Chapitre 14 - Personnes à protéger

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  1. 1​4.1. Introduction
  2. 14.2. Cadre législatif
    1. Personne à protéger – LIPR, alinéas 97(1)a) et b)
  3. 14.3. Éléments du paragraphe 97(1) communs aux alinéas a) et b)
    1. 14.3.1 Critère juridique relatif au degré de risque
    2. 14.3.2 Risque prospectif
    3. 14.3.3 Le demandeur d’asile serait personnellement exposé à la menace ou au risque
    4. 14.3.4 Pas d’élément relatif à la crainte subjective
  4. 14.4. Risque de torture – LIPR, alinéa 97(1)a)
    1. 14.4.1. Crainte de préjudice – Torture
      1. 14.4.1.1 Douleur ou souffrances aiguës intentionnellement infligées
      2. 14.4.1.2 Infligées à certaines fins
      3. 14.4.1.3 Participation de l’État
      4. 14.4.1.4 Exception des sanctions légitimes
    2. 14.4.2. Les demandes invoquant la torture sont souvent accueillies au titre de l’article 96
    3. 14.4.3. Nécessité de se pencher sur l’alinéa 97(1)a) si la demande est rejetée
    4. 14.4.4. La protection de l’État peut être pertinente si la participation de l’État est limitée
    5. 14.4.5. Possibilité de refuge intérieur
  5. 14.5. Menace à sa vie, risque de traitements ou peines cruels et inusités – LIPR, alinéa 97(1)b)
    1. 14.5.1. Crainte de préjudice – Menace à sa vie, risque de traitements ou peines cruels et inusités
    2. 14.5.2. Conditions spécifiquement applicables à la menace et au risque visés à l’alinéa 97(1)b)
      1. 14.5.2.1. Première condition – Aucune protection de l’État
      2. 14.5.2.2. Deuxième condition – Aucune PRI
      3. 14.5.2.3. Troisième condition – D’autres personnes ne sont généralement pas exposés à la menace ou au risque
        1. 14.5.2.3.1. Confusion causée par une formulation imprécise
        2. 14.5.2.3.2. Deux éléments distincts et cumulatifs
        3. 14.5.2.3.3. Évaluation du risque prospectif avant l’examen des conditions
        4. 14.5.2.3.4. Examen personnalisé
        5. 14.5.2.3.5. Risque découlant d’activités criminelles
        6. 14.5.2.3.6. Le fait d’être « spécifiquement » ou « personnellement » ciblé
        7. 14.5.2.3.7. La nature du risque peut changer
        8. 14.5.2.3.8. Comparaison du risque encouru par le demandeur d’asile
      4. 14.5.2.4 Quatrième condition – Sanctions légitimes
        1. 14.5.2.4.1. Peine
        2. 14.5.2.4.2. Conditions de détention
        3. 14.5.2.4.3. Lois concernant la sortie du pays
        4. 14.5.2.4.4. Service militaire
      5. 14.5.2.5 Cinquième condition – Incapacité de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats

14. Personnes à protéger

14.1. Introduction

Avant que n’entre en vigueur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésNote 1 (LIPR), le 28 juin 2002, une demande d’asile ne pouvait reposer que sur l’un des motifs prévus à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 (Convention sur les réfugiés) des Nations Unies. Ces motifs sont énoncés à l’article 96 de la LIPR et, s’il y satisfait, le demandeur d’asile est réputé être un « réfugié au sens de la Convention ».

L’entrée en vigueur de la LIPR a élargi la compétence de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (Commission) en autorisant la Section de la protection des réfugiésNote 2 (SPR) à accorder sa protection pour deux autres motifs, énoncés aux alinéas 97(1)a) et b) de la LIPR, soit a) le risque de torture et b) la menace à sa vie ou le risque de traitements ou peines cruels et inusités. Le présent chapitre traite de ces deux motifs, qui peuvent tous deux justifier que l’on reconnaisse à un demandeur d’asile la qualité de « personne à protéger ».

L’expression « motifs de protection regroupés » renvoie collectivement aux trois motifs, à savoir ceux énoncés à l’article 96 et aux alinéas 97(1)a) et 97(1)b)Note 3.

Sous le régime de la LIPR, le demandeur d’asile auquel on reconnait la qualité de personne à protéger a les mêmes droits qu’un réfugié au sens de la Convention, y compris le droit de ne pas être refoulé et le droit de demander la résidence permanente.

Bien que les trois motifs diffèrent à plusieurs égards, ils ont aussi beaucoup en commun. Les chapitres précédents, qui traitent des principes liés au pays de référence (chapitre 2), à la protection de l’État (chapitre 6), à la possibilité de refuge intérieur (PRI) (chapitre 8), au changement de circonstances et aux raisons impérieuses (chapitre 7) et aux dispositions d’exclusion (chapitres 10 et 11), s’appliquent à l’instruction des demandes d’asile fondées sur ces trois motifs. Le présent chapitre porte sur ce qui distingue les deux motifs énoncés au paragraphe 97(1) du motif énoncé à l’article 96, de même que l’un de l’autre.

14.2. Cadre législatif

Personne à protéger – LIPR, alinéas 97(1)a) et b)

Personne à protéger

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

14.3. Éléments du paragraphe 97(1) communs aux alinéas a) et b)

14.3.1. Critère juridique relatif au degré de risque

Dans l’arrêt LiNote 4, la CAF a établi que le même critère juridique (degré de risque) s’appliquait aux deux alinéas du paragraphe 97(1), c’est-à-dire qu’il doit être plus probable que le contraire qu’un risque survienne selon la prépondérance des probabilités.

[28] […] le critère concernant le degré de risque de torture visé à l’alinéa 97(1)a) est la probabilité la plus forte ou la plus probable que le contraire.

[39] […] Le degré de risque exigé en vertu de l’alinéa 97(1)b) est le risque plus probable que le contraire.

La « prépondérance des probabilités » est une norme de preuve plus élevée que celle qui sert à évaluer le degré de risque de persécution visé à l’article 96, lequel prévoit que le demandeur d’asile doit seulement établir qu’il existe une « possibilité sérieuse » ou une « possibilité raisonnable » qu’il soit persécuté s’il retournait dans son pays.

14.3.2. Risque prospectif

À l’instar de la détermination de la qualité de réfugié suivant l’article 96, la détermination de la qualité de personne à protéger suivant le paragraphe 97(1) s’intéresse au risque prospectifNote 5 . L’emploi du conditionnel « serait […] exposée » au paragraphe 97(1) est sans équivoque : l’évaluation du risque est prospective. Des éléments de preuve d’actes de torture ou de traitements cruels et inusités antérieurs peuvent s’avérer utiles pour établir si le demandeur d’asile risquerait ou non de subir un préjudice similaire s’il retournait dans son pays, mais ils ne sont pas nécessaires pour demander l’asile. En contrepartie, le fait d’avoir subi de tels préjudices ne suffit pas, à lui seul, à faire du demandeur d’asile une personne à protéger.

14.3.3. Le demandeur d’asile serait personnellement exposé à la menace ou au risque

Il est notamment précisé au paragraphe 97(1) que le risque prospectif doit constituer une menace ou un risque auquel le demandeur d’asile serait personnellement exposé. Il importe de garder à l’esprit que l’élément « personnellement » du paragraphe 97(1) s’applique à la fois à l’alinéa a) et à l’alinéa b). Il ne s’applique pas exclusivement au second.

Pour qu’il soit conclu que le demandeur d’asile serait personnellement exposé à une menace ou à un risque énoncé au paragraphe 97(1), les éléments de preuve doivent permettre d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile serait exposé au risque prospectif de préjudice en question.

Dans la décision BouaouniNote 6, la Cour fédérale a estimé que les éléments de preuve à l’appui de l’existence d’un ensemble de violations des droits de la personne dans un pays ne justifiaient pas à eux seuls que soit accueillie une demande d’asile suivant le paragraphe 97(1) puisque de tels éléments ne démontraient pas qu’un plaignant en particulier était personnellement exposé à un risque. Par conséquent, des éléments de preuve documentaire relative aux conditions dans le pays qui font mention de violations généralisées des droits de la personne ne suffisent pas à justifier que soit accueillie une demande d’asile à moins qu’il existe des éléments de preuve établissant un lien avec la situation particulière du demandeur d’asileNote 7.

Les décisions suivantes approfondissent ce qui s’entend de « personnellement » :

RazaNote 8: Les articles 96 et 97 exigent que le risque soit personnalisé, c’est-à-dire qu’il concerne la personne qui demande l’asile. C’est ce que montre clairement l’emploi du terme « personnellement » à l’article 97.

SarriaNote 9: L’article 97 de la LIPR exige que le demandeur soit personnellement exposé à un risque. La preuve du meurtre d’un membre de la famille n’établit pas, à elle seule, que le demandeur d’asile serait exposé à un risque.

In LopezNote 10: La preuve documentaire n’abordait que le risque auquel étaient exposés certains jeunes hommes au Salvador. Les demandeurs n’ont pas fourni d’éléments de preuve objectifs et crédibles démontrant le risque auquel ils étaient exposés, ce qui est le point de départ de toute analyse prévue à l’article 97.

CorreaNote 11: Affirmer que quelqu’un est « personnellement » assujetti à un risque signifie simplement qu’il est exposé à un risque. Le risque allégué est réel.

14.3.4. Pas d’élément relatif à la crainte subjective

La crainte subjective a trait à l’existence d’une crainte de persécution dans l’esprit du demandeur d’asile. L’évaluation d’une telle crainte repose souvent sur le comportement du demandeur d’asile, par exemple s’il a quitté ou non le pays dès que cela lui a été possible après la menace de préjudice et si ce comportement est compatible ou non avec celui auquel il y aurait lieu de s’attendre d’une personne qui croit sincèrement risquer un préjudice imminent. (Voir le chapitre 5 à propos de la crainte subjective au titre de l’article 96).

Contrairement à l’article 96, où la crainte de persécution fait partie de la définition de réfugié au sens de la convention¸ le paragraphe 97(1) ne renvoie pas à la « crainte » de préjudice vis-à-vis la menace et les risques précisés. Par ailleurs, la CAF a clairement fait observer en remarque incidente, dans les arrêts LiNote 12 et SanchezNote 13, que le paragraphe 97(1) n’incorpore pas d’élément subjectif. De fait, les conclusions tirées au titre du paragraphe 97(1) nécessitent une évaluation objective du risque continu ou éventuel par opposition à une évaluation de la crainte subjective du demandeur d’asile.

Cela étant dit, bien que la crainte ne soit pas un élément qui figure au paragraphe 97(1), l’élément subjectif peut-être pertinent à la fois au titre de l’article 96 et au titre du paragraphe 97(1) lorsqu’il s’agit d’évaluer la crédibilité des allégations de l’existence d’une menace ou d’un risque faites par le demandeur d’asile. Dans la décision Sainnéus, la Cour a affirmé que la crainte subjective est « avant tout une question de crédibilitéNote 14.» Elle a estimé que les comportements servant à évaluer la crainte subjective selon l’article 96 étaient tout aussi pertinents pour l’évaluation de la crédibilité selon le paragraphe 97(1). La Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la Commission avait commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun lien avec la Convention : « Qu’il s’agisse de l’article 96 ou de l’article 97 de la Loi, le demandeur d’asile doit avoir été cru par la Commission, ce qui n’est pas le cas en l’espèce pour les raisons particulières indiquées dans la décision de la CommissionNote 15. »

Plus récemment, dans la décision LouisNote 16, la Cour a souligné que les éléments qui sont utilisés pour analyser la crainte subjective sont pertinents pour évaluer la crédibilité de l’existence des risques allégués suivant le paragraphe 97(1) :

[18] Même si son analyse ressemble à celle à laquelle procéderait un tribunal qui examinerait une allégation de crainte subjective d’un réfugié au sens de la Convention, la SPR s’est servie de cette information dans le cadre de son évaluation de la crédibilité de M. Louis pour tirer une conclusion d’absence de crédibilité et d’absence de preuve de risque en cas de retour. À mon avis, la SPR a eu raison de prendre en compte les risques qu’alléguait M. Louis et de les examiner de pair avec toutes les autres preuves pour évaluer sa crédibilité. Les facteurs entrant dans l’évaluation de la crédibilité comprenaient ses retours répétés en Haïti, le moment de son départ après la perte de son emploi, ainsi que la confusion entourant, d’une part, l’identité de l’agent de persécution et, d’autre part, la nature de la Force 50, entre autres. La SPR a décidé en fait que M. Louis, s’il retournait en Haïti, ne serait pas, selon la prépondérance des probabilités, exposé à un risque de torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Il s’agit là du critère applicable relativement à l’article 97 de la LIPR.

[19] Dans toute demande de protection fondée sur l’article 97 de la LIPR, il y a lieu d’examiner si les risques dont le demandeur fait état existent ou non dans le pays en question. Pour arriver à cette conclusion, il est pertinent de prendre en considération la crédibilité du demandeur, ce qui inclut son comportement ainsi que les raisons pour quitter un pays.

Par conséquent, que la demande d’asile soit fondée sur l’article 96 ou sur le paragraphe 97(1), à défaut d’une explication satisfaisante d’un comportement estimé incompatible avec la crainte, un tel comportement est susceptible de miner la crédibilité du demandeur d’asile en ce qui concerne l’existence d’un risque de préjudice. Cependant, lorsqu’il s’agit de dossiers invoquant l’article 96, les conclusions fondées sur un comportement incompatible peuvent s’articuler soit autour de la « crainte subjective » soit autour de la crédibilité alors que, lorsqu’il s’agit de dossiers invoquant le paragraphe 97(1), les conclusions tirées d’un comportement incompatible peuvent exclusivement s’articuler autour de la crédibilité.

Une formulation imprécise peut entraîner l’annulation d’une décision au moment du contrôle, comme cela s’est produit dans l’affaire MamakNote 17 :

La SPR a conclu qu'il n'y avait pas « de crainte subjective » sans dire si cette conclusion visait les questions relatives à l'article 96 ou celles relatives à l'article 97. Si la conclusion était liée à l'article 96, elle doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable. Par contre, si elle se rapportait à l'article 97, il s'agit d'une erreur de droit qui « s'impose au vu du dossier », car la crainte subjective n'est pas une question déterminante dans l'analyse de l'article 97. Dans la mesure où la SPR a confondu les critères des articles 96 et 97, elle a commis une erreur susceptible de contrôle (Barros c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 894, au paragraphe 20; Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 1, au paragraphe 33). De plus, si la conclusion n’a pas été tirée relativement à l’article 97, la SPR a commis une erreur parce qu’elle a omis de prendre en compte l’article 97. L’ensemble de la décision est centré sur la crainte subjective du demandeur, laquelle n’est pas pertinente quant à la décision relative à l’article 97. [Non souligné dans l’original]

Bien que les conclusions concernant la crédibilité fondées sur le comportement puissent laisser croire à l’absence de risque, une évaluation détaillée du risque continu ou éventuel s’impose pour s’assurer qu’il n’existe aucun autre risque objectif susceptible d’appuyer la demande d’asile. Par conséquent, la documentation relative aux conditions dans le pays ou les autres éléments de preuve pouvant être liés aux circonstances particulières du demandeur d’asile peuvent suffire à établir que le demandeur d’asile satisfait au critère juridique énoncé au paragraphe 97(1) même si la crédibilité est mise en douteNote 18.

Toutefois, quand il n’existe aucun élément de preuve objectif de risque pour le demandeur d’asile, l’évaluation de la crédibilité fondée sur le comportement peut être déterminante. Cela a ainsi été le cas dans l’arrêt MarkauskasNote 19, où le demandeur d’asile lituanien craignait le père de sa petite amie, lequel faisait partie d’une organisation se livrant au trafic de stupéfiants. Le père de la petite amie et l’organisation ont menacé de mort le demandeur d’asile quand ce dernier a refusé de travailler pour eux. La SPR a rejeté la demande d’asile au motif d’absence de lien au titre de l’article 96 et de manque de crédibilité. En effet, le demandeur d’asile était resté en Lituanie presque un an après que sa vie a été menacée et, une fois au Canada, il a attendu un an avant de présenter une demande d’asile. La Cour a confirmé la décision de la SPR relative au paragraphe 97(1). La Cour a estimé que, puisque l’atermoiement n’avait pas été expliqué de manière adéquate, il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé qu’il craignait le père de son ancienne petite amie et la mafia. Cette conclusion éliminait la seule preuve relative au risque auquel le demandeur était exposé. Puisqu’il n’y avait pas d’autre preuve objective d’un quelconque autre risque, la décision de la Commission était raisonnable.  

Dès lors, les facteurs comportementaux peuvent s’avérer pertinents dans l’analyse des demandes d’asile au titre du paragraphe 97(1), lorsque les comportements en question sont inconciliables avec l’existence d’un risque de préjudice. La Cour fédérale a confirmé des décisions de la SPR rejetant des demandes d’asile au titre du paragraphe 97(1) fondées sur des facteurs comportementaux.

Les décisions suivantes fournissent des exemples où de tels comportements ont eu des répercussions sur la crédibilité :

  • Dans la décision BorgesNote 20, la Cour a affirmé que « [l]e fait que le demandeur n’ait jamais demandé asile pendant les douze ans de son séjour aux États Unis contredit radicalement l’assertion de la menace. »
  • Dans la décision Dos SantosNote 21, la Commission a rejeté la demande, estimant que le demandeur d’asile avait pu se prévaloir de la protection de l’État et qu’il n’était pas crédible. En effet, le demandeur d’asile avait vécu aux États Unis pendant plus d’un an sans demander l’asile dans ce pays. Après avoir été expulsé au Brésil, il est resté dans ce pays huit mois avant de retourner aux États-Unis et y séjourner sept mois, toujours sans présenter de demande d’asile. Le demandeur d’asile a ensuite gagné le Canada et a finalement déposé une demande d’asile après un séjour de quinze mois, et ce, seulement après son arrestation suite à une infraction au code de la sécurité routière. La Cour a estimé que la Commission avait raisonnablement conclu que les actions du demandeur conjuguées aux contradictions inhérentes à son témoignage avaient miné sa crédibilité et le fondement subjectif de sa crainte de persécution. Bien que la Cour fasse mention d’un fondement subjectif et d’une persécution, il s’agit néanmoins clairement d’une affaire visée par l’alinéa 97(1)b) puisqu’il est question d’un demandeur d’asile qui prétend avoir fui un gang de trafiquants de stupéfiants.
  • Dans la décision LicaoNote 22, les demandeurs craignaient de faire l’objet d’extorsions de la part de la Nouvelle armée du peuple. La SPR a rejeté la demande d’asile principalement en raison des deux ans et demi écoulés avant que les demandeurs ne présentent leurs demandes d’asile. La Commission n’a pas accepté qu’une famille qui avait quitté les Philippines parce que ses membres craignaient pour leur vie, comme ils l’ont prétendu, coure le risque de ne pas voir renouveler ses visas de visiteurs à quatre reprises avant de demander le statut de réfugié. « La conduite des demandeurs n’était pas celle de personnes exposées à un risque et à la crainte dans laquelle ils disaient vivre. »
  • Dans la décision GutierrezNote 23, le fondement de la demande présentée par le demandeur remontait aux années 1990, lorsque les AUC, un groupe paramilitaire colombien, ont ciblé ses parents à des fins d’extorsion et ont menacé la famille. Les frères et sœurs du demandeur se sont enfuis de la Colombie entre 1997 et 1999, et ses parents, en 2006. Pour sa part, le demandeur d’asile n’a quitté la Colombie qu’en septembre 2016. Il est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile en décembre 2016. La SPR a rejeté sa demande d’asile aux motifs d’un retard à quitter le pays et de la crédibilité. La Cour a établi qu’il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que le fait que le demandeur soit resté en Colombie aussi longtemps semait un certain doute quant à savoir s’il a été menacé par le même groupe qui avait menacé les autres membres de sa famille.

14.4. Risque de torture – LIPR, alinéa 97(1)a)

14.4.1. Crainte de préjudice – Torture

Le terme « torture » est défini à l’article 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), qui est reproduit à l’Annexe de la LIPR et qui est ainsi libellé :

Aux fins de la présente Convention,

  • le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne
  • aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit,
  • lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
  • Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.

Le présent chapitre a pour objectif de présenter une brève description du motif énoncé à l’alinéa 97(1)a) ainsi que quelques conseils pratiques à son sujet puisqu’il s’agit d’un motif rarement – sinon jamais – employé par les commissaires pour justifier l’accueil d’une demande d’asile. Il importe toutefois qu’il soit examiné, simultanément avec les deux autres motifs, quand une demande est rejetée.

14.4.1.1. Douleur ou souffrances aiguës intentionnellement infligées

Il est à noter que bien que la définition de la torture soit détaillée, ce n’est pas le cas pour un de ses éléments fondamentaux, soit « douleur ou souffrances aiguës ». Quoi qu’il en soit, il est clair que seuls des actes d’une certaine gravité peuvent être considérés comme de la torture. Les actes causant de la douleur ou des souffrances physiques aiguës sont peut-être ceux les plus souvent assimilés à des formes de torture, et les exemples qui viennent immédiatement à l’esprit comprennent les décharges électriques, les coups, la suffocation, les brûlures, l’agression sexuelle, la privation de sommeil.

De la douleur ou des souffrances mentales aiguës peuvent être infligées de différentes manières, par exemple en suscitant chez la victime la crainte qu’elle soit tuée ou que des représailles soient exercées contre son époux ou ses enfants; en forçant une personne à assister à des événements tels que l’exécution ou la torture d’autres détenus ou de membres de sa famille; ou en la privant de tout contact humain par un isolement prolongé.

Un seul acte suffit pour conclure à l’existence de torture. Il n’est pas nécessaire que de la douleur ou les souffrances aiguës soient infligées de façon répétée.

14.4.1.2. Infligées à certaines fins

Une autre caractéristique de la torture au sens de la Convention contre la torture est que celle-ci doit être infligée à certaines fins. Les fins énoncées dans la Convention contre la torture sont les suivantes : obtenir de la personne ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, l’intimider ou faire pression sur elle ou intimider ou faire pression sur une tierce personne, ou tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.

14.4.1.3. Participation de l’État

L’exigence de participation de l’État est satisfaite si un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel participe directement ou indirectement à l’acte infligeant de la douleur ou des souffrances aiguës. Toutefois, si un agent de la fonction publique commet les actes pour des raisons purement personnelles, sans lien aucun avec sa situation d’autorité, il peut être conclu qu’il commet ces actes non pas en qualité d’agent de l’État, mais bien en qualité de simple citoyen. Même dans de pareils cas, si les éléments de preuve montrent que l’État a consenti à la commission de ces actes « non officiels », il est possible de conclure qu’il y a eu participation de l’État.

Le consentement de l’État peut être déduit de diverses situations, notamment lorsque l’État ne s’acquitte pas des obligations suivantes : (i) il n’intervient pas lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’un acte de torture sera commis ou est en train d’être commis; (ii) il n’enquête pas lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’un acte de torture a été commis; ou (iii) il n’intente pas de poursuites contre les auteurs de tels actes.

