Responses to Information Requests

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24 août 2018

CMR106141.EF

Cameroun : information sur la situation des anglophones, y compris des rapatriés, à Bamenda, à Yaoundé et à Douala; le traitement qui leur est réservé par la société et les autorités (2016-août 2018)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Selon des sources, les anglophones représentent environ 20 p. 100 de la population au Cameroun (MRG [2017]; Human Rights Watch 19 juill. 2018, 12; International Crisis Group 27 juill. 2018). Des sources signalent que les régions anglophones se situent dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun (MRG [2017]; Human Rights Watch 19 juill. 2018, 12; É.-U. 20 avr. 2018, 2). La Constitution du Cameroun de 1972, modifiée en 1996, prévoit ce qui suit :

[version française du Cameroun]

La République du Cameroun adopte l’anglais et le français comme langues officielles d’égale valeur. Elle garantit la promotion du bilinguisme sur toute l’étendue du territoire. Elle œuvre pour la protection et la promotion des langues nationales (Cameroun 1972, art. 1(3)).

D’après une déclaration remise en 2018 au Secrétaire général des Nations Unies par First Modern Agro. Tools-Common Initiative Group (FIMOAT-CIG), une ONG au Cameroun [traduction] « ayant un statut consultatif spécial », et communiquée au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies,

[traduction]

[l]es anglophones sont victimes de marginalisation et de discrimination de la part des responsables gouvernementaux majoritairement francophones de la fonction publique et des forces militaires. Les anglophones sont facilement reconnus par leur nom, puis sont traités comme des citoyens de deuxième ordre lors du recrutement, du traitement de documents officiels, des nominations à des postes intéressants au gouvernement[,] etc. (FIMOAT-CIG 18 mai 2018, 2).

Dans un mémoire conjoint présenté dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU) des Nations Unies par le Southern Cameroons Public Affairs Committee (SCAPAC), qui a pour mission de [traduction] « promouvoir les droits de la minorité anglophone au […] Cameroun », et par quatre membres de la diaspora du Cameroun méridional aux États-Unis, on peut lire que les Camerounais anglophones sont assujettis à « une politique de discrimination continue » par les autorités, et qu’ils « n’ont pas le droit de s’émanciper en tant que communauté, y compris d’utiliser leur propre langue » dans l’exercice de fonctions publiques, dans le domaine de l'éducation, au travail et dans le système de justice (SCAPAC et diaspora avr.-mai 2018, paragr. 33). De même, CNN signale que [traduction] « les systèmes de justice et d’éducation français sont imposés aux [anglophones au Cameroun] » (CNN 2 janv. 2018). D’après un article publié en janvier 2017 par Sahara Reporters, un site d’actualité portant principalement sur l’Afrique, [traduction] « [l]a plupart des responsables gouvernementaux et militaires sont francophones, et les documents gouvernementaux sont publiés principalement en français, bien que l’anglais soit l'une des deux langues officielles du pays » (Sahara Reporters 31 janv. 2017). D’autres sources signalent que les anglophones dénoncent aussi le manque de services publics de base dans les régions anglophones (IRIN 12 juin 2018; ACCORD 21 juill. 2017) et les difficultés économiques (IRIN 12 juin 2018).

2. Situation des anglophones dans leurs régions, y compris à Bamenda

Selon des sources, une crise a éclaté dans les régions anglophones du Cameroun à la fin de 2016 (International Crisis Group 25 avr. 2018, 1; Reuters 18 mai 2018; Amnesty International 12 juin 2018, 5). Des sources affirment que des manifestations contre la marginalisation et la discrimination apparentes à l’endroit de la communauté anglophone ont été organisées par des avocats, des enseignants (CHRI 25 mai 2018, 2; NDH-Cameroun août 2018; ACCORD 21 juill. 2017), des étudiants (CHRI 25 mai 2018, 2; NDH-Cameroun août 2018) et des membres de la société civile (CHRI 25 mai 2018, 2). D’après Sahara Reporters, les manifestations [traduction] « se sont transformées en un mouvement social plus vaste revendiquant une plus grande autonomie pour les régions anglophones. Les exigences vont d’un retour au fédéralisme à l’indépendance complète du Cameroun » (Sahara Reporters 31 janv. 2017). De même, des sources signalent que des militants ont symboliquement déclaré l’indépendance des régions anglophones en octobre 2017 (IRIN 12 juin 2018; Al Jazeera 1er oct. 2017).

