Nigéria : information sur les groupes de justiciers anti-LGBTQ, y compris leurs objectifs, leur structure, leurs activités et les zones où ils exercent leur influence; la réponse des autorités et la protection offerte par l’État (2018-octobre 2020)
1. Aperçu
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la directrice générale de l’Initiative pour la santé des femmes et l’égalité des droits (Women's Health and Equal Rights Initiative - WHER), une [traduction] « organisation dirigée par des femmes lesbiennes et bisexuelles dont la mission est de défendre les droits et de favoriser le bien-être des femmes lesbiennes, bisexuelles et queer au Nigéria », a déclaré que
les personnes LGBTIQ sont victimes de violence venant de différentes sphères de la société; la plupart de ces agressions sont associées à des attaques de groupes de justiciers et à des actes de justice populaire. Très souvent, les gens pensent que ces deux types d’agressions partagent une même source.
En règle générale, les groupes de justiciers sont constitués au sein d’une collectivité pour protéger celle-ci d’actes criminels et, dans le cas qui nous occupe, ils visent l’homosexualité, étant donné que la loi et la plupart des groupes religieux criminalisent les relations homosexuelles; les attaques perpétrées par une foule impliquent quant à elles tout homophobe violent de la collectivité, y compris les groupes de justiciers (WHER 12 oct. 2020).
De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chargé d’enseignement principal de l’Université de Manchester, qui a mené des recherches sur l’homophobie au Nigéria, a affirmé
[traduction]
[qu’]il continue d’y avoir des cas où des personnes soupçonnées d’être LGBT sont agressées par des foules spontanées. J’ai entendu dire que cela s’était produit quand des rumeurs ont commencé à circuler selon lesquelles un couple entretenait une relation homosexuelle, ce qui a provoqué la formation d’une foule. On compte aussi un plus grand nombre de groupes de justiciers organisés qui terrorisent des personnes LGBT. Dans les États du nord, les groupes de justiciers le plus notables sont ceux de la hisba [1], composés de groupes quasi officiels devant faire appliquer la loi islamique. Les groupes hisba (et les policiers aussi) effectuent régulièrement des descentes dans des fêtes où ils estiment que les invités sont homosexuels. Ces occasions sont parfois perçues comme des « mariages homosexuels » ou des « séances d’endoctrinement à l’homosexualité ». Dans le sud du Nigéria se trouvent également des groupes de justiciers puissants et bien organisés qui se livrent à des actes de violence contre la communauté LGBT. Bien qu’une coopération tacite avec la police soit parfois observée, ces groupes n’ont pas la même quasi-légitimité que les hisba dans le nord (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020).
La même source a ajouté que, à sa [traduction] « connaissance, il n’existe pas de groupes qui s’en prennent exclusivement aux personnes LGBT »; la violence contre ces minorités sexuelles est plutôt « intégrée […] aux activités générales » des groupes de justiciers (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). Dans un article publié par l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), le diffuseur public national de l’Australie (ABC s.d.), on peut lire que la situation des personnes LGBTI dans le nord du Nigéria est [traduction] « plus difficile que celle des personnes qui vivent dans le sud », et on y cite les propos de Dorothy Aken 'Ova, une défenseure des droits des femmes et des personnes LGBT, qui affirme que « "[c]e que nous avons vu, ce sont des gens qui s’arment au moyen de ces lois [anti-LGBT] et qui procèdent à des arrestations au hasard" » (ABC 21 oct. 2017).
