Responses to Information Requests

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26 août 2021

RWA200729.EF

Rwanda : information sur le traitement réservé aux personnes qui se sont opposées au gouvernement du Rwanda dans le passé, y compris aux membres de leur famille (2000-juill. 2021)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Traitement réservé aux opposants politiques par les autorités

Selon des sources, le parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR), qui est dirigé par le président Paul Kagame, s’en est pris à des dissidents politiques, à des journalistes et à des militants pour les droits de la personne, y compris à des Rwandais établis à l’étranger (Wrong 23 juill. 2021; Bertelsmann Stiftung 2020, 10-11, 13).

Des sources ont affirmé que des Hutus et des Tutsis qui critiquent le gouvernement ont été pris pour cible (professeure enseignante agrégée 28 juill. 2021; professeure agrégée 26 juill. 2021; professeur de science politique 4 août 2021). Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un professeur de science politique et de relations internationales à l’Université de Boston dont les recherches portent principalement sur les relations entre les États et la société en Afrique a déclaré que, bien que des Hutus et des Tutsis aient été pris pour cible, les Hutus font généralement l’objet d’une [traduction] « surveillance plus étroite » (professeur de science politique 4 août 2021).

Selon des sources, les autorités peuvent éliminer [traduction] « toute » dissension politique (Freedom House 3 mars 2021, overview, sect. C3; Bertelsmann Stiftung 2020, 6, 9-10), notamment en ayant recours à la [traduction] « surveillance omniprésente, [à l’]intimidation, [à l’]extradition, [à la] torture, [à des] assassinats présumés » (Freedom House 3 mars 2021, overview, sect. C3), ou encore à la rétrogradation, à la détention ou en forçant une personne à quitter le Rwanda (Bertelsmann Stiftung 2020, 6, 9-10). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur d’histoire et d’études politiques africaines qui est retraité du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de la France, et qui est aussi membre de l’Atlantic Council (Washington) et auteur de deux ouvrages sur le génocide au Rwanda, a déclaré que les actes de violence physique à l’endroit des opposants politiques, y compris [traduction] « les meurtres, les agressions et la détention », sont « maintenant plus rares » qu’auparavant, et que le traitement qui leur est généralement réservé est le suivant :

[traduction]

confiscation de biens […] harcèlement (physique et par téléphone ou Internet), poursuites de nature financière, harcèlement des proches, privation de documents officiels, détention temporaire injustifiée suivie d’une remise en liberté sans explication, poursuites pour des crimes qui n’ont pas été commis, surveillance de la correspondance par courrier et courriel, menaces aux proches qui vivent à l’étranger […] introduction par effraction, traque et autres démarches générales visant à leur mener […] la vie dure (professeur d’histoire africaine 6 août 2021).

Des sources signalent que le gouvernement a accusé certains de ses détracteurs et opposants politiques de répandre le [traduction] « divisionnisme » ou « [l’]idéologie génocidaire » (HRW 30 mars 2021; professeure agrégée 26 juill. 2021). L’Indice de transformation de la fondation Bertelsmann (Bertelsmann Stiftung's Transformation Index - BTI) de 2020, qui [traduction] « évalue la transition vers la démocratie et l’économie de marché ainsi que la qualité de la gouvernance dans 137 pays », souligne que « [l]e système judiciaire est l’outil dont se sert le gouvernement pour perpétuer un régime autoritaire, c’est-à-dire qu’il intente des poursuites contre les opposants et les détracteurs » (Bertelsmann Stiftung 2020, 2, 11). Selon des sources, il arrive que des accusations liées au génocide servent de recours contre un opposant, mais, dans certains cas, elles peuvent être légitimes (professeure agrégée 26 juill. 2021; Mudge 29 juill. 2021).

Des sources signalent que des opposants politiques au Rwanda ont été la cible du logiciel espion Pegasus, produit par [l’entreprise de surveillance israélienne (Amnesty International 19 juill. 2021)] NSO Group (Wrong 23 juill. 2021; FT 29 Oct. 2019). Le professeur de science politique a déclaré que le Rwanda est l’un des utilisateurs [traduction] « les plus actifs » de la technologie du logiciel espion de NSO Group (professeur de science politique 4 août 2021). Dans un article publié en 2021 par Amnesty International qui cite des données recueillies par Forbidden Stories, un réseau de journalistes à but non lucratif ayant son siège en France et voué à la promotion des enquêtes collaboratives (Forbidden Stories s.d.), grâce au soutien technique d’Amnesty International, on peut lire que, depuis 2016, les autorités rwandaises ont utilisé le logiciel Pegasus de NSO Group pour cibler plus de 3 500 numéros de téléphone appartenant à des [traduction] « militants, à des journalistes, à des opposants politiques, à des politiciens étrangers et à des diplomates » (Amnesty International 19 juill. 2021).