2.1 Traitement réservé par les autorités

Selon des sources, les autorités camerounaises ont répondu aux manifestations en faisant usage de la force (NDH-Cameroun août 2018; Reuters 26 mai 2018; CHRI 25 mai 2018, 2), ce qui a entraîné des arrestations, des blessures et des décès (CHRI 25 mai 2018, 2). De même, le gouvernement du Royaume-Uni (R.-U.) précise que, en septembre et en octobre 2017, [traduction] « des affrontements violents et mortels entre des manifestants et les forces de sécurité camerounaises » ont eu lieu dans les régions anglophones du Cameroun (R.-U. 12 juill. 2018). D’après des sources, les autorités camerounaises ont imposé des restrictions aux régions anglophones, y compris des couvre-feux, l’interdiction de tenir des rassemblements publics et d’autres mesures restrictives (R.-U. 12 juill. 2018; Nations Unies 17 nov. 2017). Des sources affirment que, en réponse aux manifestations, les autorités ont bloqué l’accès à Internet dans les régions anglophones au début de 2017 (MRG [2017]; DW 25 janv. 2017; CHRI 25 mai 2018, 3), une mesure qui a duré plus de 150 jours (CHRI 25 mai 2018, 3). D’après les Country Reports on Human Rights Practices for 2017 publiés par le Département d’État des États-Unis, les autorités camerounaises [traduction] « ont soutenu que ce blocage visait à limiter la propagation d’images et de fausses informations liées à la crise dans les régions anglophones, que le gouvernement percevait comme une menace à la paix et à l’unité nationale » (É.-U. 20 avr. 2018, 16).

Dans une déclaration conjointe, un groupe d’experts indépendants des Nations Unies se dit préoccupé par les [version française des Nations Unies] « violences dans le sud-ouest et le nord-ouest [à la fin de 2017], où la minorité anglophone du pays souffrirait de violations des droits de l’homme », y compris « [u]n recours excessif à la force par les services de sécurité, des blessures, des arrestations en masse, des détentions arbitraires, des actes de torture et autres mauvais traitements (Nations Unies 17 nov. 2017). Selon les Country Reports 2017 publiés par les États-Unis, [traduction] « [d]es cas d’arrestation et de disparition par les forces de sécurité ont continué d’être signalés […] dans les régions anglophones [du Cameroun] » (É.-U. 20 avr. 2018, 2). Un rapport d’Amnesty International dénonce [version française d’Amnesty International] « des homicides illégaux, des exécutions extrajudiciaires, des destructions de bien, des arrestations arbitraires et des actes de torture durant des opérations militaires » dans les régions anglophones, y compris des incendies volontaires détruisant des villages (Amnesty International 12 juin 2018, 6). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une chercheuse en matière de migration transnationale africaine [1] a signalé que [traduction] « les forces militaires camerounaises ont incendié plus de 78 localités dans le Cameroun anglophone » et que « des civils sont tués tous les jours » (chercheuse 9 août 2018). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’International Crisis Group a expliqué

[traduction]

[qu'à] Bamenda (capitale régionale de la région du Nord-Ouest majoritairement anglophone), la sécurité des anglophones n’est pas assurée (celle des francophones non plus), parce que la violence s’intensifie en raison des affrontements entre les forces de sécurité et les séparatistes armés et des nombreux mauvais traitements infligés à la population par les militaires et les groupes armés. Des agents des forces de sécurité (et des forces militaires) brutalisent des citoyens, se livrent à des arrestations arbitraires, extorquent de l’argent aux gens, intimident les garçons et les filles avec leurs fusils, et violent même des filles.