D’autres sources signalent qu’une augmentation des agressions contre des personnes LGBTQ a suivi l’adoption de la loi de 2013 interdisant les mariages homosexuels (Same Sex Marriage (Prohibition) Act 2013), sous la forme de [traduction] « lynchages » (Australie 9 mars 2018, paragr. 3.64) ou de [traduction] « violences physiques principalement perpétrées par des foules » (TIERs [déc. 2019], 16). Au dire du chargé d’enseignement principal, les attaques attribuables à des groupes anti-LGBT [traduction] « peuvent ne pas être aussi fréquentes qu’elles l’étaient il y a cinq ou dix ans, mais elles restent une grave menace » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). Selon le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie, [traduction] « la fréquence [des agressions] et leur gravité ont diminué depuis le début de 2014 » (Australie 9 mars 2018, paragr. 3.64). En revanche, une enquête portant sur les violations des droits fondamentaux des personnes LGBTQ, réalisée par l’Initiative pour l’égalité des droits (The Initiative for Equal Rights - TIERs) [2] en partenariat avec plusieurs autres organisations, dont la WHER, souligne un [traduction] « pic important » dans le nombre de cas de « chantage de masse, de violence commise par une foule et de détention illégale » signalés en 2019 (TIERs [déc. 2019], 15). Selon la même enquête, portant sur les cas signalés par des organisations de défense des droits de la personne de l’ensemble du Nigéria de décembre 2018 à novembre 2019 et authentifiés par la TIERs, sur un total de 330 cas touchant 397 personnes, 12 cas étaient des [traduction] « agression[s] commise[s] par une foule » (TIERs [déc. 2019], 7, 15, 17). Dans le rapport de la TIERs de 2018, portant sur les cas signalés de décembre 2017 à novembre 2018, on peut lire que, sur un total de 213 cas touchant 286 personnes, 8 cas consistaient en des attaques perpétrées par une foule (TIERs [déc. 2018], vii, 1, 5, 14). Dans le rapport de la TIERs de 2017, portant sur les cas signalés de décembre 2016 à novembre 2017, il est écrit que, sur un total de 210 cas touchant 247 personnes, 3 cas étaient des attaques perpétrées par une foule (TIERs [déc. 2017], iv, 3).
2. Objectifs
Des sources signalent que les groupes de justiciers [et les groupes hisba (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020)] se sont formés en raison du défaut de la police d’assurer protection ou sécurité, lequel défaut a entraîné une détérioration de la confiance qui lui était portée (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020; Nations Unies 2 sept. 2019, paragr. 18). Au dire du chargé d’enseignement principal, [traduction] « la violence homophobe [est] fonction de la vaste crise économique qui sévit au Nigéria et de la précarité extrême dans laquelle la grande majorité de la population vit; en effet, même les classes moyennes ont souvent de la difficulté à subvenir à leurs besoins au quotidien » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020).
La directrice générale de la WHER a déclaré que
[traduction]
[l]es crimes habituellement commis par ces groupes démontrent que la raison d’être et les objectifs de ceux-ci sont nourris par l’homophobie, la haine et la discrimination à l’encontre de la communauté LGBT. C’est de là que provient leur obsession d’éradiquer et de supprimer les membres de cette communauté. Autrement dit, ils sont alimentés par les lois discriminatoires [et] les normes culturelles, traditionnelles et religieuses homophobes; les jeunes hommes sans emploi de la collectivité se sont arrogés la responsabilité de nettoyer celle-ci de toute trace d’homosexualité en s’en prenant à ceux qu’ils présument être des couples homosexuels et des [personnes transgenres] sous le couvert de la loi et des croyances religieuses, qu’ils invoquent comme justification de leur cruauté et intolérance (WHER 12 oct. 2020).
Il est écrit dans l’enquête de 2019 réalisée par la TIERs que
[traduction]
[l]a violence contre les personnes LGBTQI trouve sa source dans les préjugés ancrés dans certaines interprétations de la culture et de la religion, et se fonde sur des connaissances défaillantes des identités LGBTQI et des questions qui leur sont propres. Des acteurs relevant et ne relevant pas de l’État ont exploité ces opinions, croyances et lois discriminatoires pour perpétrer des actes de violence (TIERs [déc. 2019], 18).
3. Structure
D’après le chargé d’enseignement principal, l’organisation des groupes de ce genre [traduction] « varie. Les grands groupes de justiciers et les hisba sont bien organisés, dotés d’un leadership défini, de liens avec des politiciens, des juges et des policiers ainsi que de ressources économiques » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). La directrice générale de la WHER a précisé que [traduction] « [l]es groupes de justiciers […] existent ouvertement au sein de chaque collectivité au Nigéria; ils sont pour la plupart dirigés par des extrémistes religieux qui, par leur discours homophobe, convainquent des gens de rejoindre leurs rangs pour tenter d’effacer l’homosexualité de l’endroit où ils habitent » (WHER 12 oct. 2020). La même source a ajouté que
[traduction]
[l]es justiciers sont principalement des hommes dont l’âge va de la jeune vingtaine à la quarantaine, qui se sont investis de la mission de purger leur collectivité de l’homosexualité. Ces groupes sont constitués d’un réseau d’hommes radicaux à la vision du monde patriarcale […]
Ces groupes de justiciers n’ont pas de structure précise et [ne jouissent pas de l’appui] des dirigeants traditionnels ou des organismes d’exécution de la loi. Il s’agit en grande partie de gangs de jeunes hommes homophobes (WHER 12 oct. 2020).
