Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

La base de données contient les RDI en français et anglais archivées depuis sept ans. Les RDI antérieures sont accessibles sur le site Web European Country of Origin Information Network.

Les RDI publiées par la CISR sur son site Web peuvent contenir des documents annexés inaccessibles en raison de problèmes techniques et peuvent inclure des traductions de documents initialement rédigées dans d'autres langues que l'anglais ou le français. Pour obtenir une copie d'un document annexé et/ou une version traduite des documents annexés de RDI, veuillez en faire la demande par courriel.

Avertissement

Avertissement

Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

29 septembre 2016

TUR105626.EF

Turquie : information sur le mouvement de Fethullah Gülen, y compris sa structure, ses activités et les régions où celles-ci sont exercées; la marche à suivre pour devenir membre; les rôles et responsabilités des membres; le traitement réservé aux adeptes; le mouvement Gülen au Canada, y compris ses liens avec des organisations en Turquie et son aptitude à confirmer l’engagement d’une personne auprès du mouvement Gülen en Turquie (2014-septembre 2016)

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Selon des sources, le mouvement de Fethullah Gülen est aussi connu sous le nom de Hizmet, un mot turc qui signifie « service » (BBC 18 déc. 2013; New York Times 26 juill. 2016; CBC 21 juill. 2016).

Fethullah Gülen est un érudit islamique turc qui s’est exilé aux États-Unis en 1999 (ibid.; DW 27 juill. 2016). D’après la Canadian Broadcasting Corporation (CBC), Fethullah Gülen, qui a bâti sa renommée à titre de prédicateur musulman grâce à ses [traduction] « sermons intenses », « défend une philosophie qui allie une forme mystique de l’islam et la démocratie » (21 juill. 2016). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un attaché supérieur de recherches non résident au Programme d’études de la Route de la soie à l’École d’études internationales avancées (School of Advanced International Studies) de l’Université Johns Hopkins a signalé que :

[traduction]

[l]e mouvement Gülen a été lancé dans les années 1970 à l’époque où Fethullah Gülen était un imam; ses discours avaient une grande puissance émotive. Le mouvement a pris de l’ampleur dans les années 1990, se transformant en une puissance politique. Le mouvement était déjà bien établi en Turquie lorsque Fethullah Gülen a quitté le pays pour s’installer aux États-Unis en 1999 (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Institut du dialogue interculturel (Intercultural Dialogue Institute - IDI), une organisation fondée en 2005 par des entrepreneurs turco-canadiens inspirés par les ouvrages et les enseignements de Fethullah Gülen, a affirmé que :

[traduction]

À ses débuts en Turquie dans les années 1960, Hizmet était un mouvement religieux issu des sermons de Fethullah Gülen dans les mosquées. Au fil des ans, il s’est transformé en un mouvement de la société civile et ce mouvement est devenu un mouvement transnational grâce à la participation de gens d’origines ethniques et religieuses différentes, qui ont mis sur pied des écoles et d’autres institutions dans leurs pays respectifs (IDI 21 sept. 2016).

D’après le site Internet du mouvement Gülen (www.gulenmovement.us), l’objectif de ses adhérents est [traduction] « de plaire à Dieu en s’appuyant sur la conviction que "servir l’humanité, c’est servir Dieu" » (Gulen Movement s.d.). La même source signale que le mouvement est principalement composé de musulmans turcs, mais qu’il compte aussi des gens issus d’autres milieux culturels et ethniques (ibid.).

Certains médias affirment qu’il y a des [traduction] « millions » d’adeptes du mouvement Gülen (New York Times 24 avr. 2012; BBC 18 déc. 2013). La CBC signale que le nombre d’adhérents est inconnu, mais cite les propos de Bessma Momani, une attachée supérieure de recherches au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (Centre for International Governance Innovation) à l’Université de Waterloo, selon lesquels il pourrait y avoir jusqu’à quatre millions de membres en Turquie, soit 5 p. 100 de la population (CBC 21 juill. 2016).

Dans un article du New York Times paru en 2012, le mouvement Gülen est décrit comme étant [traduction] « un des plus influents mouvements islamiques au monde » (24 avr. 2012). De plus, on peut lire dans le Globe and Mail que Fethullah Gülen est [traduction] « un des érudits islamiques les plus influents et les plus controversés de la Turquie » (25 juill. 2016).