[…]

Les renseignements ci-dessus concernant Bamenda s’appliquent [également] à Buéa, à Kumba, à Menji, à Mamfé, à Mbongue et à d’autres localités anglophones, particulièrement dans les régions rurales (International Crisis Group 3 août 2018).

De plus, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de Nouveaux droits de l’homme Cameroun (NDH-Cameroun), une ONG à Yaoundé, a transmis un document qu’elle a rédigé sur la situation des anglophones au Cameroun, dans lequel elle explique que les forces armées à Bamenda « tirent à balles réelles, investissent parfois les domiciles nuitamment pour des perquisitions, procèdent à des arrestations arbitraires, usent d’une force excessive dans toutes les circonstances face aux individus », et que les résidents anglophones sont « pris entre deux feux », entre les forces séparatistes et les forces gouvernementales (NDH-Cameroun août 2018).

Selon des sources, les gens ont fui la violence dans les régions anglophones (Journal du Cameroun 29 mai 2018; Caritas 15 mai 2018). D’après les Nations Unies, [version française des Nations Unies] « [l]es Camerounais anglophones avaient commencé à fuir la violence en octobre 2017 et continuent à affluer dans les États de Cross River, Taraba, Benue et Akwa-Ibom au Nigéria. Au total, plus de 20 000 réfugiés ont été enregistrés dans la région » (Nations Unies 20 mars 2018). De même, Amnesty International signale que, à la suite de ces opérations de sécurité et de [version française d’Amnesty International] « la conséquente violence[,] plus de 150 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et plus de 20 000 ont fui vers le Nigéria » (Amnesty International 12 juin 2018, 6). De même, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations Unies, on estime [traduction] « à plus de 160 000 le nombre de personnes déplacées internes » dans les régions anglophones du Cameroun (Nations Unies 29 mai 2018). Dans un plan de réponse d’urgence pour ces régions, le BCAH ajoute que [version française des Nations Unies] « [l]a recrudescence des hostilités entre les groupes armés et les forces de défense et de sécurité a forcé les populations à se déplacer dans la forêt, les villages et les villes voisines », et que 80 p. 100 de la population déplacée « [a] trouv[é] refuge dans les forêts » (Nations Unies mai 2018, 3).

2.2 Traitement réservé par les groupes séparatistes armés

D’après Human Rights Watch, des groupes de séparatistes armés au Cameroun [version française de Human Rights Watch] « sont apparus à la suite de la répression des manifestations de 2016 par le gouvernement » et ils ont bénéficié d’un soutien accru après la réaction brutale du gouvernement aux manifestations de septembre et d’octobre 2017 [2] (Human Rights Watch 19 juill. 2018, 19). De même, IRIN signale que la [traduction] « violence » à l’encontre des manifestants en octobre 2017 « a mené à la création de plusieurs groupes séparatistes armés » dans les régions anglophones du Cameroun (IRIN 12 juin 2018). Le représentant de l’International Crisis Group a affirmé que

[traduction]

les séparatistes armés traitent durement les gens qui désobéissent à leurs ordres ou qui se rangent du côté du gouvernement. Récemment, les séparatistes ont incendié plusieurs taxis à Bamenda parce que leurs propriétaires avaient travaillé un lundi, qui est le jour prévu pour la campagne de « ville fantôme » (grève générale faisant en sorte que la ville semble inhabitée). […] En ce qui a trait aux francophones, les séparatistes armés leur ont demandé de quitter la région (International Crisis Group 3 août 2018).