2. Traitement réservé aux personnes qui se sont opposées au gouvernement du Rwanda dans le passé

Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, une chargée d’enseignement principale en histoire à l’Université de Glasgow, qui a mené des recherches sur le génocide au Rwanda, a affirmé que le gouvernement du Rwanda s’intéresse toujours aux activités des personnes qui critiquent ouvertement le FPR et Paul Kagame ou l’ont fait par le passé, ou de quiconque travaille dans le domaine des droits de la personne (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Des sources ont signalé que, une fois que le gouvernement considère une personne comme un opposant politique, il est difficile pour elle de se défaire de cette étiquette (Mudge 29 juill. 2021; professeur de science politique 4 août 2021).

Selon des sources, le risque auquel sont exposés les opposants politiques du gouvernement ne diminue pas à mesure que le temps passe (professeure enseignante agrégée 28 juill. 2021; Mudge 29 juill. 2021; professeur de science politique 4 août 2021). La chargée d’enseignement principale a déclaré que les autorités continuent de surveiller les personnes [traduction] « dans de nombreux cas », et que la situation pourrait mal tourner pour « une quelconque infraction mineure » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure enseignante agrégée à l’Université d’État de l’Iowa qui a mené des recherches sur le FPR a déclaré que, selon ses recherches et des entrevues subséquentes avec des détracteurs connus du FPR, ces personnes avaient de la difficulté à avoir accès à des emplois, à l’éducation et à des ressources médicales, et elles était [traduction] « continuellement harcelées » par les autorités (professeure enseignante agrégée 28 juill. 2021). Cependant, au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, une professeure agrégée d’anthropologie dans une université des États-Unis a déclaré que le traitement réservé à une personne varie selon que celle-ci demeure ou non dans l’opposition et continue à critiquer publiquement le gouvernement du Rwanda, selon la façon dont elle s’est opposée au gouvernement dans le passé, et selon qu’elle continue ou non à se faire remarquer (professeure agrégée 26 juill. 2021).

Selon la chargée d’enseignement principale, si une personne cesse de critiquer le gouvernement après avoir été convoquée à un interrogatoire par la police, il est [traduction] « possible » pour cette personne de continuer à mener sa vie, mais elle fera l’objet d’une surveillance pendant « une longue période » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La même source a affirmé que, si la personne ne cesse pas d’exprimer son opposition à ce moment-là, sa situation [traduction] « peut dégénérer assez rapidement » et aboutir à « l’emprisonnement » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch (HRW), a déclaré qu’il y a des cas où d’anciennes élites politiques qui ont subi de la répression ont depuis limité leurs activités politiques et ne sont plus [traduction] « en danger de disparaître », à condition qu’elles continuent de s’autocensurer (Mudge 29 juill. 2021). Le professeur de science politique a affirmé que les détracteurs du gouvernement qui sont [traduction] « réhabilités » grâce à l’autocensure sont « rares » (professeur de science politique 4 août 2021). Lewis Mudge a déclaré que, si un opposant politique souhaite rester au Rwanda, il doit se taire (Mudge 29 juill. 2021). Selon le professeur d’histoire africaine, les opposants politiques [traduction] « ne sont jamais en sécurité », et leur situation peut « s’envenimer à tout moment pour n’importe quelle raison » (professeur d’histoire africaine 6 août 2021). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une spécialiste des renseignements sur les pays d’origine (RPO) portant sur le Rwanda, qui a rédigé un livre sur le FPR, a déclaré qu’il y a [traduction] « un nombre croissant » de Tutsis et de Hutus qui ont [traduction] « obéi » ou « se sont soumis » au gouvernement quand ils étaient toujours au Rwanda, mais qui ont été pris pour cible lorsqu’ils ont fui le pays, puisqu’ils ne sont plus sous le contrôle du gouvernement (spécialiste des RPO 4 août 2021).