D’après le New York Times, Fethullah Gülen s’est enfui aux États-Unis en 1999 [traduction] « à la suite d’accusations de complot en vue de renverser le gouvernement laïc » (New York Times 24 avr. 2012). La même source précise que, à cette époque, un sermon enregistré a été diffusé dans les médias, sermon dans lequel Fethullah Gülen donnait les consignes suivantes à ses adeptes : [traduction] « "faites votre chemin dans les artères du système, sans que personne ne remarque votre existence, jusqu’à ce que vous ayez atteint tous les centres du pouvoir" »; il a soutenu que l’enregistrement avait été trafiqué et il a été acquitté en 2008 (ibid.).

Des sources affirment que, sur le plan politique, Fethullah Gülen était autrefois un allié du président turc Recep Tayyip Erdogan, avant la détérioration de leurs relations en 2013 (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016; DNA 17 juill. 2016) du fait que des adeptes du mouvement Gülen au sein de la police ont lancé des enquêtes anticorruption contre le parti au pouvoir, à savoir le Parti de la justice et du développement (AKP) (ibid.; attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016). Selon l’attaché supérieur de recherches, durant la période de 2008 à 2012, le mouvement Gülen [traduction] « était perçu comme étant encore plus puissant que Recep Tayyip Erdogan » et certaines personnes ont joint le mouvement pour bénéficier de ses relations et de son pouvoir (ibid.). Il a précisé [traduction] « [qu’]un climat de peur régnait autour des gülenistes » et qu’« il était connu que les gülenistes s’en prenaient aux personnes qui les critiquaient en inventant des allégations ou en divulguant leurs secrets » (ibid.). En 2012, le New York Times a écrit que [traduction] « la culture de la peur qui règne autour des soi-disant gülenistes, bien qu’elle soit exagérée, est si généralisée que peu de gens ici sont disposés à parler ouvertement des gülenistes au téléphone, de crainte que leurs conversations soient enregistrées et qu’il y ait des représailles » (24 avr. 2012). Selon Deutsche Welle (DW), de 2008 à 2011, il y a eu [traduction] « une série de procès et de purges pour tentative de coup d’État contre des hauts gradés militaires kémalistes sur la base de preuves fabriquées », et ces procès ont été intentés « par des procureurs et policiers gülenistes avec le soutien du président Erdogan » (DW 27 juill. 2016). La même source cite les propos de Dani Rodrik, un économiste à l’Université Harvard qui a écrit au sujet de Fethullah Gülen et des procès pour coup d’État, selon lesquels [traduction] « il devrait être clair pour tout observateur objectif que le mouvement Gülen s’étend bien au-delà des écoles, des organismes caritatifs et des activités interreligieuses qui sont le visage qu’il montre au monde : le mouvement comporte aussi une facette sombre qui se livre à des activités secrètes telles que la fabrication de preuves, l’écoute électronique, la désinformation, le chantage et la manipulation judiciaire » (ibid.). Des médias affirment que, avant la rupture entre Fethullah Gülen et Recep Tayyip Erdogan, les autorités turques ont emprisonné des critiques du mouvement Gülen, y compris des journalistes (CBC 21 juill. 2016; BBC 18 déc. 2013) et un chef de police qui avait écrit un livre critiquant l’influence du mouvement sur la police et la magistrature (ibid.).

Des médias signalent que les autorités turques ont accusé Fethullah Gülen de diriger une structure [traduction] « "parallèle" » au sein de l’État turc (CBC 21 juill. 2016; Globe and Mail 25 juill. 2016; DNA 17 juill. 2016), particulièrement au sein de l’appareil judiciaire, du système d’éducation, des médias et des forces militaires (ibid.). Citant les propos de Bessma Momani, la CBC signale que la majorité des Turcs croit que le mouvement Gülen est [traduction] « un gouvernement parallèle » et s’en méfie (21 juill. 2016). Dans un article publié par DW, il est écrit que, selon un sondage réalisé par un organisme de recherche turc, près de deux tiers des répondants croyaient que Fethullah Gülen était à l’origine de la tentative de coup d’État en juillet 2016 (DW 27 juill. 2016). La même source déclare que [traduction] « l’opacité du financement [du mouvement Gülen] et l’infiltration de l’État font en sorte que, depuis des années, le mouvement suscite des doutes chez les laïcs qui soupçonnent que son but est d’établir un État d’inspiration islamique » (ibid.).

