HUIS CLOS
DÉCISION TA2-14980
Demandeur(s) : XXXXXXXXXXXXXXX
Date(s) de l'audience : 11 mars 2003
Lieu de l'audience : Toronto
Date de la décision : 20 mars 2003 (modifiée le 27 mai 2003)
CORAM : E.S. Schlanger
Pour le(s) demandeur(s) : Daniel Kingwell, Avocat
Agent de protection des réfugiés : s/o
Représentant désigné : s/o
Conseil du ministre : s/o
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX se dit citoyen costaricienNote 1 âgé de 21 ans. Il soutient avoir qualité de personne à protéger du fait qu'il est exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au Costa Rica. Il prétend craindre des membres d'une bande de jeunes Nicaraguayens parce qu'il les a dénoncés à la police et que le membre de cette bande de jeunes qu'il a pu identifier a été détenu. Il soutient que s'il devait retourner au Costa Rica, l'État ne lui assurerait aucune protection.
Le demandeur d'asile allègue que vers la mi-XXXXX 2002, tandis qu'il se promenait à pied près d'un terrain de soccer, il a entendu une femme crier au secours et, alors qu'il s'approchait pour voir ce qui se passait, il a vu un jeune homme suivi de plusieurs autres. Le demandeur d'asile allègue que l'un des jeunes hommes a dit qu'on devrait le tuer. Le demandeur d'asile allègue aussi que le jeune homme à qui il parlait aurait alors sorti de sa poche un objet qui aurait pu être une arme à feu, que le demandeur d'asile se serait lancé à sa poursuite, mais aurait perdu sa piste. Le demandeur d'asile déclare qu'à en juger par les cris de la femme, il lui semblait qu'elle se faisait violer. Il soutient avoir signalé l'incident à la police, qui a rédigé un rapport et qui lui aurait dit qu'elle ferait enquête. Le demandeur d'asile soutient avoir appris en moins d'une semaine que des personnes avaient été arrêtées et qu'il avait été en mesure d'identifier, au poste de police, le jeune homme qui l'avait poursuivi. Il aurait reçu, vers la fin du mois de XXXX 2002, une note de menace manuscrite dans laquelle l'auteur disait que la vie était assez longue pour que leurs chemins se croisent à nouveau. Comme cette note aurait effrayé le demandeur d'asile, le père de ce dernier se serait rendu au poste de police pour en faire état, mais la police lui aurait dit qu'il n'y avait pas assez de preuve pour faire enquête puisque personne n'avait été physiquement agressé. La police aurait aussi dit à son père que la victime avait décidé de retirer les accusations qui pesaient contre les jeunes hommes impliqués dans le viol. Son père serait alors allé consulter un avocat, qui lui aurait répondu qu'il ne pouvait pas aider son fils parce que les jeunes hommes impliqués étaient mineurs et que la note n'était pas assez grave pour justifier une poursuite judiciaire. L'avocat aurait en fait conseillé au demandeur d'asile de quitter le pays. Le demandeur d'asile allègue que vers le début du mois de XXXX 2002, son père aurait aperçu, à quelques reprises, une bande de jeunes qui traînait aux environs de sa maison. Le demandeur d'asile soutient ne pas savoir si la chose s'est reproduite depuis, mais il croit que la bande de jeunes n'est pas retournée à la maison familiale. Il a quitté le Costa Rica pour le Canada le XXXXXX 2000. Le demandeur d'asile allègue craindre que les membres de la bande puissent s'en prendre à lui et lui causer du mal, mais il n'est pas sûr qu'ils se mettraient à sa recherche.
En l'espèce, la question déterminante est de savoir si le demandeur d'asile jouit de la protection de l'État. Pour trancher cette question, le tribunal doit prendre en considération la preuve testimoniale et écrite du demandeur d'asile, les observations du conseil, la preuve documentaire dans son ensemble, notamment au sujet des bandes de jeunes, de la police, de l'existence de mécanismes de traitement des plaintes pour abus de pouvoirs policiers ou inconduite policière et, en général, le degré de démocratie atteint au Costa Rica.
