Haïti : information sur la procédure à suivre pour déposer une plainte en matière civile ou pénale devant un tribunal de paix; information sur la procédure suivie par la police vis-à-vis les tribunaux de paix à la suite d'une plainte; information indiquant si les procédures suivies par les tribunaux de paix sont uniformes à travers le pays; information sur la relation entre la police et les tribunaux de paix (2014-mai 2017)
1. Procédure à suivre pour déposer une plainte en matière civile ou pénale devant un tribunal de paix
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun nouveau renseignement s'ajoutant à ceux que l'on peut lire dans la Réponse à la demande d'information HTI105174 de juin 2015.
2. Procédure suivie par la police vis-à-vis les tribunaux de paix à la suite d'une plainte
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement s'ajoutant à ceux que l'on peut lire dans la Réponse à la demande d'information HTI105534 de juin 2016 sur les procédures qui font suite au dépôt d'une plainte au criminel.
3. Information indiquant si les procédures suivies par les tribunaux de paix sont uniformes à travers le pays
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement indiquant si les procédures suivies par les tribunaux de paix sont uniformes à travers le pays.
4. Relation entre la police et les tribunaux de paix
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information au sujet de la relation entre la police et les tribunaux de paix.
Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2016 du Département d'État des États-Unis (É.-U.),
[traduction]
[l]a responsabilité de l'enquête pénale n'est pas clairement attribuée par le Code d'instruction criminelle qui la partage entre la police, les juges de paix, les procureurs et les juges d'instruction. Par conséquent, les autorités omettent souvent d'interroger des témoins, de compléter des enquêtes, de compiler des dossiers complets ou de pratiquer des autopsies (É.-U. 3 mars 2017, 10).
Les chapitres II et III de la Loi nº 2 sur la police judiciaire et les officiers et agents de police qui l'exercent, amendée en 1962, et qui fait partie du Code d'instruction criminelle d'Haïti, amendé en 1988, portent respectivement sur les agents de la police et sur les juges de paix (Haïti 1836). L'article 10 de cette loi prévoit que les agents de la police rurale et urbaine « feront leur rapport au juge de paix de la commune sur la nature, les circonstances, le temps et le lieu des crimes, des délits et des contraventions, ainsi que sur les preuves et les indices qu'ils auront pu en recueillir » et qu'ils « arrêteront et conduiront devant le juge de paix tout individu qu'ils auront surpris en flagrant délit, ou qui sera dénoncé par la clameur publique » (Haïti 1836, art. 10). Une copie de la Loi n° 2 sur la police judiciaire et les officiers et agents de police qui l'exercent est annexée à la présente Réponse.
Le site Internet du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire d'Haïti (CSPJ) [1] explique ce qui suit au sujet des responsabilités des juges de paix :
Le [j]uge de [p]aix, personnage principal du [t]ribunal de [p]aix, est celui qui remplit les rôles civil et pénal de la compétence du [t]ribunal. Le [j]uge de [p]aix est l’autorité hiérarchique du [t]ribunal. Il existe un titulaire et des suppléants - 2 ou 3 selon l’importance de la population desservie. Ces différents [j]uges ont la même compétence des décisions de justice. Leur différence ne se situe qu’au niveau de l’administration du [t]ribunal, dont la responsabilité incombe au [j]uge titulaire.
Ses attributions civiles :
- Il juge les affaires civiles et commerciales
- Il préside les conseils de famille
- Il dresse des actes de notoriété publique
- Il donne l’entrée des lieux lors d’exécutions de jugement
- Il appose et lève des scelles sur réquisition du [d]oyen du [t]ribunal [c]ivil
- Il est disponible pour constater tout ce qui bouleverse la vie de la communauté
Ses attributions pénales :
Le [j]uge de [p]aix, en matière pénale, remplit deux fonctions différentes : celle du [j]uge, lorsqu’il s’agit de contraventions de simple police et celle d’[o]fficier de [p]olice [j]udiciaire lorsqu’il s’agit de crimes ou de délits.