2. Structure

D’après son site Internet, le mouvement Gülen est [traduction] « une combinaison de réseaux de services informels et de réseaux institutionnalisés, tels que des organisations d’aide humanitaire et de secours d’urgence, des écoles et des sociétés de dialogue » (Gulen Movement s.d.).

L’attaché supérieur de recherches et le représentant de l’IDI ont affirmé que le mouvement Gülen est peu structuré et n’est pas doté d’une hiérarchie stricte ou centralisée (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016; IDI 21 sept. 2016). De même, la BBC signale que le mouvement [traduction] « n’a aucune structure officielle » ni « aucune organisation visible »; la même source cite des partisans qui soutiennent que les gens engagés dans le mouvement « travaillent ensemble tout simplement dans le cadre d’une alliance souple inspirée par le message de Fethullah Gülen » (18 déc. 2013). Le représentant de l’IDI a expliqué que :

[traduction]

Les liens entre chacune des organisations varient considérablement. Il peut exister des liens sur le plan personnel ainsi que sur les plans institutionnel et professionnel, selon la collaboration et le partenariat entre les organisations. Il y a une grande variété de partenariats fondés sur des projets au sein du mouvement (IDI 21 sept. 2016).

En ce qui a trait aux dirigeants du mouvement, l’attaché supérieur de recherches a déclaré que :

[traduction]

[c]ertaines personnes ont des responsabilités géographiques et ces dirigeants régionaux rencontrent Fethullah Gülen assez régulièrement. Toutefois, à ma connaissance, Fethullah Gülen demeure assez vague durant ces rencontres et ne fait pas de microgestion. Il donne des consignes telles que « nous devrions en faire davantage au chapitre de l’éducation dans les Balkans » au lieu de donner des instructions précises (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune autre information allant dans le même sens, ni aucun renseignement additionnel sur les dirigeants régionaux au sein du mouvement Gülen.

Selon une étude effectuée en 2010 sur le mouvement Gülen et publiée sur le site Internet du mouvement par Helen Rose Ebaugh, professeure émérite de sociologie à l’Université de Houston, les cercles locaux du mouvement Gülen sont habituellement organisés en fonction de l’endroit où vivent les membres, de même que leurs professions ou leur formation scolaire; par exemple, les médecins à l’intérieur d’un quartier se réuniront avec d’autres médecins inspirés par le message de Fethullah Gülen (Ebaugh 2010). La même source ajoute que [traduction] « l’organisation en fonction de groupes naturels, tels que les professions ou groupes professionnels, facilite aussi le recrutement » (ibid.).

L’attaché supérieur de recherches a expliqué que le mouvement comporte divers niveaux d’adeptes :

[traduction]

Le mouvement dispose d’un cercle interne de militants et d’un cercle externe de gens qui appuient ou apprécient le message de Fethullah Gülen ou les idéaux du mouvement.

Le cercle interne de militants est constitué principalement de gens ayant été recrutés au sein du mouvement à l’adolescence. […] Les gülenistes repéraient des élèves de milieux pauvres et les aidaient à réussir leurs études -- en leur offrant des services de soutien scolaire ou d’enseignement le fin de semaine, un logement si l’élève fréquente une école dans une région différente, etc. Ces élèves étaient jumelés à un mentor, qui assumait le rôle de grand frère ou de grande sœur (abi ou abla en turc). Le mentor était aussi chargé du développement spirituel de l’élève.