La preuve documentaire n'étaye pas les allégations du demandeur d'asile en ce qui a trait à l'absence de protection de l'État. Il existe, au Costa Rica, plusieurs recours qui permettent l'examen des manquements des organismes chargés de l'application de la loi, et la possibilité d'intenter, au besoin, des poursuites contre eux et d'obtenir réparation.
La preuve documentaire révèle que le nombre de plaintes pour abus de pouvoirs policiers ou inconduite policière a diminué depuis que le gouvernement a commencé à mettre en œuvre le Code pénal de 1994 et la Loi renforçant les pouvoirs de la police civile, laquelle est entrée en vigueur le 23 mars 2001Note 2. En outre, en cas d'abus de pouvoirs policiers ou d'inconduite policière, les citoyens disposent, auprès du bureau de l'ombudsman, d'un mécanisme efficace de recours pour traiter les plaintes de violation de leurs droits civils et humains ou pour dénoncer les lacunes au sein de l'infrastructure publique et privéeNote 3. L'ombudsman fait enquête et, intente, s'il y a lieu, des poursuites contre les personnes concernéesNote 4. L'ombudsman est élu par l'Assemblée législative pour un mandat renouvelable de quatre ansNote 5. Ses fonctions relèvent du pouvoir législatif, ce qui lui confère un haut degré d'indépendance par rapport au pouvoir exécutifNote 6. La loi confère au bureau de l'ombudsman l'indépendance fonctionnelle, administrative et judiciaireNote 7. En outre, la Constitution garantit le droit à un procès équitable, droit que le pouvoir judiciaire indépendant défend avec vigueurNote 8.
Selon l'International Narcotics Control Strategy ReportNote 9 de 2001 pour le Costa Rica, les responsables costariciens de l'application de la loi font preuve de fiabilité et de professionnalisme grandissants dans la lutte antidrogue, et le dépistage des méthodes, en évolution constante, du trafic des stupéfiants. Ce rapport mentionne en outre qu'en décembre 2001, le président Rodriguez a promulgué une loi, attendue depuis longtemps, sur le contrôle des stupéfiants, laquelle criminalise le blanchiment de l'argent et crée l'Institut de lutte antidrogue, et le charge de coordonner les efforts du gouvernement dans les domaines du renseignement, de la réduction de la demande, de la saisie des biens et des précurseurs avant octroi de brevet pour des produits chimiquesNote 10.
Les principaux organismes de la lutte antidrogue au Costa Rica sont la police d'enquête judiciaire, sous la direction de la Cour suprême, et la police antidrogue du ministère de la Sécurité publiqueNote 11. Les organismes américains d'application de la loi estiment que les forces de la sécurité publique et les fonctionnaires judiciaires collaborent pleinement aux enquêtes et aux opérations antidrogue et craignent peu ou point que les enquêtes en cours ne soient compromisesNote 12. Le Conseil national de prévention de la toxicomanie (CENADRO) supervise les mesures de prévention de la toxicomanie et les programmes d'information à l'échelle du pays, principalement grâce à ses programmes de sensibilisation destinés aux écoles publiques et privées et aux centres communautairesNote 13.
La preuve documentaire révèle en outre que la police d'enquête judiciaire (OIJ), qui est dotée d'une section antigang composée de 20 agents, fait actuellement enquête sur les nombreuses bandes de jeunes de San Jose et a établi le profil des prétendus chefs de bandeNote 14. Elle montre en outre que le Costa Rica s'est muni d'une Loi sur la justice pénale pour mineurs, qui classe les sanctions pénales pour jeunes contrevenants en trois catégories : les sanctions pédagogiques, les sanctions d'encadrement et de supervision et les sanctions de privation de libertéNote 15.
Le récit détailléNote 16 de poursuites pénales dont divers tribunaux de Heredia ont été saisis et les peines auxquelles elles ont donné lieu montrent que, au Costa Rica, le crime est puni. Le tribunal estime que la preuve documentaire susmentionnée montre que le Costa Rica déploie de grands efforts pour protéger ses citoyens qui sont victimes d'actes criminels.
