEMU, 2 319 personnes ont été hébergées par l'organisme, entre les années 2000 et 2008; notamment 178 en 2008 et 267 en 2007 (El Salvador s.d.c, 92).
Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune information indiquant le nombre de cas de violence familiale qui ont été portés devant des tribunaux.
La coordonnatrice du programme Brisons le silence afin que cesse la violence familiale et l'exploitation sexuelle (Rompiendo el Silencio Frente a la Violencia Intrafamiliale y la explotación sexual) du Réseau d'action contre la violence fondée sur le sexe au Salvador (Red de Acción contra la Violencia de Género en El Salvador) affirme que depuis 2006, des progrès ont été réalisés dans le domaine de la violence familiale, malgré que cette dernière [traduction] « continue d'être un grave problème » (El Salvador 14 juill. 2009). Elle explique ces progrès par les éléments suivants :
[traduction]
Les lois telles la loi contre la violence familiale et le code pénal protègent mieux les droits des femmes victimes de violence; les membres des différentes organisations venant en aide aux femmes violentées ont reçu une formation et connaissent bien la loi; il y a eu une augmentation générale du nombre de dénonciations et les diverses institutions et organisations travaillent maintenant de pair (ibid.).
Cependant, elle précise que les ressources sont plus difficilement accessibles dans les régions rurales étant donné que les organisations se sont établies principalement dans les villes (ibid.).
Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucun additionnel renseignement par rapport à ceux fournis ci-dessous dans la réponse SLV101191.F datée du 3 avril 2006.
Contexte
Les Country Reports on Human Rights Practices 2005 signalent que la violence familiale est toujours un problème fréquent et sérieux en El Salvador (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5). Selon la directrice de l'Institut d'études sur la femme Norma Virginia Guirola de Herrera (Instituto de estudios de la mujer Norma Virginia Guirola de Herrera - CEMUJER), la violence familiale en El Salvador est devenue un problème d'ordre public; cependant, le problème est encore traité avec beaucoup de réserve par certains membres des services publics (Instituto CEMUJER 27 mars 2006).
Les Country Reports 2005 affirment qu'en 2005, la Police civile nationale (Policía Nacional Civil - PNC) a reçu 5 389 plaintes pour violence conjugale (8 mars 2006, sect. 5). De son côté, l'Institut salvadorien pour le développement de la femme (Instituto Salvadoreño para el Desarrollo de la Mujer - ISDEMU) a déclaré avoir reçu 4 033 plaintes pour violence conjugale, contre 4 329 en 2004 (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5).
Dans une entrevue publiée sur le site Internet de Société sans violence (Sociedad sin Violencia), la directrice exécutive de l'ISDEMU a souligné que de 2003 à 2005, près de 82 p. 100 des femmes ont déclaré avoir été victimes de violence familiale (25 nov. 2005). Selon la même source, les victimes dénoncent de plus en plus souvent ces actes de violence, ce qui démontre le succès des programmes de prévention mis en place et l'importance de la promotion d'un changement culturel pour traiter ce problème (Sociedad sin violencia 25 nov. 2005). Cependant, les Country Reports 2005 soulignent qu'en 2005, peu de femmes victimes de violence conjugale avaient porté plainte contre leurs agresseurs; et dans certaines occasions, la police s'était montrée réticente à traiter les cas de violence conjugale (8 mars 2006, sect.5).