La même source a également expliqué que [traduction] « [c]es groupes sont décentralisés, ce qui rend leur fonctionnement désorganisé » (WHER 12 oct. 2020). Dans un article du Sun, un journal de Lagos (É.-U. s.d.), sont cités les propos du directeur général d’une ONG de Minna, dans l’État du Niger, selon lesquels les groupes de justiciers sont organisés par des [traduction] « "membres de la collectivité, [qui ont] reçu l’autorisation de celle-ci pour maintenir un semblant d’ordre et de sécurité" » (The Sun 25 sept. 2019).
4. Activités
Le chargé d’enseignement principal a écrit que les agressions perpétrées par de tels groupes [traduction] « varient. Elles peuvent prendre la forme d’attaques organisées par des groupes bien armés et relativement disciplinés, ou encore d’actes de violence désorganisés » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). Au dire de la directrice générale de la WHER,
[traduction]
[l]a plupart de ces foules sont connues pour leur utilisation de faux comptes pour charmer sur les médias sociaux dans le but d’attirer leurs victimes à leur perte, y compris par le chantage, l’extorsion, les voies de fait, le viol, voire le meurtre. Au sein de la communauté LGBTIQ du Nigéria, cette façon de procéder s’appelle kito. Ces groupes font subir différentes formes de violences et de traitements inhumains à des personnes LGBTIQ au Nigéria (WHER 12 oct. 2020).
La même source a ajouté ceci :
[traduction]
Ces groupes […] attirent les hommes gais en inventant des rendez-vous sur des applications de rencontre [afin de] les humilier et de les exposer au grand jour en les filmant tandis qu’ils sont nus, en enfonçant des godemichés dans leurs orifices intimes et, dans certains cas, en exposant leur anus ou en ordonnant à une victime lesbienne de se pénétrer ou de pénétrer sa partenaire. Ils se servent aussi de femmes pour attirer des femmes lesbiennes et bisexuelles et ensuite les violer et les maltraiter dans le but de les guérir de leur « lesbianisme » (WHER 12 oct. 2020).
De même, d’autres sources signalent que le terme « kito » renvoie à [traduction] « une personne » (Mail & Guardian 28 mai 2020) ou à des [traduction] « criminels » (Reuters 24 févr. 2020) se servant des médias sociaux et des applications de rencontre pour tromper des membres de la communauté LGBTQ et les amener à les rencontrer en personne afin de leur faire du mal (Reuters 24 févr. 2020; Mail & Guardian 28 mai 2020). Selon l’enquête de 2019 réalisée par la TIERs, il y a eu [traduction] « de nombreux cas où des pièges ont été tendus : des agresseurs prétendent appartenir à la communauté LGBTQI pour attirer leurs proies et s’en prendre à elles » (TIERs [déc. 2019], 18).
La directrice générale de la WHER a en outre expliqué que
[traduction]
[l]es progrès technologiques sont à la fois un avantage et un inconvénient pour la communauté LGBTIQ. Ils ont certes permis de se doter de moyens pour que l’on prenne conscience [de] ces attaques perpétrées par des foules et fourni diverses plateformes par lesquelles l’identité et la raison d’être de ces groupes ont pu être exposées au grand jour. Toutefois, par ces progrès, les minorités sexuelles vulnérables peuvent facilement être découvertes par ces groupes au moyen de plateformes de médias sociaux comme Instagram, Twitter, Facebook, Grindr et Tinder. Dans certains cas, des personnes LGBT sont piégées par leurs voisins et amis, ces derniers les remettant ensuite aux mains des justiciers pour qu’ils les punissent. […] Il arrive souvent que des membres de groupes de justiciers facilitent les attaques et encouragent la violence jusqu’à ce que des représentants des forces de l’ordre interviennent (WHER 12 oct. 2020).
D’autres sources soulignent de même que des personnes LGBTQ ont raconté en ligne leur expérience avec des kitos pour avertir les autres; les sources donnent à titre d’exemple le site Internet « Kito Diaries », où ces récits sont rassemblés (Mail & Guardian 28 mai 2020; African Arguments 26 mars 2019).
