Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

24 mars 2016

CIV105479.F

Côte d'Ivoire : information sur la pratique du mariage forcé, y compris chez les Malinkés; information sur sa fréquence et la protection offerte par l'État; information sur la possibilité pour une jeune femme de refuser l'homme qui lui est destiné (2014-mars 2016)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Lois

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chargé de programme à la protection, à l'éducation et au renforcement des capacités pour le compte de l'Organisation nationale pour l'enfant, la femme et la famille (ONEF), une organisation ivoirienne dont les mariages précoces constituent un des domaines d'intervention (ONEF s.d.), a déclaré que la loi de la Côte d'Ivoire sur la famille et le mariage prescrit « le consentement libre et volontaire et l'âge » comme les deux conditions à remplir pour se marier (ibid. 6 mars 2016). Dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2014, publiés par le Département d'État des États-Unis, on peut lire que « [l]a loi [ivoirienne] interdit le mariage des hommes de moins de 20 ans et des femmes de moins de 18 ans sans le consentement de leurs parents » (É.-U. 25 juin 2015, 20). En outre, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, la secrétaire générale de l'Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI), une organisation qui vise entre autres à promouvoir les droits de la femme, de la famille et de l'enfant (AFJCI s.d.), a déclaré que l'article 378 du Code pénal ivoirien punit le mariage forcé (ibid. 26 févr. 2016). L'alinéa 1 de l'article 378 du Code pénal s'énonce comme suit :

Est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 360.000 à 1.000.000 de francs [CFA, entre environ 812 et 2 255 $CAN] ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque :

  1. contraint une personne mineure de 18 ans à entrer dans une union matrimoniale de nature coutumière ou religieuse (Côte d'Ivoire 1981).

Dans ses observations finales concernant le premier rapport de la Côte d'Ivoire en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, publiées en 2015, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies se dit « préoccupé par la persistance de certaines pratiques néfastes » en Côte d'Ivoire – parmi lesquelles on compte les mariages précoces –, et ce, malgré leur caractère illégal (Nations Unies 28 avr. 2015, paragr. 12). La même source signale que ces pratiques ont cours « en particulier dans les zones rurales et dans certaines régions » (ibid.). Les Country Reports 2014 notent que « des mariages traditionnels ont été scellés avec des filles d'à peine 14 ans » au cours de l'année 2014 (É.-U. 25 juin 2015, 20).

2. Fréquence des mariages précoces et forcés

L'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS) 2011-2012 [1], effectuée conjointement par le ministère de la Santé et de la Lutte contre le sida et l'Institut national de la statistique (INS) de la Côte d'Ivoire, signale que 12 p. 100 des 6 084 répondantes, âgées de 25 à 49 ans, ont eu leur première union avant l'âge de 15 ans et 36 p. 100 avant l'âge de 18 ans (Côte d'Ivoire juin 2013, 62-63). Il ressort également de cette enquête que les répondantes issues du milieu rural et celles qui sont originaires des régions du nord-ouest et du nord du pays sont entrées en première union à un plus jeune âge (ibid., 63).

Selon un article publié dans le quotidien ivoirien L'Inter, la présidente du bureau d'Amnesty International en Côte d'Ivoire a signalé, lors de la Journée internationale de la femme, que, d'après une enquête, « "en 2015, 20,7 % [des] jeunes filles étaient mariées avant 15 ans" » (10 mars 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni n'a pu obtenir copie de l'enquête en question.

2.1 Fréquence des mariages forcés chez les Malinkés

Des sources ont signalé que le mariage forcé est « répandu » chez les Malinkés [2] (AFJCI 26 févr. 2016; ONEF 6 mars 2016; professeure agrégée 8 mars 2016). Au dire d'un procureur de la Côte d'Ivoire cité dans un article publié par le quotidien français Libération en 2014, la pratique du mariage forcé est encore « "très répandu[e]" » chez les Malinkés, et elle est un « "trait de culture" » (23 nov. 2014). Le chargé de programme de l'ONEF a expliqué que le mariage forcé « fait partie de la conception du mariage en pays malinké »; il a ajouté que la coutume veut d'ailleurs que les parents reconduisent leur fille auprès de son époux et qu'ils remettent un fouet à celui-ci (ONEF 6 mars 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon la secrétaire générale de l'AFJCI, les femmes malinkés qu'on marie de force ont en général entre 15 et 35 ans au moment du mariage (AFJCI 26 févr. 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Toujours selon la secrétaire générale de l'AFJCI, la fréquence du mariage forcé chez les Malinkés ne varie pas en fonction du niveau d'instruction de la jeune femme (ibid.). En revanche, une professeure dont les travaux portent sur l'histoire de la Côte d'Ivoire et qui est agrégée d'histoire à la Howard University, à Washington, a déclaré, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, que « le mariage forcé est répandu, sauf dans les familles où la plupart des personnes ont poursuivi des études assez avancées », soit de niveau secondaire, a-t-elle précisé (professeure agrégée 8 mars 2016). Le chargé de programme de l'ONEF a également souligné que le mariage forcé est « de moins en moins utilisé » dans les familles scolarisées (ONEF 6 mars 2016).