Freedom House signale que le gouvernement du Rwanda s’en est pris à des opposants politiques à l’étranger, y compris à des anciens membres haut placés du gouvernement Kagame (Freedom House févr. 2021, 23). La professeure agrégée a affirmé que les anciens membres du FPR qui quittent le Rwanda et critiquent le FPR, le président Kagame ou d’autres représentants du gouvernement, y compris des membres des forces de défense du Rwanda, seraient [traduction] « très dangereusement pourchassés » par le gouvernement (professeure agrégée 26 juill. 2021). Selon des sources, le gouvernement vise surtout les anciens membres du FPR parce qu’ils peuvent contester les versions officielles de l’État (Freedom House févr. 2021, 23; professeur de science politique 4 août 2021). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un candidat au doctorat au département de science politique de l’Université Tulane, qui fait des recherches sur les élites politiques rwandaises et les mesures de répression du gouvernement, a déclaré que le gouvernement a également pris pour cible certaines [traduction] « élites du monde des affaires » en raison de la « vaste plateforme [dont elles disposent] pour contester le régime », et que « les personnes qui sont au courant des activités commerciales du FPR (menées par l’intermédiaire de Crystal Ventures, de Prime Holdings Ltd., de Horizon Group, etc.) » sont aussi « fréquemment visées » (candidat au doctorat 16 août 2021).

À la question de savoir si le gouvernement du Rwanda continuerait à s’en prendre à un opposant politique qui a critiqué le gouvernement il y a 10, 15 ou 20 ans, la chargée d’enseignement principale a répondu que, si la personne était fortement associée à la [traduction] « subversion politique », elle serait encore une cible, et il ne serait « probablement pas sécuritaire [pour elle] de retourner » au Rwanda (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La spécialiste des RPO a déclaré que les gens qui ont été témoins de crimes du FPR pendant et après le génocide, mais qui ne coopèrent pas avec le gouvernement du Rwanda ou les représentants de l’ambassade du Rwanda sont [traduction] « particulièrement vulnérables ou exposés à des risques » (spécialiste des RPO 4 août 2021).

La professeure agrégée a déclaré qu’une personne qui ne se fait pas remarquer a [traduction] « probablement moins de chances » d’être poursuivie au fil du temps (professeure agrégée 26 juill. 2021). La chargée d’enseignement principale a affirmé qu’un militant qui s’est consacré à une seule cause pourrait être en mesure de retourner au Rwanda, mais que cela [traduction] « dépend de la cause en question », et qu’il est généralement présumé que quelqu’un qui a défié le gouvernement au sujet d’une question « pourrait avoir tendance » à le défier par rapport à d’autres questions (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Le professeur de science politique a déclaré que ce ne sont pas seulement les opposants bien en vue qui sont la cible du gouvernement, mais que, plutôt, [traduction] « tout le monde se sent surveillé et a peur », et qu’il y a aussi régulièrement des « gens ordinaires » qui se font arrêter ou qui disparaissent (professeur de science politique 4 août 2021).

La chargée d’enseignement principale a signalé que les Tutsis nés au Rwanda qui ont survécu au génocide peuvent parfois être la cible du gouvernement en raison de leur expérience du génocide qui diffère de celle des membres du FPR, et que certains ont été [traduction] « rétrogradés » ou « emprisonnés » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021).

Selon des sources, les personnes qui sont allées à l’étranger et sont retournées au Rwanda [ou ont été expulsées vers le Rwanda (chargée d’enseignement principale 2 août 2021)] font l’objet de méfiance à leur retour (professeur de science politique 4 août 2021; chargée d’enseignement principale 2 août 2021).