14.4.1.4. Exception des sanctions légitimes

La définition de torture écarte explicitement la douleur ou les souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. Lorsqu’il s’agit d’établir si une sanction est légitime ou non pour l’application de l’alinéa 97(1)a), le point de départ consiste à évaluer le caractère légitime de la sanction dans le pays de référence : une sanction qui n’est pas infligée ou exécutée conformément aux lois du pays de référence ne sera pas jugée « légitime ». Toutefois, une sanction légitime au regard des normes juridiques du pays de référence peut ne pas être considérée comme légitime selon les normes internationales.

Les arrêts de la Cour suprême où sont interprétés l’alinéa 2b) de la Déclaration canadienne des droits et l’article 12 de la Canadian Bill of Rights andsection 12 of the Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) fournissent des repères pour l’évaluation du caractère légitime d’une sanction. Les deux dispositions interdisent les peines ou traitements cruels et inusités. La Cour suprême a déclaré que la torture appartient à cette catégorieNote 24.

Dans l’arrêt SmithNote 25 et, plus récemment, dans l’arrêt LatimerNote 26, , la Cour suprême devait établir si l’imposition de peines minimales obligatoires, comme le prévoient la Loi sur les stupéfiants et le Code criminel, respectivement, violait l’article 12 de la Charte. Afin d’établir si une peine était cruelle et inusitée, la Cour suprême a adopté la norme que le juge en chef Laskin a formulée dans Miller and CockriellNote 27, soit celle consistant à se demander « si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine. »

Dans l’arrêt Smith, le juge Lamer a déclaré que certains traitements et certaines peines, tels que les châtiments corporels, seront toujours exagérément disproportionnés et incompatibles avec la dignité humaine. Il a poursuivi en décrivant les facteurs à prendre en considération dans une analyse de la « disproportion exagérée », laquelle comprend la gravité de l’infraction commise, les caractéristiques personnelles du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire, afin de déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre ce dernierNote 28.

Contrairement à l’alinéa 97(1)b), l’alinéa 97(1)a) et l’article premier de la Convention contre la torture n’exigent pas explicitement que soit établi si une sanction infligée est conforme ou non aux normes internationales. Cependant, dans le contexte de la LIPR, divers facteurs militent pour la prise en compte des normes internationales dans l’évaluation du caractère licite d’une sanction. L’argument probablement le plus convaincant est le fait que cette approche serait semblable à celle qui a été utilisée au sous-alinéa 97(1)b)(iii) pour les mauvais traitements, dont le niveau de gravité est souvent semblable, sinon identique, à celui de la torture.

Dans la décision HarveyNote 29, madame la juge Mactavish explique pourquoi, selon elle, en dépit du recoupement considérable entre les garanties prévues par la Charte et les normes internationales, une violation des garanties prévues par la Charte n’est pas nécessairement contraire aux normes internationales :

[55] Par exemple, dans l’arrêt Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] A.C.F. n° 27, la Cour suprême du Canada a fait observer qu’« il faut présumer que la Charte accorde une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits de la personne » (au paragraphe 70) [non souligné dans l’original]. L’emploi par la Cour de l’expression « au moins » nous indique que les protections prévues par la Charte canadienne peuvent, dans certains cas, effectivement dépasser celles prévues en droit international.

14.4.2. Les demandes invoquant la torture sont souvent accueillies au titre de l’article 96

Il est rare qu’une demande soit accueillie au titre de l’alinéa 97(1)a), car les actes qui sont graves au point d’être assimilables à la torture pourraient également être assimilables à la persécution ou à des traitements ou peines cruels et inusités. Pour que sa demande soit accueillie, le demandeur d’asile doit simplement démontrer qu’un des trois motifs justifiant l’octroi d’une protection s’applique. Dans pratiquement tous les dossiers invoquant la torture, la fin pour laquelle celle-ci est infligée peut être associée à l’un des motifs prévus par la Convention sur les réfugiés, et la demande peut donc être accueillie au titre de l’article 96, dont la barre en ce qui a trait au degré de risque de préjudice est moins élevée.

14.4.3. Nécessité de se pencher sur l’alinéa 97(1)a) si la demande est rejetée

Bien qu’une demande d’asile puisse être accueillie sans qu’il soit tenu compte de l’alinéa 97(1)a), son rejet nécessite une conclusion défavorable à l’égard des trois motifs. Il peut arriver que les motifs du rejet de la demande d’asile (disponibilité de la protection de l’État, PRI ou manque de crédibilité) s’appliquent simultanément aux trois motifs. Si ce n’est pas le cas, un justificatif doit être présenté à l’égard de chacun des motifs.

Il arrive souvent que le motif énoncé à l’alinéa 97(1)a) est écarté parce que les actes de torture allégués ne sont pas infligés par un agent de la fonction publique ou une autre personne agissant à titre officiel, à son instigation ou avec son consentement. Toutefois, dans la décision SelvarajahNote 30, où des éléments de preuve établissaient que les agents de l’État collaboraient parfois avec le groupe Karuna ou donnaient leur assentiment aux actes de ce groupe, les faits allégués par le demandeur d’asile motivaient la présentation d’une demande d’asile au motif de la torture. La SPR a commis une erreur en ne fournissant pas les raisons de sa conclusion selon laquelle le demandeur d’asile ne se heurterait pas à un risque personnalisé de torture visé à l’alinéa 97(1)a). La SPR avait reconnu que le groupe Karuna représentait un danger pour le demandeur d’asile parce que ce dernier passait pour quelqu’un de riche, mais elle a rejeté sa demande d’asile au titre de l’alinéa 97(1)b), sans s’être penchée sur l’alinéa 97(1)a). Selon le juge Russel :

Nous disposons d’une conclusion portant que le demandeur était menacé par le groupe Karuna et d’une preuve établissant que celle-ci se livre parfois à la torture (en particulier d’hommes tamouls) sur ordre ou avec l’assentiment des autorités sri-lankaises. Il reste à expliquer pourquoi cela ne représente pas un risque de torture auquel le demandeur se heurterait de manière réaliste s’il retournait au Sri Lanka. [Non souligné dans l’original]

Dans un autre dossier sri-lankaisNote 31 où le risque de torture a été soulevé à l’audience, il a été conclu que la SPR avait commis une erreur parce qu’elle s’était bornée à examiner le risque d’extorsion auquel le demandeur serait exposé dans le cadre de l’alinéa 97(1)b) : la SPR n’avait pas analysé de façon approfondie la question de savoir s’il y avait des motifs sérieux de conclure que le demandeur, qui avait des cicatrices visibles et avait déjà été détenu, risquait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Sri Lanka, comme l’exige l’alinéa 97(1)a).

14.4.4. La protection de l’État peut être pertinente si la participation de l’État est limitée

Contrairement à la définition de réfugié au sens de la Convention et contrairement au motif de menace à sa vie ou de risque de traitements ou peines cruels et inusités, l’alinéa 97(1)a) et l’article premier de la Convention contre la torture ne prévoient pas que la personne doive ne pas vouloir ou ne pas pouvoir se réclamer de la protection dans le pays de référence. Ceci peut s’expliquer par le fait que, dans tous les dossiers où il est conclu qu’un risque de torture existe, l’État est soit directement soit indirectement impliqué.

Néanmoins, lorsque la participation de l’État est limitée à seulement quelques-uns de ses agents ou organismes, il y a lieu de tenir compte de la disponibilité et du caractère adéquat de la protection de l’État de la part d’autres agents et organismes au moment d’évaluer le risque.

14.4.5. Possibilité de refuge intérieur

Comme c’est le cas en ce qui concerne la protection de l’État, bien que la loi ne prévoie pas explicitement que la PRI s’applique au motif de la torture, il existe des circonstances où ce pourrait être le cas. Le Comité contre la torture a examiné le concept de la PRI dans la décision Hayden c. Sweden (communication no 101/1997 du Comité). Le dossier, dont l’intéressé était un ressortissant turc d’origine ethnique kurde, faisait mention de torture systématique aux mains de la police, mais aussi du fait que les Kurdes étaient bien intégrés à la société dans plusieurs autres régions de la Turquie. Le Comité a reconnu que, s’il pouvait exister une PRI, celle-ci ne s’appliquait pas à la lumière des faits propres à l’affaire.

La PRI prévue à l’alinéa 97(1)a) s’analyse selon le même critère à deux volets que celui qui s’applique à l’article 96, bien que la formulation du premier volet soit légèrement différente, cela afin de refléter la différence du préjudice (ou du risque) en question et du critère juridique relatif au degré de risque :

1er volet : il n’y a pas de risque de torture – selon la prépondérance des probabilités;

2e volet : il ne serait pas déraisonnable d’y chercher refuge compte tenu de toutes les circonstances.

14.5. Menace à sa vie, risque de traitements ou peines cruels et inusités – LIPR, alinéa 97(1)b)

L’alinéa 97(1)b) vise les personnes à protéger parce ce que leur vie serait menacée ou parce qu’elles courraient un risque de traitements ou peines cruels et inusités sans lien avec les motifs énoncés dans la Convention. Par exemple, une personne menacée de mort dans le cadre d’une vendetta découlant d’un différend foncier n’aurait pas qualité de réfugié au sens de la Convention étant donné l’absence de lien avec l’un des motifs prévus à la Convention, mais elle se voir reconnaitre la qualité de personne à protéger.

Toutefois, la protection que prévoit l’alinéa 97(1)b) est assortie de conditions, énoncées aux sous-alinéas 97(1)b)(i) à (iv), et, s’il n’y est pas satisfait, même les demandeurs d’asile qui ont établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils seraient personnellement exposés à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités ne se verront pas reconnaître la qualité de personne à protéger. Ces conditions sont examinées plus en détail ci-dessous.

14.5.1. Crainte de préjudice – Menace à sa vie, risque de traitements ou peines cruels et inusités

La Cour fédérale n’a pas interprété le sens de « risque à sa vie » et n’a pas non plus donné d’indications importantes à l’égard du sens de l’expression « traitements ou peines cruels et inusités » dans le contexte du paragraphe 97(1) de la LIPR.

Contrairement à l’alinéa 97(1)a), l’alinéa 97(1)b) ne prévoit pas que le préjudice soit causé par l’État ou un agent de l’État ou que la responsabilité de l’État soit engagée d’une quelconque façon. L’agent du préjudice peut être simple citoyen ou un groupe d’acteurs non étatiques.

Pour que la « menace à sa vie » puisse être invoquée, le préjudice auquel le demandeur d’asile est exposé doit constituer une sérieuse menace pour sa vie. Le demandeur n’est toutefois pas tenu prouver qu’il y eu tentative de mener à exécution les menaces de mort contre luiNote 32.

Il s’ensuit que les mauvais traitements qui ne sont pas suffisamment graves pour être qualifiés de persécution n’atteignent pas le seuil plus élevé de préjudice prévu à l’alinéa 97(1)b). En règle générale, la discrimination ne constitue pas un traitement cruel ou inusité, si ce n’est dans certaines circonstances où la discrimination (pour un motif qui n’est pas énoncé dans la Convention) pose une menace à la vieNote 33.

En se fondant sur les faits précis des cas en question, la Cour fédérale a conclu que le préjudice allégué dans les circonstances suivantes n’atteignait pas le seuil minimal de gravité permettant de le qualifier de menace à la vie ou de risque de traitements ou peines cruels et inusités :

  • les mauvais traitements qui n’atteignent pas un niveau tel qu’ils peuvent être qualifiés de persécutionNote 34,
  • le fait d’être frappé en l’absence de menaces de lésions corporelles gravesNote 35,
  • la détention pour de longs interrogatoiresNote 36,
  • le harcèlement constant à des postes de contrôle militaires et les interventions abusivesNote 37.

L’expression « traitements ou peines cruels et inusités » n’a guère retenu l’attention de la Cour fédérale dans le contexte de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR. La jurisprudence et certains arrêts de la Cour suprême s’attardent toutefois à l’article 12 de la Charte, lequel contient la même expression que l’alinéa 97(1)b) : « Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. » Bien que la jurisprudence entourant l’article 12 de la Charte porte sur les sanctions de la part des autorités, et non sur les mauvais traitements infligés par de simples citoyens, elle peut s’avérer utile lorsqu’il s’agit d’interpréter le concept de « traitements ou peines cruels et inusités ».

Les principes directeurs pour interpréter si une peine donnée est contraire à l’article 12 de la Charte ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Smith.Note 38 La norme à appliquer pour établir si une peine est cruelle et inusitée est de vérifier si la peine est excessive au point de faire outrage aux normes de la convenance et de primer toutes les limites rationnelles de la peine. Il s’agit d’un critère de proportionnalité : la peine est-elle si exagérément disproportionnée qu’elle irait à l’encontre de ce qui est acceptable compte tenu de la gravité de l’infraction et de l’effet sur l’individu visé? S’agissant du sens de l’article 12 de la Charte, la Cour a déclaré :

[55] […] Le critère applicable à l’examen en vertu de l’art. 12 de la Charte est celui de la disproportion exagérée, étant donné qu’il vise les peines qui sont plus que simplement excessives. Il faut éviter de considérer que toute peine disproportionnée ou excessive est contraire à la Constitution et laisser au processus normal d’appel en matière de sentence la tâche d’examiner la justesse d’une peine. Il n’y aura violation de l’art. 12 que si, compte tenu de l’infraction et du contrevenant, la sentence est inappropriée au point d’être exagérément disproportionnée.

[56] En vérifiant si une peine est exagérément disproportionnée, la cour doit d’abord prendre en considération la gravité de l’infraction commise, les caractéristiques personnelles du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire afin de déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre ce dernier. […]

Au paragraphe 57 de cet arrêt, monsieur le juge Lamer explique que plusieurs raisons peuvent faire en sorte qu’une peine sera considérée comme exagérément disproportionnée. Il fournit des exemples de traitements ou peines qui ne satisferont jamais au critère de proportionnalité et qui, par conséquent, seront toujours considérés comme cruels et inusités.

[57] […] L’effet de la peine est souvent le produit de plusieurs facteurs et ne se limite pas à l’importance ou à la durée de cette peine, mais comprend sa nature et les circonstances dans lesquelles elle est imposée. C’est parfois en raison de sa seule longueur ou de sa nature même que la peine est exagérément disproportionnée à l’objectif poursuivi. Dans d’autres cas, c’est le résultat d’une combinaison de facteurs qui pris isolément n’engendreraient pas en soi une disproportion exagérée. À titre d’exemple, une peine de vingt années pour une première infraction contre la propriété serait exagérément disproportionnée, mais il en serait de même d’une peine de trois mois d’emprisonnement dans le cas où les autorités pénitentiaires décideraient qu’elle doit être purgée dans une cellule d’isolement. Enfin, je dois ajouter que certaines peines ou certains traitements seront toujours exagérément disproportionnés et incompatibles avec la dignité humaine: par exemple, l’imposition d’un châtiment corporel comme la peine du fouet, sans égard au nombre de coups de fouet imposé ou, à titre d’exemple de traitement, la lobotomie de certains criminels dangereux, ou la castration d’auteurs de crimes sexuels.

Dans la décision DjebliNote 39, soit un contrôle judiciaire d’une décision relative à l’examen des risques avant renvoi (ERAR), le demandeur a affirmé que les pénalités algériennes pour la désertion étaient exagérément disproportionnées compte tenu de la nature de l’infraction, et que l’agente d’ERAR aurait dû étudier si de telles peines d’emprisonnement constituaient une peine cruelle et inusitée. La Cour fédérale a fait observer que le demandeur n’avait pas entrepris l’analyse prescrite dans R. c. SmithNote 40 en ce qui concerne l’article 12 de la Charte. Plus précisément, la Cour a soutenu que le demandeur n’avait pas apporté de fondement à son argument selon lequel une peine d’emprisonnement pour désertion d’un navire est tellement impropre, eu égard à l’infraction et au délinquant, qu’elle est exagérément disproportionnée.

14.5.2. Conditions spécifiquement applicables à la menace et au risque visés à l’alinéa 97(1)b)

Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, la personne dont la vie est menacée ou qui serait personnellement exposée à des traitements cruels et inusités ne se verra pas nécessairement reconnaître la qualité de personne à protéger. Cela s’explique par les conditions énoncées aux sous-alinéas 97(1)b)(i) à (iv).

Cinq conditions sont formulées aux quatre sous-alinéas :

  • aucune protection de l’État ne doit être disponible pour le demandeur d’asile [97(1)b)(i)];
  • aucune PRI ne doit être disponible pour le demandeur d’asile [97(1)b)(ii)];
  • la menace ou le risque ne doit pas être « généralisé », c.-à-d. que d’autres personnes dans le pays du demandeur ou de ce pays ne doivent pas y être exposées de façon générale [97(1)(b)(ii)]
  • la menace ou le risque ne doit pas être inhérent ou occasionné par des sanctions légitimes, à moins qu’elles ne soient infligées au mépris des normes internationales [97(1)(b)(iii)],
  • la menace ou le risque ne doit pas résulter de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats [97(1)b)(iv)].

Les deux premières conditions – l’absence de la protection de l’État et d’une PRI – s’appliquent à toutes les demandes d’asile, et les principes juridiques applicables au paragraphe 97(1) sont les mêmes que ceux applicables à l’article 96. Un demandeur d’asile qui peut se prévaloir de la protection de l’État ou d’un PRI n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

Les trois dernières conditions ne sont pas applicables dans toutes les circonstances : leur prise en compte dépendra de la nature du dossier.

Ces trois conditions sont parfois respectivement appelées « exception du risque généralisé », « exception des sanctions légitimes » et « exception des soins médicaux ».

Parmi toutes les conditions, celle pour laquelle la jurisprudence est la plus abondante est la troisième condition, à savoir que d’autres personnes dans le pays du demandeur ou de ce pays ne doivent pas être exposées de façon générale à la menace ou au risque en question. Il est donc nécessaire de procéder à l’analyse de la nature exacte de la menace ou du risque, de la probabilité que le demandeur d’asile y soit exposé et, le cas échéant, de la question de savoir si d’autres personnes y sont exposées de façon générale. L’interprétation de cette condition a soulevé de nombreuses questions, lesquelles seront examinées en détail ci-après.

14.5.2.1. Première condition – Aucune protection de l’État

Que les demandes d’asile soient présentées au titre de l’article 96 ou du paragraphe 97(1), les principes pertinents aux fins de l’analyse de la protection de l’État sont les mêmes. La présomption relative à la protection de l’État peut être réfutée par la présentation d’une preuve claire et convaincante que l’État n’est pas disposé ou n’est pas en mesure de fournir une protection adéquate. À titre d’exemple, dans la décision PjetracajNote 41, où le demandeur d’asile albanais a affirmé que sa vie était menacée en raison d’une vendetta, la Cour fédérale a confirmé la décision de la SAR portant que M. Pjetracaj n’avait pas réussi à réfuter la présomption de la disponibilité d’une protection de l’État adéquate.

14.5.2.2. Deuxième condition – Aucune PRI

La Cour fédérale a reconnu, sans plus de commentaires explicites à cet égard, que le critère mis de l’avant par la CAF dans l’arrêt RasaratnamNote 42 pour analyser la PRI au titre de l’article 96 s’appliquait également au paragraphe 97(1). Ce critère repose sur un double questionnement : (1) le demandeur d’asile serait-il exposé à un risque à l’endroit offrant la PRI? et (2) est-il raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile déménage à cet endroit? Dans la décision Hamdan, la Cour a énoncé comme suit le premier volet du critère :

[11] Premièrement, dans le contexte de l’article 96 de la LIPR, la SPR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution pour le demandeur dans la région du pays où il existe une possibilité de refuge intérieur [renvoi omis]). Selon le critère correspondant dans le contexte de l’article 97, la SPR doit être convaincue que le demandeur ne sera pas exposé à un danger décrit à l’alinéa 97(1)a) ou à un risque décrit à l’alinéa 97(1)b)Note 43. [Non souligné dans l’original]

Par ailleurs, la Cour fédérale a affirmé que, si la SPR a conclu qu’il existe une PRI eu égard à l’article 96, cette conclusion s’applique également au paragraphe 97(1)Note 44. La raison derrière cette affirmation semble être que la nature du préjudice envisagé au paragraphe 97(1) (menace à sa vie, etc., par opposition à la persécution) est plus restreinte et que le critère juridique relatif au degré de risque de préjudice est plus rigoureux (la prépondérance des probabilités par opposition à une possibilité sérieuse). Par conséquent, l’analyse au titre de l’article 96 engloberait forcément une évaluation du risque éventuel envisagé au paragraphe 97(1).

Pour une discussion sur la question de la PRI dans le contexte des réfugiés au sens de la Convention, voir le chapitre 8.

14.5.2.3. Troisième condition – D’autres personnes ne sont généralement pas exposés à la menace ou au risque

En règle générale, cette condition entre en jeu lorsque le demandeur d’asile vient d’un pays où la criminalité est omniprésente.

14.5.2.3.1. ​Confusion causée par une formulation imprécise

Cette condition est à l’origine d’une vaste jurisprudence, principalement en raison de la fréquente substitution du libellé de la Loi​ par un libellé qui évacue la condition négative énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii) – « ne le sont généralement pas » – et qui la remplace par un adjectif tel que « personnel », « personnalisé », « particulierNote 45 » ou « individuel ». Ces interventions, qui ont pour objectif de simplifier la terminologie, ont conduit à une certaine confusion.

En parcourant la jurisprudence, il est parfois difficile de savoir précisément ce à quoi renvoient les mots « personnel » ou « personnalisé », ceux-ci n’étant pas employés de façon uniforme. Dans certains cas, le risque « personnel » ou « personnalisé » se reporte au risque prospectif auquel le demandeur d’asile serait « personnellement […] exposé », conformément aux mots introductifs du paragraphe 97(1)Note 46. Dans d’autres cas, un de ces mots ou un mot du même genre, tel que « particulier » ou « individuel », est employé pour décrire une menace ou un risque qui satisfait à la condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii) selon laquelle d’autres personnes n’y sont « généralement pas [exposées]Note 47 » – bref, il s’agit du contraire d’un risque généralisé. Le lecteur doit donc se fier au contexte pour établir le sens d’un libellé qui ne correspond pas à celui de la disposition de la LIPR.