Ces élèves étaient encouragés à travailler dans la fonction publique ou dans le milieu des affaires au terme de leurs études. […] En particulier, ils grossissaient les rangs de la police, de la magistrature et de l’armée. Durant les années 1990, l’armée, qui est très laïque, s’est mise à expulser les gülenistes du corps des officiers et a mis en place un processus de filtrage pour empêcher que des gülenistes ne soient promus au grade d’officier. Lorsque Recep Tayyip Erdogan est arrivé au pouvoir, ces contraintes ont été réduites et les processus de filtrage ont été abolis. Dans la force policière, les gülenistes cherchaient tout particulièrement à contrôler le service de la collecte de renseignements.

Les adolescents recrutés à l’époque où ils étaient aux études sont demeurés actifs au sein du mouvement Gülen et ont continué de verser des dons aux causes caritatives. De plus, les gülenistes faisant partie de l’appareil étatique ont établi des réseaux avec les gülenistes à l’extérieur celuici (dans des secteurs tels que le commerce, les médias, le travail caritatif, etc.). Dans certains cas, les gülenistes ont fait appel aux gens du cercle interne de militants qui étaient dans la police, la magistrature ou l’armée pour fabriquer de faux procès contre des critiques du mouvement Gülen.

En ce qui concerne le cercle externe d’adeptes, de nombreuses personnes sont attirées par le message public du mouvement. Bon nombre de gens qui souscrivent au message général ne sont pas au fait des activités radicales qui se déroulent dans le cercle interne des militants du mouvement Gülen (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens.

Selon la BBC, [traduction] « les adeptes sont réputés donner entre 5 p. 100 et 20 p. 100 de leurs revenus aux groupes affiliés au mouvement » (18 déc. 2013). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information allant en ce sens ni aucun renseignement additionnel sur le financement.

3. Activités et régions où celles-ci sont exercées

D’après DW, Fethullah Gülen dirige [traduction] « une vaste entreprise mondiale d’écoles, d’entreprises, de médias et d’organismes caritatifs » (27 juill. 2016). La même source signale qu’il y a des institutions affiliées au mouvement Gülen partout dans le monde, y compris en Afrique, en Asie centrale, aux États-Unis et en Europe (DW 27 juill. 2016). Selon le site Internet fethullah-gulen.org., le mouvement a ouvert [traduction] « des centaines » d’écoles et de collèges en Turquie, ainsi que dans 160 pays (s.d.). De même, DW affirme que le mouvement a des écoles dans plus 140 pays (27 juill. 2016). Le mouvement Gülen a aussi mis sur pied des hôpitaux et des centres de santé privés (fethullah-gulen.org s.d.a.).

Des sources précisent que le mouvement Gülen a créé sa propre association de gens d’affaires, la Confédération des hommes d’affaires et des industriels de la Turquie (TUSKON), dont le siège social était en Turquie et qui avait des bureaux à Washington et à Bruxelles (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016; Hurriyet Daily News 6 nov. 2015), de même qu’à Moscou et à Beijing (ibid.). Dans le Hurriyet Daily News, un journal turc, il est écrit que la TUSKON est une organisation-cadre fondée en 2005 qui représente [traduction] « "sept fédérations d’entreprises, 211 associations commerciales et plus de 55 000 entrepreneurs de partout en Turquie" » (Hurriyet Daily News 6 nov. 2015). L’attaché supérieur de recherches a souligné que la TUSKON avait été dissoute après la tentative de coup d’État en 2016 (13 sept. 2016).

Des sources affirment que le mouvement Gülen est actif dans les médias (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016; fethullah-gulen.org s.d.). D’après le site fethullah-gulen.org, le mouvement Gülen a mis sur pied le deuxième plus important conglomérat médiatique en Turquie, qui inclut des journaux de langue turque et anglaise, six stations de télévision, deux stations de radio et des maisons d’édition (ibid.). De même, l’attaché supérieur de recherches a signalé que le mouvement possédait des organes médiatiques, y compris Zaman, Today’s Zaman et Samanyolu TV (13 sept. 2016).