De même, la représentante de NDH-Cameroun a signalé que les milices séparatistes donnaient parfois l’ordre de respecter la consigne de « ville morte » pour une période de deux ou trois jours, durant lesquels tous sont tenus de rester à la maison, sous peine « d’être pourchassés voir[e] tués » (NDH-Cameroun août 2018). Le représentant de l’International Crisis Group a ajouté que les séparatistes armés [traduction] « ont tué plusieurs personnes qu’ils soupçonnaient de s’être rangées du côté du gouvernement (briseurs de grève) » (International Crisis Group 3 août 2018). De même, Human Rights Watch signale que des témoignages recueillis à Bamenda et à Douala en avril 2018 [version française de Human Rights Watch] « apportent des preuves tangibles que les civils perçus comme collaborant avec le gouvernement ont également été pris pour cible par ces groupes [séparatistes armés] pour extorsion, torture et meurtre » (Human Rights Watch 19 juill. 2018, 21-22).

3. Situation des anglophones à Yaoundé et à Douala

Le représentant de l’International Crisis Group a affirmé que la population anglophone est [traduction] « majoritaire dans plusieurs quartiers » de Douala et de Yaoundé (International Crisis Group 3 août 2018). De même, d’autres sources signalent qu’il y a des communautés anglophones à Douala (RFI 1er juill. 2018; NDH-Cameroun août 2018) et à Yaoundé (NDH-Cameroun août 2018). Dans des observations de juillet 2018 publiées par l’International Crisis Group [3], on peut lire que

[traduction]

[d]e nombreux habitants de Douala parlent un pidgin dérivé de l’anglais et certains parlent à peine le français. Beaucoup de gens ici maîtrisent l’anglais et le français, parfois en raison de mariages entre anglophones et francophones. L’éducation favorise aussi le bilinguisme. Les enfants issus de foyers francophones sont majoritaires dans de nombreuses écoles anglophones (International Crisis Group 27 juill. 2018).

De même, la représentante de NDH-Cameroun signale qu’il y a de « nombreuses » écoles bilingues et anglophones à Yaoundé et à Douala (NDH-Cameroun août 2018).

3.1 Traitement réservé par la société

Le représentant de l’International Crisis Group a expliqué que [traduction] « [l]a plupart des gens qui fuient la violence dans les régions majoritairement anglophones » trouvent refuge chez des membres de leur famille dans des quartiers à prédominance anglophone, par exemple dans le quartier de Bonabéri à Douala et dans celui d’Obili à Yaoundé (International Crisis Group 3 août 2018). De même, d’autres sources affirment que les personnes déplacées voulant échapper à la violence entre les groupes séparatistes et les forces de sécurité dans les régions anglophones du Cameroun ont fui à Douala (RFI 1er juill. 2018; NDH-Cameroun août 2018) et à Yaoundé (NDH-Cameroun août 2018). Dans un rapport de l’International Crisis Group sur la crise anglophone, on peut lire que [version française de l’International Crisis Group] « certains commerçants et acteurs économiques déménagent à Douala » à cause de la crise (International Crisis Group 19 oct. 2017, 4).

La représentante de NDH-Cameroun a expliqué que les personnes déplacées qui arrivent à Douala et à Yaoundé « sont globalement bien accueillies » par les populations hôtes (NDH-Cameroun août 2018). D’après la même source, comme c’était le cas par le passé, « la cohabitation entre les [C]amerounais, qu’ils soient anglophones ou francophones, reste conviviale et fraternelle »; l’interaction s’est toujours faites de façon « paisible[,] sauf cas exceptionnels » (NDH-Cameroun août 2018). Selon le représentant de l’International Crisis Group, les anglophones à Yaoundé ou à Douala [traduction] « vivent sans menace importante pour leur sécurité de la part des francophones » (International Crisis Group 3 août 2018). La même source a ajouté que [traduction] « les gens traitent les anglophones selon leur façon de comprendre la crise anglophone. De nombreux francophones appuient la cause, mais beaucoup ne l’appuient pas. Les gens ont généralement très peur d’en parler, de façon à éviter la brutalité des militaires, d’autant plus que l’élection présidentielle se tiendra sous peu [en octobre 2018] » (International Crisis Group 3 août 2018). La représentante de NDH-Cameroun a signalé que, pour la majorité des francophones, « le problème anglophone n’est qu’un reflet des problèmes nationaux : le centralisme, la mauvaise gouvernance et la fracture générationnelle » et que, à l’échelle nationale, l’appartenance tribale joue un rôle « plus important » que la langue (NDH-Cameroun août 2018).