Dans le résumé d'un rapport d'une mission conduite en El Salvador en février 2004, la rapporteuse spéciale des Nations Unies, Yakin Ertürk, a noté qu'en El Salvador, la violence envers les femmes ne fait que très rarement l'objet d'enquêtes ou de poursuites; [traduction] « l'impunité » semble totale pour les coupables (Nations Unies 20 déc. 2004, 2). Selon un extrait d'un rapport non publié envoyé à la Direction des recherches par l'Association des Femmes pour la dignité et la vie (Asociación de Mujeres por la Dignidad y la Vida - Las Dignas), l'ex-compagnon d'une femme assassinée en avril 2005 a été acquitté de toutes les charges, principalement parce que le juge d'instruction n'a, à aucun moment pendant le procès, fait référence à la violence conjugale que la victime avait subie, en de multiples occasions, pendant sa vie avec l'accusé; violence qu'elle avait pourtant dénoncée à la police (Asociación Las Dignas 22 mars 2006, 15-16). La victime avait aussi demandé des mesures de protection qui lui avaient été refusées (ibid., 16). Selon le rapport rédigé par le groupe Las Dignas,
[traduction]
Il est évident que les autorités sous-estiment [...] le degré de violence que les femmes connaissent et qu'elles continuent de penser qu'il s'agit d' « affaires privées ». Par conséquent, elles accordent peu d'importance au respect de la loi dans [les cas de violence conjugale]. Un système judiciaire qui permet aux agresseurs de perpétrer leur violence sans enquêter plus loin sur les cas [qui lui sont présentés] et qui laisse les criminels libres, encourage l'impunité et la violence. C'est particulièrement vrai quand les agresseurs occupent des postes dans les services publics. Il y a des preuves que ces personnes usent de leur influence pour éviter les peines prévues par la loi (ibid.).
Dans son rapport, la rapporteuse spéciale des Nations Unies a affirmé que, lors de sa visite en El Salvador, plusieurs femmes ont signalé que les juges de paix et la police ne prennent jamais leurs dénonciations au sérieux et n'adoptent pas les mesures de protection demandées (Nations Unies 20 déc. 2004, paragr. 29). Elle a aussi constaté que la cour de justice favorise la réconciliation et la réunification des familles au détriment de la poursuite des agresseurs, exposant les victimes à des représailles à leur retour à la maison (ibid.). Selon ce même rapport, les groupes de femmes estiment que la violence conjugale perdure derrière les murs de la vie privée à cause de [traduction] « la pression sociale, de la peur des représailles, de la crainte que cela se sache et de la stigmatisation, des interventions arbitraires de la part des autorités et du peu de confiance en l'appareil judiciaire » (ibid. paragr. 32). Selon la directrice de CEMUJER, il existe plusieurs mesures destinées à aider les femmes victimes de violence dans le pays; cependant leur application est problématique, notamment à cause du peu de ressources qui leur sont consacrées (27 mars 2006).
Mesures prises par l'État
La loi salvadorienne interdit la violence conjugale et prévoit des périodes d'emprisonnement d'une durée de six mois à un an en fonction des circonstances et du juge (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5). Par contre, selon la rapporteuse spéciale des Nations Unies, si les marques de violence sur la victime disparaissent après dix jours, l'agression est traitée comme une infraction plutôt que comme un crime (Nations Unies 20 déc. 2004, paragr. 29). Dans tous les cas, on interdit aux agresseurs d'utiliser des drogues et de l'alcool et il leur est aussi interdit de porter des armes (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5). La police civile nationale est responsable, en grande partie, d'assurer l'application de la [traduction] « loi contre la violence familiale »; elle a des bureaux dans toutes les régions du pays (262) et offre ses services aux familles, aux femmes et aux enfants (Instituto CEMUJER 27 mars 2006). Les victimes peuvent aussi porter plainte auprès des organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes (ibid.). Selon la rapporteuse spéciale des Nations Unies, c'est parce que les lois ne sont pas uniformément appliquées que la violence domestique est répandue et tolérée (Nations Unies 20 déc. 2004, paragr. 28). En outre, la violence conjugale a été longtemps considérée comme socialement acceptable par une grande partie de la population (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5).
Selon les Country Reports 2005, différentes institutions gouvernementales, tels que le [traduction] « Bureau du procureur pour la défense des droits de la personne [Procuraduría para la Defensa de los Derechos Humanos - PDDH], la Cour suprême, le Bureau du défenseur public et la PNC coordonnent leurs actions avec les ONG et d'autres organisations afin de combattre la violence contre les femmes » (É.-U. 8 mars 2006, sect. 5).