2.1 Exemples du traitement réservé aux personnes qui se sont opposées au gouvernement du Rwanda dans le passé
2.1.1 Paul Rusesabagina

Selon des sources, Paul Rusesabagina est un [[traduction] « important » (HRW 10 sept. 2020)] [traduction] « détracteur » du FPR depuis longtemps (HRW 10 sept. 2020; Wrong mars 2021, 454). Des sources précisent que Paul Rusesabagina ne vit plus au Rwanda depuis qu’il a fui le pays en 1996 (Freedom House févr. 2021, 24; AP 14 sept. 2020; AFP 25 sept. 2020). La professeure agrégée a déclaré que Paul Rusesabagina critiquait le gouvernement du Rwanda dans le passé et n’avait jamais arrêté de le faire en date de juillet 2021 (professeure agrégée 26 juill. 2021). Des sources signalent que les autorités rwandaises [traduction] « ont piégé » Paul Rusesabagina pour l’amener au Rwanda (The New York Times 27 mai 2021; professeure agrégée 26 juill. 2021). Des sources signalent que, en août 2020, Paul Rusesabagina a été arrêté au Rwanda (The New York Times 27 mai 2021; HRW 10 sept. 2020; AP 14 sept. 2020). Selon des sources, il a été accusé de multiples crimes, y compris de terrorisme (The New York Times 27 mai 2021; AP 14 sept. 2020; professeure agrégée 26 juill. 2021), de formation d’un groupe rebelle armé (AP 14 sept. 2020; professeure agrégée 26 juill. 2021), d’incendie criminel (The New York Times 27 mai 2021; professeure agrégée 26 juill. 2021), d’enlèvement et de vol à main armée (professeure agrégée 26 juill. 2021). Selon des sources, Paul Rusesabagina est cofondateur (HRW 10 sept. 2020) ou président (Freedom House févr. 2021, 24) du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), une coalition de groupes d’opposition (HRW 10 sept. 2020; Freedom House févr. 2021, 24). Des sources soulignent que le MRCD a un bras armé, appelé les Forces de libération nationale (FLN) (HRW 10 sept. 2020; AFP 25 sept. 2020; Freedom House févr. 2021, 24).

2.1.2 Kizito Mihigo

Selon des sources, en février 2020, le populaire chanteur de gospel Kizito Mihigo a été trouvé mort pendant qu’il était détenu par la police, après s’être fait arrêter au moment où il tentait de traverser la frontière du Burundi (HRW 17 févr. 2021; Wrong mars 2021, 437-438). Des sources signalent que le décès de Kizito Mihigo a été considéré comme un suicide, mais beaucoup de gens ont jugé cette hypothèse peu probable (Wrong mars 2021, 438; chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Au cours d’un entretien avec HRW, Lewis Mudge a déclaré que Kizito Mihigo est devenu la cible du gouvernement du Rwanda en 2014, lorsqu’il a lancé une chanson qui contestait le récit officiel du génocide de 1994 (HRW 17 févr. 2021). Selon un article publié en février 2020 par la BBC, en 2015, Kizito Mihigo a été reconnu coupable d’avoir planifié l’assassinat du président Paul Kagame et a été condamné à dix ans de prison; il a obtenu un pardon en 2018 (BBC 17 févr. 2020). Au cours de l’entretien avec HRW, Lewis Mudge a déclaré que, quand Kizito Mihigo a été libéré de prison, [traduction] « [d]es gens très haut placés exerçaient de la pression sur lui pour qu’il présente un faux témoignage contre des dissidents politiques », et il a senti que sa vie était « menacée » (HRW 17 févr. 2021). La même source a ajouté que, [traduction] « jusqu’à la fin », Kizito Mihigo a tenté de lever le voile sur les cas de « torture » dans les centres de détention du pays (HRW 17 févr. 2021).

2.1.3 Kayumba Nyamwasa

D’après un article d’opinion publié dans le Guardian et rédigé par Michela Wrong, une journaliste et auteure qui écrit au sujet de l’Afrique (The Guardian s.d.), Kayumba Nyamwasa, cofondateur du groupe d’opposition Congrès national rwandais (Rwanda National Congress - RNC), a été informé en 2019, par l’application WhatsApp, que son téléphone avait été infiltré par le logiciel espion Pegasus de NSO Group (Wrong 23 juill. 2021).

Des sources soulignent que, en 2011, Kayumba Nyamwasa a été condamné in absentia à environ 20 ans de prison parce qu’il était accusé, entre autres, de menace à la sécurité d’État (Freedom House févr. 2021, 23; BBC 22 sept. 2011). Selon Freedom House, Kayumba Nyamwasa a signalé qu’il avait été visé par des plans d’assassinat à au moins quatre reprises en date de 2019 (Freedom House févr. 2021, 23). Michela Wrong affirme que Kayumba Nyamwasa a survécu à de [traduction] « multiples » tentatives d’assassinat en Afrique du Sud, où il s’est établi (Wrong 23 juill. 2021).