Toutefois, selon le rapport de l’International Crisis Group, dans les régions francophones du pays, [version française de l’International Crisis Group] « certains anglophones ont déclaré être insultés par des francophones dans des marchés » (International Crisis Group 19 oct. 2017, 8). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

3.2 Traitement réservé par les autorités

D’après le rapport de l’International Crisis Group, depuis septembre 2017,

[version française de l’International Crisis Group]

[d]es arrestations sans motif dans les taxis, des fouilles sans mandat dans les domiciles et des arrestations massives d’anglophones ont eu lieu dans les quartiers de Yaoundé ayant une forte communauté anglophone tels que Biyem-Assi, Melen, Obili, Biscuiterie, Centre administratif et Etoug-Ebe. Ces arrestations, organisées par les policiers et les gendarmes, étaient particulièrement nombreuses le 30 septembre [2017] (International Crisis Group 19 oct. 2017, 8)

Toutefois, dans sa communication écrite d’août 2018 envoyée à la Direction des recherches, le représentant de l’International Crisis Group a déclaré que

[traduction]

à Yaoundé et à Douala, les anglophones vivent sans menace importante pour leur sécurité de la part […] de l’État (pour le moment). Ils se trouvent dans la même situation que les francophones qui ont de la difficulté à exercer certains droits. […] Toutefois, depuis quelques jours, les contrôles de sécurité se sont intensifiés à Yaoundé et à Douala, les forces de sécurité fouillant plusieurs véhicules dans les deux villes. Durant leurs patrouilles, quand elles interceptent une personne qui s’avère être anglophone, le contrôle est plus intense (mais aucun cas de mauvais traitement n’a été signalé) (International Crisis Group 3 août 2018, en italique dans l’original).

D’après un article publié en juillet 2018 par CamerounWeb, des sources ont confirmé « les arrestations massives » survenues dans le quartier de Bonabérie à Douala, où 68 anglophones, dont neuf femmes enceintes, ont été arrêtés « sans un crime commis » et transportés à différents camps de détention (CamerounWeb 10 juill. 2018). La même source ajoute que d’autres arrestations d’anglophones étaient planifiées dans les jours suivants, notamment à Yaoundé (CamerounWeb 10 juill. 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon BaretaNews, un site Internet [traduction] « favorable aux séparatistes qui croit au rétablissement de l’indépendance du Cameroun méridional » (BaretaNews s.d.), la police a arrêté un anglophone à la fin de juin 2018 dans le quartier de Bonamoussadi à Douala [traduction] « après que ses voisins francophones l’eurent apparemment dénoncé à la police, le soupçonnant d’être un sécessionniste » parce qu’il parlait toujours en anglais avec le voisinage et sa famille et qu’on ne l’avait jamais entendu parler en français » (BaretaNews 3 juill. 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

4. Situation des rapatriés anglophones

Selon la chercheuse, [traduction] « les autorités à Yaoundé affirment que les gens de la diaspora sont à la tête de cette guerre », notamment au Canada, en Belgique, en Afrique du Sud et aux États-Unis (chercheuse 7 août 2018). De même, d’après le Centre africain pour la résolution constructive des conflits (African Centre for the Constructive Resolution of Disputes - ACCORD), [traduction] « une organisation de la société civile de l’Afrique du Sud qui travaille partout en Afrique » (ACCORD s.d.), certains représentants de l’État ont affirmé que les manifestations dans les régions anglophones du Cameroun étaient [traduction] « fomentées depuis l’étranger » (ACCORD 21 juill. 2017).