Comme juge de simple police, il est le seul compétent pour juger des contraventions. Dans ce cas, il n’est pas [o]fficier de [p]olice [j]udiciaire auxiliaire du [c]ommissaire du [g]ouvernement. Il est entièrement indépendant. Les jugements qu’il rend ne peuvent être modifiés que par une décision d’une juridiction supérieure ([t]ribunal [c]ivil ou Cour de [c]assation).
Le juge de paix, officier de police judiciaire, est auxiliaire du commissaire du [g]ouvernement. A ce titre, il est un agent de renseignements, de réception et de transmission. Il procède à l’information préliminaire de tout acte délictueux qui s’est commis dans sa juridiction. Il fait les transports sur les lieux; le constat du corps du délit; l’audition des témoins et donneurs de renseignements; la saisie des armes et instruments du délit, du produit du délit; l’interrogatoire du prévenu; la perquisition domiciliaire; l’expertise sous serment; la réquisition de la force publique (Haïti 21 juin 2015).
Selon les Country Reports 2016, le fonctionnement des tribunaux de paix est [traduction] « inadéquat » et « les juges de paix président en chambre selon leur disponibilité personnelle et occupent souvent d'autres emplois à temps plein » (É.-U. 3 mars 2016, 11).
Dans un Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti, publié en février 2016 et couvrant la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, la Section des droits de l'homme (SDH) de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme déclare ce qui suit :
[D]ans un grand nombre de cas recensés, des personnes ont été arrêtées sur la base d’un mandat émis par un juge de paix, en dehors d’une situation de flagrant délit, ou ont été détenues en garde à vue au-delà du délai légal. À titre illustratif, à Camp Perrin (Sud), cette pratique persiste en dépit d’une circulaire du parquet des Cayes demandant à la police de refuser de recevoir les prévenus faisant l’objet de mandat de dépôt émis par des juges de paix. La pratique des agents de la [Police nationale d'Haïti] qui exécutent les ordres manifestement illégaux qu’ils reçoivent, notamment de la part des juges de paix, est également problématique (Nations Unies févr. 2016, paragr. 77).
Un rapport d'analyse du fonctionnement de l'appareil judicaire haïtien, couvrant la période d'octobre 2015 à septembre 2016, préparé par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une ONG haïtienne qui est engagée dans « l'éducation en matière de droits humains […] [et] le monitoring des violations de droits humains au niveau des institutions-clés de l'État » (RNDDH s.d.), signale que « les autorités policières affirment que les relations entre la police et les autorités judiciaires de [la commune de] l'Arcahaie, sont souvent houleuses notamment en raison du comportement des [j]uges [de paix] qui sapent le travail des policiers » (RNDHH 8 nov. 2016, 15).
Dans le Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti, la SDH déclare avoir continué « de constater de nombreuses situations dans lesquelles des juges de paix agissent en outrepassant leurs mandats » et avoir noté que « de nombreux juges de paix ont ordonné la libération de personnes suspectées de crimes et délits, dépassant ainsi leurs compétences » (Nations Unies févr. 2016, paragr. 76). La même source affirme que « [d]’autres cas ont été rapportés dans lesquels les juges de paix procèdent à des arrestations et détentions illégales » (Nations Unies févr. 2016, paragr. 78).
Le Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti signale aussi que « [s]elon certaines autorités judiciaires et policières rencontrées par la SDH, les juges de paix dépasseraient régulièrement les délais de détention en garde à vue afin de tenter de "forcer" des ententes » (Nations Unies févr. 2016, paragr. 78). La même source explique ce qui suit :
[D]ans de nombreux cas, les juges de paix ont clos des dossiers en arrangeant des règlements à l’amiable entre suspects et victimes. Ceci constitue d’ailleurs pour la SDH un problème majeur dans le traitement judiciaire des allégations de violences sexuelles, notamment dans les cas de viols (Nations Unies févr. 2016, paragr. 79).
