Côte d’Ivoire : information sur la situation des femmes éduquées qui vivent seules, qu'elles soient célibataires ou divorcées, particulièrement à Abidjan et à Bouaké; information indiquant si elles peuvent obtenir un emploi et un logement; services de soutien qui leur sont offerts (2014-avril 2016)
1. Aperçu
Un article du quotidien français Le Monde fait état
[d']une catégorie sous-représentée en Côte d’Ivoire, celle des femmes qui, grâce à des études souvent longues, n’ont pas besoin d’un homme pour les entretenir et […] [qui,] dans une société qui conditionne l’épanouissement d’une femme à son mariage, […] ont bien du mal à trouver leur place (Le Monde 25 janv. 2015).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de l'Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI), une ONG à but non lucratif (AFJCI s.d.a) qui « mène des activités en promouvant et [en] renforçant les capacités sur le droit et l'accès à la justice en Côte d'Ivoire » (ibid. s.d.b), a souligné que, les femmes qui vivent seules,
de plus en plus, c'est courant, surtout pour les femmes qui ont plus de 30 ans : elles peuvent relativement vivre seules, sans que les parents s'en préoccupent, mais, avant cet âge, pour la femme célibataire, surtout, c'est un peu plus compliqué (ibid. 21 avr. 2016).
La même source a précisé que « les femmes seules peuvent aisément se déplacer, déménager et se réinstaller à Abidjan ou [à] Bouaké sans craindre pour leur sécurité personnelle » et que c'est surtout en ce qui concerne « les coutumes, les habitudes et la famille » que l'idée d'une femme vivant seule « n'est pas bienvenu[e] » (ibid.). Cependant, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante du Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI), une ONG (CEFCI s.d.a) qui vise à « [c]ontribuer à réduire les inégalités entre hommes et femmes en vue d'une amélioration des conditions de vie des femmes » (ibid. s.d.b), a affirmé qu'en ce qui a trait aux femmes vivant seules, « dans la coutume et dans les habitudes en Côte d'Ivoire, il n'y a pas d'obstacle en tant que tel. L'obstacle est plutôt si elles ont les moyens financiers pour se prendre en charge » (ibid. 21 avr. 2016). Elle a précisé que, dans de grandes villes comme Abidjan et Bouaké, « les femmes sont capables de vivre [seules] si elles en ont les moyens », mais que, « dans les villages, c'est plus compliqué : il y a la tradition, qui a une plus grande influence » (ibid.).
L’ancienne ministre de la Promotion de la femme Constance Toma'm Yaï, dans un entretien diffusé sur le site Internet de TV5 Monde, dénonce « [l]a situation économique déplorable des Ivoiriennes », qui sont « encore plus pauvres que leurs sœurs les plus pauvres d’Afrique australe » (TV5 Monde 2 nov. 2015). Selon les Radio France Internationale,
[traduction]
certaines femmes avaient du mal à obtenir des prêts parce qu’elles ne répondaient pas aux critères, notamment celui de fournir en garantie des biens de grande valeur, leur nom ne figurant pas nécessairement sur les titres de propriété du ménage. Les femmes ont aussi été victimes de discrimination économique pour ce qui est de la possession ou de la gestion d’une entreprise (É.-U. 13 avr. 2016, 22).
De son côté, la représentante de l'AFJCI a affirmé ce qui suit :
Il y a des critères qui sont établis, et ce n'est pas la situation matrimoniale qui motive l'octroi des fonds, c'est surtout la capacité de pouvoir mener une activité, la capacité de pouvoir rembourser des fonds. Il y a aussi le crédit auprès des banques. Celles-ci ne considèrent pas la situation matrimoniale de la femme mais sa capacité à pouvoir rembourser. Qu'elles soient seules ou en couple, ça ne change rien, c'est la solvabilité qui compte, leur travail, leur revenu (AFJCI 21 avr. 2016).
Le Monde souligne que, « [t]outes religions confondues, le mariage est considéré comme la preuve que la femme a été assez bien éduquée par ses parents pour trouver un homme qui l'accepte » (Le Monde 25 janv. 2015). La même source cite Constance Toma’m Yaï qui affirme que
[l]es femmes célibataires subissent une énorme pression sociale au quotidien. Même si elles ont une bonne situation professionnelle, elles sont constamment humiliées, dépréciées, et font l’objet de rumeurs malveillantes : exclues des prises de décision, ou écoutées après les femmes mariées (ibid.).