D’après la représentante de NDH-Cameroun, en ce qui concerne les Camerounais anglophones vivant à l’étranger et ayant un lien avec la crise, le ministère de l’Administration a « officiellement » déclaré que ces personnes « seront [traquées où] qu’elles se trouvent et arrêtées » (NDH-Cameroun août 2018). La chercheuse a signalé que [traduction] « [t]out membre de la diaspora qui se prononce contre les autorités risque la mort ou la torture et l’emprisonnement s’il retourne au Cameroun » (chercheuse 9 août 2018). Pour ce qui est de [version française de l’International Crisis Group] « l’exil des activistes anglophones », l’International Crisis Group signale que « [n]ombre d’entre eux veulent rentrer dans leur pays mais s’inquiètent naturellement de l’emprisonnement des militants anglophones par le gouvernement (International Crisis Group 26 avr. 2018, 7). Le représentant de l’International Crisis Group a affirmé que les autorités camerounaises ont lancé des mandats d’arrêt contre un certain nombre de séparatistes connus qui ont fui le pays, même s’ils [traduction] « ne sont pas nombreux » (International Crisis Group 3 août 2018). Selon la même source, cela [traduction] « signifie qu’ils seraient arrêtés s’ils retournaient [au Cameroun] » (International Crisis Group 3 août 2018). De même, d’après le Journal du Cameroun, un site d’actualité, le gouvernement du Cameroun a demandé l’arrestation et l’expulsion de militants séparatistes dans la diaspora (en Belgique, en Norvège, aux États-Unis, en Autriche, au Nigéria et en Afrique du Sud) (Journal du Cameroun 23 juin 2018). La British Broadcasting Corporation (BBC) affirme aussi que les autorités ont lancé des mandats d’arrêt internationaux contre des dirigeants séparatistes (BBC 9 nov. 2017). Des sources précisent que des dirigeants séparatistes camerounais ont été renvoyés au Cameroun par les autorités nigérianes (African Courier 30 janv. 2018; Daily Post 30 janv. 2018). Selon un résumé des déclarations faites par un porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) lors d’une conférence de presse, il y aurait eu [version française des Nations Unies] « de nouvelles arrestations de ressortissants camerounais au Nigéria, dont au moins un demandeur d’asile au début du mois de mars [2018] » (Nations Unies 20 mars 2018).

Le représentant de l’International Crisis Group a affirmé que [traduction] « la plupart des gens qui militent pour le fédéralisme ou [qui] n’ont pas été catalogués comme des parrains ou des partisans des séparatistes armés peuvent sortir du Cameroun et y revenir comme ils l’entendent » (International Crisis Group 3 août 2018). Toutefois, selon la chercheuse, depuis octobre 2016, [traduction] « il existe un danger à l’échelle du territoire national » pour tous les anglophones (chercheuse 7 août 2018).

D’après des sources, Patrice Nganang, un écrivain camerounais [francophone] [qui vit à New York (Reuters 8 déc. 2017)], a été arrêté à l’aéroport de Douala et emprisonné à Yaoundé pour [traduction] « avoir pris la défense des anglophones » (chercheuse 7 août 2018), ou après avoir écrit [traduction] « un article qui critiquait la façon dont le gouvernement gérait la crise séparatiste dans sa région anglophone »; selon son avocat, Patrice Nganang a été accusé d’avoir insulté le président (Reuters 8 déc. 2017). Il a été libéré après une détention de [quelques] semaines (chercheuse 7 août 2018; BBC 27 déc. 2017). Dans un article paru en janvier 2018, Reuters affirme qu’un ancien entrepreneur [camerounais] [traduction] « considéré comme une voix modérée au sein du mouvement séparatiste et [qui] a par le passé prôné le dialogue plutôt que la violence » a été « ciblé » par les autorités camerounaises; depuis le Nigéria, il a déclaré à Reuters que, en décembre 2017, « des soldats du gouvernement ont encerclé son domicile familial dans le Cameroun anglophone » (Reuters 29 janv. 2018).