Dans une décision rendue en 2011Note 48, M. le juge Zinn traite de la confusion qu’entraîne l’emploi de formulations imprécises :

La majorité des affaires dépendent de la question de savoir […] si d’autres personnes qui se trouvent dans le pays sont généralement exposées au même risque que le demandeur d’asile. J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que la SPR et la Cour restent malheureusement trop souvent vagues à cet égard. Je l’ai moi‑même fait. En particulier, un grand nombre de décisions indiquent ou laissent entendre qu’un risque généralisé n’est pas un risque personnel. Cela signifie habituellement que d’autres personnes sont généralement exposées au même risque que le demandeur d’asile et que ce dernier ne satisfait donc pas aux exigences de la Loi. Cela ne signifie pas que le demandeur d’asile ne court personnellement aucun risque. [Non souligné dans l’original]

14.5.2.3.2​. Deux éléments distincts et cumulatifs

La condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii) selon laquelle d’autres personnes ne doivent pas être généralement exposées à la menace ou au risque ne constitue pas une réitération de l’exigence énoncée au paragraphe 97(1) selon laquelle le demandeur d’asile y serait « personnellement […] exposé ». La présomption d’absence de tautologieNote 49 permet d’affirmer que le mot « personnellement » figurant dans les mots introductifs du paragraphe 97(1) ne reprend pas la condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii), à savoir qu’il ne doit pas s’agir d’une menace ou d’un risque auquel d’autres personnes sont « généralement [exposées] ». Les deux éléments ne sont pas pour autant mutuellement exclusifs. Dans la décision Prophète, Mme la juge Tremblay Lamer explique comment les deux éléments peuvent coexister :

[18] […] la Cour peut se trouver en présence d’un demandeur auquel on s’en est pris dans le passé, et auquel on pourra s’en prendre à l’avenir, mais dont la situation qui comporte un risque est similaire à celle d’une partie d’une population plus large. Ainsi, la Cour est en présence d’un individu qui peut être exposé à un risque personnalisé, mais un risque partagé avec de nombreux autres individusNote 50 [Non souligné dans l’original]

La CAF a implicitement appuyé l’avis de la juge Tremblay Lamer en rejetant l’appel de la décision Prophète et en faisant observer que l’existence des deux éléments distincts doit être démontrée :

[3] Pour se voir reconnaître la qualité de personne à protéger, l’appelant devait démontrer à la Commission, selon la prépondérance des probabilités, que son renvoi à Haïti l’exposerait personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pasNote 51 [italiques ajoutés – par la CAF]

M. le juge Crampton, dans la décision Paz Guifarro, a clairement énoncé la nécessité d’établir l’existence des deux éléments cumulatifs :

[32] Étant donné que les deux éléments visés au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) doivent être conjugués, la personne qui demande l’asile en vertu de l’article 97 doit démontrer non seulement l’existence probable d’un risque personnalisé visé à cet article, mais également qu’il s’agit d’un risque auquel « d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne […] sont généralement pas [exposées]​ »Note 52.

Un passage fréquemment cité de la décision PortilloNote 53 donne à entendre que les deux éléments ne sont pas cumulatifs et qu’ils sont mutuellement exclusifs. La SPR, employant le libellé du paragraphe 97(1), avait reconnu que le demandeur d’asile avait été « personnellement exposé à une menace à sa vie », mais a ensuite rejeté la demande d’asile au motif que le risque était généralisé. Mme la juge Gleason a reformulé comme suit la conclusion de la SPR : « la SPR a jugé que les menaces de mort dont faisait l’objet le demandeur constituaient un risque unique et personnalisé, mais que ce risque était généralisé au sens du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR. » La juge Gleason a poursuivi en affirmant que l’interprétation de la SPR était à la fois incorrecte et déraisonnable :

Les deux affirmations que la Commission fait sont tout simplement incompatibles : si une personne est exposée à une menace personnelle à sa vie ou au risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités, ce risque n’est plus un risque généralNote 54.

Il n’est pas clair si la « menace personnelle » dont il est fait mention dans ce passage se rapporte à la conclusion de la SPR reprenant le libellé du paragraphe 97(1) ou aux « menaces de mort [constituant] un risque unique et personnalisé » auxquelles renvoie la version de cette conclusion reformulée par la juge Gleason. Bien que l’énoncé soit repris par différents juges dans différentes affaires qui ont suivi, le raisonnement dans ces affaires montre qu’il existe diverses façons d’aborder l’analyse de ce qui constitue ou ne constitue pas une menace ou un risque personnel. Certaines affaires laissent supposer que le risque cesse d’être général et devient personnel quand la personne est précisément prise pour cibleNote 55. La situation d’une personne précisément prise pour cible est examinée à 14.5.2.3.6, plus bas. Certaines autres affaires remettent en cause un ancien courant jurisprudentiel qui s’appuyait sur le raisonnement du « préjudice consécutif », selon lequel un risque considéré à l’origine comme généralisé ne peut pas plus tard être considéré comme un risque personnel, en dépit de l’intensification des menaces et des représaillesNote 56. Ce mode de raisonnement, aujourd’hui discrédité, fait l’objet d’une discussion à 14.5.2.3.7, plus bas.

Il importe de souligner que plusieurs des affaires qui évoquent la déclaration de la juge Gleason citent et épousent également les propos des paragraphes 40–41, où elle énonce une analyse en deux étapes qui incorpore les éléments cumulatifs :

[40] À mon avis, le point de départ essentiel de l’analyse relative à l’article 97 de la LIPR consiste à définir correctement la nature du risque auquel le demandeur est exposé. Pour ce faire, il faut déterminer si le demandeur est exposé à un risque persistant ou à venir (c.‑à‑d. s’il continue à être exposé à un « risque personnalisé »), quel est le risque en question et s’il consiste à être exposé à des traitements ou à des peines cruels et inusités et, enfin, le fondement de ce risque. (…)

[41] L’étape suivante à franchir dans le cadre de l’analyse prévue à l’article 97 de la LIPR, une fois que le risque a été correctement qualifié, consiste à comparer le risque qui a été correctement décrit et auquel le demandeur d’asile est exposé, avec celui auquel est exposée une partie importante de la population de son pays pour déterminer si ces risques sont similaires de par leur nature et leur gravité. Si le risque qu’il court est différent, le demandeur d’asile a alors le droit de se réclamer de la protection de l’article 97 de la LIPR (….)Note 57

Il s’agit clairement d’une analyse cumulativeNote 58. La juge Gleason utilise le mot « personnalisé » et non « personnel » à la première étape pour qualifier le risque persistant ou à venir auquel le demandeur d’asile serait personnellement exposé. Ensuite, à la seconde étape, ce risque personnalisé, qui a été correctement décrit, est comparé avec le risque auquel d’autres personnes sont généralement exposées. L’analyse énoncée par la juge Gleason est un solide indicateur que, lorsqu’elle a déclaré qu’une menace « personnelle » ne pouvait pas aussi être un risque général, elle faisait allusion à un risque correctement qualifié et non pas au fait, pour le demandeur d’asile, d’être ou non « personnellement exposé » à un risque qui était généralisé.

14.5.2.3.3. Évaluation du risque prospectif avant l’examen des conditions

Dans la décision GuerreroNote 59, M. le juge Zinn établit la séquence de l’évaluation du risque auquel d’autres personnes sont généralement exposées suivant l’alinéa 97(1)b) :

Il est important qu’un décideur conclue qu’un demandeur d’asile est personnellement exposé à un risque parce que, si aucun risque personnel n’existe, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse de la demande; il n’existe tout simplement aucun risque. Ce n’est qu’après avoir conclu que le demandeur d’asile est personnellement exposé à un risque que le décideur doit déterminer si la population est généralement exposée au même risque. [Non souligné dans l’original]

Il ressort clairement du contexte que l’expression « risque personnel » renvoie au risque auquel le demandeur d’asile serait personnellement exposé. Il est indispensable d’établir que le risque prospectif auquel le demandeur d’asile serait personnellement exposé existe avant de se pencher sur l’applicabilité des conditions.

Mme la juge Gleason, tout d’abord dans la décision Portillo puis de nouveau dans la décision Ortega Arenas, énonce la même séquence d’analyse : il faut d’abord établir si le demandeur d’asile est personnellement exposé à un risque prospectif suivant l’alinéa 97(1)b) avant d’établir si d’autres personnes sont généralement exposées à ce même risque :

[9] Comme je l’ai soutenu dans la décision Portillo, une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR doit être effectuée. Premièrement, la SPR doit décrire correctement la nature du risque auquel est exposé l’intéressé. Cela exige de la Commission qu’elle considère s’il y a un risque permanent éventuel et, dans l’affirmative, si le risque équivaut à un traitement ou une peine cruel ou inusité. Surtout, la Commission doit déterminer ce qu’est précisément le risque. Une fois cela fait, la SPR doit ensuite comparer le risque auquel est exposé l’intéressé à celui auquel est exposé un groupe significatif de personnes originaires du même pays pour déterminer si les risques sont de même nature et du même degréNote 60. [Non souligné dans l’original]

Dans la décision Komaromi, la SPR a suivi cette séquence dans son analyse. Elle a d’abord décidé si les éléments de preuve démontraient que le demandeur d’asile serait exposé à un risque personnel prospectif. La SPR a rejeté la prétention selon laquelle l’agent de préjudice qui avait menacé la vie du demandeur d’asile et de sa famille s’intéressait encore aux demandeurs d’asile. Au moment de l’audience, plusieurs années s’étaient écoulées depuis que M. Komaromi avait quitté la Hongrie. Le dernier contact de l’agent de préjudice ou de son groupe avec M. Komaromi ou les membres de sa famille remontait aussi à plusieurs années, bien que l’agent de préjudice ou son groupe aient su où ceux-ci vivaient. La Cour a soutenu que la demande d’asile avait échoué à la « première étape de l’analyse fondée sur le cadre de l’arrêt Portillo » puisque les demandeurs n’avaient « pas établi l’existence d’un risque permanent prospectif en particulierNote 61. »

Toutefois, le temps écoulé ne permet pas nécessairement d’écarter l’existence d’un risque persistant ou à venir. Dans la décision Callender, Mme la juge Elliott n’a pas souscrit à la conclusion de la SPR portant que le demandeur d’asile n’était exposé à aucun risque parce qu’il était invraisemblable que l’auteur d’un meurtre pourchasse le demandeur d’asile plus de 13 ans après que celui-ci a été témoin du meurtre. Elle a écrit : « Il est loin d’être évident que le fait qu’un témoin oculaire du crime d’un meurtrier soit en vie et revienne dans son pays d’origine ne soulèverait pas l’intérêt ou l’inquiétude du meurtrierNote 62. »

14.5.2.3.4. Examen personnalisé

L’affaire Prophète est la seule affaire invoquant le sous-alinéa 97(1)b)(ii) à avoir été portée devant la CAF. Dans cette affaire, la Cour a refusé de répondre à la question certifiée dans un vide factuel, au motif que chaque demande d’asile nécessitait un examen personnalisé fondé sur les preuves présentées par le demandeur d’asile dans le contexte des risques actuels et prospectifsNote 63.

Comme en font foi les décisions mentionnées précédemment et bon nombre d’autres, avant de procéder à l’analyse en deux étapes, le risque doit être correctement défini. La qualification erronée du risque est à l’origine de l’annulation de nombreuses décisions de la SPR. Un examen personnalisé des circonstances personnelles du demandeur d’asile est indispensable pour définir correctement la menace ou le risque auquel le demandeur d’asile serait exposé s’il retournait dans son pays afin qu’il soit ensuite possible de comparer cette menace ou ce risque avec ceux auxquels seraient généralement exposées d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent.

Mme la juge Gagné a souligné l’importance de tenir compte des éléments de preuve relatifs aux circonstances particulières du demandeur d’asile :

[14] La véritable question à laquelle doit répondre la SPR est donc de déterminer si, dans le contexte des risques actuels ou prospectifs allégués, les demandeurs ont apporté la preuve de circonstances qui leur sont particulières et qui peuvent rendre leur risque différent de celui auquel est exposé l’ensemble de la population de leur pays en raison de l’omniprésence des gangsNote 64.

L’omission de tenir compte des éléments de preuve relatifs aux circonstances particulières du demandeur d’asile est une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Ceci peut se produire de différentes façons et quelques-unes de celles-ci sont examinées dans la présente section. Le fait de ne pas procéder à un examen personnalisé peut entraîner une erreur, peu importe l’angle sous lequel l’affaire est analysée – les activités criminelles, le fait d’avoir été personnellement pris pour cible ou la nature du risque. Des affaires traitant de chacune de ces catégories sont examinées plus en détail dans les sous-sections qui suivent.

Dans GuerreroNote 65, M. le juge Zinn estime que la SPR a errée en qualifiant le risque auquel le demandeur d’asile était exposé en ne tenant pas compte des éléments de preuve pertinents. La commissaire n’a pas pris en compte la menace à la vie du demandeur d’asile en dépit du fait que la grand-mère de celui-ci avait été tuée par les membres d’un gang qui ont tiré sur la maison où il vivait et en dépit d’éléments de preuve établissant que le gang avait mis la tête du demandeur d’asile à prix :

[29] […] Dans l’affaire qui nous concerne, la décideuse s’est contentée de dire, au sujet du risque auquel le demandeur était exposé : « [L]e préjudice craint par le demandeur d’asile, c’est‑à‑dire la criminalité (recrutement pour faire passer de la drogue) […] » Or, il ne s’agit pas du risque auquel le demandeur était exposé […]. Tout au plus, le risque décrit fait partie du fondement de la menace à la vie du demandeur. Or, il ne faut pas, pour effectuer correctement l’examen personnalisé de la demande qui est exigé par l’article 97, amalgamer ce fondement et le risque lui‑même. [Non souligné dans l’original]

De même, dans la décision Aguilar, où la Commission a estimé que la vie du demandeur d’asile avait été menacée parce qu’il avait résisté au recrutement par les Maras, Mme la juge Strickland a conclu que la Commission avait omis de tenir compte d’éléments de preuve importants :

[40] La Commission […] n’avait aucune raison de douter du témoignage du demandeur. La preuve établissait que les Maras avaient abordé le demandeur, un jeune homme, et lui avaient demandé de l’argent, puis qu’ils avaient tenté de le recruter. Elle établissait en outre que, plus tard, il y avait eu une bagarre et que la réaction des Maras avait été de jurer qu’ils se vengeraient de la blessure que le demandeur avait infligée à l’un d’eux.

[41] Par conséquent, j’estime que la Commission a mal interprété ou apprécié le témoignage du demandeur concernant la bataille, qu’elle a minimisé l’incident lui‑même en le réduisant à un lancer de roche et qu’elle a fait abstraction de la preuve établissant que sa vie était menacée en raison de la blessure qu’il avait infligée à un Maras pendant la bagarre. En omettant d’apprécier et d’analyser cet élément de preuve important et la modification qu’il opérait sur la nature de la menace pesant sur la vie du demandeur, la Commission a tiré, sans égard à la preuve, une conclusion de fait erronée qui a ensuite fondé une conclusion déraisonnable relativement au risque personnalisé auquel le demandeur était exposé […]Note 66.

Mme la juge Mactavish décrit un autre type d’erreur dans la décision TomlinsonNote 67. Cette affaire est importante, car elle met en lumière la nécessité, lors de l’examen personnalisé, de tenir compte non seulement de la nature du risque, mais aussi de son degré.

[18] La Commission s'est également trompée en disant que l'important était de savoir si le risque auquel était exposé M. Tomlinson était ou non « un type de risque auquel sont généralement exposées d'autres personnes en Jamaïque […] ». Il ne s'agissait pas simplement de déterminer à quel type de risque il était exposé, mais aussi à quel niveau de risque il était exposé. […] [Non souligné dans l'original]

Dans Balcorta OlveraNote 68, M. le juge Shore donne un exemple fréquemment évoqué pour illustrer ce qui s’entend par degré, parfois aussi appelé la « proximité » du risque : « Les risques que courent les personnes qui vivent dans le même voisinage que l’homme armé ne peuvent être considérés comme étant les mêmes que ceux que courent les personnes qui se tiennent directement devant lui. »

Toutefois, la notion du degré ou de la proximité ne se limite pas à la proximité physique : il peut s'agir d'une notion liée au temps. Ainsi, s'agissant du risque en fonction de sa proximité dans le temps, Mme la juge Gleason a écrit : « À cet égard, il y a une différence fondamentale entre le fait d'être exposé au risque d'être tué et celui d'être éventuellement ciblé. » Elle a conclu qu'il était à la fois incorrect et déraisonnable d'amalgamer le risque réel auquel sont exposés les demandeurs d'asile avec le risque potentiel auquel sont généralement exposées d'autres personnes dans leur paysNote 69.

14.5.2.3.5. Risque découlant d’activités criminelles

Ainsi que l’a fait observer M. le juge Zinn dans la décision Mendoza, « [e]n ce qui a trait à l’examen du risque, la question n’est pas de savoir si le risque équivaut à être victime d’un crimeNote 70. » Comme l’ont fait valoir nombre de juges, la thèse selon laquelle tout risque découlant d’activités criminelles constitue un risque auquel les personnes sont « généralement » exposées voudrait dire que pratiquement aucun demandeur d’asile issu d’un pays où règne la criminalité ne serait en mesure de respecter les exigences de l’alinéa 97(1)b) et de se voir accorder l’asile pour ce motifNote 71 Ceci est important puisque la plupart des affaires où le risque généralisé est susceptible d’être une question déterminante concernent des personnes provenant de pays où la criminalité est omniprésente.

Dans la décision Correa, M. le juge Russell explique que la Cour d’appel doit se garder de restreindre ou d’élargir indûment l’interprétation de l’alinéa 97(1)b). En effet, pour les demandeurs d’asile provenant de pays où il y a beaucoup de criminalité, si le risque était défini comme étant la « criminalité », la condition rendrait l’obtention de l’asile au titre du paragraphe 97(1)b) essentiellement irréalisable. À l’inverse, si toute personne exposée à un risque prospectif en raison des activités de criminels se voyait reconnaître la qualité de personne à protéger, la condition serait vide de sens :

[50] À mon avis, il y a lieu d’examiner attentivement la raison pour laquelle la Cour d’appel a refusé de répondre à la question certifiée : elle craignait que cela ait pour effet dans les circonstances de restreindre ou d’élargir indûment la portée du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) en ce qui concerne les victimes des gangs criminels. J’estime donc qu’il est nécessaire d’éviter les deux extrêmes lorsqu’on interprète cette disposition. À l’une des extrémités du spectre, on priverait toutes les victimes de gangs criminels de la protection prévue à l’alinéa 97(1)b). À l’autre extrémité, on interpréterait cette disposition de façon tellement large que pratiquement tous ceux qui seraient exposés à un risque personnel véritable en rapport avec les gangs en question pourraient bénéficier de cette protection. Cette dernière hypothèse s’accorde probablement davantage avec les obligations internationales du Canada en matière de protection des droits de la personne, mais, à mon avis, on ne peut la concilier avec le libellé de l’alinéa 97(1)b)Note 72.

Ainsi qu’il en est fait mention dans la décision Vivero, un examen personnalisé s’impose lorsqu’il s’agit de rendre une décision au titre de l’alinéa 97(1)b) :

[25] […] Le fait que le risque auquel un demandeur est exposé découle d’activités criminelles ne signifie pas en soi qu’il concerne généralement les autres personnes qui se trouvent dans ce pays. Il faut plutôt apprécier chaque affaire selon ses propres faits pour savoir si les exigences de l’article 97 sont remplies, car certains risques liés à des activités criminelles constituent des risques généraux, et d’autres nonNote 73.

Il est instructif de comparer les décisions rendues à une journée d’intervalle par le même juge, M. le juge Rennie, dans deux affaires distinctes. Dans les deux dossiers, les demandeurs d’asile avaient subi de l’extorsion et des menaces de mort de la part de gangs et, dans les deux cas, la Commission a conclu que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque auquel n’étaient généralement pas exposées d’autres personnes dans leur pays respectif.

Dans la décision Vivero, la Cour a confirmé la décision de la Commission de rejeter la demande d’asile, estimant que la Commission n’avait pas commis d’erreur dans son analyse ou sa conclusion selon laquelle les demandeurs d’asile n’avaient pas réussi à établir qu’ils seraient exposés à un risque prospectif, si ce n’est celui auquel étaient généralement exposées d’autres personnes :

[26] En l’espèce, la Commission a conclu, après s’être livrée à une enquête individualisée, que le risque prospectif touchant les demandeurs ne serait pas plus important que le risque général couru par d’autres personnes au Mexique. La Commission a fondé cette conclusion sur le fait que les Zetas avaient, semble-t-il, cessé de rechercher le demandeur, et qu’ils ne représentaient donc pas une menace continue.

[27] Comme elle n’a pas accepté la preuve selon laquelle les Zetas continueraient à poursuivre le demandeur, la Commission a conclu que le risque futur auquel s’exposent les demandeurs n’était pas supérieur au risque général de violence découlant d’activités criminelles auquel était exposé l’ensemble des Mexicains. Ces conclusions se rapportaient spécifiquement à la situation des demandeurs, et il était raisonnablement loisible à la Commission d’y parvenir. Par conséquent, la Cour n’a aucune raison d’intervenirNote 74.

Fait intéressant, la Cour insiste sur le fait que l’issue de la décision pourrait être différente pour d’autres victimes de la violence des gangs au Mexique selon les circonstances, ce qui rappelle l’importance de procéder à un examen personnalisé :

[30] En l’espèce, la décision de la Commission peut être confirmée, mais pas parce que les citoyens du Mexique sont exposés à un risque général de violence lié aux activités criminelles – une demande d’asile au titre de l’article 97 pourrait aboutir sur la base d’un risque découlant de la violence des gangs au Mexique, suivant les circonstances. Cependant, en l’espèce, la situation des demandeurs a été prise en compte, et la Commission a raisonnablement conclu qu’ils ne s’exposaient à aucun risque autre que celui qui concerne d’autres personnes au MexiqueNote 75.

Dans la décision Lovato, rendue le lendemain, le juge Renn a réitéré les principes fondamentaux régissant l’interprétation du sous-alinéa 97(1)b)(ii), notamment qu’un « examen personnalisé doit être effectué dans chaque cas et le fait que le risque auquel un demandeur est exposé découle d’activités criminelles n’écarte pas en soi la possibilité que la protection prévue à l’article 97 soit accordéeNote 76. » Il a conclu que, bien que la Commission ait affirmé avoir procédé à un examen personnalisé, elle ne l’avait pas fait adéquatement, ayant à tort mis l’accent sur les raisons pour lesquelles le demandeur d’asile avait été pris pour cible. La Commission a conclu que ces raisons étaient identiques à ceux pour lesquels la MS cible n’importe quel membre de la population. La Cour a affirmé qu’il aurait plutôt fallu mettre l’accent sur « la preuve que la MS visait le demandeur dans une mesure plus importanteNote 77 ». [Non souligné dans l’original]

14.5.2.3.6. Le fait d’être « spécifiquement » ou « personnellement » ciblé

Il ressort clairement de la jurisprudence que les victimes de crimes aléatoires n’ont pas qualité de personne à protégerNote 78. Alors qu’un demandeur d’asile qui a été ciblé personnellement par un adversaire connu de lui cesse d’être une victime de menaces ou d’actes d’extorsion « aléatoires »Note 79, la jurisprudence n’établit pas clairement si un risque peut toujours être estimé généralisé une fois qu’une personne a été précisément ou personnellement cibléeNote 80.

En avril 2007, deux ans avant l’arrêt Prophète, où la CAF a souligné l’importance d’un examen personnalisé, M. le juge de Montigny a annulé la décision de la SPR dans l’affaire Martinez Pineda au motif que la SPR avait omis de tenir compte des éléments de preuve selon lesquels le demandeur d’asile, qui avait fait l’objet de menaces et d’agressions après avoir était précisément ciblé par des membres du gang Maras Salvatruchas (le MS), qui cherchaient à le recruter, « est exposé à un risque supérieur à celui auquel est exposée la population en généralNote 81. »

Peu après la confirmation de la décision Prophète par la CAF, Mme la juge Gauthier a rendu sa décision dans l’affaire Acosta. Elle a explicitement renvoyé à l’arrêt Prophète quand elle a comparé le risque auquel était exposée une personne chargée de la perception des billets d’autobus au Honduras avec celui auquel étaient exposés de riches hommes d’affaires en Haïti :

Il n’est pas plus déraisonnable de conclure qu’un groupe particulier, que ce soit les personnes chargées de la perception du prix des billets d’autobus ou d’autres victimes d’extorsion qui ne payent pas, est exposé à de la violence généralisée que de tirer la même conclusion à l’égard des riches hommes d’affaires en Haïti qui, selon ce qu’on a clairement conclu, sont exposés à un risque plus important de violence que celle qui sévit dans ce paysNote 82.