Des sources signalent les incidents suivants impliquant des groupes de justiciers :
- La directrice générale de la WHER a affirmé que, en avril 2020, [traduction] « deux hommes gais ont été arrêtés au milieu de la nuit par un [groupe de justiciers] qui les a molestés et fait défiler nus avant de les remettre aux policiers » (WHER 12 oct. 2020);
- La Nation, un journal national nigérian (The Nation s.d.), fait état d’un incident au cours duquel un policier et un autre homme de l’agglomération d’Umueze, dans l’État d’Imo, ont été dénudés et tabassés par des [traduction] « hommes de la sécurité » ou « le [groupe de] justiciers du village » en raison de prétendus « actes homosexuels » (The Nation 22 avr. 2020). La même source cite les propos d’un porte-parole de la police de l’État d’Imo selon lesquels les policiers, après avoir reçu un appel signalant l’incident, ont sauvé l’agent agressé et une enquête sur l’affaire a été lancée (The Nation 22 avr. 2020);
- Human Rights Watch (HRW) souligne le fait qu’un [traduction] « groupe de justiciers » a fourni des renseignements voulant que des gens rassemblés se livraient à des « rites initiatiques homosexuels », ce qui a mené à l’arrestation de 57 personnes dans un hôtel de Lagos en août 2018 (HRW 17 janv. 2019);
- D’après la directrice générale de la WHER, en novembre 2019, [traduction] « l’orientation sexuelle d’un jeune homme a été révélée au sein de sa collectivité, et il a été livré aux mains d’un groupe de justiciers qui lui a réservé un traitement inhumain, recouvrant son corps de sang avant de l’emmener au palais de l’émir, où il a été décidé que toutes les personnes à qui il avait jamais fait des avances devraient l’essuyer » (WHER 12 oct. 2020);
- Des médias font état du cas d’un itinérant qui, revenant d’Europe, a été l’objet de soupçons d’homosexualité et [traduction] « lynché » par des « justiciers et certains jeunes locaux » à Ibadan, dans l’État d’Oyo (The Sun 22 juill. 2020; LiveTimes 24 juill. 2020);
- La directrice générale de la WHER a déclaré que, en août 2020, [traduction] « une femme trans a été agressée par des membres d’un groupe de justiciers qui l’avait prise pour cible; elle a été battue, ridiculisée, dénudée et contrainte à défiler devant une foule » (WHER 12 oct. 2020).
5. Zones d’influence
Des sources font état de l’absence de [traduction] « statistiques » (WHER 12 oct. 2020) ou de [traduction] « renseignements systématiques » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020) sur les attaques commises par des groupes de justiciers contre des personnes appartenant à une minorité sexuelle (WHER 12 oct. 2020; chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020).
Le chargé d’enseignement principal a signalé que la [traduction] « violence est omniprésente » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). La même source a ajouté que les [traduction] « [g]roupes de justiciers ont tendance à opérer dans les villes de grande et petite taille et dans les marchés, [et] sont moins actifs dans les régions rurales très isolées. La situation change selon la région » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). En revanche, la directrice générale de la WHER a affirmé que [traduction] « [l]es attaques perpétrées par une foule et les lynchages publics sont souvent monnaie courante dans de nombreuses régions du pays. Toutefois, ces groupes peuvent généralement être observés dans des régions rurales et semi-urbaines où ils sont à même de s’en prendre à leurs proies, les membres de minorités sexuelles vulnérables » (WHER 12 oct. 2020). Au dire de la même source, des groupes de justiciers sont actifs
[traduction]
dans tout le pays, mais [ils sont] plus présents dans le nord, où la charia est bien ancrée, une loi qui encourage la population à lapider à mort les personnes qui sont perçues comme LGBT et celles qui le sont vraiment ainsi qu’à faire fouetter ou emprisonner les femmes. […] [C]es groupes de justiciers homophobes s’en prennent publiquement aux personnes LGBT, et la charia justifie leurs gestes. Ces attaques surviennent aussi fréquemment à Lagos, Edo, Port Harcourt, Enugu et Abuja (WHER 12 oct. 2020).