Citée dans le même article, Mariam, une jeune musulmane qui a étudié au Maroc et dont les parents sont fonctionnaires, affirme pour sa part que « c'est encore très mal vu d'être une femme vivant seule, même à Abidjan » (ibid.).
2. Lois
Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2015, publiés par le Département d'État des États-Unis, [traduction] « la loi interdit la discrimination fondée sur le genre, et le gouvernement a encouragé la pleine participation des femmes à la vie économique et sociale » (É.-U. 13 avr. 2016, 22). Dans une correspondance avec la Direction des recherches, la représentante de l'AFJCI a affirmé qu'en Côte d'Ivoire,
[i]l n'y a aucune loi concernant les femmes seules, célibataires ou divorcées. Qu'elles vivent dans un foyer avec un compagnon sans être mariées ou qu'elles vivent seules, il n'y a pas d'obstacle juridique (AFJCI 21 avr. 2016).
3. Emploi
Dans Autonomiser les femmes africaines : plan d'action. Indice de l'égalité du genre en Afrique 2015, rapport publié par la Banque africaine de développement (BAD), on peut lire que, selon un rapport de la BAD sur la parité entre les sexes publié en 2012, les femmes sont « propriétaires du tiers de l’ensemble des entreprises en Afrique, avec le record de 61,9 % en Côte d’Ivoire » (BAD mai 2015, 11). Selon les Country Reports 2015,
[traduction]
les fédérations syndicales ont tenté de lutter pour un traitement égal pour tous les travailleurs, conformément à la loi, lorsque les entreprises […] faisaient preuve de discrimination entre les catégories de travailleurs, comme les femmes (É.-U. 13 avr. 2016, 31).
Selon la représentante du CEFCI, en ce qui concerne l'accès au travail, le fait qu'une femme vive seule « ne pose pas problème » (CEFCI 21 avr. 2016). Selon la même source, « il peut arriver toutefois, [pour ce qui est] des promotions, qu'on essaie de voir si elles sont mariées […] mais ce ne sont pas des critères » (ibid.). De même, selon la représentante de l'AFJCI, pour les femmes vivant seules,
il n'y a pas d'obstacles, ce n'est pas quelque chose qu'on vous demande à l'embauche. Toutefois, [en ce qui concerne les] cadres, […] le fait d'être mariée peut donner certains avantages, car, pour certains employeurs, il se peut qu'une femme non mariée soit perçue comme irresponsable (AFJCI 21 avr. 2016).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement concernant le genre de travail auquel les femmes vivant seules en Côte d'Ivoire ont ou n'ont pas accès.
4. Logement
Concernant la possibilité pour une femme vivant seule de louer ou d'acheter une maison ou un appartement, la représentante du CEFCI a signalé que,
dans les petits villages, c'est plus compliqué à cause de la tradition […] [et de] la question foncière, car ce n'est pas dans tous les villages que les femmes ont accès à la terre. Même si elles travaillent, même si elles [en] ont les moyens, souvent elles devront se faire accompagner par un frère, un cousin, car c'est interdit dans certains endroits pour les femmes de posséder la terre (CEFCI 21 avr. 2016).
De même, dans un rapport sur la Côte d'Ivoire publié en 2013, l’Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development – USAID) explique que, [traduction] « dans le régime foncier coutumier, […] les femmes n'ont pas accès à la propriété » (É.-U. mai 2013, 9).
Par ailleurs, dans un rapport intitulé Droit au logement, à la terre et aux biens des femmes déplacées dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire dans la période post conflit, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) souligne que, concernant d'éventuelles contestations foncières,
[l]es femmes qui connaissent leurs droits […] peuvent craindre le châtiment physique ou l’exclusion sociale si elles tentent de demander l’aide d’une ONG ou de porter leur cas devant un tribunal. […] En général, elles ne peuvent pas non plus compter sur les systèmes de justice coutumiers pour régler les conflits […] intra-familiaux en leur faveur [en matière de droits au logement, à la terre et aux biens] (Norvège 2015, 24).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
Dans un texte publié par le Gender Links News Service, un projet médiatique de Gender Links, une ONG de l'Afrique du Sud qui prône l'égalité entre les sexes (Gender Links s.d.), Augustin Tapè, journaliste qui s'intéresse aux questions touchant l'égalité entre les sexes, également coordonnateur du site Internet d'informations News Ivoire, souhaite « la création d[e] guichets uniques pour faciliter l'accès des femmes à la propriété foncière » comme mesure pouvant contribuer à éliminer la discrimination envers les femmes en Côte d'Ivoire (ibid. 3 juill. 2014).