Les affaires Martinez Pineda et Acosta ont fini par devenir les décisions faisant autorité, reflétant ce qui est largement considéré comme deux courants jurisprudentiels divergents. M. le juge Shore résume ainsi la distinction fondamentale entre les deux écoles de pensée :

[37] Cependant, la jurisprudence est moins établie quant à la question de savoir si une personne personnellement ciblée par un gang criminel est exposée à un risque généralisé. Une tendance de la jurisprudence considère qu’un demandeur qui a été expressément ciblé est confronté à un risque général si la plupart de ses concitoyens (ou un sous‑groupe auquel ces concitoyens appartiennent) sont confrontés à ce même risque (décision Acosta, précitée). L’autre tendance veut qu’il soit déraisonnable d’accepter qu’un demandeur a été expressément ciblé et de conclure néanmoins que le risque n’est pas personnel au motif qu’il est répandu dans son pays (décision Pineda, précitée)Note 83.

Les juges n’ont pas tous souscrit au point de vue selon lequel il existait deux façons d’aborder les affaires où des personnes sont prises personnellement pour cibles. Certains ont expliqué les issues différentes d’affaires apparemment similaires en évoquant l’existence de faits propres à chaque affaire. Dans la décision ViveroNote 84, M. le juge Rennie a clairement exprimé l’avis qu’il n’y avait pas divergence : « les différentes issues des affaires ayant trait à l’article 97 résultent de la nécessité de procéder à un examen personnalisé dans chaque cas. » Deux mois plus tard, M. le juge Mosley a refusé de certifier une question dans une affaire en affirmant que la « divergence, si elle existe » découlait de la variation des circonstances propres à chaque affaireNote 85.

En 2014, M. le juge Russell a réalisé une analyse approfondie de la jurisprudence et est arrivé à la même conclusion à propos des situations où une personne est prise personnellement pour cible que celle à laquelle il était arrivé dans une décision antérieureNote 86 :

[45] À mon avis, les différences entre ces deux courants jurisprudentiels s’expliquent par des faits différents et le recours à des méthodes différentes pour interpréter et appliquer le libellé du sous‑alinéa 97(1)b)(ii). Je suis d’accord avec la juge Gleason pour dire que la question de savoir si une personne a ou non été prise personnellement pour cible a joué un rôle important, voire décisif, dans de nombreuses affaires, mais il existe néanmoins d’autres décisions dans lesquelles la Cour a confirmé le refus de la demande d’asile malgré la conclusion que l’intéressé avait été pris personnellement pour cible ou qu’il existait des circonstances le démontrant clairement. […]

[46] Bien qu’un consensus ne se soit pas encore dégagé, j’estime que, suivant la jurisprudence dominante de notre Cour, le fait d’avoir personnellement été pris pour cible permet, du moins dans de nombreux cas, de dégager l’existence d’un risque individualisé plutôt qu’un risque généralisé, donnant lieu à la protection prévue à l’alinéa 97(1)b). Étant donné que « pris personnellement pour cible » est une notion qui demeure imprécise et que chaque cas est un cas d’espèce, il est encore possible que « dans certains cas, il y [ait] lieu d’accorder une protection lorsque quelqu’un est pris pour cible, dans d’autres, non » (Rodriguez, 2012 CF 11, para 105, citée avec approbation dans la décision Arvevalo Pineda, 2012 CF 493.) […]Note 87

En somme, bien que le fait d’être personnellement ou généralement pris pour cible justifie fréquemment l’octroi de la protection prévue à l’article 97, ce n’est pas toujours le cas. En ce qui a trait au fait d’être précisément et personnellement pris pour cible, M. le juge Zinn a écrit, dans la décision Guerrero :

[34] […] ce qui ne veut pas dire que les personnes qui sont exposées au même risque ou à un risque plus grand de violence aveugle commise par des gangs que d’autres personnes ont droit à la protection. Cependant, lorsqu’une personne risque expressément et personnellement d’être tuée par un gang dans des circonstances où d’autres personnes ne sont généralement pas exposées à ce risque, elle a droit à la protection de l’article 97 de la Loi si les autres exigences légales sont rempliesNote 88. [Non souligné dans l’original]

Il importe de faire ressortir la précision « si les autres exigences légales sont remplies », ce qui signifie que le fait d’être précisément et personnellement pris pour cible n’est pas suffisant : une analyse en deux volets s’impose toujours. La mention « dans des circonstances où d’autres personnes ne sont généralement pas exposées à ce risque » dénote la nécessité de procéder à un examen personnalisé dans le cadre de l’analyse.

S’agissant du risque prospectif personnel au titre de l’alinéa 97(1)b), le fait d’avoir été pris pour cible dans le passé peut constituer un indicateur de la probabilité d’un risque à venir, mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi que la Cour l’a affirmé dans la décision Flores, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile établisse qu’il a été pris pour cible dans son pays, il doit aussi faire la preuve qu’il court le risque de l’être de nouveau s’il retourne dans son pays. Autrement dit, il doit démontrer l’existence d’un risque prospectifNote 89 conformément au paragraphe 97(1).

Le risque prospectif précisément défini auquel le demandeur d’asile est exposé doit ensuite être comparé avec le risque auquel sont généralement exposées les personnes originaires du pays ou qui s’y trouvent. Même les victimes qui sont connues de l’agent de préjudice et qui sont spécifiquement pourchassées par lui peuvent être exposées à un risque dont la nature ou le degré sont identiques au risque auquel sont généralement exposées d’autres personnes. Cet aspect doit être évalué à la lumière du contexte et des circonstances propres à chaque demandeur d’asile, cela afin d’établir si la condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii) est remplie.

Bien que le fait d’être pris personnellement pour cible ne soit pas déterminant lorsqu’il s’agit d’établir si le risque est généralisé, il s’agit néanmoins d’un facteur pertinent à prendre en considération. Dans la décision Tomlinson, Mme la juge MacTavish s’est inscrite en faux contre la conclusion de la Commission selon laquelle « le fait que le demandeur d’asile a été précisément et personnellement ciblé par le gang n’est pas pertinent pour établir si le risque auquel il est exposé en raison du gang est ou non généralisé », en affirmant que :

[17] Le fait que le gang ait précisément et personnellement ciblé M. Tomlinson n’était manifestement pas hors de propos pour établir si le risque auquel celui‑ci était exposé était un risque personnalisé ou généralisé. En fait, c’est précisément le type de facteur dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle procède à l’examen individualisé prescrit par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Prophète. La Commission a donc commis une erreur en ne tenant pas dûment compte de ce fait important dans son analyse fondée sur l’article 97Note 90. [Non souligné dans l’original]

Un autre aspect dont il est fait mention dans plusieurs affaires est l’importance que revêtent les raisons pour lesquelles une personne est prise pour cible. Dans la décision Correa, le juge Russell explique que les raisons peuvent être reliées aux caractéristiques de la personne ciblée ou à la motivation de l’auteur de la violence à cibler la personne. Quelle que soit la raison pour laquelle une personne est prise pour cible, il est indispensable d’évaluer le risque actuel et prospectif :

[56] […] Une personne peut, au départ, avoir été prise pour cible et avoir fait l’objet d’une tentative d’extorsion parce qu’elle est une commerçante, mais cela n’a rien à voir avec le risque auquel elle est actuellement exposée ou auquel elle sera exposée à l’avenir, sauf dans la mesure où ce facteur aide à déterminer la nature et l’étendue des menaces d’un point de vue objectif. Il importe peu de connaître les caractéristiques personnelles de la victime qui ont incité les auteurs des menaces à la cibler (p. ex. son jeune âge, le fait qu’elle soit présumée riche ou le fait qu’elle soit propriétaire d’un commerce) ou ce qui motive l’auteur des actes de violence à cibler une personne au départ (p. ex. accroître sa richesse en extorquant de l’argent ou en forçant des gens à passer de la drogue pour eux).

[57] L’analyse relative à l’article 97 est à la fois objective et prospective. Nous ne devrions pas essayer de savoir ce que l’auteur des actes de violence avait à l’esprit sauf dans la mesure où cela peut faciliter l’analyse. Ce facteur peut avoir une certaine utilité : ainsi, si une bande criminelle tue systématiquement ceux qui les dénoncent à la police, cela servira à établir dans le cadre de l’analyse du risque qu’il s’agit là de la « raison » pour laquelle la bande en question cible présentement le demandeurNote 91.

Dans la décision Komaromi, M. le juge Norris met en garde contre le risque de confondre la raison pour laquelle une personne est prise pour cible avec le risque lui même :

[26]  […] Dans Correa, comme dans d’autres décisions se rapportant à l’article 97, l’erreur susceptible de contrôle tenait au fait que la SPR avait confondu les raisons pour lesquelles le demandeur avait été pris pour cible avec le risque lui-même (paragraphes 93 et 94). Si nous prenons ainsi l’exemple d’un homme d’affaires victime d’extorsion, il serait erroné de la part de la SPR de conclure à l’existence d’un risque généralisé, étant donné que les gens d’affaires sont généralement la cible d’extorsion, sans tenir compte de la façon particulière dont le demandeur d’asile avait été pris pour cible et sans se demander s’il était de ce fait personnellement exposé à un risque permanent éventuel, comparativement aux autresNote 92. [Non souligné dans l’original]

Les affaires qui donnent lieu à un risque de confondre les raisons pour lesquelles une personne a été prise pour cible avec le risque lui-même renvoient habituellement à la motivation de criminels qui ciblent des personnes pour gagner de l’argent ou pour les recruterNote 93. Et, bien que dans certains pays le risque d’extorsion ou de tentative de recrutement puisse être généralisé, une analyse minutieuse des éléments de preuve du demandeur d’asile pourrait révéler qu’il ne s’agit pas là du risque à l’égard duquel le plaignant cherche à obtenir une protection. Comme il en est question dans la prochaine section, la nature du risque est susceptible de changer.

Lorsque la raison pour laquelle une personne a été prise pour cible est reliée à ses caractéristiques personnelles, il s’agira alors probablement d’un facteur pertinent à prendre en compte dans le cadre de l’examen personnalisé du risque auquel celle-ci est exposée. Par exemple, dans la décision Ponce Uribe, la raison pour laquelle les frères Ponce Uribe ont été pris pour cibles était qu’ils exploitaient un commerce dans un endroit qui répondait aux besoins précis de trafic de drogue du gang Los Zetas. Le risque auquel ils étaient exposés s’ils refusaient de permettre à Los Zetas d’utiliser leurs installations était le meurtre des membres de leur famille. M. le juge Harrington a estimé que la conclusion de la SPR selon laquelle leur risque était généralisé était déraisonnable en raison de l’analyse inadéquate de la situation personnelle des frères Ponce Uribes : « Il ne s’agit pas ici simplement d’un cas où les frères Ponce Uribe étaient ciblés parce qu’ils avaient un commerce. Ils étaient ciblés parce qu’ils exploitaient un commerce particulier [….]Note 94.

Dans la décision Barrios Pineda, Mme la juge Snider a établi une distinction entre la situation d’un médecin qui était perçu comme quelqu’un qui avait dénoncé un membre du gang MS 18 et celle des victimes de gangs qui ne sont pas ciblées pour des raisons qui leurs sont propres :

[13] Dans pratiquement toutes les affaires citées par le défendeur, les demandeurs n’étaient pas ciblés personnellement. Les gangs connaissaient peut-être leurs noms, des renseignements personnels à leur sujet, et les avaient peut-être menacés ou agressés à un certain nombre de reprises, la nature de la menace n’en demeurait pas moins généralisée. Le gang aurait pu s’en prendre à quiconque avait selon lui une certaine fortune, ou à tout jeune susceptible d’être recruté comme membre. Pour les membres du gang, ces personnes étaient essentiellement un moyen pour atteindre une fin. Que la personne A ou la personne B ait donné l’argent que le gang cherchait, je doute que cela ait eu de l’importance, même si les deux parties avaient personnellement reçu des menaces. Dans le même ordre d’idées, je doute que cela change quelque chose si c’est la personne C ou la personne D qui adhère à la cause, pourvu que l’effectif du gang continue d'augmenter. Dans la présente espèce, La situation est fondamentalement différente. Le demandeur a dit à la Commission qu’il était exposé à un risque parce qu’il était perçu comme quelqu’un qui avait dénoncé un membre du gangNote 95. [Non souligné dans l’original]

Bien que la raison pour laquelle une personne est prise pour cible puisse constituer un facteur dans l’examen personnalisé, le risque actuel et prospectif est l’aspect qui doit être précisément défini et évalué, conformément aux principes exposés ci-dessous.

14.5.2.3.7. La nature du risque peut changer

Il est essentiel de ne pas perdre de vue que le risque précis qu’il faut définir et ensuite comparer avec le risque auquel sont généralement exposées d’autres personnes est le risque prospectif auquel le demandeur d’asile serait personnellement exposé. La nature du risque auquel fait face le demandeur d’asile peut changer et, de fait, il n’est pas rare que soit le cas.

Dans les pays où la criminalité est monnaie courante, les risques que court initialement un demandeur d’asile, par exemple l’extorsion, peuvent souvent être qualifiés de risque auquel d’autres sont généralement exposés. Toutefois, quand les menaces et la violence s’intensifient en raison de la réticence du demandeur d’asile à se plier aux demandes, c’est le nouveau risque que court le demandeur d’asile (souvent celui d’être tué) qu’il faut évaluer.

Jadis, dans certaines affaires, la mise à exécution de menaces et les représailles découlant du fait de ne pas se soumettre aux demandes étaient qualifiées de « préjudice consécutif » ou de « risque résultantNote 96 », le raisonnement étant qu’un risque découlant de risques généralisés, tels que l’extorsion ou le recrutement forcé, fasse partie intégrante du risque généralisé initial.

Par exemple, sur la question des représailles entraînées par le signalement d’actes d’extorsion à la police, M. le juge Rennie a déclaré, dans la décision Flores Romero :

[18] L’avocate du demandeur fait preuve de créativité et soutient que le fait que le demandeur ait tenté d’échapper à l’extorsion en faisant appel à la police lui confère un caractère unique, ou le rend membre d’un sous-groupe unique ou distinct de la population générale, ce qui lui rend applicable le sous-alinéa 97(1)b)(ii). À mon avis, on ne peut analyser le risque ou la menace de représailles séparément de la demande de paiement. La demande de paiement et la menace implicite ou explicite de représailles en cas de refus constituent l’acte criminel. Le fait que la menace soit mise à exécution contre la victime ou que celle-ci signale l’extorsion ne lui rend pas inapplicable le sous‑alinéa 97(1)b)(ii) pour ce qui est du caractère généralisé ou non de la menaceNote 97. [Non souligné dans l’original]

Mme la juge Simpson a adopté un raisonnement similaire dans la décision Wilson, affaire où le demandeur d’asile avait été blessé par balle après avoir refusé de faire les paiements de protection demandés par les membres d’un gang. La SPR a conclu que le demandeur d’asile craignait les activités criminelles et la violence qui sont généralisées en Jamaïque et a déclaré que les coups de feu qu’il avait reçus et les menaces qu’on lui avait proférées faisaient « partie » des activités d’extorsion du gang, plutôt que d’une vengeance personnelle contre le demandeur. La Cour a souscrit à l’observation du défendeur portant que « le refus [du demandeur d’asile] de payer les membres de la bande ainsi que les actes de violence qu’ils avaient commis par la suite faisait partie d’un acte criminel continu d’extorsion, puisque toute personne qui refusait de payer était assujettie à des représaillesNote 98. »

En mars 2014, M. le juge Russell a donné le coup de barre menant au renversement de ce courant jurisprudentiel lorsqu’il a évoqué l’émergence d’un consensus voulant qu’il ne soit pas permis d’écarter le cas d’un demandeur personnellement pris pour cible au motif qu’il s’agit d’un « simple prolongement », d’une « composante implicite » ou d’un « préjudice résultant » d’un risque généralisé.

On commet une erreur en ne tenant pas compte des mesures de représailles ou des menaces proférées en les considérant simplement comme un « préjudice consécutif » ou un risque découlant du risque initial d’extorsion ou de recrutement forcéNote 99. [Non souligné dans l’original]

Deux mois plus tard, M. le juge de Montigny a avalisé le principe exposé dans ce paragraphe en affirmant qu’il offrait une « réponse exhaustive » à l’argument du défendeur selon lequel le fait que les criminels puissent mettre leurs menaces à exécution quand les gens refusent de payer les extorqueurs ne fait pas en sorte que le risque dépasse le risque généralNote 100.

L’année suivante, sans évoquer explicitement les affaires épousant la position du juge RussellNote 101, la Cour, dans la décision GaleasNote 102, a rejeté le raisonnement adopté dans l’arrêt Wilson. Le demandeur d’asile avait soutenu que la Commission avait commis une erreur en qualifiant le risque auquel il était exposé de risque généralisé d’extorsion en raison de sa richesse présumée. Il a affirmé que la Commission avait manqué à son obligation d’examiner si le risque général de criminalité qu’il courait s’était transformé en risque personnalisé du fait de ses circonstances précises. Le défendeur a invoqué la décision Wilson pour appuyer la thèse selon laquelle les menaces et les actes de violence contre le demandeur d’asile s’inscrivaient dans un acte criminel continu d’extorsion, puisque toute personne qui refusait de payer était assujettie à des représailles. M. le juge O’Keefe a rejeté l’argument du défendeur, estimant que la façon dont la Commission avait qualifié le risque que courait le demandeur était déraisonnable et que le risque généralisé encouru par le demandeur d’asile s’était transformé en risque personnalisé du fait des menaces proférées à l’endroit de ses enfants et de la mort de son frère.

14.5.2.3.8. Comparaison du risque encouru par le demandeur d’asile

Ainsi que le mentionne Mme la juge Gleason dans la décision Ortega Arenas, une fois le risque prospectif que court le demandeur d’asile précisément déterminé et qualifié de risque visé au sous-alinéa 97(1)b), l’étape suivante consiste à comparer ce risque avec le risque auquel d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent sont généralement exposées :

[9] Comme je l’ai soutenu dans la décision Portillo, une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR doit être effectuée. Premièrement, la SPR doit décrire correctement la nature du risque auquel est exposé l’intéressé. Cela exige de la Commission qu’elle considère s’il y a un risque permanent éventuel et, dans l’affirmative, si le risque équivaut à un traitement ou une peine cruel ou inusité. Surtout, la Commission doit déterminer ce qu’est précisément le risque. Une fois cela fait, la SPR doit ensuite comparer le risque auquel est exposé l’intéressé à celui auquel est exposé un groupe significatif de personnes originaires du même pays pour déterminer si les risques sont de même nature et du même degréNote 103.

Dans la décision Osario, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si « généralement » signifiait que l’ensemble de la population d’un pays devait être exposé au risque. Dans cette décision, Mme la juge Snider a déclaré :

[24] ll me semble que c’est le bon sens qui doit déterminer la signification du sous-alinéa 97(1)b)(ii). […]

[26] De plus, je ne vois rien dans le sous-alinéa 97(1)b)(ii) qui oblige la Commission à interpréter le mot « généralement » comme s’appliquant à tous les citoyens. Le mot « généralement » est communément utilisé dans le sens de « courant » ou « répandu ». Le législateur a délibérément choisi d’utiliser le mot « généralement » dans le sous-alinéa 97(1)b)(ii), laissant à la Commission le soin de décider si un groupe en particulier correspond à la définition. Si sa conclusion est raisonnable, comme c’est le cas ici, je ne vois pas le besoin d’intervenirNote 104.

Dans les décisions InnocentNote 105 puis Batalla RodriguezNote 106, la Cour a rejeté les arguments du demandeur voulant que l’interprétation faite dans la décision Osario était erronée et qu’un « risque généralisé » devait s’interpréter comme celui encouru par toute la population du pays de référence.

Il est donc évident qu’un risque auquel est exposée seulement une partie de la population d’un pays est considéré comme un risque généralisé si le sous-groupe est suffisamment important pour que le risque auquel les membres du sous-groupe soient exposés soit considéré comme répandu ou courant. Toutefois, la jurisprudence est peu loquace lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le nombre de personnes nécessaires pour qu’un groupe soit considéré comme important. M. le juge Crampton défriche néanmoins la voie dans la décision Paz Guifarro:

[33] […] À mon sens, un sous-groupe formé de milliers de personnes serait suffisamment important pour que le risque auquel ces personnes sont exposées soit considéré comme répandu ou courant dans leur pays d’origine, et donc, comme « général » au sens du sous‑alinéa 97(1)b)(ii), et ce, même si ce sous-groupe ne représente qu’un faible pourcentage de la population de ce pays Note 107.

Au nombre des exemples tirés de la jurisprudence de sous-groupes auxquels s’applique le sous-alinéa 97(1)b)(ii) figurent les commerçantsNote 108, les chauffeurs d’autobus et personnes chargées de percevoir le tarif des billetsNote 109, les camionneurs et les exploitants d’entreprises de transportNote 110, la diaspora haïtienne et les expatriés haïtiens de retour au paysNote 111, les parents qui craignent l’enlèvement de leurs enfantsNote 112 et les jeunes hommes qui sont recrutés pour faire partie de gangsNote 113.

Alors qu’il est possible pour la personne qui demande l’asile au titre de l’article 96 d’affirmer qu’elle fait face à une possibilité sérieuse de persécution en démontrant que des personnes dans une situation similaire à la sienne ont été ou sont persécutéesNote 114, l’argument du traitement d’autres personnes appartenant au même sous-groupe ne peut pas être invoqué au titre de l’alinéa 97(1)b) pour prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile serait personnellement exposé à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusitésNote 115.

Dans bon nombre d’affaires dont la Commission est saisie, le demandeur d’asile (ou l’appelant qui se présente devant la SAR) est un membre d’un sous-groupe qui est plus fréquemment pris pour cible que la population du pays en général. Ainsi, les sous-groupes de personnes perçues comme étant riches ou comme ayant de l’argent comptant à leur disposition courent un risque plus élevé que d’autres de faire face à des actes d’extorsion ou à un enlèvement contre rançon. Toutefois, le paragraphe 97(1) ne porte que sur le risque auquel serait personnellement exposé le demandeur d’asile en particulier. Quand le demandeur d’asile est considéré comme un membre d’un sous-groupe, la condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(ii) nécessite que le risque auquel est exposé ce demandeur d’asile en particulier soit comparé avec le risque auquel sont exposés les membres du même sous-groupe. Dans la décision Correa, M. le juge Russell a incité à la prudence à l’égard de ce qu’il a appelé « l’analyse d’un sous-groupe » :

On commet une erreur en considérant l’analyse relative à l’alinéa 97(1)b) comme une analyse d’un « sous‑groupe » plutôt que comme une analyse individualisée. Il ne s’agit pas de savoir à quel « sous‑groupe » le demandeur appartient pour ensuite évaluer le risque auquel ce sous‑groupe est exposé, mais bien d’évaluer le risque auquel le demandeur est exposé pour ensuite déterminer s’il s’agit d’un risque auquel d’autres personnes de ce pays sont généralement exposéesNote 116.