L'ISDEMU est l'appareil de l'État (ibid., sect. 1.d) qui a comme mandat [traduction] « de formuler la Politique nationale concernant la femme [Política nacional de la mujer], de l'appliquer et d'en assurer le suivi » (El Salvador 20 mars 2006). Il veille à ce que la législation nationale ayant trait à la violence conjugale soit équivalente à la législation internationale (Sociedad sin violencia 25 nov. 2005). La Politique nationale de la femme définit une stratégie pour combattre la violence envers les femmes, laquelle est mise en application par l'ISDEMU au moyen de son [traduction] « Programme d'amélioration des relations familiales » (Programa de Saneamiento de la Relación Familiar - PSRF) (El Salvador 20 mars 2006). Ce programme a quatre objectifs principaux : [traduction] « la prévention, la surveillance, la recherche et le suivi » (ibid.). Doté d'une structure inter-institutionnelle et multidisciplinaire, le programme a une portée nationale car il collabore avec 14 comités inter-institutionels et 50 réseaux locaux et organisations non gouvernementales (ONG) qui s'occupent et traitent de la problématique de la violence envers les femmes et/ou de celle du développement local en tenant compte de la différence entre les sexes (ibid.). Le PSRF travaille à la prévention de la violence conjugale en utilisant différentes méthodes, telles que l'information, l'éducation et la communication (ibid.). Les victimes de violence conjugale disposent des ressources suivantes : [traduction] « intervention pendant la crise, suivi psychologique après l'agression, groupes de thérapie (qui aident les victimes et les agresseurs), aide sociale, aide juridique, suivi du processus juridique et allocation d'une pension temporaire » (ibid.). Tous les services offerts sont confidentiels et gratuits (ibid.). De plus, un programme de sensibilisation à la violence envers les femmes a été élaboré pour les gens qui travaillent dans les médias et du temps d'antenne pendant les programmes des radios nationales a été réservé afin qu'un membre de l'ISDEMU puisse informer le public sur ce sujet (ibid.).
Le PSRF est présent dans sept régions : Cabañas, Chalatenango, La Paz, La Unión, San Miguel, San Salvador et Santa Ana (El Salvador 2003, 22). L'ouverture de deux autres bureaux à Sonsonate et Morazán est prévue pour avril 2006 (El Salvador s.d.b). Le bureau central de San Salvador fonctionne 24 heures sur 24 pendant toute l'année, et les autres bureaux, 12 heures par jour (El Salvador 20 mars 2006). Tous les bureaux disposent d'une ligne téléphonique d'urgence locale (ibid.). L'équipe technique qui aide les personnes qui sont victimes de violence est constituée de 90 professionnels qui sont constamment informés des dernières innovations dans ce domaine, en matière juridique ou autre (ibid.). Les centres travaillent en coopération avec la division spécialisée dans les services aux jeunes et à la famille de la PNC (ibid.). Un seul refuge ou centre pour femmes est géré par l'ISDEMU à San Salvador (El Salvador 20 mars 2006; ibid. s.d.b); il assure une couverture nationale et les services offerts sont confidentiels et gratuits (ibid.). Une équipe multidisciplinaire constituée de psychologues, d'avocats, de travailleurs sociaux et de personnel policier féminin vient en aide aux victimes (ibid.). Selon la directrice de CEMUJER, la ville de San Salvador gère plusieurs refuges, où le CEMUJER offre de la formation au personnel (27 mars 2006). Aucune information sur le nombre des personnes ayant eu recours aux centres gérés par l'ISDEMU ou par la ville de San Salvador n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.
L'organisation non gouvernementale CEMUJER gère un centre d'aide intégré pour les femmes et les enfants victimes de violence (clínica de atención integral a mujeres, niñas y niños violentados) et possède une ligne téléphonique confidentielle, un service d'aide juridique (consultorio jurídico popular) et des groupes de soutien (círculos de reflexión) (27 mars 2006).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Asociación de Mujeres por la Dignidad y la Vida - Las Dignas. 22 mars 2006. La Violencia contra las mujeres a través de la prensa 2005. Rapport non publié envoyé par une représentante.