La représentante du CEFCI note qu'en ce qui concerne le logement, pour les femmes vivant seules,
à Abidjan, c'est plus facile, quoique même à Abidjan il y a quelques propriétaires qui sont réticents à louer à des femmes seules. […] certaines femmes ont dit avoir été obligées de passer avec leurs frères pour pouvoir louer une maison parce que le propriétaire a dit qu'il ne voulait pas de femmes célibataires dans sa maison. Parfois ils refusent de louer aux femmes célibataires (CEFCI 21 avr. 2016).
Selon la représentante de l'AFJCI, « il n'y a pas de problèmes spéciaux pour une femme seule. Ce qu'on demande principalement, c'est si elle a un emploi, si elle a la capacité de payer » (AFJCI 21 avr. 2016). La représentante du CEFCI a ajouté la précision suivante : « ça dépend des religions. Par exemple, dans la religion musulmane, [le fait qu'une femme soit célibataire] est moins accepté que dans les religions chrétiennes en général » (CEFCI 21 avr. 2016).
5. Services sociaux
Sans donner plus de détails, la représentante de l'AFJCI et la représentante du CEFCI ont signalé qu'il existait des organisations venant en aide aux femmes, mais qu'elles ne visaient pas précisément les femmes célibataires (AFJCI 21 avr. 2016; CEFCI 21 avr. 2016). La représentante du CEFCI a ajouté qu'à sa connaissance, aucun organisme gouvernemental ne venait en aide aux femmes célibataires en particulier (ibid.).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement concernant des organisations dont la mission est d'offrir du soutien aux femmes vivant seules en Côte d'Ivoire.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). 21 avril 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). S.d.a. « About ». [Date de consultation : 26 avr. 2016]
Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). S.d.b. « Activités ». [Date de consultation : 26 avr. 2016]
Banque africaine de développement (BAD). Mai 2015. Autonomiser les femmes africaines : plan d'action. Indice de l'égalité du genre en Afrique 2015. [Date de consultation : 22 avr. 2016]
Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI). 21 avril 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI). S.d.a. « About ». [Date de consultation : 26 avr. 2016]
Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI). S.d.b. « Présentation du CEFCI ». [Date de consultation : 26 avr. 2016]
États-Unis (É.-U.). 13 avril 2016. Department of State. « Cote d'Ivoire ». Country Reports on Human Rights Practices for 2015. [Date de consultation : 20 avr. 2016]
États-Unis (É.-U.). Mai 2013. Agency for International Development (USAID). USAID Country Profile - Property Rights and Resource Governance - Côte d’Ivoire. [Date de consultation : 22 avr. 2016]
The Gender Links News Service. 3 juillet 2014. Augustin Tapé. « L'élimination des discriminations contre les Ivoiriennes passe par une application des lois ». (Factiva)
The Gender Links News Service. S.d. « GL News Service ». [Date de consultation : 27 avr. 2016]
Le Monde. 25 janvier 2015. « Côte d’Ivoire : une génération de femmes indépendantes, libres et sans mari "2e bureau" ». [Date de consultation : 19 avr. 2016]
Norvège. 2015. Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). Droit au logement, à la terre et aux biens des femmes déplacées. Par Safiatu Ayandunke Alabi, Laura Cunial, Kirstie Farmer et Kelsey Jones-Casey. [Date de consultation : 20 avr. 2016]
TV5 Monde. 2 novembre 2015. Liliane Charrier. « Rapport de la BAD sur l'égalité des genres en Afrique : l'électrochoc ». [Date de consultation : 20 avr. 2016]
Autres sources consultées
Sources orales : Organisation des femmes actives de Côte d'Ivoire.
Sites Internet, y compris : Abidjan.net; Actu360.info; Africa Confidential; Africahotnews.com; Africa News Hub; Afrik.com; Amnesty International; Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'homme; Cairn.info; Coordination pour l'Afrique de demain; Côte d'Ivoire – Compétences féminines, ministère de la Promotion de la femme, de la Famille et de la Protection de l’Enfant; Cote-d-ivoire.net; Courrier des Afriques; Droits de l'homme sans frontières – Afrique; ecoi.net; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Freedom House; Human Rights Watch; Minority Rights Group International; Mouvement mondial des droits humains; Nations Unies – Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest, Conseil des droits de l'homme, Fonds pour les populations, Programme pour le développement, Refworld, UNESCO; Œil d'Afrique; Radio France internationale.