La chercheuse a affirmé que les Camerounais anglophones qui retournent à Yaoundé ou à Douala [traduction] « ne sont pas en sécurité », car ils « pourraient être conduits de l’aéroport vers la prison ou une destination inconnue » (chercheuse 7 août 2018). D’après la même source, les expulsés anglophones, y compris les demandeurs d’asile déboutés, [traduction] « risquent la prison et des amendes, à moins de verser des pots-de-vin » (chercheuse 7 août 2018). Dans une recherche universitaire sur les risques encourus après l’expulsion, publiée en 2015 par Sciences Po Paris, on peut lire que les Camerounais rapatriés de l’Europe sont menacés de détention ou d’emprisonnement au Cameroun, et que les demandeurs d’asile déboutés peuvent être victimes de violence à leur retour (Blondel et al. mai 2015, 5-6).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] La chercheuse a rédigé sa thèse de doctorat à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, en Suisse; elle s’intéresse principalement à la dynamique des rapports hommes-femmes et à la dynamique familiale dans la migration transnationale et les envois d’argent depuis le Cameroun (chercheuse 9 août 2018). La chercheuse est aussi l’auteure d’un livre qui porte sur le même sujet et qui a été publié en 2017 (chercheuse 9 août 2018). Elle a travaillé à titre de consultante en recherche auprès de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le secteur des migrations et des conflits au Cameroun, au Tchad, au Nigéria et au Niger (chercheuse 9 août 2018).

[2] Selon un journaliste indépendant camerounais qui a enquêté sur ces groupes et qui a parlé à Human Rights Watch, il y a entre 5 et 20 groupes dans les régions anglophones (Human Rights Watch 19 juill. 2018, 20). Se fondant sur des renseignements provenant de diverses sources, Human Rights Watch affirme que [version française de Human Rights Watch] « les groupes les plus militants et les plus connus » sont les suivants : les Forces de défense d’Ambazonie (Ambazonia Defense Forces - ADF), les Forces de défense du Southern Cameroons (Southern Cameroons Defense Forces - SOCADEF), les Lebialem Red Dragons et le Conseil d’autodéfense d’Ambazonie (Ambazonia Self-Defence Council) (Human Rights Watch 19 juill. 2018, 20).

[3] L’auteur de ces observations est Tanda Theophilus, qui a séjourné pendant quatre semaines dans les villes de Buéa et de Douala en mars 2018 (International Crisis Group 27 juill. 2018).

Références

African Centre for the Constructive Resolution of Disputes (ACCORD). 21 juillet 2017. Ateki Seta Caxton. « The Anglophone Dilemma in Cameroon - The Need for Comprehensive Dialogue and Reform ». [Date de consultation : 7 août 2018]

African Centre for the Constructive Resolution of Disputes (ACCORD). S.d. « About ACCORD ». [Date de consultation : 13 août 2018]

African Courier. 30 janvier 2018. Kola Tella. « Nigeria Criticized for Handing Over Cameroonian Separatist Leaders to Paul Biya ». [Date de consultation : 14 août 2018]

Al Jazeera. 1er octobre 2017. Azad Essa. « Cameroon's English-Speakers Call for Independence ». [Date de consultation : 9 août 2018]

Amnesty International. 12 juin 2018. A Turn for the Worse: Violence and Human Rights Violations in Anglophone Cameroon. [Date de consultation : 3 août 2018]

BaretaNews. 3 juillet 2018. James Agbor. « Ambazonians Arrested in Douala & Dschang - La Republique for Speaking English ». [Date de consultation : 7 août 2018]

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Autres sources consultées

Sources orales : Caritas Cameroun; chercheur qui a publié des articles sur la migration en Afrique de l’Ouest, y compris au Cameroun; journaliste camerounais; professeur adjoint d’histoire qui a voyagé et travaillé à Douala et à Yaoundé pendant dix ans; professeur agrégé d’histoire politique à Yaoundé; professeur d’anthropologie sociale dont les recherches portent notamment sur les anglophones au Cameroun.

Sites Internet, y compris : Africanews; Armed Conflict Location & Data Project; Cameroun – Institut national de la statistique; The Conversation Canada; Daily Nation; ecoi.net; The Guardian; Nations Unies – Refworld; News24; Union européenne – European Asylum Support Office; University of Oxford — Faculty of Law.

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