4. Marche à suivre pour devenir membre et rôles des membres

Selon des sources, il n’y a pas d’adhésion officielle au mouvement Gülen (BBC 18 déc. 2013; Gulen Movement s.d.) ni [traduction] « aucun protocole d’admission ou d’exclusion » (ibid.). De plus, des sources affirment que le mouvement ne distribue pas de cartes de membre (CBC 21 juill. 2016; fethullah-gulen.org s.d.) et n’a pas de [traduction] « cérémonie d’admission officielle » (ibid.). D’après l’attaché supérieur de recherches, il n’y a pas de registre central des membres et l’information sur l’appartenance au mouvement est [traduction] « très opaque » (13 sept. 2016). Celui-ci a également affirmé que :

[traduction]

[c]ertains dissidents qui ont quitté le mouvement Gülen ont affirmé que les membres qui obtenaient une commission dans l’armée étaient tenus d’aller voir leur grand frère/mentor et de prêter un serment d’allégeance à Fethullah Gülen sur le Coran. Certains ont affirmé que d’autres membres du mouvement sont aussi tenus de prêter un serment d’allégeance à Fethullah Gülen, tandis que d’autres ont dit que l’allégeance est seulement sous-entendue (attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016).

La même source a précisé que les membres du mouvement Gülen sont peu enclins à déclarer leur appartenance à ce mouvement (ibid.). Selon des sources, il est difficile d’établir si une personne est un adepte de Fethullah Gülen (ibid.; CBC 21 juill. 2016).

En ce qui concerne l’adhésion, d’après le site Internet du mouvement Gülen, la participation est volontaire et peut varier d’un participant à un autre; certains participants [traduction] « soutiennent activement tous les projets » en plus d’appuyer « les idées et les principes du mouvement », tandis que d’autres appuient seulement certains principes et ne s’impliquent que dans les activités connexes ou ne s’impliquent dans aucune activité (Gulen Movement s.d.). Le représentant de l’IDI a donné l’explication suivante :

[traduction]

Il n’y a pas d’adhésion officielle au mouvement. Différents types de participation volontaire sont possibles, y compris les dons en argent, le bénévolat, la participation à des cercles de conversation spirituelle, ou l’acceptation d’un rôle d’administrateur, de conseiller ou de membre de comité sans rémunération, ou d’un poste rémunéré au sein d’un organisme officiel. Il se peut que ces gens deviennent membres des organismes officiels, selon la structure et le cadre juridique de chaque pays où ces organismes mènent leurs activités (IDI 21 sept. 2016).

D’après son site Internet, le mouvement Gülen n’offre pas d’incitatifs financiers et les participants [traduction] « choisissent d’incarner des valeurs hautement culturelles, éthiques et spirituelles, au lieu d’accumuler des biens matériels » (Gulen Movement s.d.).

5. Traitement réservé aux membres et aux adeptes

Selon le Globe and Mail, après décembre 2013, Recep Tayyip Erdogan a fermé des écoles et des organes médiatiques associés au mouvement Gülen et a mené [traduction] « des purges et des remaniements au sein de la force policière et de la magistrature en vue de marginaliser les adeptes de M. Gulen » (25 juill. 2016). De même, la CBC signale que, depuis 2014, les autorités turques ont fermé des écoles préparatoires, des organes médiatiques et la Bank Asya, considérés comme étant affiliés au mouvement Gülen (21 juill. 2016).

Dans un article paru dans le Turkey Analyst, une publication du Centre conjoint de l’Institut de l’Asie centrale et du Programme d’études de la Route de la soie (Central Asia-Caucasus Institute & Silk Road Studies Joint Center) qui présente des analyses et des nouvelles sur des questions de politique intérieure et étrangère en Turquie (s.d.), on peut lire que, depuis novembre 2015, l’AKP [traduction] « a intensifié et élargi » sa campagne contre le mouvement Gülen, mais au lieu de cibler les adeptes de Fethullah Gülen qui « se livrent à de véritables activités criminelles ou abus de pouvoir — tels que les policiers et les magistrats à l’origine des tristement célèbres enquêtes Ergenekon et Balyoz » [1], les procureurs de l’AKP ont ciblé « des journalistes, des gens d’affaires et des universitaires dont la seule transgression aura été d’accueillir favorablement les appels publics de Fethullah Gülen à la modération, à la non-violence et au dialogue interconfessionnel » (21 déc. 2015).