3. Traitement réservé aux membres de la famille des personnes qui se sont opposées au gouvernement du Rwanda dans le passé

Des sources signalent que, pour exercer un contrôle sur les Rwandais qui vivent à l’étranger, le gouvernement du Rwanda s’en prend aux membres de leur famille (Freedom House févr. 2021, 25; professeur de science politique 4 août 2021). Les mêmes sources soulignent que les membres de la famille peuvent subir du [traduction] « harcèlement » (Freedom House févr. 2021, 25; professeur de science politique 4 août 2021) ou de [traduction] « [l’]intimidation » (Freedom House févr. 2021, 25). Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, Lewis Mudge a fait état de cas où [traduction] « de fortes pressions » ont été exercées sur des membres de la famille d’opposants politiques ayant quitté le Rwanda (Mudge 29 juill. 2021). Selon la chargée d’enseignement principale, les mesures prises par les autorités à l’endroit des membres de la famille visés [traduction] « s’intensifient selon le mode habituel », c’est-à-dire qu’elles vont de la « surveillance et [de la] détention jusqu’à d’éventuels actes de torture » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La professeure agrégée a déclaré que les membres de la famille qui sont à l’étranger et rentrent au pays peuvent être détenus ou accusés de crimes ou se voir interdire de quitter le pays (professeure agrégée 26 juill. 2021).

Des sources signalent que les Rwandais à l’étranger qui se sentent ciblés par le gouvernement s’inquiètent généralement pour les membres de leur famille qui restent au Rwanda parce qu’ils craignent pour leur sécurité (Freedom House févr. 2021, 25; professeure agrégée 26 juill. 2021). La professeure agrégée a déclaré que, selon la [traduction] « perception générale », si un opposant politique reste au Rwanda, les membres de sa famille ne sont « généralement pas pris pour cible » (professeure agrégée 26 juill. 2021). Le professeur de science politique a toutefois signalé que le simple fait qu’un opposant est demeuré au Rwanda ne signifie pas que les membres de sa famille seront épargnés (professeur de science politique 4 août 2021).

Selon des sources, les conjoints des opposants sont souvent pris pour cible (professeure agrégée 26 juill. 2021; chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La professeure agrégée a donné l’exemple d’un militant rwandais pour les droits de la personne qui vit aux États-Unis, et dont l’épouse retourne occasionnellement au Rwanda et se fait [traduction] « étroitement surveiller par des gens qui, selon elle, sont vraisemblablement des agents du renseignement ou du gouvernement du Rwanda » (professeure agrégée 26 juill. 2021). La chargée d’enseignement principale a dit que des membres de la fratrie ont aussi été pris pour cible (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Lewis Mudge a déclaré que le beau-frère d’un ancien représentant du gouvernement notoire avait été détenu, interrogé et agressé physiquement (Mudge 29 juill. 2021). La professeure agrégée a signalé que les enfants sont également susceptibles d’être visés (professeure agrégée 26 juill. 2021). La chargée d’enseignement principale a affirmé que, bien qu’elle ne soit pas au fait de cas où de jeunes enfants ont été directement pris pour cible, [traduction] « [l’]ombre » des actions des opposants politiques « plane sur » leurs enfants ou leurs petits-enfants adultes (chargée d’enseignement principale 2 août 2021).

La chargée d’enseignement principale a déclaré que, [traduction] « plus [une personne] est étroitement affiliée » à un opposant politique, « plus [elle] risque » d’être elle-même une cible (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). Le professeur de science politique a affirmé que les membres de la famille doivent rester discrets, car ils sont [traduction] « plus susceptibles d’avoir des ennuis » avec les autorités au « moindre faux pas » (professeur de science politique 4 août 2021). La spécialiste des RPO a signalé que, aux yeux du gouvernement, les membres de la famille des opposants sont des [traduction] « moyens de pression » auxquels les autorités peuvent avoir recours pour « influencer ou [freiner] » l’opposant politique (spécialiste des RPO 4 août 2021).