Dans le Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti, la SDH rapporte que « les juges de paix s’arrogent une compétence qu’ils n’ont pas en matière de viol » (Nations Unies févr. 2016, paragr. 99). La même source présente l'exemple suivant :
[À] Trou du Nord (Nord’Est), le juge de paix a indiqué avoir libéré un suspect de viol d’une mineure, suite à un désistement de la partie plaignante, alors que le juge n’est pas habilité à traiter un tel cas qui constitue un crime et qu’au surplus, le désistement ne pourrait mettre fin à l’action publique (Nations Unies févr. 2016, paragr. 79).
Selon le Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti,
[a]fin de contrer cette pratique aux Gonaïves et à Saint-Marc (Artibonite), les chefs de ces deux juridictions (doyens et commissaires du gouvernement) ont publié une circulaire rappelant aux juges de paix de leur juridiction respective la stricte obligation légale leur interdisant de se prononcer sur les affaires de viol. L’impact de la circulaire reste à évaluer, mais une telle initiative mériterait d’être reproduite au niveau national (Nations Unies févr. 2016, paragr. 79).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Note
[1] Le site Internet du CSPJ explique ce qui suit au sujet de sa mission : « [Il] est l'organe d'administration, de contrôle, de discipline et de délibération de ce pouvoir. Il formule un avis concernant les nominations de magistrats du siège et met à jour le tableau de cheminement annuel de tout magistrat. Il dispose d'un pouvoir général d'information et de recommandation sur l'état de la magistrature » (Haïti 31 mai 2015).
Références
États-Unis (É.-U.). 3 mars 2017. Department of State. « Haïti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2016. [Date de consultation : 2 juin 2017]
Haïti. 21 juin 2015. Conseil supérieur du pouvoir judicaire (CSPJ). « Le personnel des cours et tribunaux ». [Date de consultation : 2 juin 2017]
Haïti. 31 mai 2015. Conseil supérieur du pouvoir judicaire (CSPJ) « Mission du CSPJ ». [Date de consultation : 2 juin 2017]
Haïti. 1836 (modifiée en 1962). Loi nº 2 sur la police judiciaire et les officiers et agents de police qui l'exercent, dans le Code d'instruction criminelle. 1836 (modifié en 1988). [Date de consultation : 7 juin 2017]
Nations Unies. Février 2016. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, Section des droits de l'homme. Rapport annuel sur la situation des droits de l’homme en Haïti : 1er juillet 2014 - 30 juin 2015. [Date de consultation : 2 juin 2017]
Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). 8 novembre 2016. Analyse du fonctionnement de la justice au regard du droit aux garanties judicaires. [Date de consultation : 2 juin 2017]
Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). S.d.« Vision et mission ». [Date de consultation : 7 juin 2017]
Autres sources consultées
Sources orales : Avocats sans frontières Canada; Bureau des avocats internationaux; Bureau des droits humains en Haïti; Centre de recherche et d'information juridiques; Haïti – Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Police nationale d'Haïti; quatre bureaux d'avocats à Port-au-Prince; Réseau national de défense des droits humains.
Sites Internet, y compris : AlterPresse; Amnesty International; Center for Research Libraries; Challenges; Digital Library of the Caribbean; ecoi.net; États-Unis – ambassade des États-Unis à Port-au-Prince, Library of Congress; Factiva; France – Cour nationale du droit d'asile; GlobalLex; Haïti – ministère de la Justice et de la Sécurité publique, Primature; Haiti Action Network; Haïti Libre; Haiti Press Network; Institute for Justice & Democracy In Haiti; International Crisis Group; Juricaf; Le juriste haïtien; Le National; Nations Unies – Refworld; Le Nouvelliste; Organisation des États Américains – Réseau continental d'échange d'informations relatives à l'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradiction; Radio France internationale; Rezo Nòdwès; World Legal Information Institute.
Document annexé
Haïti. 1836 (modifiée en 1962). Loi nº 2 sur la police judiciaire et les officiers et agents de police qui l'exercent, dans le Code d'instruction criminelle. 1836 (modifié en 1988). [Date de consultation : 7 juin 2017]