D’après une analyse d’articles de presse, un article en particulier sur la [traduction] « justice de la jungle » [3] paru dans le Daily Trust, un journal d’Abuja (allAfrica s.d.), fait état de 104 ou 105 victimes de cette forme de justice de janvier à décembre 2019 dans [traduction] « au moins » 25 des 36 États du Nigéria (Daily Trust 24 févr. 2020). Il est écrit dans l’article que parmi les victimes figuraient des [traduction] « homosexuels présumés », des policiers, des personnes soupçonnées de vols de motocyclettes et de vols qualifiés, ainsi que des voleurs de bétail (Daily Trust 24 févr. 2020). La même source ajoute que le nombre le plus élevé de cas a été observé dans les États de Lagos et Bayelsa, suivis d’Abuja et des États de Cross River, Benue et Delta (Daily Trust 24 févr. 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.
6. Réponse des autorités et protection offerte par l’État
On peut lire dans une note d’orientation sur les pays consacrée au Nigéria, publiée par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (European Asylum Support Office - EASO) de l’Union européenne, [traduction] « [qu’]on laisse libre cours à la violence homophobe sans crainte de conséquences » (UE févr. 2019, 59). Selon une rapporteuse spéciale des Nations Unies qui s’est rendue au Nigéria en 2019, [traduction] « [t]rois meurtres qui auraient été commis en raison de l’orientation sexuelle présumée des victimes ont été signalés; celles-ci auraient été battues à mort à cause de leur appartenance à la communauté LGTBI. En général, les victimes et leur famille ne portent pas plainte dans ce genre de situation » (Nations Unies 2 sept. 2019, paragr. 65).
Au dire de la directrice générale de la WHER,
[traduction]
les agents responsables de l’exécution de la loi perçoivent les attaques commises par les justiciers comme une intervention venant alléger leur tâche de faire régner l’ordre dans la communauté; ainsi, ce sont les victimes qui se font arrêter pour homosexualité, qui subissent davantage d’opprobre et de discrimination et qui sont la cible plus fréquente d’arrestation illégale, de détention, d’extorsion et de viol.
De plus, des agents d’exécution de la loi font partie de groupes de justiciers; ils attirent des personnes homosexuelles ou perçues comme telles dans des endroits reculés et les dépouillent de leurs objets de valeur, les harcèlent sexuellement et leur font subir du chantage - et les victimes ne s’en sortent pas toujours vivantes. […] [C]es agents sont parfois arrêtés, mais font rarement l’objet de poursuites (WHER 12 oct. 2020).
De même, le chargé d’enseignement principal a déclaré qu’il n’est [traduction] « pas au courant de poursuites engagées expressément en raison de violences anti-LGBT. Cependant, de nombreuses personnes LGBT qui ont été agressées se sont fait arrêter et poursuivre en justice » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020). Dans le Guardian, un journal nigérian (The Guardian s.d.), on cite les propos du policier enquêteur selon lesquels un homme qui a été [traduction] « agressé et attaqué par une foule » pour avoir prétendument entretenu une relation homosexuelle a par la suite fait l’objet d’une enquête policière pour homosexualité, tout comme son partenaire (The Guardian 21 sept. 2017). Il est écrit ce qui suit dans l’enquête de 2019 réalisée par la TIERs :
[traduction]
Les gestes d’acteurs ne relevant pas de l’État sont une fois encore validés par le comportement des acteurs qui en relèvent, qui font eux aussi subir de l’extorsion aux personnes LGBTQI en faisant planer sur elles la crainte de représailles judiciaires. Il arrive très souvent que des policiers procèdent à l’arrestation arbitraire de personnes perçues comme étant LGBTQI sur la foi de renseignements provenant de leur téléphone obtenus illégalement, ou encore sur la foi de preuves circonstancielles. Les policiers exigent ensuite d’importantes sommes d’argent de ces personnes, qu’elles doivent verser si elles veulent recouvrer la liberté. Ces violations font rarement l’objet d’un signalement, vu la méfiance envers les institutions chargées de l’exécution de la loi. Ce n’est pas surprenant, étant donné que le préjudice est souvent le fait de ces mêmes institutions de l’État, ou alors celles-ci agissent en collusion avec des acteurs ne relevant pas de l’État (TIERs [déc. 2019], 18).