Selon la professeure enseignante agrégée, la prise pour cible de membres de la famille d’un opposant ne s’atténue pas au fil du temps (professeure enseignante agrégée 28 juill. 2021). Cependant, Lewis Mudge a affirmé que, après [traduction] « une période intense de véritable harcèlement, de menaces et de craintes », le traitement réservé aux membres de la famille [traduction] « se transforme en harcèlement de nature plutôt bureaucratique »; par exemple, ils peuvent avoir de la difficulté à conserver ou à trouver un emploi, être soudainement accusés de fraude fiscale, et se faire confisquer des biens (Mudge 29 juill. 2021). Des sources ont affirmé que les membres de la famille d’opposants politiques demeurent sous surveillance (professeur de science politique 4 août 2021; professeur d’histoire africaine 6 août 2021), même après dix ans (professeur de science politique 4 août 2021). Le professeur de science politique a déclaré que les autorités [traduction] « seront toujours renseignées » au sujet de la famille et « à l’affut d’infractions à lui reprocher » (professeur de science politique 4 août 2021).

La chargée d’enseignement principale a déclaré que, dans le cas des opposants politiques qui sont discrets, le traitement réservé aux membres de la famille n’est [traduction] « pas si extrême » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La même source a cependant ajouté que, pour ces personnes, il subsiste [traduction] « une crainte d’être persécutées » et le stress associé à une diminution des moyens de subsistance (chargée d’enseignement principale 2 août 2021). La chargée d’enseignement principale a ajouté que les membres de la famille d’opposants politiques bien en vue peuvent subir de la [traduction] « pression » de la part des autorités, y compris au moyen d’appels téléphoniques, chaque fois que les médias parlent des opposants politiques en question (chargée d’enseignement principael 2 août 2021). La même source ajoute que les autorités appellent aussi les membres de la famille des universitaires rwandais lorsque les textes que ces derniers publient vont [traduction] « dans le mauvais sens » (chargée d’enseignement principale 2 août 2021).

3.1 Exemples du traitement réservé aux membres de la famille de personnes qui se sont opposées au gouvernement du Rwanda dans le passé
3.1.1 Fille de Paul Rusesabagina

Amnesty International signale que le téléphone de Carine Kanimba, fille de Paul Rusesabagina, a été infiltré par le logiciel espion Pegasus de NSO Group (Amnesty International 19 juill. 2021). Dans une entrevue accordée au Guardian, la sœur de Carine Kanimba a déclaré qu’elle et les membres de sa famille soupçonnaient que leurs courriels étaient aussi surveillés par les autorités rwandaises (The Guardian 19 juill. 2021). Selon Amnesty International, plusieurs associés de Paul Rusesabagina ont également été victimes du logiciel espion Pegasus (Amnesty International 19 juill. 2021).

3.1.2 Neveu de Patrick Karegeya

Selon le Financial Times (FT), une revue d’affaires internationale, David Batenga, neveu de Patrick Karegeya, ancien chef du renseignement rwandais qui a fondé le RNC avant d’être assassiné en 2014, s’est fait infiltrer son téléphone par le logiciel espion Pegasus de NSO Group (FT 29 Oct. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

3.1.3 Filles de Deo Nyirigira

Selon Amnesty International, Deo Nyirigira est un pasteur qui vit en Ouganda et a fui le Rwanda en 2001 [traduction] « en invoquant la persécution » (Amnesty International 20 déc. 2019). D’après CNN, Deo Nyirigira était un membre [traduction] « important » du FPR (CNN 24 déc. 2019). Des sources signalent qu’il est accusé d’avoir soutenu le RNC (CNN 24 déc. 2019) ou d’avoir fait du recrutement pour le RNC (Amnesty International 20 déc. 2019). Selon Amnesty International, depuis que les filles de Deo Nyirigira, Lilian Umutoni, Axelle Umutesi et Jackie Umuhoza, sont retournées au Rwanda, c’est-à-dire respectivement en 2013, en 2014 et en 2016, elles ont été interrogées [traduction] « à maintes reprises » par les autorités au sujet des activités de Deo Nyirigira à partir de la fin de 2017, elles ont été arrêtées et détenues pendant une semaine en mars 2019, et leurs cartes d’identité nationales et leurs passeports ougandais ont été saisis (Amnesty International 20 déc. 2019). Selon des sources, les trois filles ont été arrêtées le 27 novembre 2019; deux d’entre elles ont été relâchées le lendemain, mais Jackie Umuhoza était toujours détenue en date de décembre 2019 en raison de soupçons de trahison et d’espionnage (Amnesty International 20 déc. 2019; CNN 24 déc. 2019). CNN souligne que les trois sœurs ont été congédiées de leur emploi depuis leur arrestation (CNN 24 déc. 2019).