Ainsi, quand le demandeur d’asile peut être considéré comme un membre d’un sous groupe, la question n’est pas de savoir si le sous-groupe est exposé à un risque plus élevé : il s’agit plutôt de savoir si le risque prospectif auquel le demandeur d’asile est exposé se distingue du risque auquel les autres sont généralement exposés. Cette distinction entre le risque plus élevé auquel est exposé un sous-groupe est mise en lumière dans la décision Acosta, où la Cour a estimé qu’il était raisonnable de conclure que le demandeur d’asile, une personne dont l’emploi consistait à percevoir le prix des billets d’autobus au Honduras, était exposé à un risque généralisé. Les éléments de preuve documentaire ont confirmé que les personnes chargées de la perception du prix des billets d’autobus faisaient souvent l’objet d’extorsion de la part du MS et d’actes de violence si elles ne payaient pas. La Cour a estimé que la situation du demandeur d’asile s’apparentait à celle des riches hommes d’affaires en Haïti, où les personnes perçues comme étant riches font partie d’un sous-groupe exposé à un risque plus élevé :

Il n’est pas plus déraisonnable de conclure qu’un groupe particulier, que ce soit les personnes chargées de la perception du prix des billets d’autobus ou d’autres victimes d’extorsion qui ne paient pas, est exposé à de la violence généralisée que de tirer la même conclusion à l’égard des riches hommes d’affaires en Haïti qui, selon ce qu’on a clairement conclu, sont exposés à un risque plus important de violence que celle qui sévit dans ce paysNote 117.

Toutefois, le risque auquel est exposé un plaignant en particulier peut se distinguer du risque auquel d’autres personnes sont généralement exposées du fait que son degré est supérieur, ou plus élevéNote 118. Dans la décision Romero AguilarNote 119, la Commission avait conclu que les allégations d’extorsion et de menace à la vie du demandeur d’asile étaient crédibles, mais avait rejeté sa demande en affirmant s’être appuyée sur les tribunaux pour conclure que même un risque plus élevé demeurait un risque généralisé, et qu’il était de ce fait visé par l’exception prévue au sous-alinéa 97(1)b)(ii). M. le juge Zinn a relevé deux erreurs dans l’analyse du commissaire : premièrement, il n’a pas défini précisément le risque auquel le demandeur d’asile était exposé en passant sous silence les raisons pour lesquelles les membres du gang semblaient aussi déterminés à le tuer et deuxièmement, il a mal interprété ce qu’était un risque plus élevé, estimant qu’il s’agissait toujours d’un risque généralisé :

[9] La Cour n’a pas conclu que tous les risques accrus causés par le fait d’être ciblé par des criminels demeurent des risques généralisés; elle a conclu que les risques accrus causés par le fait d’être ciblé par des criminels peuvent être des risques généralisés si, en fonction de la preuve documentaire, le risque généralisé en est un auquel un nombre important de personnes est exposé. En fait, la Cour ne pourrait pas faire une telle déclaration. Pour trancher la question de savoir si un nombre suffisamment important de personnes dans un pays est exposé à un risque accru, il faut d’abord examiner les faits propres à chaque affaire et à chaque pays. […]

[11] En raison de son erreur, la Commission n’a jamais traité la preuve documentaire au sujet du Mexique afin d’examiner combien de personnes étaient exposées au même genre de risque auquel, selon ce qu’elle semble accepter, M. Aguilar est exposé. Il est possible qu’un nombre suffisamment important de Mexicains soit exposé à ce type de risque imminent et ciblé de mort ou de blessures par des criminels pour les mêmes raisons que le demandeur en l’espèce, de façon telle qu’il s’agit d’un risque généralisé auquel d’autres sont exposés, mais pour en arriver à cette conclusion, la Commission doit d’abord tirer une conclusion de fait fondée sur la preuve documentaire au sujet du Mexique. On ne peut pas simplement tenir pour acquis cette conclusion de fait, qui ne serait fondée sur rien de plus qu’une simple proposition qu’un risque accru peut demeurer un risque généralisé. Cela peut être le cas, ou non. [Non souligné dans l’original]

La comparaison du risque auquel le demandeur d’asile est exposé avec celui auquel d’autres personnes sont généralement exposées vise à établir s’il existe une différence en ce qui a trait à la nature ou au degré du risque. Les sections précédentes comprennent de nombreux exemples d’affaires où l’omission de procéder à un examen personnalisé a mené à ce que l’on ne remarque pas des différences importantes. Dans certaines, les éléments de preuve démontrant que les circonstances particulières du demandeur d’asile différaient de celles de la population en général ou d’autres personnes faisant partie de son sous-groupe, permettaient d’établir une distinction en ce qui a trait à la « nature » du risque auquel le demandeur était exposé. Dans d’autres, ils permettaient d’établir une distinction en ce qui a trait au « degré » ou à la proximité du risque auquel le demandeur d’asile était exposé par rapport à celui auquel les autres personnes étaient généralement exposés.

Voici quelques autres exemples d’affaires où la Cour a conclu que le risque auquel le demandeur d’asile était exposé différait du risque auquel d’autres personnes étaient généralement exposées :

La décision RichardsNote 120 porte sur une demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre d’une conclusion de la Commission selon laquelle la nature du risque auquel était exposé le demandeur d’asile n’en était pas une que tous les Jamaïcains partageaient. M. Richards avait été qualifié de « traître » et avait été la cible de représailles en Jamaïque parce qu’il avait témoigné à l’encontre de criminels au Canada. La Cour a déclaré :

[24] La situation du défendeur est en outre, je crois, différente de celle de la population de la Jamaïque en général, qui est exposée à la criminalité et la violence généralisées, étant donné qu’il était un témoin principal de la Couronne et qu’il a contribué à faire condamner deux hommes, qui provenaient de la Jamaïque, et à leur faire imposer une peine pour un meurtre lié à la vengeance. La nouvelle de la participation de M. Richards au procès s’était répandue très rapidement à la Jamaïque; les membres de sa famille avaient été blessés et l’un d’eux tué après avoir été tiré au cours d’un incident qui peut avoir eu un lien avec les menaces qu’il recevait. Il a lui-même été tiré et menacé après qu’il eut été renvoyé à la Jamaïque. Ces facteurs ont fait que son risque est devenu un risque personnalisé et la conclusion de la Commission à cet égard n’était pas déraisonnable ou erronée en droit.

Dans la décision Aguilar ZacariasNote 121, le demandeur était un commerçant dans un marché où le MS extorquait de l’argent aux commerçants. La Commission avait conclu que le risque auquel le demandeur d’asile était exposé était un risque généralisé parce qu’il faisait partie d’une catégorie de personnes qui étaient de façon générale prises pour cibles par les gangs de rue. La Cour a soutenu que la Commission avait commis une erreur en omettant de tenir compte du fait que le demandeur d’asile, accompagné de M. Vicente, un autre commerçant, avait averti le service de sécurité du marché qui, par la suite, avait informé la police de l’extorsion commise par les membres du gang, ce qui a abouti à l’arrestation d’un des membres du gang. Durant la détention du membre arrêté, d’autres membres du gang ont informé le demandeur d’asile et M. Vicente qu’ils savaient qui était la source de la plainte et ont proféré des menaces de mort contre les commerçants. Lors d’une confrontation avec des membres du gang, M. Vicente a été atteint d’un coup de feu et est décédé des suites de ses blessures. M. le juge Simon Noël a écrit :

[17] […] Il semble que le demandeur n’avait pas été pris pour cible de la même manière que n’importe quel autre marchand : il était menacé de représailles parce qu’il avait collaboré avec les autorités, qu’il avait refusé de se plier à la volonté du gang et qu’il connaissait les circonstances du décès de M. Vicente.

Dans la décision Dieujuste-PhanorNote 122, les demandeurs craignaient de subir un préjudice aux mains d’hommes qui avaient accusé la demanderesse principale, une infirmière, d’avoir refusé d’admettre un patient à l’hôpital et qui lui ont dit qu’ils allaient se venger. Les enfants de la demanderesse principale, les demandeurs mineurs, ont été enlevés puis lui ont été rendus après qu’elle a versé la rançon demandée. La demanderesse principale craignait aussi les menaces des ravisseurs de la tuer. La SPR avait défini le risque auquel étaient exposés les demandeurs comme un « risque d’enlèvement » et avait rejeté la demande d’asile au motif que l’enlèvement était un risque auquel d’autres personnes étaient généralement exposées en Haïti. La Cour a conclu que la SPR n’avait adéquatement apprécié ni le témoignage de la demanderesse principale selon lequel les ravisseurs l’avaient menacée en raison de l’incident à l’hôpital et parce qu’elle avait signalé l’enlèvement à la police, ni celui de son mari, selon lequel il avait été menacé à plusieurs reprises par les personnes qui recherchaient la demanderesse principale après qu’elle et ses deux enfants eurent quitté Haïti. Par conséquent, la Commission avait fait abstraction du fait que les demandeurs n’avaient pas été ciblés comme l’aurait été toute autre personne en Haïti.

Dans la décision Garcia VasquezNote 123, un jeune homme du Salvador avait été ciblé par un gang qui souhaitait le recruter. Après s’être joint à une force opérationnelle militaire antigang, il a été agressé et menacé de mort pour avoir contribué à l’arrestation de membres du gang. La Cour fédérale a conclu que ce dernier risque n’était pas un risque auquel étaient exposés les autres jeunes hommes des forces armées ou de la population en général.

Dans la décision Alvarez Alvarez CastanedaNote 124, le propriétaire d’un commerce du Honduras avait été battu, avait reçu des coups de feu et avait été laissé pour mort parce qu’il avait été incapable de payer les montants d’extorsion exigés par le MS. Il a soutenu que, s’il retournait au Honduras, les membres du gang ne se contenteraient pas de le harceler pour lui prendre son argent; ils chercheraient à le tuer parce qu’il représentait l’incapacité du gang à tuer les personnes qu’il cible. De fait, il est « la preuve vivante de leur incompétence ». La Cour a conclu que la Commission n’avait pas correctement considéré la preuve du risque personnel encouru par le demandeur d’asile.

Dans la décision Monroy BeltranNote 125, la Cour a conclu que la Commission n’avait pas procédé à l’examen personnalisé requis et avait conclu à tort que le risque de recrutement forcé auquel le demandeur d’asile était exposé était identique à celui que courent d’autres jeunes garçons en Colombie. Bien qu’il ait existé un risque général de recrutement forcé du fait que les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (les FARC) ciblaient les garçons indistinctement, ce n’était pas la situation dans laquelle le demandeur d’asile se trouvait : il avait été précisément ciblé parce que son père avait refusé de payer la contribution obligatoire réclamée par les FARC.

Dans la décision PortilloNote 126, le demandeur avait été pris pour cible, menacé, agressé et poignardé par des membres du MS. Mme la juge Gleason a rejeté la conclusion de la SPR voulant que le risque auquel le demandeur était exposé était un risque généralisé étant donné que les gangs criminels sévissaient partout au Salvador :

[50] […] le demandeur était, dans le cas qui nous occupe, exposé à un risque accru et différent par rapport à celui auquel d’autres jeunes hommes sont exposés au Salvador parce que, après qu’il ait parlé à la police et communiqué aux policiers l’adresse de la mère de Carlos, la MS lui avait par représailles proféré des menaces. Il a été démontré que Carlos avait adhéré à la MS et qu’il avait personnellement proféré des menaces à l’endroit du demandeur. La situation du demandeur était donc radicalement différente de celle d’autres personnes pouvant être exposées au risque général d’être recrutées ou de faire l’objet de menaces ou même d’agressions de la part de la MS. Il a été démontré que le demandeur était personnellement et directement exposé à une menace de mort. On est très loin du risque d’extorsion, de recrutement ou d’agression, et le risque auquel le demandeur est exposé est beaucoup plus sérieux et plus direct que celui auquel d’autres hommes du Salvador sont exposés. Par conséquent, la décision de la SPR est à la fois déraisonnable et incorrecte.

La proximité du risque, tant sa proximité physique que sa proximité dans le temps, est un facteur critique dont il faut tenir compte. Dans la décision Ortega ArenasNote 127, Mme la juge Gleason a traité de la comparaison du risque sous l’angle de la proximité dans le temps :

[14] La deuxième étape de l’analyse a pour principal objet de comparer la nature et le degré du risque auquel est exposé le demandeur à celui auquel est exposée toute la population du pays ou une partie significative de celle-ci, afin de déterminer s’ils sont les mêmes. Il s’agit d’une analyse prospective qui ne touche pas tant à la cause du risque qu’à la probabilité de ce qui arrivera au demandeur dans l’avenir, comparativement à l’ensemble ou à un segment significatif de la population en général. […] À cet égard, il y a une différence fondamentale entre le fait d’être exposé au risque d’être tué et celui d’être éventuellement ciblé dans l’avenir. Dans la décision Olvera (2012 CF 1048), le juge Shore fait une analogie utile pour expliquer cette différence lorsqu’il écrit au paragraphe 41 : « Les risques que courent les personnes qui vivent dans le même voisinage que l’homme armé ne peuvent être considérés comme étant les mêmes que ceux que courent les personnes qui se tiennent directement devant lui. »

La juge a poursuivi en affirmant que le fait confondre le risque réel auquel est exposé le demandeur avec le risque potentiel auquel sont exposés les autres Mexicains est une interprétation à la fois incorrecte et déraisonnable. Autrement dit, lorsqu’il s’agit de comparer le risque, il faut établir si un nombre important d’autres personnes sont, au moment même, exposées au même risque et non s’il est possible ou vraisemblable qu’elles le soient éventuellement.

CorreaNote 128 est une autre décision où l’intéressé était un homme d’affaires qui craignait pour sa vie parce qu’il avait signalé à la police qu’il avait été menacé après avoir refusé de céder à des demandes d’extorsion. M. le juge Russell a énoncé certains principes tirés de la jurisprudence concernant la comparaison du risque :

  • On commet une erreur lorsqu’on confond les raisons ou la cause du risque avec le risque lui‑même ou lorsqu’on ne tient pas compte des différences qui existent entre la situation personnelle de ceux qui sont susceptibles d’être ciblés pour les mêmes raisons. Le mobile de l’auteur des actes de violence n’entre pas en ligne de compte dans le cadre de cette analyse, sauf dans la mesure où il est utile pour déterminer la nature et le degré du risque, examinés de façon objective et prospective.
  • Lorsqu’on cherche à savoir si un demandeur est exposé au même risque que la population en général (ou un sous‑groupe important de la population), il faut tenir compte tant de la nature du risque que de la proximité du risque (ou du degré de risque).

La SPR avait conclu que M. Correa avait été victime d’une tentative d’extorsion et que la menace de préjudice ou la menace à sa vie était un risque généralisé auquel étaient aux prises d’autres personnes qui étaient perçues comme des gens d’affaires prospères en Colombie et qui refusaient de se plier aux exigences de gangs. Le juge Russell a toutefois déclaré que, à l’évidence, le risque auquel M. Correa était exposé n’était pas un risque d’extorsion. « [L]a nature du risque auquel il était exposé a radicalement changé. »

[94] […] La raison qui a poussé au départ le gang à cibler M. Correa – la tentative d’extorsion – ne caractérise pas le risque de M. Correa. La Commission devait plutôt examiner le risque auquel il est présentement exposé tant sur le plan de la nature de ce risque que de son degré de gravité pour ensuite décider si ce risque était fondamentalement identique ou différent de celui auquel la population en général ou un sous groupe important est exposé. Le fait que ce risque peut découler des tentatives d’extorsion n’est pas pertinent, sauf dans la mesure où il est utile pour évaluer objectivement la nature et le degré du risque. M. Correa est exposé au risque que lui et les membres de sa famille soient assassinés parce qu’il a refusé de se plier aux exigences du gang et qu’il les a dénoncés à la police. Les commerçants sont exposés au risque d’être extorqués. La population générale est exposée au risque que divers gangs leur fassent diverses demandes, à défaut de quoi elle subirait des violences. Il ne s’agit pas des mêmes risques. Comme nous l’avons déjà précisé, pour déterminer si un risque est identique, il faut tenir compte de la nature et du degré du risque. [citations omises]

[95] Il serait peut être loisible à la Commission de démontrer qu’il existait suffisamment de personnes se trouvant essentiellement dans la même situation que M. Correa et qui étaient exposées au même risque que lui de la part des Los Paisas pour pouvoir conclure que le risque auquel M. Correa était exposé était un risque généralisé, c’est à dire un risque d’une nature et d’un degré analogues à celui auquel est exposé un nombre de personnes suffisant pour en faire un risque courant et répandu. Je ne crois pas toutefois qu’il s’agisse là du fondement de la décision de la Commission ou que celle ci ait cité des éléments de preuve permettant raisonnablement d’appuyer une telle conclusion. Dans son analyse, la Commission a plutôt assimilé la situation des demandeurs à celle de personnes qui sont exposées à un risque fondamentalement différent et moins direct.

14.5.2.4. Quatrième condition – Sanctions légitimes

Selon cette condition, la protection que prévoit l’alinéa 97(1)b) contre une menace à sa vie ou un risque de traitements ou peines cruels et inusités inhérents à des sanctions légitimes ou occasionnés par elles ne peut être revendiquée que si la sanction dont il est question est infligée au mépris des normes internationales. On réfère souvent à celle-ci comme étant l’« exception des sanctions légitimes ».

Il convient de mentionner que certains aspects du concept de « lois d’application générale », lequel découle du questionnement que suscite l’article 96 consistant à savoir si un demandeur d’asile risque de faire l’objet de poursuites ou de persécutions, sont applicables aux « sanctions légitimes » visées au sous-alinéa 97(1)b)(iii)Note 129.

Dans la décision HarveyNote 130, Mme la juge Mactavish, de la Cour fédérale, a examiné la situation d’un demandeur d’asile qui faisait l’objet de sanctions légitimes. Il a été reconnu que le demandeur d’asile dans une telle situation devait satisfaire à trois volets pour que l’on puisse conclure qu’il a la qualité de personne à protéger au titre de l’alinéa 97(1)b) :

  1. le demandeur d’asile doit démontrer qu’il est exposé soit à une menace à sa vie, soit au risque de traitements ou peines cruelles et inusitées (au sens que le droit canadien donne à cette expression) dans son pays d’origine;
  2. le traitement ou la peine en question ne doit pas résulter de sanctions légitimes;
  3. si le traitement ou la peine résulte de sanctions légitimes, le demandeur d’asile doit alors démontrer qu’il ou elle a été infligé au mépris des normes internationales.

Mme Harvey avait été reconnue coupable, en Floride, d’activités sexuelles illégales avec une personne âgée de 16 ans et avait été condamnée à 30 ans d’emprisonnement. La Commission avait examiné les peines infligées par les tribunaux canadiens pour des infractions similaires et avait conclu que la peine infligée à la demandeure d’asile était 15 fois plus longue que celle qui lui aurait été infligée au Canada si les actes qu’elle avait commis avaient été de nature criminelle au Canada. Elle avait également tenu compte d’éléments de preuve anecdotiques selon lesquels les peines infligées par d’autres tribunaux de la Floride dans des affaires semblables variaient habituellement d’une simple probation à deux ans d’emprisonnement.

La Commission avait ensuite appliqué le critère énoncé dans l’arrêt R. c. SmithNote 131 pour déterminer ce qui constitue une « peine cruelle et inusitée » et avait établi que la peine de 30 ans infligée à Mme Harvey était « excessive au point de faire outrage aux normes de la convenance et de primer toutes les limites rationnelles de la peine ». La Commission est arrivée à la conclusion que la peine était à ce point disproportionnée par rapport aux crimes commis qu’elle constituait une « peine cruelle et inusitée » en droit canadien, satisfaisant ainsi au premier volet du critère du sous‑alinéa 97(1)b)(iii)Note 132.

En ce qui a trait à la conformité avec le deuxième volet du critère, la juge Mactavish a estimé qu’il était incontestable que la peine « résultait des sanctions légitimes » infligées à Mme Harvey par les tribunaux de la Floride.

L’erreur dans cette affaire résidait dans ce que la Commission avait omis d’aborder le troisième élément, soit la question de savoir si le traitement cruel et inusité avait été infligé au mépris des normes internationales. Bien qu’elle ait mentionné cet élément au début et à la fin de son analyse, la Commission n’a pas défini ce qu’elle estimait être les normes internationales, ni vérifié si elles avaient été respectéesNote 133. Ainsi que l’a fait observer la Cour dans ce même paragraphe, si l’exigence se résumait à établir si une sanction constituait ou non une peine cruelle et inusitée en droit canadien, le législateur n’aurait eu aucune raison d’ajouter le libellé « sauf celles infligées au mépris des normes internationales » dans la Loi.

Dans la décision CaoNote 134, la Commission avait conclu qu'une condamnation à trois ans de travaux forcés en Chine ne portait pas atteinte aux normes internationales en matière de droits de la personne. Le demandeur avait affirmé qu'il était recherché par le Bureau de la sécurité publique parce qu'il avait participé à une protestation réclamant une indemnisation équitable à la suite de l'expropriation de sa ferme piscicole. Il avait été accusé d'incitation à l'émeute, un chef passible de trois ans de travaux forcés. Bien que la Commission ait conclu que le demandeur n'était pas crédible, elle a procédé à un examen subsidiaire du bien-fondé de la demande d'asile. La Commission, se référant à la preuve documentaire, a reconnu que la sanction punissant en Chine l'incitation à l'émeute était plus sévère qu'elle ne l'était au Canada, et que les conditions de détention dans de nombreux établissements carcéraux chinois étaient dures et dégradantes. Elle a cependant conclu que ce risque était afférent aux sanctions légales et que cette conséquence ne portait pas atteinte aux normes internationales en matière de droits de la personne. La Cour a convenu que la peine que risquait le demandeur pour incitation à l'émeute semblait disproportionnée et a pris acte des éléments de la preuve documentaire selon lesquels les conditions carcérales en Chine échappent à la surveillance internationale. Cependant, la Cour a conclu que le rejet par la Commission de la revendication de la protection prévue au paragraphe 97(1) par le demandeur appartenait aux issues possibles acceptables.

En ce qui a trait à la question des normes internationales, M. le juge LeBlanc déclare, dans la décision RodriguezNote 135: « Il revenait aux demandeurs d’établir que la peine que risque M. Rodriguez à son retour au Mexique, bien que sévère, est disproportionnée lorsqu’on la compare à la pratique des États. » Il n’était pas convaincu que la comparaison des peines d’emprisonnement française et américaine pour le délit de désertion (qui est, respectivement, de trois et de cinq ans) avec la peine de huit ans du Mexique ou que les statistiques tirées de la décision Hinzman étaient des éléments de preuve adéquats pour démontrer que la sanction mexicaine dérogeait aux normes internationales.