Selon le Hurriyet Daily News, en novembre 2015, les autorités turques ont perquisitionné les bureaux de groupes d’entreprises faisant partie de la TUSKON, dans le cadre d’une enquête sur [traduction] « "l’organisation terroriste de la structure d’État parallèle/l’organisation terroriste de Fethullah" (Fethullahçi Terör Örgütü) » (6 nov. 2015).

Des sources affirment que le gouvernement turc a classé le mouvement Gülen parmi les organisations terroristes (Human Rights Watch 3 août 2016; CBC 21 juill. 2016), le désignant sous le nom de [traduction] « l’organisation terroriste de Fethullah Gülen » ou FETO (ibid.). D’après Human Rights Watch, l’inscription du mouvement sur la liste des groupes terroristes permet à la Turquie d’appliquer [traduction] « des lois antiterroristes d’une portée excessive contre de présumés gülenistes » (Human Rights Watch 3 août 2016).

Selon des sources, les autorités turques imputent le coup d’État avorté en juillet 2016 à Fethullah Gülen et ont demandé son extradition des États-Unis (New York Times 26 juill. 2016; CBC 21 juill. 2016). Le secrétaire d’État américain a déclaré que les États-Unis n’extraderaient Fethullah Gülen que si les autorités turques pouvaient présenter des [traduction] « "preuves valables qui résistent à un examen minutieux" » (ibid.). Des sources affirment que Fethullah Gülen a nié toute participation à la tentative de coup d’État, sans exclure la possibilité que certains de ses adeptes aient été impliqués (ibid.; New York Times 26 juill. 2016).

D’après le Turkey Analyst, en juillet 2016, Recep Tayyip Erdogan a décrété l’état d’urgence pour une période de trois mois à la suite du coup d’État avorté afin de [traduction] « purger » la Turquie des adeptes de Fethullah Gülen (22 juill. 2016). De même, Human Rights Watch signale que l’état d’urgence permet au gouvernement de [traduction] « gouverner par décrets avec une surveillance minimale de l’assemblée législative et sans la moindre surveillance de la cour constitutionnelle » (3 août 2016). Selon des sources, à la suite du coup d’État avorté, les autorités turques ont arrêté ou emprisonné [traduction] « des milliers » de personnes (Globe and Mail 25 juill. 2016; CBC 21 juill. 2016), y compris des juges, des personnalités politiques, des journalistes et des militaires; en outre, des milliers de fonctionnaires ont perdu leurs emplois (ibid.). De même, DW affirme que, après la tentative de coup d’État, [traduction] « [p]lus de 60 000 soldats, policiers, juges, enseignants et fonctionnaires ont été arrêtés, suspendus ou mis en examen dans le cadre d’une vaste campagne de répression » (27 juill. 2016). D’après Human Rights Watch, la purge du gouvernement de la Turquie [traduction] « va bien au-delà » de l’imposition de sanctions contre les personnes impliquées dans la tentative de coup d’État, et a ciblé les gens en fonction de « leur présumée association au mouvement Gülen » (3 août 2016). Les personnes ciblées incluraient des gens [traduction] « de l’appareil judiciaire, du bureau des procureurs, de la police, des médias, de la fonction publique, des écoles, des syndicats universitaires et des hôpitaux » (Human Rights Watch 3 août 2016).

Se fondant sur des renseignements fournis par les avocats de personnes détenues après la purge qui a suivi le coup d’État avorté, Amnesty International (AI) signale que de nombreux suspects [version française d’AI] « sont détenus de manière arbitraire », sans « aucune preuve permettant de soupçonner raisonnablement leurs clients d’actes criminels », et que « [c]ertaines questions posées par les juges n’avaient aucun rapport avec les événements liés au coup d’État manqué, et semblaient avoir pour objectif d’établir des liens avec Fethullah Gülen ou des institutions qui lui sont favorables » (24 juill. 2016). La même source affirme que les détenus [version française d’AI] « ont été frappés et victimes de torture, y compris de viols, dans les centres de détention officiels et non officiels du pays » (AI 24 juill. 2016). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens.

6. Le mouvement Gülen au Canada

Des sources affirment que le mouvement Gülen est actif au Canada (Gulen Movement Canada s.d.a; attaché supérieur de recherches 13 sept. 2016; IDI 21 sept. 2016), par le truchement de l’IDI (ibid.; Gulen Movement Canada s.d.a).