3.1.4 Frères de Noël Zihabamwe

Des sources signalent que, en septembre 2019, Jean Nsengimana et Antoine Zihabamwe, frères du réfugié rwandais Noël Zihabamwe, militant pour les droits de la personne établi à Sydney, ont été enlevés par la police rwandaise pendant qu’ils étaient à bord d’un autobus et n’ont jamais été revus depuis (ABC 17 oct. 2020; Australian Human Rights Institute 4 juin 2021). Selon des sources, Noël Zihabamwe, qui est citoyen de l’Australie, croit que ses frères ont été arrêtés parce qu’il a refusé de servir d’agent d’influence pour le gouvernement du Rwanda en Australie (ABC 17 oct. 2020; Australian Human Rights Institute 4 juin 2021; The Sydney Morning Herald 12 oct. 2020). On peut lire dans un article publié en 2021 par l’Institut australien des droits de la personne (Australian Human Rights Institute) que, depuis que Noël Zihabamwe a parlé publiquement de l’arrestation de ses frères, les membres de sa famille au Rwanda se font [traduction] « harceler, intimider et interroger par les autorités » (Australian Human Rights Institute 4 juin 2021).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Agence France-Presse (AFP). 25 septembre 2020. « Hero of 'Hotel Rwanda' Admits Forming Militant Group Behind Armed Attacks ». [Date de consultation : 29 juill. 2021]

Amnesty International. 19 juillet 2021. « Pegasus Project: Rwandan Authorities Chose Thousands of Activists, Journalists and Politicians to Target with NSO Spyware ». [Date de consultation : 22 juill. 2021]

Amnesty International. 20 décembre 2019. Urgent Action: Pastor’s Daughter Arbitrarily Detained. [Date de consultation : 5 août 2021]

Associated Press (AP). 14 septembre 2020. Ignatius Ssuuna. « 'Hotel Rwanda' Hero Charged with Terrorism in Rwanda Court ». [Date de consultation : 28 juill. 2021]

Australian Broadcasting Corporation (ABC). 17 octobre 2020. Andrew Greene. « Murder and Abduction Claims Have Rwandan Government Accused of Intimidating Critics in Australia ». [Date de consultation : 27 juill. 2021]

Australian Human Rights Institute. 4 juin 2021. « Noël Zihabamwe Communication to the United Nations Working Group on Enforced and Involuntary Disappearances ». [Date de consultation : 30 juill. 2021]

Bertelsmann Stiftung. 2020. « Rwanda Country Report ». Bertelsmann Stiftung's Transformation Index (BTI) 2020. [Date de consultation : 14 juill. 2021]

British Broadcasting Corporation (BBC). 17 février 2020. « Kizito Mihigo: Singer Found Dead in Rwandan Police Cell ». [Date de consultation : 29 juill. 2021]

British Broadcasting Corporation (BBC). 22 septembre 2011. Martin Plaut. « South Africa 'Foils Murder Plot' on Rwanda's Nyamwasa ». [Date de consultation : 5 août 2021]

Cable News Network (CNN). 24 décembre 2019. Bukola Adebayo. « Rwanda Accuses a Pastor's Daughter of Treason and Espionage. Her Family Says the Charges Are Fabricated ». [Date de consultation : 30 juill. 2021]

Candidat au doctorat, Tulane University, Nouvelle-Orléans. 16 août 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Chargée d’enseignement principale, University of Glasgow. 2 août 2021. Entretien avec la Direction des recherches.