Pour ce qui concerne les normes internationales et la Charte, Mme la juge Mactavish, dans la décision HarveyNote 136, n’était pas d’accord avec la demanderesse pour dire qu’une violation des garanties prévues par la Charte sera nécessairement contraire aux normes internationales. Elle explique pourquoi elle estime que, en dépit des recoupements importants entre les garanties prévues par la Charte canadienne et les normes internationales, « elles ne sont pas toujours identiques » :

[55] Par exemple, dans l'arrêt Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] A.C.F. n° 27, la Cour suprême du Canada a fait observer qu'« il faut présumer que la Charte accorde une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits de la personne » (au paragraphe 70) [non souligné dans l'original]. L'emploi par la Cour de l'expression « au moins » nous indique que les protections prévues par la Charte canadienne peuvent, dans certains cas, effectivement dépasser celles prévues en droit international.

14.5.2.4.1. Peine

L’arrêt États Unis c. BurnsNote 137 est une affaire d’extradition qui fournit des indications utiles sur la peine capitale. La Cour suprême du Canada devait établir s’il s’agissait d’une violation des principes de justice fondamentale et, par conséquent, s’il était contraire à l’article 7 de la Charte, d’extrader deux citoyens canadiens accusés d’avoir commis des meurtres brutaux dans l’État de Washington sans préalablement obtenir d’assurances de la part des autorités américaines que la peine de mort ne serait pas infligée s’ils étaient trouvés coupables. La Cour suprême a soupesé les facteurs favorables et défavorables à l’extradition inconditionnelle avant de conclure que, sauf cas exceptionnels, les assurances prévues sont requises par la Constitution.

Dans son analyse de la prétention des intimés portant que leur extradition inconditionnelle vers un pays où ils risquent la peine de mort « choquerait la conscience des Canadiens », la Cour a fait observer « [qu’u]ne extradition qui viole les principes de justice fondamentale choquera toujours la conscience. Ce qu’il importe de déterminer, ce sont les principes de justice fondamentale qui s’appliquent dans le contexte de l’extradition. »[soulignement de la CSC] Des exemples de peines susceptibles de violer notre sens de la justice fondamentale comprennent les peines consistant à lapider des personnes adultères ou à trancher les mains des voleursNote 138.

Bien qu’il n’ait pas été demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la peine de mort constituait un traitement ou une peine cruel et inusité au titre de l’article 12 de la Charte, elle a tenu compte du fait que la peine de mort avait été abolie au Canada et a conclu que, selon la vision canadienne de la justice fondamentale, la peine capitale était injuste. S’agissant de la question des normes internationales, la Cour a examiné d’importantes initiatives internationales dénonçant la peine de mort, mais a concluNote 139 :

[89] Ces éléments de preuve n’établissent pas l’existence d’une norme de droit international prohibant la peine de mort ou l’extradition de personnes vers des pays où elles sont passibles d’une telle peine. Cependant, ils témoignent de l’existence, à l’échelle internationale, d’un important mouvement favorable à l’acceptation d’un principe de justice fondamentale déjà adopté par le Canada sur le plan interne, l’abolition de la peine capitale.

La question de savoir si la détention pour une durée indéterminée constituait un traitement cruel et inusité a été examinée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt CharkaouiNote 140. La question à trancher portait sur la constitutionnalité des dispositions relatives aux certificats de sécurité de la LIPR. La Cour a notamment analysé les dispositions de la LIPR portant sur la détention à la suite du dépôt de certificat et a signalé que, bien que, en principe, la LIPR n’impose la détention qu’en attendant l’expulsion, elle peut mener à une détention prolongée, voire d’une durée indéterminée. La Cour a examiné une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle traite des circonstances où la détention pour une période indéterminée constituait un traitement cruel et inusité :

98. On reconnaît […] que la détention d’une durée indéterminée dans des circonstances où le détenu n’a aucun espoir d’être libéré ni aucune voie de droit pour obtenir une remise en liberté [non souligné dans l’original] peut lui causer un stress psychologique et constituer un traitement cruel et inusité : Cour eur. D.H. [Cour européenne des droits de l’homme], affaire Soering, arrêt du 7 juillet 1989, série A, no.161, par. 111; […] Cependant, pour les motifs qui suivent, je conclus que la LIPR n’inflige pas un traitement cruel et inusité au sens de l’art. 12 de la Charte parce que, même si les périodes de détention peuvent être longues, lorsqu’on l’interprète correctement, la LIPR établit un processus permettant de faire contrôler la détention et d’obtenir une remise en liberté, ainsi que de faire contrôler et modifier les conditions de libération, s’il y a lieu.

14.5.2.4.2. Conditions de détention

Quand la peine comporte une période d’incarcération, il importe aussi d’établir si les conditions de détention rendent la peine cruelle et inusitée. Dans la décision KilicNote 141, M. le juge Mosley a accueilli la demande de contrôle judiciaire parce que, en dépit des éléments de preuve provenant du ministère de la Défense nationale de la Turquie énonçant que le demandeur était exposé à une « sentence sévère d’emprisonnement » pour s’être soustrait au service militaire en Turquie, la Commission n’avait pas examiné la documentation sur le pays, ni les autres éléments de preuve touchant les conditions dans les prisons en Turquie, afin d’établir si le demandeur pouvait avoir la qualité de « personne à protéger » s’il était renvoyé dans ce pays.

De même, dans la décision AsgarovNote 142, la Cour a estimé que la question déterminante reposait sur le fait que la SAR n’avait pas tenu compte des conditions de détention en Azerbaïdjan et établi si elles étaient susceptibles de justifier la revendication, par M. Asgarov, de la protection prévue à l’article 97 de la LIPR :

[17] La SAR disposait d’un élément de preuve démontrant que les conditions de détention en Azerbaïdjan étaient [traduction] « parfois dures et potentiellement mortelles en raison de la surpopulation, de l’alimentation inadéquate, des systèmes de chauffage et de ventilation déficients, et des soins médicaux inadéquats ». Certaines prisons azerbaïdjanaises sont des installations de l’ère soviétique qui ne respectent pas les normes internationales. Les détenus qui attendent leur procès sont gardés dans des installations de détention surpeuplées situées dans les sous‑sols des tribunaux locaux. Les gardiens peuvent punir les prisonniers en les battant et en les isolant.

Dans la décision UstaNote 143, où le demandeur a prétendu que, s’il refusait de faire son service militaire, il irait en prison, et que la brutalité régnait en maître dans les prisons turques, M. le juge Phelen a déclaré que « [l]e fait que la loi en Turquie soit plus stricte que la loi au Canada ou que les prisons turques ne respectent pas les mêmes normes que les prisons canadiennes ne suffisent pas à établir ce motif prévu à l’article 97. » [Non souligné dans l’original] La Cour a par ailleurs conclu : « [i]l était loisible à la Commission de conclure, d’après la preuve, que la loi turque, son application et ses conséquences, notamment les conditions carcérales, ne franchissaient pas le seuil établi par l’article 97. »

Dans la décision LebedevNote 144, la Cour fédérale a déclaré que les conditions de détention devaient être évaluées à la lumière de normes objectives. Le demandeur avait présenté des éléments de preuve démontrant que les conditions dans les prisons russes étaient extrêmement dures et pouvaient même constituer une menace à la vie. M. le juge de Montigny a estimé que l’analyse des conditions de détention effectuée par l’agente d’ERAR, laquelle était fondée sur une approche comparative, posait problème :

[96] […] l’agente d’ERAR qui s’est prononcée sur la demande de M. Lebedev a reconnu que les conditions dans les prisons russes ne respectent pas les normes gouvernementales. Elle a certes relevé qu’elles s’amélioraient, mais il s’agissait là d’une simple analyse comparative par rapport aux conditions antérieures. Or, il convenait en l’occurrence de se livrer à une analyse normative et l’agente aurait par conséquent dû se demander si les conditions actuelles respectaient des normes objectives.

14.5.2.4.3. Lois concernant la sortie du pays

Les sanctions pour avoir violé les lois concernant la sortie d’un pays sont souvent examinées au titre de l’article 96, les allégations habituellement présentées étant que celles-ci servent à punir une personne pour les opinions politiques qui lui sont imputées. Toutefois, lorsqu’il n’existe aucun lien, les sanctions pour avoir violé les lois de sortie d’un pays peuvent être examinées au titre du paragraphe 97(1)Note 145. Dans de tels cas, la démarche d’analyse sera la même que celle qui a été décrite ci-haut, dans cette section, c’est-à-dire, établir si la peine constitue un traitement ou une peine cruel et inusité et, si elle résulte de sanctions légitimes, si elle a été infligée au mépris des normes internationales. Ainsi, une peine disproportionnée ou non judiciaire pour violation des lois de sortie pourrait justifier que soit accueillie une demande d’asile au titre du paragraphe 97(1).

14.5.2.4.4. Service militaire

En ce qui a trait au défaut de faire son service militaire, la Cour fédérale a déclaré qu’une analyse distincte au titre de l’alinéa 97(1)b) est requise pour évaluer les éventuelles sanctionsNote 146.

Dans la décision AsgarovNote 147, le demandeur, âgé de 30 ans, craignait d’être victime de persécution et d’être exposé à des peines cruelles et inusitées parce qu’il avait refusé de faire son service militaire, lequel est obligatoire pour les hommes de 18 à 35 ans de l’Azerbaïdjan. La SAR avait reconnu que M. Asgarov serait vraisemblablement poursuivi s’il retournait en Azerbaïdjan et qu’il risquerait une peine d’emprisonnement de deux ans. La Cour a renvoyé l’affaire à la SAR pour qu’elle tienne compte de la preuve des conditions de détention en Azerbaïdjan et qu’elle décide si cette preuve pouvait permettre à M. Asgarov de se voir accorder la qualité de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1).

14.5.2.5. Cinquième condition – Incapacité de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats

La condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR, parfois appelée « exception des soins de santé », a pour effet d’exclure le demandeur d’asile de la protection prévue à l’alinéa 97(1)b) si le risque résulte de « l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. »

CovarrubiasNote 148 est l’arrêt de la CAF qui fait autorité en ce qui concerne le sous-alinéa 97(1)b)(iv) : il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale qui confirmait la décision relative à l’ERAR, refusant aux appelants la qualité de personnes à protéger au motif du sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR. La question certifiée invitait la Cour à se demander si la disposition contrevenait à la CharteNote 149. Bien que la Cour ait refusé de répondre à la question, elle a posé plusieurs importants principes, notamment en ce qui concerne l’interprétation de « l’incapacité » d’un État à fournir des soins.

En présence de M. le juge Mosley, à la Cour fédéraleNote 150, les demandeurs avaient soutenu qu’il fallait interpréter de façon restrictive l’expression « l’incapacité du pays » de manière à ce que l’exclusion de la protection ne s’applique pas aux situations où l’État a la capacité de fournir des soins appropriés, mais décide de ne pas offrir de tels soins à ses citoyens qui ne peuvent pas se les payer. M. Ramirez (le demandeur adulte dans l’arrêt Covarrubias) souffrait d’une insuffisance rénale en phase terminale et avait besoin de trois séances de dialyse par semaine, sans quoi il n’aurait eu qu’au plus une semaine à vivre. Le traitement était disponible au Mexique pour les personnes pouvant se les payer, mais ce n’était pas le cas des demandeurs. Ces derniers ont affirmé que l’agent d’ERAR avait commis une erreur de droit en ne penchant pas sur la question de savoir si M. Ramirez risquait de se voir refuser un traitement médical au Mexique non pas parce que l’État était incapable de lui fournir des services de dialyse, mais plutôt parce que l’État refusait de le faire à titre gratuit ou à un coût abordable pour lui.

La situation s’apparentait fort à celle de la décision SinghNote 151, où M. le juge Russell avait rejeté une demande, dix-huit mois plus tôt. Les demandeurs dans la décision Singh ne contestaient pas la conclusion de l’agente d’ERAR selon laquelle il existait en Inde des ressources médicales où la demanderesse aurait pu avoir accès aux traitements de dialyse dont elle avait besoin. L’agente ne s’était toutefois pas penchée sur l’argument selon lequel la famille de la demanderesse ne pouvait pas se permettre de payer pour ces traitements. Les demandeurs ont allégué que l’agente avait commis une erreur susceptible de contrôle en ne traitant pas de l’impossibilité, pour la demanderesse, d’accéder à des soins de santé appropriés.

Le défendeur dans la décision Singh a affirmé qu’il s’agissait d’un facteur qui devait être pris en compte dans le contexte d’une demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire et non dans le contexte d’un ERAR. Le défendeur a également renvoyé la Cour à l’analyse article par article de la LIPR dans le projet de loi C 11, qui énonçait ce qui suit à l’égard de l’article 97 et des ressources médicales :

Dans les cas où une personne serait exposée à un risque faute de soins médicaux ou de santé adéquats, il est plus approprié de recourir à d’autres dispositions de la Loi et de tels cas sont donc exclus de la définition. L’absence de soins médicaux ou de santé adéquats ne constitue pas un motif reconnu pour accorder la protection en vertu de la LoiNote 152.

M. le juge Russell a examiné la preuve à propos de l’intention du Parlement lorsqu’il a édicté le sous-alinéa 97(1)b)(iv) et a conclu que l’agente d’ERAR n’avait pas commis une erreur susceptible de contrôle :

[23] Je suis d’avis que la réponse franche à cette question est que l’intention du Parlement n’est pas tout à fait claire à cet égard et que nous devons maintenant traiter d’une disposition de la loi qui, selon les faits de la présente affaire, est quelque peu ambiguë. Si les prétentions des demandeurs étaient fondées cela signifierait que l’on accepte que le Parlement avait l’intention d’exclure les risques fondés sur l’absence de soins de santé adéquats, mais non les risques associés à la possibilité pour un demandeur en particulier d’obtenir des soins de santé adéquats. Le projet de loi C-11 nous apprend que l’absence de soins médicaux ou de santé « adéquats » ne constitue pas un motif reconnu pour accorder la protection en vertu de la LIPR et qu’il est plus approprié que ces questions soient appréciées suivant d’autres dispositions de la loi.

[24] Cela m’amène à conclure que le défendeur a raison quant à cette question. La question d’une menace à la vie suivant l’article 97 ne devrait pas inclure l’obligation d’évaluer la question de savoir s’il existe des soins médicaux et de santé adéquats dans le pays en question. Il y a diverses raisons pour lesquelles les soins médicaux et de santé peuvent être « inadéquats ». Il se peut que ces soins n’existent pas du tout ou qu’ils ne soient pas offerts à un demandeur en particulier parce qu’il n’est pas dans une situation dans laquelle il peut en profiter. Lorsqu’un demandeur n’a pas la possibilité d’obtenir ces soins, alors ils ne sont pas adéquats pour luiNote 153.

Dans la décision Covarrubias, M. le juge Mosley a fait sienne l’interprétation du juge Russell et a renvoyé explicitement au caractère inadéquat des soins de santé ou des traitements médicaux lorsque le demandeur d’asile est incapable de se les payer :

[33] Je pense qu’il est évident que le régime législatif avait pour but d’exclure de la portée de l’article 97 les demandes d’asile fondées sur les risques découlant du caractère inadéquat des soins de santé et des traitements médicaux dans le pays d’origine du demandeur, notamment lorsque les traitements sont offerts aux personnes qui ont les moyens de payer. Je souscris à l’interprétation donnée à la loi par le juge Russell. Aussi, j’estime que l’agent d’ERAR n’a pas commis d’erreur en appliquant l’exclusion à M. Ramirez et la demande ne peut être accueillie pour ce motifNote 154.

La CAF, dans l’arrêt Covarrubias, a voulu établir si M. le juge Mosley avait commis une erreur lorsqu’il a confirmé la décision de l’agente d’ERAR de rejeter la demande d’asile des appelants au motif que les risques définis étaient exclus au titre du sous-alinéa 97(1)b)(iv).

S’agissant de la question de l’incapacité de l’État de fournir des soins de santé et médicaux adéquats, la CAF a écarté l’interprétation restrictive du sous-alinéa 97(1)b)(iv) proposée par les appelants, portant que le sous-alinéa avait pour finalité de refuser la protection prévue par la Convention uniquement aux personnes provenant de pays qui sont véritablement incapables de fournir à leurs ressortissants les soins médicaux dont ils ont besoin. Les appelants ont soutenu que, lorsqu’un pays refuse d’offrir des soins de santé quand il a la capacité financière de fournir des soins médicaux d’urgence et qu’il choisit, pour des raisons d’ordre public, de ne pas les offrir gratuitement à ses citoyens défavorisés, le refus du pays de fournir des soins de santé constitue une violation du droit humain fondamental internationalement reconnu d’avoir accès à des soins de santé, et qu’il s’agit précisément du type de menace à la vie à l’égard duquel l’article 97 devrait octroyer la protectionNote 155.

La CAF a plutôt souscrit à l’interprétation large de l’exception concernant les soins de santé, en reconnaissant qu’elle imposait un fardeau dont il n’était pas facile de se décharger :

[31] Après avoir examiné les arguments des parties et la jurisprudence peu abondante qui existe sur la question, je suis d’avis que la disposition en litige doit recevoir une interprétation large, de telle sorte que le demandeur ne pourra que rarement se décharger du fardeau qui lui incombe. Le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, non seulement qu’il serait personnellement exposé à une menace à sa vie, mais également que cette menace ne résulte pas de l’incapacité de son pays de fournir des soins de santé adéquats. Il s’agit d’une preuve négative : le demandeur doit démontrer que son pays n’est pas incapable de fournir des soins de santé qui sont adéquats pour le demandeur. Ce n’est pas une tâche facile et le libellé de cette disposition et l’historique de son adoption montrent que c’était bien l’intention du législateurNote 156.

La CAF a rejeté la notion selon laquelle l’intention du législateur, en édictant le paragraphe 97(1), était d’imposer au gouvernement canadien l’obligation de fournir des soins médicaux aux demandeurs d’asile déboutés qui sont atteints d’une maladie qui met leur vie en danger lorsqu’ils peuvent démontrer que leur pays d’origine a la capacité financière de leur fournir les soins médicaux dont ils ont besoin, mais choisi de ne pas le faire pour une raison ou une autre, que cette raison soit justifiée ou nonNote 157.

En ce qui concerne la question de l’incapacité d’un pays à fournir des soins médicaux vis-à-vis son refus de le faire, la Cour n’était pas disposée à remettre en question les décisions de politique publique d’un pays relatives à ses priorités en matière d’attribution de ses ressources aux services, médicaux ou autres, qu’il est appelé à fournir :

[38] À mon sens, l’expression « incapacité de fournir des soins médicaux adéquats » englobe les cas dans lesquels un gouvernement étranger décide d’allouer ses fonds publics limités d’une façon qui oblige certains de ses citoyens moins bien nantis à assumer une partie de leurs frais médicaux. Toute autre interprétation obligerait la Cour à s’interroger sur l’opportunité des décisions prises par les gouvernements étrangers en matière d’affectation de leurs deniers publics et à aller même jusqu’à leur reprocher d’avoir dépensé leurs fonds d’une manière différente de celle qu’elle aurait choisie. En d’autres termes, la Cour en viendrait alors à décider qu’un gouvernement étranger doit fournir gratuitement des services médicaux à ceux de ses citoyens qui ne peuvent se les payer, et ce, au détriment d’autres secteurs dont ce gouvernement est chargéNote 158.

Toutefois, la Cour a affirmé qu’il existait des circonstances où le demandeur d’asile qui se voit refuser des soins médicaux ou de santé pourrait se prévaloir de la protection. En effet, les personnes qui se voient refuser des soins ou un traitement peuvent fonder une demande d’asile en vertu de l’alinéa 97(1)b) ou si le risque découle du refus du pays de fournir des soins ou un traitement adéquat à certaines personnes pour l’un des motifs prévus dans la Convention, au titre de l’article 96 :

[39] Il ne faudrait toutefois pas en conclure que l’exception prévue au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) doit recevoir une interprétation large au point de rendre irrecevable toute demande se rapportant à des soins de santé. Le libellé de la disposition permet de toute évidence à l’intéressé d’obtenir la qualité de personne à protéger lorsqu’il peut démontrer qu’il serait personnellement exposé à une menace à sa vie en raison du refus injustifié de son pays de lui fournir des soins de santé adéquats lorsque ce pays a la capacité financière de les lui offrir. Par exemple, lorsqu’un pays cherche délibérément à persécuter une personne ou agit de façon discriminatoire à son égard en allouant sciemment des ressources insuffisantes pour traiter et soigner la maladie ou l’invalidité dont souffre cette personne, comme certains pays l’ont fait dans le cas de patients atteints du VIH/SIDA, cette personne peut bénéficier de cet article, car il s’agit en pareil cas d’un refus et non d’une incapacité de fournir des soins. C’est toutefois au demandeur qu’il incombe d’établir ce faitNote 159. [Non souligné dans l’original]

Au lieu de s’attarder à la disponibilité du traitement médical dans le pays, il faut se concentrer sur la disponibilité du traitement médical pour le demandeur d’asile en particulier (au titre de l’alinéa 97(1)b)) ou aux personnes comme le demandeur d’asile (au titre de l’article 96). Pour résumer les conclusions de la CAF en ce qui concerne l’interprétation du sous-alinéa 97(1)b)(iv) :

[41] Pour ces motifs, j’estime que l’expression « ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats » au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR empêche de reconnaître la qualité de personnes à protéger aux personnes qui fondent leur demande sur des éléments de preuve tendant à démontrer que leur pays d’origine est incapable de fournir des soins médicaux adéquats parce qu’il a choisi de bonne foi, pour des raisons légitimes de politique et de priorités financières, de ne pas fournir de tels soins à ses ressortissants. Cependant, le demandeur qui réussit à démontrer que le refus de son pays de fournir les soins en question n’est pas légitime peut éviter de tomber sous le coup de cette exceptionNote 160.

Une question qui n’a pas été soulevée dans le cadre de l’arrêt Covarrubias est celle de la qualité des soins par rapport aux normes canadiennes. Dans la décision BabarNote 161, la demande d’asile du fils du demandeur d’asile principal reposait sur le fait que l’enfant était atteint du syndrome de Down, une affection médicale à l’égard de laquelle la Commission a pris acte des dossiers médicaux qui montraient que les soins de santé offerts au Canada étaient plus développés que ceux offerts au Pakistan. Toutefois, le sous-alinéa 97(1)b)(iv) exclut expressément une demande lorsqu’elle est fondée sur un risque attribuable à des soins médicaux ou de santé inadéquats. La Commission a estimé que l’absence au Pakistan de soins de santé de qualité égale ou équivalente à ceux offerts au Canada ne pouvait justifier une demande d’asile au titre de l’alinéa 97(1)b). Mme la juge Heneghan s’est dite convaincue du caractère raisonnable de la conclusion de la Commission suivant que la demande d’asile était irrecevable au titre du sous alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR.