El Salvador. 14 juillet 2009. Red de Acción contra la Violencia de Género en El Salvador. Entretien téléphonique avec une coordonnatrice.
_____. 10 juillet 2009. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). Entretien téléphonique avec un directeur.
_____. 20 mars 2006. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). Documentation gouvernementale envoyée par un représentant.
_____. 2003. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). Memoria de labores 2003. <http://www.isdemu.gob.sv/Principal/OpcionesMenu/Promocion/memoria2003.pdf> [Date de consultation : 15 mars 2006]
_____. S.d.a. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). « Oficinas departamentales ». <http://www.isdemu.gob.sv/departamentales-msecundario.html> [Date de consultation : 13 juillet 2009]
_____. S.d.b. « Información adicional presentada por El Salvador en respuesta a la solicitud de la relatoría especial sobre violencia contra la mujer des las Naciones Unidas, Señora Yakin Ertürk ». Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights (OHCHR). Special Rapporteur on Violence Against Women, its Causes and Consequences. Information sollicitée pour la préparation du Thematic Report 2006. <http://www.ohchr.org/english/issues/women/rapporteur/El%20Salvador.doc> [Date de consultation : 12 mars 2006]
_____. S.d.c. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). « Estadísticas del Programa de Saneamiento de la Relación Familiar. Período año 2008 ». <http://www.isdemu.gob.sv/documentos/Anuario%20ISDEMU.pdf> [Date de consultation : 10 juill. 2009]
_____. S.d.d. Instituto salvadoreño para el desarrollo de la mujer (ISDEMU). « Estadísticas del Programa de Saneamiento de la Relación Familiar. Período año 2007 ». <http://www.isdemu.gob.sv/documentos/Anuario_ISDEMU_2007.PDF> [Date de consultation : 10 juill. 2009]
États-Unis (É.-U.). 8 mars 2006. Department of State. « El Salvador ». Country Reports on Human Rights Practices 2005. <http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61727.htm> [Date de consultation : 12 mars 2006]
Instituto de estudios de la mujer Norma Virginia Guirola de Herrera (CEMUJER). 27 mars 2006. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice.
International Labour Organization (ILO). S.d. « Salvadoran Institute for the Development of Women (ISDEMU) - El Salvador ». <http://www.ilo.org/public//english/employment/skills/hrdr/init/sal_2.htm> [Date de consultation : 15 juill. 2009]
Nations Unies. 20 décembre 2004. Economic and Social Council. Commission on Human Rights. Integration of the Human Rights of Women and a Gender Perspective: Violence Against Women. Report of the Special Reporter on Violence Against Women, its Causes and Consequences, Yakin Ertürk. Addendum. Mission to El Salvador (2 - 8 February 2004). (E/CN.4/2005/72/Add.2). <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G05/101/90/PDF/G0510190.pdf?OpenElement> [Date de consultation : 16 mars 2006]
Sociedad sin violencia. 25 novembre 2005. « Entrevista a Zoila de Innocenti, Directora ejecutiva de ISDEMU ». <<http://www.violenciaelsalvador.org.sv/modules.php?op=modload&name=News&file=article&sid=210&mode=thread&order=0&thold=0>[Date de consultation : 15 mars 2006]
Autres sources consultées
Sites Internet y compris : Adital, Alianza Latina Nacional para Erradicar la Violencia Doméstica, Asociación para la Autodeterminación de Mujeres Salvadoreñas (AMS), Biblioteca virtual en salud, EFE, Human Rights Watch (HRW), Inter American Foundation for the Defence of Human Rights (FIDDH), ISIS Internacional, Mujeres Hoy, Nations Unies - Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation des États Américains (OÉA), Organisation mondiale contre la torture (OMCT), OXFAM América, Peace Women.