La directrice générale de la WHER a ajouté que
[traduction]
les victimes subissent de la discrimination multiple après avoir censément signalé l’atteinte à leurs droits à des agents chargés de l’exécution de la loi. D’après des déclarations de [plaignants], les réponses qu’ils obtiennent sont souvent de l’ordre de « Pourquoi agissez-vous comme une femme aussi, ne savez-vous pas que la Bible l’interdit? » [ou] « Pourquoi portez-vous des vêtements de femme si vous n’êtes pas coupable de ce dont on vous accuse? » (WHER 12 oct. 2020).
Le chargé d’enseignement principal a de même affirmé que, si des personnes LGBTQ tentaient [traduction] « de signaler des actes de violence, cela entraînerait probablement une réaction violente de la part de la police et donnerait lieu à des arrestations et des poursuites » (chargé d’enseignement principal 16 oct. 2020).
Pour obtenir des renseignements additionnels sur les groupes de justiciers anti-LGBTQ, y compris les incidents auxquels ces groupes sont mêlés, le traitement réservé aux minorités sexuelles et de genre par les autorités ainsi que la protection offerte par l’État, veuillez consulter le rapport intitulé La situation des minorités sexuelles et de genre au Nigéria (2014-2018) publié en février 2019 par la Direction des recherches.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Notes
[1] La Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (US Commission on International Religious Freedom - USCIRF) fait état du fait que, dans le nord du Nigéria, les groupes hisba [traduction] « consistent généralement en de jeunes hommes recrutés localement qui patrouillent les quartiers afin de repérer toute atteinte à la charia » (É.-U. déc. 2019, 14). Selon la même source, [traduction] « [c]ertains observateurs ont comparé les groupes hisba à des groupes de justiciers, en particulier dans les États qui ne disposent pas d’une association officielle hisba, mais où des groupes hisba non officiels patrouillent » (É.-U. déc. 2019, 16).
[2] L’Initiative pour l’égalité des droits (Initiative for Equal Rights - TIERs) est une organisation sans but lucratif du Nigéria vouée à [traduction] « la protection, le respect et la défense » des droits de la personne de tous les Nigérians, « peu importe leur identité, orientation et affiliation » (TIERs s.d.).
[3] Une rapporteuse spéciale des Nations Unies qui s’est rendue au Nigéria en 2019 décrit la [traduction] « "justice de la jungle" », une forme de justice observée « surtout dans le sud du pays », comme étant « la population locale [qui] décide de s’occuper elle-même des questions de protection », y compris de tuer des présumés membres de gang et d’autres personnes (Nations Unies 2 sept. 2019, paragr. 19).
Références
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allAfrica. S.d. « Daily Trust (Abuja) ». [Date de consultation : 1er oct. 2020]
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Australian Broadcasting Corporation (ABC). S.d. « ABC History ». [Date de consultation : 13 oct. 2020]
Australie. 9 mars 2018. Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT). DFAT Country Information Report: Nigeria. [Date de consultation : 1er oct. 2020]
Chargé d’enseignement principal, University of Manchester. 16 octobre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
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États-Unis (É.-U.). Décembre 2019. US Commission on International Religious Freedom (USCIRF). Shari'ah Criminal Law in Northern Nigeria: Implementation of Expanded Shari'ah Penal and Criminal Procedure Codes in Kano, Sokoto, and Zamfara States, 2017-2019. Par Heather Bourbeau, avec Muhammad Sani Umar et Peter Bauman. [Date de consultation : 19 oct. 2020]
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Women's Health and Equal Rights Initiative (WHER). 12 octobre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice générale.
Autres sources consultées
Sources orales : Improved Sexual Health and Rights Advocacy Initiative; The Initiative for Equal Rights; Initiative for Sexual Reproductive Health and Rights Awareness; International Centre for Sexual Reproductive Rights; professeur agrégé ayant effectué des recherches sur les groupes de justiciers au Nigéria; professeur agrégé ayant effectué des recherches sur le genre et la sexualité au Nigéria; Queer Alliance Nigeria.
Sites Internet, y compris : Amnesty International; Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes; Bisi Alimi Foundation; Daily Post; ecoi.net; Erasing 76 Crimes; États-Unis – Department of State; Factiva; Freedom House; Legit.ng; Nations Unies – Refworld; Nigeria Watch; Pulse.ng; The Punch; Queer Alliance Nigeria; Royaume-Uni – Home Office; This Day; Vanguard.