Dans la décision BegumNote 162, la demanderesse recevait des traitements de chimiothérapie après avoir appris qu’elle avait le cancer pendant son séjour au Canada, en visite chez sa fille. Elle ne voulait plus rentrer au Pakistan, où elle disait craindre de vivre seule parce qu’elle était malade et âgée et parce qu’elle était une femme, sans homme pour la protéger. Elle a soutenu que son voisin et le locataire de sa maison l’avaient menacée de mort. La Commission a conclu qu’elle disposait d’une PRI à Karachi. Bien que la Commission ait reconnu que la demanderesse recevrait de meilleurs soins médicaux au Canada, elle a conclu que « le sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la Loi écarte les revendications motivées par l’incapacité du pays d’origine d’offrir des soins de santé adéquats. »

De nombreuses demandes d’asile soulevant la question des soins médicaux traitent de ce que la CAF appelle, dans l’arrêt Covarrubias, des raisons de ne pas fournir des soins « qui ne sont pas légitimes ». La décision NicolasNote 163 se démarque des autres, car M. le juge Pinard s’est penché sur la menace à la vie résultant de discrimination qui n’était pas reliée à un des motifs prévus à l’article 96. Le demandeur d’asile avait soutenu que, s’il était fait prisonnier en Haïti, il allait être privé de médicaments pour le traitement du VIH essentiels à sa survie. La Cour a affirmé que, si cela avait été le cas, une telle forme de discrimination aurait constitué une menace à la vie. Toutefois, la Cour a conclu qu’il semblait improbable que le demandeur d’asile puisse avoir accès au traitement dont il avait besoin même s’il n’était victime d’aucune discrimination, simplement à cause de l’incapacité du gouvernement haïtien de soigner sa population. Ainsi, le sous alinéa 97(1)b)(iv) excluait le risque à la vie du demandeur d’asile.

Quand un demandeur d’asile arrive à démontrer que des soins de santé ou un traitement lui ont été refusés pour des raisons de persécution (c.-à-d. liées aux motifs prévus par la Convention), le sous-alinéa 97(1)b)(iv) ne s’applique manifestement pas. Par exemple, dans la décision OgbeborNote 164, la Cour a conclu au caractère déraisonnable de l’évaluation que l’agent d’ERAR avait faite des risques auxquels était exposée une personne séropositive pour le VIH qui vivait au Nigéria parce qu’il s’était montré sélectif dans son utilisation des éléments de preuve et qu’il avait omis de prendre en compte des preuves pertinentes :

[18] […] Lorsqu'il a traité de la question de l'accès des personnes atteintes du VIH à des soins de santé, l'agent a concentré son analyse sur le fait que l'obstacle majeur aux traitements était le coût des déplacements de la campagne aux villes. […] Cependant, le rapport sur la situation des droits de la personne au Nigéria du Département d'État des États-Unis énonce également ce qui suit : (i) il y a une discrimination évidente de la part des prestataires de soins de santé et de la population générale; (ii) les personnes atteintes du VIH peuvent se voir refuser des soins de santé ou l'accès à un hôpital, et des données médicales confidentielles peuvent être communiquées sans le consentement du patient; (iii) les personnes atteintes du VIH perdent souvent leur emploi, ce qui se répercute sur le coût et l'accessibilité des traitements. (Non souligné dans l'original)

La décision NebieNote 165 fournit un exemple de situation où le demandeur n’a pas réussi à établir qu’il existait une possibilité sérieuse qu’il se verrait refuser des soins de santé parce qu’il était séropositif pour le VIH. Le demandeur avait soutenu, d’une part, qu’il risquait d’être persécuté à l’endroit de la PRI envisagée en raison de sa séropositivité et que, d’autre part, l’accès aux soins de santé pour les individus atteints du VIH au Burkina Faso, surtout en milieu rural, était minime, voire inexistant. L’agent avait conclu que la preuve relative au manque de soins de santé offerts pour traiter le VIH reflétait la condition énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(iv). M. le juge Shore a confirmé la décision :

[39] Entre autres, il était loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’a pas démontré que le manque de soins de santé au Burkina Faso découlait d’un traitement discriminatoire ou était lié à de la persécution, ce qui aurait eu pour effet de l’exclure de l’application du sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR. (Non souligné dans l’original)

Il y a plusieurs affaires qui traitent de la situation où le demandeur d’asile est atteint d’une maladie mentale. La décision RichmondNote 166 porte sur une situation où, suivant le principe énoncé dans l’arrêt Covarrubias le sous-alinéa 97(1)b)(iv) ne trouve pas son application parce que les soins sont refusés pour des raisons qui ne sont pas légitimes, telles que des motifs de persécution. Dans la décision Richmond, le demandeur d’asile, qui souffrait de schizophrénie et d’épilepsie, avait des antécédents de criminalité de toxicomanie. Après avoir perdu l’appel interjeté contre la mesure d’expulsion prise contre lui, il a demandé un ERAR fondé sur l’absence de traitement pour les maladies mentales au Guyana, mais l’agent d’ERAR a conclu que M. Richmond ne pouvait pas demander l’asile au motif de soins de santé inadéquats puisque ce motif était exclu en vertu du sous alinéa 97(1)b)(iv). M. le juge O’Reilly a souscrit à l’argument du demandeur selon lequel les soins de santé mentale sont limités au Guyana à cause de la discrimination à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale, et pas seulement en raison d’un manque de ressources :

[10] À mon avis, l’agent a conclu de manière déraisonnable que la demande d’asile de M. Richmond était exclue en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(iv). Les éléments de preuve dont disposait l’agent montrent que les personnes atteintes de maladie mentale au Guyana sont généralement perçues comme étant [traduction] « envoutées » ou [traduction] « possédées ». Les mauvais traitements infligés aux patients et l’insuffisance des ressources en matière de santé mentale découlent, du moins en partie, des attitudes discriminatoires envers les personnes atteintes de maladie mentale.

M. le juge O’Reilly, dans la décision AverinNote 167 a dit du demandeur « [qu]’il comptait parmi les rares personnes dont la demande d’ERAR pouvait être accueillie même si elle reposait sur des motifs relatifs aux soins médicaux. » En effet, alors que la demande de M. Averin fondée sur la question de savoir s’il avait les moyens d’acheter des médicaments et d’accéder à des soins de santé mentale en Ukraine aurait achoppé, il a aussi produit des éléments de preuve documentaire démontrant que les patients atteints de maladie mentale sont couramment l’objet de mauvais traitements et de traitements inhumains dans les hôpitaux psychiatriques. Si l’Ukraine dispose de lois interdisant la discrimination à l’endroit des personnes atteintes de maladie mentale, ces lois ne sont pas appliquées. La Cour a déclaré : « De toute évidence, il n’y a pas lieu de considérer que le traitement discriminatoire et la conduite abusive constituent des raisons légitimes qui justifient l’incapacité de l’Ukraine à fournir des soins médicaux adéquats aux personnes atteintes de maladie mentale. »

Dans la décision FerreiraNote 168, l’agent d’ERAR avait admis que M. Ferreira était atteint de schizophrénie et que les personnes atteintes d’une maladie mentale sont stigmatisées et font l’objet de discrimination en Jamaïque. Toutefois, l’agent avait conclu que les risques mentionnés par M. Ferreira (itinérance, incarcération, violence) découlaient tous de l’absence de traitement médical convenable. M. le juge O’Reilly a établi une distinction entre les situations où le risque auquel le demandeur est exposé découle directement de l’incapacité du pays d’origine de fournir les soins médicaux adéquats, et donc où le sous-alinéa 97(1)b)(iv) est applicable, et les situations où le risque découle de l’incapacité du demandeur d’accéder au traitement, comme c’était le cas pour M. Ferreira, qui, s’il ne faisait pas l’objet d’une surveillance médicale adéquate ou s’il n’était pas soutenu par sa famille, ne chercherait probablement pas à obtenir de traitement ou ne continuerait probablement pas à prendre les médicaments qui rendaient son état stable :

[13] Par conséquent, quel que soit le niveau de traitement offert en Jamaïque, M. Ferreira n’en bénéficierait probablement pas. Il mènerait vraisemblablement une vie d’itinérance marquée par la criminalité et les incarcérations dans un pays où les personnes atteintes d’une maladie mentale connaissent des difficultés indéniables. Son cas est semblable à d’autres cas dans lesquels la Cour a reconnu que les mauvais traitements découlant des symptômes particuliers de la maladie mentale d’un demandeur pouvaient avoir une incidence sur la demande d’ERAR, étant donné que le sous‑alinéa 97(1)b)(iv) exclut seulement la protection lorsque le caractère inadéquat des soins médicaux est la cause directe du préjudice appréhendé. […]

Dans la décision LemikaNote 169, antérieure, le demandeur, qui souffrait de schizophrénie, avait soutenu que, à cause de son incapacité à obtenir des soins médicaux, son état mental se détériorerait et les symptômes de sa maladie se manifesteraient. Le comportement bizarre qui en découlerait risquait de mener à son arrestation et à sa détention par des agents de sécurité de l’État et à de mauvais traitements par ses compatriotes en République démocratique du Congo (RDC). La Cour a déclaré que la demande nécessitait une appréciation de la causalité. L’agent d’ERRAR avait commis une erreur en ne déterminant pas si, dans les faits, les risques allégués par M. Lemika résultaient de l’incapacité de la RDC de fournir des soins de santé adéquats ou si « les actes intermédiaires appréhendés de tiers faisaient en sorte que le préjudice était suffisamment éloigné de l’incapacité initiale d’obtenir des soins médicaux pour ne pas être visé au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR. » [ Non souligné dans l’original]

Un argument semblable a été présenté dans la décision MwayumaNote 170, où la SAR a confirmé la décision de la SPR, laquelle avait rejeté les demandes d’asile d’une mère et de ses trois enfants, y compris de sons fils, A.B., qui avait reçu au Canada un diagnostic de schizophrénie. Les demandeurs avaient affirmé que A.B. était exposé à un risque de persécution en RDC parce que la maladie mentale y est méconnue et que de nombreux membres de sa population en général considèrent la maladie mentale comme un signe de possession ou de sorcellerie. Les demandeurs avaient également fait valoir que l’absence d’établissements de soins adéquats signifiait que A.B. ne pourrait pas obtenir de soins médicaux de longue durée, ce qui augmentait le risque d’attirer l’attention de la police ou de se retrouver en prison, comme cela était arrivé au Canada, et qui, en raison des conditions carcérales en RDC, mettrait sa vie en danger. La SAR avait rejeté la prétention selon laquelle A.B. avait qualité de personne à protéger, car une telle conclusion était expressément interdite au sens du sous-alinéa 97(1)b)(iv) si le risque résulte de l’incapacité de l’autre pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. Toutefois, la Cour n’a pas traité de l’applicabilité du sous-alinéa 97(1)b)(iv). Elle a plutôt examiné la demande strictement sous l’angle d’article 96, c.-à-d. si A.B. risquait d’être persécuté en raison de sa maladie mentale. La Cour a tenu compte de la preuve documentaire montrant que la discrimination et les mauvais traitements à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale étaient généralisés et que sévissait une grave pénurie de médecins adéquatement formés, d’établissements de soins de santé et de médicaments pour traiter la maladie mentale et la déficience mentale. La Cour a conclu qu’il n’avait pas été raisonnable pour la SAR de conclure que la richesse de la famille ou la position du père dans la société aurait permis de surmonter ces obstacles, de sorte qu’il n’y avait pas de crainte fondée de persécution.

Dans l’arrêt Covarrubias, la CAF a refusé de répondre à la question certifiéeNote 171 de savoir si l’exclusion prévue au sous-alinéa 97(1)b)(iv) contrevenait à la Charte. La CAF, à l’instar du juge de première instance, a estimé qu’il n’y avait pas de fondement factuel permettant d’entamer une analyse fondée sur la Charte. La CAF a aussi convenu que d’autres voies de recours appropriées étaient ouvertes aux appelants et qu’il ne convenait pas de s’adresser à la Cour pour obtenir une réparation fondée sur la Charte, avant d’avoir épuisé leurs autres recoursNote 172.

Dans la décision LaidlowNote 173, le demandeur souffrait de troubles chroniques nécessitant la prise quotidienne d’un médicament spécialisé. Devant la SPR, il avait contesté la validité constitutionnelle du sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR invoquant les articles 7 et 15 de la Charte. Il souhaitait que l’instruction de sa demande d’asile soit reportée jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, c.-à-d. jusqu’à ce qu’il ait épuisé ses autres recours, avant de tenter d’obtenir une réparation fondée sur la Charte, comme le prévoit l’arrêt Covarrubias de la CAF. La SPR avait rejeté la demande de remise. Elle avait aussi conclu que le demandeur aurait accès aux médicaments et aux autres soins dont il avait besoin à Saint-Vincent, et donc qu’un retour à Saint-Vincent ne mettrait pas sa vie en péril. Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a conclu que la SPR avait agi raisonnablement lorsqu’elle avait refusé la demande d’ajournement, que la conclusion de la SPR relativement au risque encouru par le demandeur avait été raisonnable, et qu’il n’y avait pas eu atteinte aux droits conférés par la CharteNote 174. La Cour fédérale a certifié la question suivante :

La Commission de l’immigration et du statut de réfugié viole-t-elle les dispositions de l’article 7 de la Charte si elle refuse de reporter son audience sur le fondement d’une menace à la vie alors qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire alléguant également une menace à la vie est en instance?

La CAF a estimé que la question certifiée appelait une réponse négative. La CAF a déclaré que rien dans l’arrêt Covarrubias ne saurait appuyer l’argument que la SPR devait suspendre l’instance jusqu’à ce que ne soit rendue la décision sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaireNote 175. Le droit de l’appelant de demander un ajournement afin de pouvoir épuiser les recours non fondés sur la Constitution ne crée pas d’obligation correspondante de la SPR d’aménager l’audience de telle sorte que les arguments constitutionnels de l’appelant soient entendus en dernier. La Cour fédérale n’avait pas commis une erreur de droit manifeste et importante et ne s’était pas fondée sur un principe juridique erroné quand elle a conclu que la conclusion de la SPR en ce qui concernait le risque était raisonnable. Puisque les allégations de violations de la Charte ne reposaient pas sur la preuve, il n’était pas nécessaire pour la CAF d’entame une analyse de la contestation du sous-alinéa 97(1)b)(iv) fondée sur la CharteNote 176.

La validité constitutionnelle du sous-alinéa 97(1)b)(iv) a de nouveau été la question en litige dans la demande de contrôle judiciaire faisant l’objet de la décision SpoonerNote 177. Le demandeur, qui était séropositif pour le VIH, avait allégué dans sa demande d’ERAR que son renvoi à la Barbade violerait son droit à la vie, lequel est garanti par l’article 6 de la Charte et que le sous-alinéa 97(1)b)(iv) contrevenait à l’article 15, soit le droit à un traitement égal exempt de discrimination. L’agent d’ERAR avait reconnu la preuve produite par le demandeur selon laquelle les médicaments qu’il prenait n’étaient pas disponibles à la Barbade, mais l’agent d’ERAR n’était pas convaincu que le demandeur avait produit une preuve suffisante pour démontrer qu’il était exposé à un risque, en raison du fait qu’il est séropositif, s’il devait retourner à la Barbade. Mme la juge Heneghan a invoqué des arrêts de la Cour suprême où il avait été statué de manière explicite que les demandes fondées sur la Charte ne devraient pas être décidées dans un vide factuel; et a conclu que la décision Spooner, comme l’arrêt Covarrubias, n’offrait pas un contexte où la preuve était adéquate pour trancher les questions relatives à la Charte soulevées par le demandeur. Par ailleurs, elle a accepté l’observation du défendeur selon laquelle le demandeur disposait d’un recours subsidiaire, soit la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

Notes

Note 1

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2011, chap. 27, paragr. 2(1).

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Note 2

Auparavant appelée la Section du statut de réfugié (SSR), ou simplement Section du statut.

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Note 3

Dans les présentes, afin d’alléger le texte, les mentions de l’article 96 et des alinéas 97(1)a) et 97(1)b) valent mention des motifs qui y sont énoncés.

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Note 4

Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 1. Arrêt publié à [2005] 3 RCF 239 (CAF) — 41 Imm LR (3d) 157, para 28 et 39.

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Note 5

Sanchez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99. Arrêt publié à 360 NR 344 — 62 Imm LR (3d) 5, para 15 :  « […] Le paragraphe 97(1) prévoit un critère objectif à appliquer dans le contexte des risques actuels ou prospectifs auxquels serait exposé le demandeur d'asile. »

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Note 6

Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1211. Décision publiée à 126 ACWS (3d) 686, para 39. Bien que la décision Bouaouni, la Cour ait axé son analyse sur l'alinéa a), le principe s'applique aux deux alinéas du paragr. 97(1).

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Note 7

Dans la décision Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 808, para 21-22, la Cour a conclu que, bien que la preuve illustrait l'existence de violations systématiques et généralisées des droits de la personne au Pakistan, celles-ci n'étaient pas suffisamment liées à la situation personnelle du demandeur d'asile pour établir que son renvoi l'exposerait personnellement aux risques et aux menaces visées au paragr. 97(1). « En l'absence de la moindre preuve pouvant lier la preuve documentaire générale à la situation spécifique du demandeur, je conclus que la Commission n'a pas erré dans sa façon d'analyser la revendication du demandeur sous l'article 97. » 

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Note 8

Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1385. Décision publiée à 304 CFPI 46 — 58 Admin LR (4e) 283, para 29.

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Note 9

Sarria c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 98. Décision publiée à 161 ACWS (3d) 466, para 20.

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Note 10

Lopez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 102. Décision publiée à 23 Imm LR (4e) 4, para 46.

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Note 11

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 77. Dans le même paragraphe, en ce qui concerne les affaires relevant de l'al. 97(1)b), le juge Russel a ajouté : « […] le sort de la plupart des demandes présentées par des victimes de gangs criminels ne dépend pas de la réponse à la question de savoir si le risque était « personnel, mais plutôt [de] celle de savoir si, en plus d'être personnel, ce risque était également « non généralisé. »

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Note 12

Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 1. Arrêt publié à [2005] 3 CFPI 239 (CAF).

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Note 13

Sanchez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99 . Arrêt publié à 360 NR 344 — 62 RJ Imm (3d) 5, para 15.

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Note 14

Sainnéus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 249, para 12.

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Note 15

Sainnéus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 249, para 8. Les raisons, énoncées au paragraphe 6, portaient principalement sur le délai à quitter le pays où les demandeures d'asile affirmaient être exposées à des risques (Haïti), les retours volontaires dans ce pays, le défaut de demander la protection dans un pays signataire de la Convention (les États‑Unis) et, finalement, le délai à demander la protection au Canada.

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Note 16

Louis c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 355, para 18-19.

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Note 17

Mamak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 730, para 6.

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Note 18

Abdi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 643.

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Note 19

Markauskas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 902, para 20.

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Note 20

De Mello Borges c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 491, para 11.

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Note 21

Dos Santos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 706, para 1.

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Note 22

Licao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 89. Décision publiée à 303 CRR (2d) 228 — 237 ACWS (3d) 739, para 60.

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Note 23

Gutierrez c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 4, para 102.

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Note 24

Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1. Arrêt publié à [2002] 1 RCS 3, para 51. Dans son examen du caractère constitutionnel d'une disposition autorisant l'expulsion d'une personne vers un pays où elle risque d'être soumise à la torture, la Cour s'est penchée sur le sens de « traitements ou peines cruels ou inusités » en vertu de l'article 12 de la Charte : « Elle [c.-à-d. la peine] doit être si intrinsèquement répugnante qu'elle ne saurait jamais constituer un châtiment approprié, aussi odieuse que soit l'infraction. La torture appartient à cette dernière catégorie. »

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Note 25

R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 RCS 1045.

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Note 26

R. c. Latimer, 2001 CSC 1 (CanLII), [2001] 1 RCS 3.

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Note 27

Miller et autre c. La Reine, 1976 CanLII 12 (CSC), [1977] 2 RCS 680, p. 688. Il a été conclu dans cette affaire, antérieure à la Charte, que la peine de mort ne constituait pas une peine cruelle ou inusitée au sens de l'al. 2b) de la Déclaration canadienne des droits.

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Note 28

R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 RCS 1045, p. 1073.

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Note 29

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harvey, 2013 CF 717 , [2015] 1 RCF 3, para 55.

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Note 30

Selvarajah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 769, para 73.

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Note 31

Kanagarasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 145.

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Note 32

Muckette c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1388, para 9. Le demandeur d'asile a fait état d'une longue série de mauvais traitements dont il a été victime; il a notamment été menacé de mort. La Cour a conclu que la SPR avait commis une erreur en rejetant l'importance des menaces de mort au motif que personne n'avait tenté de le tuer.

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Note 33

Nicolas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 452. Décision publiée à 367 CFPI 223, para 32-33. Dans cette décision, le demandeur d'asile a allégué que, en tant que prisonnier en Haïti, il n'aurait pas accès à des médicaments vitaux contre le VIH, doit il souffre. La Cour a conclu que si cela avait été le cas, cette discrimination aurait résulté en une menace à sa vie. Toutefois, il semblait improbable que le demandeur puisse avoir accès au traitement dont il a besoin même s'il n'est victime d'aucune discrimination, simplement à cause de l'incapacité du gouvernement haïtien de soigner sa population.

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Note 34

Kharrat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 106, para 7. Le demandeur d'asile soutient qu'il a été traité avec mépris et incompréhension comme malentendant. À l'école, il s'est fait tirer les oreilles, frapper les doigts avec une règle et baisser les pantalons pour être frappé devant les autres écoliers. La Commission a également évalué si les droits fondamentaux de M. Kharrat, non seulement pour évaluer s'il pouvait s'agir de persécution, mais aussi pour évaluer si les mauvais traitements dont il a été victime étaient des traitements cruels et inusités au sens de l'alinéa 97(1)b) de la Loi. La Commission a conclu que M. Kharrat était victime de discrimination et a déterminé qu'il n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1707. À son retour au Pakistan, M. Malik a été interrogé pendant moins de 24 heures, sans qu'aucune lésion physique ne lui soit infligée, et il a été libéré après avoir dû payer un pot-de-vin. Sa demande d'asile était fondée sur son appartenance à un groupe social particulier - les « suspects de terrorisme ». Au paragraphe 15, la Cour a déclaré que, étant donné qu'elle estimait que l'analyse que la Commission a faite du risque que M. Malik courrait permettait d'appuyer sa conclusion selon laquelle M. Malik ne court aucun risque de persécution, « il en découle que celui-ci n'est pas non plus une personne à protéger ».

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Note 35

Ghazaryan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1036. L'ex-petit ami de sa fille a giflé la demandeure d'asile à une occasion lorsqu'elle a refusé de révéler les allées et venues de sa fille. La SPR a conclu que la demandeure d'asile n'était pas menacée de graves préjudices physiques. La Cour a confirmé la décision de la SPR selon laquelle la demandeure d'asile ne courait pas un risque de subir des traitements ou des peines cruels et inusités.

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Note 36

Kuzu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 917, para 22. Dans cette décision, la Cour a conclu qu'il était raisonnable pour la SPR de conclure que le fait d'être interrogé deux fois par la police pendant un total de huit heures n'a pas permis d'atteindre le niveau requis pour permettre d'établir qu'il y a eu persécution, puisque la police n'a pas utilisé la violence ni porté atteinte aux droits fondamentaux du demandeur d'asile. Même si la conclusion de la SPR portait sur la persécution, le même traitement n'atteindrait manifestement pas le niveau de traitements cruels et inusités.

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Note 37

Khalifeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1044. Décision publiée à 239 CFPI 190, para 25-26. Le demandeur d'asile palestinien qui devait passer tous les jours par les postes de contrôle militaires israéliens pour se rendre au travail à Jérusalem a été victime de « harcèlement plus ou moins constant » et a souvent subi des attentes, mais il n'a jamais été détenu ou arrêté. La Cour a conclu qu'il n'était pas déraisonnable, dans les circonstances, que le tribunal de la SPR conclût que tous les inconvénients subis par le demandeur d'asile n'étaient pas suffisants pour faire naître une crainte objective pour sa vie et qu'il ne faisait pas face à un danger réel de torture ou de traitement (cruel et ) inusité.