L’IDI dispose de sections locales dans neuf villes au Canada (ibid.; IDI s.d.), soit Toronto, Ottawa, Montréal, Edmonton, Calgary, London, Hamilton, Vancouver et Kitchener-Waterloo (Gulen Movement Canada s.d.a). D’après son site Internet, l’IDI a été fondé en 2010 et a pour but de [traduction] « favoriser la cohésion sociale grâce à l’interaction personnelle, en encourageant le respect et la compréhension réciproque chez les gens de toutes les cultures et de toutes les confessions au moyen du dialogue et du partenariat » (IDI s.d.). L’IDI organise [traduction] « des activités sociales, éducatives et culturelles telles que des conférences, des séminaires, des forums de discussion, des déjeuners, des dîners d’information, des programmes destinés aux étudiants et aux jeunes, des voyages d’échange interculturel, des cours [et] des programmes de rayonnement (ibid.).

Le représentant de l’IDI a déclaré que, en plus de l’IDI, d’autres organisations d’inspiration güleniste au Canada font la promotion d’activités culturelles, commerciales ou éducatives (ibid. 21 sept. 2016). Certaines de ces organisations sont membres d’une organisation-cadre, la Fédération du patrimoine anatolien (Anatolian Heritage Federation), même si la Fédération n’a pas de [traduction] « relation formelle ou officielle » avec Fethullah Gülen ou avec le mouvement (ibid.). Parmi les organisations et institutions d’inspiration güleniste au Canada, il y a la Nile Academy à Toronto, la Nebula Academy à Edmonton et la Chambre de commerce turco-canadienne (Turkish Canadian Chamber of Commerce - TCCC) (ibid.). D’après le site Internet du mouvement Gülen du Canada (Gulen Movement Canada), il existe [traduction] « plusieurs organismes de secours d’inspiration güleniste au Canada », tels que Northern Lights, une ONG à Ottawa qui a pour mission de porter secours aux victimes de désastres et aux démunis (Gulen Movement Canada s.d.b). Le représentant de l’IDI a signalé qu’il y a 25 organisations qui adhèrent à la Fédération du patrimoine anatolien et que [traduction] « chaque organisation a son propre conseil d’administration et sa propre structure de gouvernance » (IDI 21 sept. 2016). Il a estimé que ces organisations comptaient environ 800 membres, mais a signalé que la Fédération [traduction] « ne tient pas de liste des membres et des bénévoles de ces organisations » (ibid.).

Des médias ont écrit que la Turquie avait demandé au gouvernement du Canada de lui fournir des renseignements sur les adhérents du mouvement Gülen au Canada, mais que les représentants du Canada avaient répondu qu’il leur fallait des preuves d’actes criminels, et non de simples allégations, avant d’entreprendre des démarches (Globe and Mail 21 juill. 2016; National Post 28 juill. 2016). Ces demandes de renseignements auraient été présentées avant et après la tentative de coup d’État (ibid.).

Selon le représentant de l’IDI, la TCCC avait autrefois un protocole d’entente avec la TUSKON, avant que le gouvernement ne ferme cette association de gens d’affaires, et [traduction] « grâce à ces liens, la TCCC pourrait être en mesure de confirmer la participation de gens d’affaires au mouvement Hizmet » (21 sept. 2016). La même source a affirmé que la Nile Academy recrute des étudiants des écoles d’inspiration güleniste en Turquie et à l’étranger, et que les administrateurs et membres du conseil de la Nile Academy pourraient être en mesure de confirmer la participation d’enseignants et d’administrateurs qui travaillent dans ces écoles, de parents qui envoient leurs enfants à ces écoles, et de commanditaires et fondateurs qui appuient les écoles (IDI 21 sept. 2016).

De plus, la source a ajouté que :

[traduction]

Les participants individuels du mouvement Gülen au Canada et de l’Institut du dialogue interculturel ne sont pas en mesure de confirmer si une personne a participé ou adhéré au mouvement Gülen.