Financial Times (FT). 29 octobre 2019. Mehul Srivastava et Tom Wilson. « Inside the WhatsApp Hack: How an Israeli Technology Was Used to Spy ». [Date de consultation : 30 juill. 2021]

Forbidden Stories. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 3 août 2021]

Freedom House. 3 mars 2021. « Rwanda ». Freedom in the World 2021. [Date de consultation : 14 juill. 2021]

Freedom House. Février 2021. Nate Schenkkan et Isabel Linzer. Out of Sight, Not Out of Reach: The Global Scale and Scope of Transnational Repression. [Date de consultation : 27 juill. 2021]

The Guardian. 19 juill. 2021. Stephanie Kirchgaessner. « Hotel Rwanda Activist's Daughter Placed Under Pegasus Surveillance ». [Date de consultation : 30 juill. 2021]

The Guardian. S.d. « Michela Wrong ». [Date de consultation : 23 août 2021]

Human Rights Watch (HRW). 30 mars 2021. « Rwanda: Arrests, Prosecutions over YouTube Posts ». [Date de consultation : 27 juill. 2021]

Human Rights Watch (HRW). 17 février 2021. Birgit Schwarz et Lewis Mudge. « Interview: How a Song Sealed the Fate of a Rwandan Gospel Singer ». [Date de consultation : 27 juill. 2021]

Human Rights Watch (HRW). 10 septembre 2020. « Rwanda: Rusesabagina Was Forcibly Disappeared. Violations of Prominent Critic's Rights Raise Fair Trial Concerns ». [Date de consultation : 28 juill. 2021]

Mudge, Lewis, Human Rights Watch (HRW). 26 juill. 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

The New York Times. 27 mai 2021 (version originale publiée le 20 septembre 2020). Abdi Latif Dahir, et al. « How the Hero of 'Hotel Rwanda' Fell into a Vengeful Strongman's Trap ». [Date de consultation : 29 juill. 2021]

Professeure agrégée dans une université aux États-Unis. 26 juillet 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Professeur de science politique, Boston University. 4 août 2021. Entretien avec la Direction des recherches.

Professeur d’histoire africaine. 6 août 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeure enseignante agrégée, Iowa State University. 28 juillet 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Spécialiste des renseignements sur les pays d’origine (RPO), Montréal. 4 août 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

The Sydney Morning Herald. 12 octobre 2020. Anna Patty et Leon Hartwell. « 'We Need Help': Community Leader Faces Alleged Threats and Intimidation ». [Date de consultation : 30 juill. 2021]

Wrong, Michela. 23 juillet 2021. « Rwandans Have Long Been Used to Pegasus-Style Surveillance ». The Guardian. [Date de consultation : 26 juill. 2021]

Wrong, Michela. Mars 2021. Do Not Disturb: The Story of a Political Murder and an African Regime Gone Bad. New York : Public Affairs.

Autres sources consultées

Sources orales : Amnesty International; agrégé de recherche postdoctorale en Belgique qui étudie la mémoire, les traumatismes et les récits dans la culture africaine post-coloniale; agrégé de recherche postdoctorale en Belgique qui étudie la violence de masse et le rétablissement post-colonial dans la région des Grands Lacs de l’Afrique; anthropologue dans une université du Royaume-Uni qui étudie les répercussions du colonialisme, de la guerre et du génocide dans la région des Grands Lacs en Afrique; Center for Rule of Law Rwanda; chargé de cours en politique comparée et internationale au Royaume-Uni qui étudie les conflits et les enjeux post-conflits en Afrique; expert-conseil indépendant en Europe qui mène des recherches sur les droits des peuples autochtones, la justice transitionnelle, la consolidation de la paix et l’étude des conflits en Afrique; Great Lakes Initiative for Human Rights and Development; Initiatives for Peace and Human Rights; International Crisis Group; journaliste qui écrit des articles sur le Rwanda; The Legal Aid Forum; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés, représentation au Rwanda; Never Again Rwanda; professeur adjoint d’histoire dans une université du Maryland qui étudie l’histoire de l’Afrique orientale et centrale; professeur agrégé dans une université de la Caroline du Sud qui étudie les questions liées à la paix et à la sécurité en Afrique; professeur agrégé en études sur la paix et les conflits dans une université de New York qui mène des recherches sur les relations entre les États et la société en Afrique; professeur du gouvernement dans une université du Massachusetts qui étudie l’ethnicité et l’État en Afrique.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; ecoi.net; États-Unis – Department of State; Factiva; Fédération internationale pour les droits humains; Fondation Hirondelle – Justice Info; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Foreign Policy; The EastAfrican; The Globe and Mail; Political Handbook of the World 2018-2019; Nations Unies – Refworld; Reuters; Voice of America.

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