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Note 38

R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC). Arrêt publié à [1987] 1 RCS 1045, para 54-57. La Cour a conclu que la peine minimale obligatoire de sept ans pour trafic de drogue constituait une peine cruelle et inusitée en violation de l'article 12 de la Charte.

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Note 39

Djebli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 772, para 46.

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Note 40

R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC). Publié dans : [1987] 1 RCS 1045.

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Note 41

Pjetracaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1390.

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Note 42

Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), Décision publiée à [1992] 1 C.F. 706, à 709-710; et 140 N.R. 138 (C.A.).

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Note 43

Hamdan c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, 2017 CF 643 , para 11.

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Note 44

Hinostroza Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1325, para 9, invoquant la décision Ankamah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1258, para 18.

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Note 45

Garcia Kanga c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 482 , para 13. Dans cette décision, la Cour a conclu que les expressions « risque particulier » et « risque personnel » sont synonymes.

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Note 46

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732. Dans cette décision, le juge Russell parle de l'étape du « risque personnel » afin de permettre de dissocier le risque personnel de l'étape ultérieure où la question est de savoir si d'autres personnes du pays sont généralement exposées à ce risque. Au paragraphe 74, il tient les propos suivants : « Comme il arrive si souvent que l'on ne dissocie pas l'étape du « risque personnel » de celle du « risque non généralisé » lors de l'application de ce critère, il vaut la peine de bien préciser ce qui est exigé à chaque étape. » 

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Note 47

Par exemple, au paragraphe 62 de la décision Salazar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 83 , la juge Kane renvoie à l'analyse en application de l'article 97 qui distingue « le risque personnel ou particularisé du risque généralisé ».

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Note 48

Guerrero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1210. Décision publiée à [2013] 3 RCF 20, para 27.

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Note 49

Expression expliquée dans la décision Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, para 45 : « Selon la présomption d'absence de tautologie, [TRADUCTION] « [c]haque mot d'une loi est présumé avoir un sens et jouer un rôle précis dans la réalisation de l'objectif du législateur » : voir R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), p. 159. Dans la mesure du possible, les tribunaux devraient éviter d'adopter des interprétations qui dépouillent une partie d'une loi de tout son sens ou qui la rendent redondante [renvoi omis]. »

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Note 50

Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331. Décision publiée à 70 RJ Imm (3d) 128 — 167 ACWS (3d) 151, para 18.

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Note 51

Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31 . Arrêt publié à 387 NR 149 — 78 RJ Imm (3d) 163, para 3.

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Note 52

Paz Guifarro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 182 , para 32.

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Note 53

Portillo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678. Décision publiée à [2014] 1 RCF 295.

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Note 54

Portillo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678. Décision publiée à [2014] 1 RCF 295, para 36.

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Note 55

Par exemple, dans la décision Tomlinson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 822 . (Décision publiée à 414 FTR 285), la juge Mactavish écrit ceci aux paragraphes 18 et 19 :

[18] […] Comme dans Portillo, la Commission a commis une erreur en confondant le risque hautement individualisé auquel était exposé M. Tomlinson et le risque généralisé de criminalité auquel sont exposées d’autres personnes en Jamaïque.

[19] Plus exactement, M. Tomlinson ne craint pas simplement un gang criminel en Jamaïque parce qu’il vit dans ce pays ou parce qu’il est propriétaire d’un petit commerce dans ce pays. Il s’agirait là d’un risque généralisé auquel est exposée une bonne partie de la population. En fait, le risque auquel est exposé M. Tomlinson est différent du risque qui existait avant que son frère ne commence à arrêter des membres du gang Ambrook Lane Clan. Avant les arrestations, M. Tomlinson était sans doute exposé à des exactions ou à des violences comme plusieurs autres petits commerçants en Jamaïque. Cependant, contrairement à l’ensemble de la population, M. Tomlinson est aujourd’hui exposé à un risque nettement plus élevé du fait que, pour reprendre les termes de la Commission, il était « précisément et personnellement ciblé par le gang ».

Reported: 414 FTR 285.

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Note 56

Wilson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 103, para 5. Dans cette décision, la juge Simpson a accepté l'observation du défendeur selon laquelle « […] le refus du demandeur de payer les membres de la bande ainsi que les actes de violence qu'ils avaient commis par la suite faisait partie d'un acte criminel continu d'extorsion, puisque toute personne qui refusait de payer était assujettie à des représailles ». La Cour a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur craignait les activités criminelles et la violence, qui sont généralisées en Jamaïque, plutôt qu'un risque personnel de préjudice. [Non souligné dans l'original]

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Note 57

Portillo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 78 . Décision publiée à [2014] 1 RCF 295, para 40-41.

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Note 58

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. (Décision publiée à [2015] 2 RCF 732 — 23 Imm LR (4th) 193, para 73). Dans cette décision, le juge Russell précise qu'il ne croit pas que la juge Gleason ait confondu les deux volets du critère cumulatif.

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Note 59

Guerrero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1210 . Décision publiée à 5 RJ Imm (4th) 74 — 208 ACWS (3d) 815, para 27.

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Note 60

Ortega Arenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344 , para 9.

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Note 61

Komaromi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1168 , para 27.

Montano c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 207, para 10‑11. Dans cette décision, la juge Gleason a conclu que la SPR n'a pas commis d'erreur dans son analyse relative à l'article 97. Le demandeur d'asile avait quitté la Colombie 12 ans auparavant et n'avait produit aucun élément de preuve laissant croire à la probabilité que, « à l'avenir », s'il retournait en Colombie, les FARC ou d'autres gangs de criminels l'exposeraient à un plus grand risque que le risque d'extorsion, un risque qui serait insuffisant pour conclure à l'existence d'une demande d'asile au titre de l'article 97 de la LIPR.

Voir le raisonnement adopté par le juge Brown dans la décision Zuniga c. Canada (Citoyenneté et Immigration) , 2018 CF 634 , dans laquelle il écrit, au paragraphe 25, que « la SPR avait le droit et était tenue d'examiner et d'évaluer la preuve de risque prospectif ». Au paragraphe 37, il conclut qu'il était raisonnable de conclure qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve démontrant l'existence d'un risque prospectif personnalisé, étant donné que les demandeurs d'asile avaient quitté le Salvador depuis plusieurs années et qu'il n'y avait aucune preuve démontrant que quelqu'un les recherchait.

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Note 62

Callender c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 515, para 50.

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Note 63

Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31; Arrêt publié à 387 NR 149 — 78 RJ Imm (3d) 163, para 7-8. La question certifiée était la suivante :

Dans les cas où la population d’un pays est exposée à un risque généralisé d’être victime d’actes criminels, la restriction prévue à l’alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR s’applique-t-elle à un sous-groupe de personnes exposées à un risque nettement plus élevé d’être victimes de tels actes criminels ?

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Note 64

Burgos Gonzalez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 426. Décision publiée à 431 FTR 268, para 14.

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Note 65

Guerrero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1210. Décision publiée à [2013] 3 RCF 20, para 29. Le juge Zinn a conclu que la SPR avait amalgamé le fondement du risque et le risque lui‑même. La même erreur a été relevée dans d'autres affaires. Voir par exemple la décision Coreas Contreras c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 510, dans laquelle le juge Mosley a conclu, au paragraphe 19, que l'erreur de la commissaire a été de « combiner le risque actuel avec la raison initiale de ce risque ».

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Note 66

De Jesus Aleman Aguilar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 809. Décision publiée à 437 FTR 168, para 40-41.

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Note 67

Tomlinson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 822. Décision publiée à 414 FTR 285, para 18.

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Note 68

Balcorta Olvera c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1048. Décision publiée à 417 FTR 255, para 41.

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Note 69

Ortega Arenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344, para 14-15.

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Note 70

Castillo Mendoza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 648. Décision publiée à 368 FTR 309, para 35.

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Note 71

Voici ce que le juge Rennie a écrit, dans la décision Vaquerano Lovato c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 143, au paragraphe 14 :

[L’]article 97 ne doit pas être interprété d’une manière qui le vide de son sens. Si un risque créé par une « activité criminelle » est toujours considéré comme un risque général, il est difficile de voir comment les exigences prévues à l’article 97 pourraient être satisfaites. Au lieu de mettre l’accent sur la question de savoir si le risque est créé par une activité criminelle, la Commission doit concentrer son attention sur la question dont elle est saisie : le demandeur serait-il exposé à une menace à sa vie ou au risque de subir des traitements et peines cruels et inusités à laquelle ou auquel les autres personnes qui vivent dans le pays ou qui sont originaires du pays ne sont pas exposées? [….]

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Note 72

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252 . Décision publiée à [2015] 2 R.C.F. 732, para 50.

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Note 73

Vivero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 138 , para 25.

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Note 74

Vivero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 138, para 26-27.

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Note 75

Vivero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 138 , para 26, 27 et 30.

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Note 76

Vaquerano Lovato c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 143 , para 9.

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Note 77

Vaquerano Lovato c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 143, para 13.

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Note 78

Michel-Querette c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 827, para 18. Dans cette décision, le juge Pentney a affirmé que « le risque de crime aléatoire auquel font face indistinctement et de façon générale toutes les personnes vivant dans son pays ne satisfait pas les normes de l'alinéa 97(1)b) de la LIPR ».

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Note 79

Munoz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 238, para 3.

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Note 80

Au paragraphe 11 de la décision Palomo c. Canada (Citoyenneté et Immigration) , 2011 CF 1163, le juge Harrington écrit ceci : « On peut donner des exemples de ce qui constitue à l'évidence une violence purement gratuite, qui n'est certainement pas un risque personnalisé, par opposition au cas où une personne est précisément visée en raison de ses caractéristiques personnelles, mais il existe une vaste gamme de situations entre ces deux extrêmes. »

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Note 81

Martinez Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 365. Décision publiée à 65 RJ Imm (3d) 275, para 15.

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Note 82

Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 213 , para 16.

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Note 83

Balcorta Olvera c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1048. Décision publiée à 417 FTR 255, para 37.

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Note 84

Vivero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 138, para 11.

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Note 85

Luna Pacheco c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 682. Décision publiée à 410 FTR 250, para 29.

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Note 86

Refusant de certifier une question proposée par le demandeur, le juge Russell a écrit, au paragraphe 105, de la décision Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 11 (Décision publiée à 403 FTR 1) ceci : « La jurisprudence de la présente cour et de la Cour d'appel fédérale indique clairement que la question du risque généralisé se rapporte étroitement aux faits; dans certains cas, il y a lieu d'accorder une protection lorsque quelqu'un est pris pour cible, dans d'autres, non. »

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Note 87

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 45-46.

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Note 88

Guerrero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1210. Décision publiée à [2013] 3 RCF 20, para 34.

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Note 89

Flores c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 201, para 25.La demanderesse a reçu des notes dans lesquelles l'auteur l'a menacée de mort si elle ne payait pas une rente hebdomadaire aux Maras. Toutefois, elle n'a pas établi que le risque qu'elle courait était prospectif étant donné qu'après son départ, ni elle ni sa sœur, qui vivaient dans la même ville, n'ont eu d'autres contacts avec la personne que la demanderesse craignait.

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Note 90

Tomlinson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 822. Décision publiée à 414 FTR 285, para 17.

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Note 91

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 56-57.

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Note 92

Komaromi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1168, para 26.

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Note 93

Pineda Cabrera c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 239, para 35. Adoptant une optique encore plus large, madame la juge Strickland définit le « crime » comme les motifs du risque dans sa conclusion sont laquelle la SPR semblait avoir confondu les motifs du risque (crime) avec le risque lui‑même.

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Note 94

Ponce Uribe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1164. Décision publiée à 398 FTR 165, para 10.

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Note 95

Barrios Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 403, para 13.

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Note 96

Le concept a été exprimé de plusieurs façons. Dans la décision Rodriguez Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1029, le juge Kelen a parlé du harcèlement et des menaces que les demandeurs d'asile ont reçues comme étant simplement une « prolongation » de l'extorsion. Dans la décision Servellon Melendez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 700, le juge Russell, au paragraphe 54, fait renvoi au raisonnement comme étant la « logique du préjudice résultant ».

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Note 97

Flores Romero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 772. Décision publiée à 392 FTR 248, para 18.

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Note 98

Wilson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 103, para 5.

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Note 99

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 84.

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Note 100

Herrera Chinchilla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 546, para 33 et 32.

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Note 101

En juillet 2014, M. le juge a tranché deux autres où il a réitéré sa position selon laquelle un consensus de dégageait voulant qu'il ne soit pas permis d'écarter le cas où le demandeur a été pris personnellement pour cible au motif qu'il s'agit du « simple prolongement », d'une « composante implicite », ou d'un « préjudice résultant » d'un risque généralisé : Ore c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 642, para 33; et Servellon Melendez c. Canada ( Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 700 , para 51.

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Note 102

Galeas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 667, para 48.

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Note 103

Ortega Arenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344, para 9.

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Note 104

Osorio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1459, para 24 et 26. Dans la décision Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331 . (Décision publiée à 70 RJ Imm (3d) 128, para 19), la juge Tremblay–Lamer, en faisant renvoie à la décision Osario, a écrit ceci : « Récemment, le terme « généralement » a été interprété d'une manière qui peut inclure des parties de la population en général, de même que tous les résidents ou citoyens d'un pays donné. »

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Note 105

Innocent c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1019. Décision publiée à 364 FTR 17. Au paragraphe 40, le juge Mainville a affirmé que l'analyse du risque auquel d'autres personnes originaires du pays en cause sont exposées pourrait comprendre l'analyse du risque auquel une partie seulement de la population est exposée.

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Note 106

Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 11. Décision publiée à 403 FTR 1. Au paragraphe 93, le juge Russell décrit l'approche adoptée dans la décision Osario de « bien établie dans la jurisprudence de la Cour [fédérale] ».

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Note 107

Paz Guifarro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 182, para 33.

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Note 108

Ventura De Parada c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 845 (dirigeants d'entreprises au Salvador); Rodriguez Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1029 (propriétaires de petites entreprises au Guatemala); Palomo c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2011 CF 1163, (commerçants au Guatemala).

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Note 109

Olmedo Rajo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1058 (chauffeurs d'autobus au Salvador): Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 213 (personnes chargées de percevoir le tarif des billets au Honduras).

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Note 110

Cruz Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 81 (livreurs au Honduras); Paz Guifarro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 182 (propriétaires d'entreprises de transport de marchandises au Honduras); Hernandez Terriquez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1356 (conducteurs de camion sur longue distance au Mexique).

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Note 111

Marcelin Gabriel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1170; Cius c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1.

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Note 112

Osorio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1459.

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Note 113

Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 345 et Maldonado Lainez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 707 (jeunes hommes recrutés pour devenir membres de gangs au Honduras); Garcia Arias c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1029 et Baires Sanchez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 993 (jeunes hommes recrutés pour devenir des membres de gangs au Salvador).

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Note 114

Garces Canga c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 749, para 49. Dans cette décision, le juge Gascon a précisé comment les éléments requis pour établir le bien-fondé d'une revendication aux termes de l'article 97 diffèrent de ceux prévus à l'article 97 :

« En revanche, lorsque la revendication est fondée sur l’article 96, le demandeur d’asile n’a pas nécessairement à prouver qu’il a été lui-même persécuté dans le passé ou qu’il le serait à l’avenir; il lui suffit de démontrer que la crainte qu’il entretient résulte non pas d’actes répréhensibles commis ou susceptibles d’être commis à son endroit, mais d’actes répréhensibles commis ou susceptibles d’être commis à l’endroit des membres d’un groupe auquel il appartient. » [Non souligné dans l’original]

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Note 115

Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 11. Décision publiée à 403 FTR 1, para 75. Dans cette décision, le juge Russell cite les conclusions de la SPR avec approbation apparente « […] le fait que certaines personnes en particulier puissent être prises pour cible plus fréquemment ne signifie pas que le risque de violence n'est pas “généralisé”. Le fait qu'elles sont exposées au même risque que les personnes qui se trouvent dans une situation semblable ne permet pas de conclure qu'elles sont personnellement exposées à un risque leur donnant qualité de personne à protéger suivant l'article 97. »

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Note 116

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252 . Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 84. Dans cette décision, le juge Russell résume le nombre de principes tirés de son analyse de la jurisprudence.

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Note 117

Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 213, para 16.

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Note 118

Par exemple, dans la décision faisant autorité Martinez Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 365 (Décision publiée à 65 RJ Imm (3d) 275), le juge de Montigny écrit ceci, au paragraphe 15 :

[…] Il se peut bien que les Maras Salvatruchas recrutent parmi la population en général; il n’en demeure pas moins que M. Pineda, s’il faut en croire son témoignage, a été spécifiquement visé et a fait l’objet de menaces insistantes et d’agressions. De ce fait, il est exposé à un risque supérieur à celui auquel est exposée la population en général. [Non souligné dans l’original]

Reported: 65 Imm LR (3d) 275.

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Note 119

Ramos Aguilar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 708, para 8-11.

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Note 120

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Gladstone Richards, 2004 CF 1218, para 24.

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Note 121

Aguilar Zacarias c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 62, para 17.

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Note 122

Dieujuste-Phanor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 186, para 26-32.

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Note 123

Garcia Vasquez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 477, para 32.

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Note 124

Alvarez Castaneda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 724, para 4-5 et 7.

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Note 125

Monroy Beltran c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 275, para 20.

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Note 126

Portillo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678. Décision publiée à [2014] 1 RCF 295, para 50.

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Note 127

Ortega Arenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344, para 14-15.

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Note 128

Correa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252. Décision publiée à [2015] 2 RCF 732, para 83 et 94-95.

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Note 129

Wai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 364. Dans cette décision, le juge de Montigny n'était pas d'accord avec l'avocat qui soutenait qu'il était fautif d'appliquer la notion de loi d'application générale à une demande fondée sur l'article 97. Au paragraphe 17, il écrit ceci : « Bien que le concept de « loi d'application générale » ait évolué grâce aux causes portant sur des revendications du statut de réfugié au sens de la Convention en vertu de l'article 96 de la LIPR, cela ne signifie pas que l'application du concept dans le cadre d'une décision d'ERAR ait miné l'analyse de l'agente. » Pour une analyse de l'application de ce concept dans le contexte des demandes de statut de réfugié au sens de la Convention, voir le chapitre 9.

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Note 130

Canada (Coyenneté et Immigration) c. Harvey, 2013 CF 717, [2015] 1 RCF 3, para 41.

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Note 131

R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 RCS 1045.

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Note 132

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harvey, 2013 CF 717 , [2015] 1 RCF 3, para 53.

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Note 133

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harvey, 2013 CF 717, [2015] 1 RCF 3, para 45.Le juge O'Reilly a autorisé le contrôle judiciaire en raison de la même erreur dans la décision Klochek c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 474, affirmant ceci au paragraphe 10 : « Si une personne doit se voir refuser l'asile parce que le risque auquel elle s'expose découle d'une sanction légitime, il faut ensuite se poser la question de savoir si cette sanction est conforme aux normes internationales. »

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Note 134

Cao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 790, para 57-58.

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Note 135

Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 972, para 23-26.

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Note 136

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harvey, 2013 CF 717, [2015] 1 RCF 3, para 55.

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Note 137

États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7 , [2001] 1 RCS 283, para 143.

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Note 138

États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 RCS 283, para 68–69.

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Note 139

États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 RCS 283, para 78, 84 et 89.

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Note 140

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 RCS 350, para 98.

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Note 141

Kilic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 84, para 27.

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Note 142

Asgarov c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 106 , para 2 et 17.

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Note 143

Usta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1525, para 15 et 16.

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Note 144

Lebedev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 728, para 18 et 91.

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Note 145

Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 833, para 15 : « Bref, la jurisprudence est claire : la demanderesse, qui n'a pas renouvelé son visa de sortie valide, ne peut pas se fonder sur la possibilité d'être punie conformément au Code criminel de Cuba comme motif de protection au sens des articles 96 et 97. » [Non souligné dans l'original]

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Note 146

Kilic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 84, para 27. La preuve comprenait une lettre du ministère turc de la Défense nationale indiquant que le demandeur était considéré comme un conscrit réfractaire, une infraction donnant lieu à [traduction] « une sentence sévère d'emprisonnement ». Le juge Mosley a accueilli la demande de contrôle judiciaire :

[27] À mon avis, la Commission dans la présente affaire n’a pas examiné la documentation sur le pays et les autres éléments de preuve touchant les conditions dans les prisons en Turquie et elle a omis d’examiner la question de savoir si le demandeur pouvait avoir la qualité de « personne à protéger » s’il était renvoyé dans ce pays compte tenu de la possibilité qu’il soit exposé à une [traduction] « sentence sévère d’emprisonnement » pour s’être soustrait au service militaire en Turquie.

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Note 147

Asgarov c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, 2019 CF 106, para 9, 2, 17 et 18.

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Note 148

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365 , [2007] 3 RCF 169.

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Note 149

La question certifiée était la suivante : L'exclusion, en vertu de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, d'une menace à la vie causée par l'incapacité d'un pays à fournir des soins médicaux adéquats à une personne atteinte d'une maladie qui met sa vie en danger contrevient‑elle à la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière qui n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale et qui ne peut se justifier en application de l'article premier de la Charte?

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Note 150

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1193 . La jurisprudence concernant le sous-alinéa 97(1)b)(iv) sont en fait surtout des contrôles judiciaires de décisions prises par des agents d'examen des risques avant renvoi (ERAR).

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Note 151

Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 288 , [2004] 3 RCF 323.

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Note 152

Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 288, [2004] 3 RCF 323, para 21.

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Note 153

Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 288, [2004] 3 RCF 323, para 23-24.

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Note 154

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1193, para 33.

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Note 155

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365 , [2007] 3 RCF 169, para 24-25.

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Note 156

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365 , [2007] 3 RCF 169, para 31. 

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Note 157

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365, [2007] 3 RCF 169, para 37.

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Note 158

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365, [2007] 3 RCF 169, para 38.

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Note 159

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365, [2007] 3 RCF 169, para 39.

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Note 160

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365, [2007] 3 RCF 169, para 38, 39 et 41. 

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Note 161

Babar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 586, para 2 et 5.

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Note 162

Begum c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 10, para 62.

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Note 163

Nicolas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 452; 367 FTR 223, para 33.

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Note 164

Ogbebor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1331, para 18.

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Note 165

Nebie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 701, para 39. 

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Note 166

Richmond c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 228, para 10..

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Note 167

Averin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1457, para 9-11.

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Note 168

Ferreira c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 756, para 13-14.

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Note 169

Lemika c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 467, para 29.

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Note 170

Mwayuma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1573, para 20 et 24-26.

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Note 171

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365 , [2007] 3 RCF 169, para 62.

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Note 172

Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 365, [2007] 3 RCF 169, para 60-61.

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Note 173

Laidlow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 144.

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Note 174

Laidlow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 144, para 16, 19, 31 et 37.

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Note 175

Laidlow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 256, para 17.

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Note 176

Laidlow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 256, para 19-20.

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Note 177

Spooner c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 870, para 16, 24-26, et 29-30.

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