En l'espèce, le demandeur d'asile a signalé le crime qu'il a surpris et les menaces qui ont été proférées contre lui du fait qu'il avait demandé ce qui se passait à l'auteur du crime. La police a pris l'affaire au sérieux, a mené enquête, a retrouvé l'un des suspects, l'a fait identifier et a porté contre lui des accusations. La victime du viol a par la suite retiré les accusations. Rien ne laisse croire que la police n'a pas exécuté ses fonctions comme il se doit. Le demandeur d'asile n'a pas cherché à obtenir la protection de la police et n'a pas fait part de ses inquiétudes à la police lorsqu'elle lui a demandé de venir identifier le suspect. Le demandeur d'asile a senti que la police ne voulait pas le protéger lorsque son père a informé celle ci des menaces que son fils avait reçues par écrit. Le tribunal conclut que si le demandeur d'asile n'était pas satisfait de la façon dont la police avait traité l'affaire, il aurait dû s'adresser à l'ombudsman. L'ignorance de la procédure de traitement des plaintes n'excuse pas l'omission du demandeur d'asile d'épuiser tous les recours qui lui étaient offerts, au Costa Rica, avant de demander une protection à l'étranger.
Comme le Costa RicaNote 17 jouit d'une stable et longue tradition de démocratie constitutionnelle dotée d'un pouvoir judiciaire indépendant, qui dispose de moyens efficaces pour régler les cas d'abus individuels, il incombe au demandeur d'asile d'établir que l'État ne lui aurait pas assuré une protection. Le demandeur d'asile doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueusesNote 18. Plus les institutions de l'État sont démocratiques, plus le demandeur d'asile doit avoir cherché à épuiser tous les recours qui s'offrent à luiNote 19.
Le tribunal conclut que le demandeur d'asile n'est pas parvenu à établir clairement et de façon convaincante l'incapacité ou l'absence de volonté de l'État de le protéger.
Ayant établi que le demandeur d'asile disposait d'une protection de l'État raisonnable au Costa Rica, le tribunal conclut que le demandeur d'asile n'a pas qualité de personne à protéger, car il n'existe aucun motif sérieux de croire qu'il serait personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au Costa Rica.
Le tribunal s'est également penché sur l'application des motifs fondés sur la définition de « réfugié au sens de la Convention » et des motifs de protection prévus à l'alinéa 97(1)a) de la
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Toutefois, comme la protection de l'État est disponible, il conclut que le demandeur d'asile n'a pas non plus la qualité de personne à protéger pour ces motifs.
En conséquence, le tribunal rejette la demande d'asile de XXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXX.
E.S. Schlanger
FAIT à Toronto, le 20 mars 2003.
Notes
- Note 1
Pièce M-1 - Copie certifiée conforme de certaines pages du passeport costaricien du demandeur d'asile produites par Citoyenneté et Immigration Canada.
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- Note 2
Pièce R-1, points 1 et 2.1,
p. 32, Rapport du Département d'État américain,
Country Reports on Human Rights Practices 2001, Costa Rica, mars 2002.
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- Note 3
Ibid.
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- Note 4
Ibid.
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- Note 5
Ibid.
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- Note 6
Ibid.
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- Note 7
Ibid.
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- Note 8
Ibid.
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- Note 9
Pièce R-1, point 2.2,
p. 41,
International Narcotics Control Strategy Report, mars 2002.
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- Note 10
Ibid.
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- Note 11
Ibid.
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- Note 12
Ibid.
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- Note 13
Ibid.
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- Note 14
Pièce R-1, point 1, Dossier d'information de la SPR sur le Costa Rica, point 3,
p. 62, Réponse à la demande d'information CRI38217.E, 22 janvier 2002,
DGDIR,
CISR.
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- Note 15
Pièce R-2, Réponse à la demande d'information CRI40571.E, 9 janvier 2003,
DGDIR,
CISR.
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- Note 16
Pièce R-1, point 1, Dossier d'information de la SPR sur le Costa Rica, point 3,
p. 59, Réponse à la demande d'information CRI40288.E, 7 novembre 2002,
DGDIR,
CISR.
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- Note 17
Supra, note 2.
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- Note 18
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)
c. Kadenko (1996), 143
D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.).
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- Note 19
Ibid.
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