Toutefois, les dirigeants de l’Institut du dialogue interculturel pourraient être en mesure de fournir une évaluation subjective et non définitive de l’affiliation d’une personne au mouvement en se fondant sur des facteurs tels que les antécédents d’emploi (par exemple, les emplois au sein d’organisations ou d’institutions liées à Hizmet), ainsi que sur la participation aux activités bénévoles auprès d’organisations affiliées et les dons destinés à cellesci, ou encore sur l’inscription de leurs enfants aux écoles affiliées à Hizmet (ibid.).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information sur la question de savoir si l’IDI a déjà communiqué de telles évaluations.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Références

Amnesty International (AI). 24 juillet 2016. « Turkey: Independent Monitors Must be Allowed to Access Detainees Amid Torture Allegations ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Attaché supérieur de recherches, Silk Road Studies Program, Johns Hopkins School of Advanced International Studies. 13 septembre 2016. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

British Broadcasting Corporation (BBC). 18 décembre 2013. « Profile: Fethullah Gulen’s Hizmet Movement ». [Date de consultation : 6 sept. 2016]

Canadian Broadcasting Corporation (CBC). 21 juillet 2016. « Who is Fethullah Gulen, the Man Erdogan Blames for the Coup ». [Date de consultation : 14 sept. 2016]

Daily News and Analysis (DNA). 17 juillet 2016. « Turkey: Who is Cleric-in-exile Fethullah Gulen and Why is He Being Accused in the Coup Attempt ». (Factiva)

Deutsche Welle (DW). 27 juillet 2016. « Turkey’s Coup Attempt: Real and Imagined Threats ». (Factiva)

Ebaugh, Helen Rose. 2010. « The Gulen Movement: a Sociological Analysis of a Civic Movement Rooted in Moderate Islam ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Fethullah-Gulen.org. S.d. « On the Structure of the Hizmet Movement ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

The Globe and Mail. 25 juillet 2016. Simon A. Waldman. « Is Erdogan Seeing Gulenists or Ghosts? ». (Factiva)

The Globe and Mail. 21 juillet 2016. Laura Stone. « PM Urges Turkey to Respect Rule of Law ». (Factiva)

Gulen Movement. S.d. « Participation in the Movement ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Gulen Movement Canada. S.d.a. « Dialogue—Intercultural and Interfaith Dialogue ». [Date de consultation : 14 sept. 2016]

Gulen Movement Canada. S.d.b. « Charity—Gulen Inspired Relief Organizations ». [Date de consultation : 14 sept. 2016]

Human Rights Watch. 3 août 2016. Benjamin Ward. « The Government Response to Turkey’s Coup is an Affront to Democracy ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Hurriyet Daily News. 6 novembre 2015. « Ankara Police Raid Gulen-linked Business Group TUSKON ». [Date de consultation : 14 sept. 2016]

Intercultural Dialogue Institute (IDI). 21 septembre 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Intercultural Dialogue Institute (IDI). S.d. « About ». [Date de consultation : 14 sept. 2016]

The National Post. 28 juillet 2016. Laura Hensley. « Turkey Says U.S.-based Cleric Gulen Could Flee for Canada ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

The New York Times. 26 juillet 2016. Fethullah Gulen. « I Believe in Democracy for Turkey ». (Factiva)

The New York Times. 24 avril 2012. Dan Bilefsky et Sebnem Arsu. « Turkey Feels Sway of Reclusive Cleric in the US ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Turkey Analyst. 22 juillet 2016. Gareth H. Jenkins. « Post-Putsch Narratives and Turkey’s Curious Coup ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Turkey Analyst. 21 décembre 2015. Gareth H. Jenkins. « Stoking the Fires: Crises, Conspiracies and Miscalculations ». [Date de consultation : 7 sept. 2016]

Turkey Analyst. S.d. « Home ». [Date de consultation : 29 sept. 2016]

Autres sources consultées

Sources orales : Gulen Movement of Canada; professeur de politique, Acadia University; professeur de sciences politiques, University of Utah; professeure émérite de sociologie, University of Houston.

Sites Internet, y compris : ecoi.net; États-Unis – Congressional Research Services, Department of State; Factiva; Freedom House; International Crisis Group; Jamestown Foundation; Nations Unies – Refworld; Radio Free Europe/Radio Liberty.



​​​