3. Possibilité de refus d'un mariage forcé et ses conséquences

Le chargé de programme de l'ONEF a fourni les renseignements suivants concernant la possibilité pour une jeune femme de se soustraire à un mariage forcé et les conséquences qui découlent d'un tel refus :

Selon la tradition, une jeune fille n’a aucun droit de refuser d’épouser l’homme que ses parents lui ont choisi, dans la mesure où la tradition ne s’embarrasse pas de l’avis, encore moins de l’accord, de la fille. […] La famille, considérant le refus de sa fille comme un affront et un déshonneur, a le droit de la déshériter, de la renier et de la chasser de la famille. Dans le pire des cas, le père, ne pouvant pas vivre avec ce déshonneur, peut être amené à donner la mort à sa fille (ibid.).

Selon la secrétaire générale de l'AFJCI, la jeune femme « peut refuser » le mariage, mais, dans de telles circonstances, elle sera généralement « victime de pression sociale » ou « chassée de la maison familiale » (AFJCI 26 févr. 2016). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la présidente du Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI), une ONG ivoirienne fondée en 2003 (CEFCI s.d.), a signalé qu'une fille qu'on veut marier de force ne peut refuser le mariage, compte tenu des « conséquences tout à fait préjudiciables » de ce refus, dont une maltraitance « fréquente » de la part de sa famille et le risque de se retrouver à la rue et de devoir se tourner vers la prostitution pour survivre (ibid. 1er mars 2016).

4. Protection offerte par l'État

Le chargé de programme de l'ONEF a signalé que « les services sociaux de l'État, […] la police et la gendarmerie – pour recevoir et instruire les plaintes des victimes – [et] les tribunaux » comptent parmi les recours qui sont à la disposition de la jeune femme à qui on veut imposer un mariage forcé ou qui a été mariée de force (ONEF 6 mars 2015). Toutefois, selon la secrétaire générale de l'AFJCI, la jeune femme va privilégier le recours aux services sociaux pour tenter une médiation auprès de sa famille plutôt que le recours à la justice, qu'elle qualifie de « rare » (AFJCI 26 févr. 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens. Selon le chargé de programme de l'ONEF, la jeune femme peut bénéficier de conseils et de suivi auprès des services sociaux (ONEF 6 mars 2016). La présidente du CEFCI a déclaré que le ministère de la Promotion de la femme, de la Famille et de la Protection de l'enfant dispose « [d']une cellule […] pour assister et protéger la femme victime de violation de ses droits » et que les bureaux de ce ministère « dans les localités de la Côte d’Ivoire facilitent ce travail sur le terrain » (CEFCI 1er mars 2016).

4.1 Procès de Bouaké

Des sources signalent la tenue du premier procès pour mariage forcé en Côte d'Ivoire en octobre 2014 à Bouaké (Libération 23 nov. 2014; Dosso 25 nov. 2014). Des sources ont précisé que le père de famille, jugé dans le cadre de ce procès pour avoir tenté de marier de force sa fille de 11 ans à un cousin, a été arrêté par l'intervention conjointe d'un directeur d'école et d'une ONG (ibid.; AFP 28 oct. 2014). Selon des sources, le père de famille a été condamné à un an de prison et à une amende de 360 000 francs CFA [environ 812 $CAN] (ibid. 29 oct. 2014; Libération 23 nov. 2014).

Publié sur le blogue d'actualités africaines Afriknow, qui vise à faire « partag[er] les évolutions politiques, économiques et sociales du continent » africain (LOGIQ s.d.), un article d'Aïssatou Dosso, une Québécoise qui prépare un mémoire de maîtrise en droit international sur la justice transitionnelle en Côte d'Ivoire (ibid.), qualifie ce procès de « symbole du réveil des institutions publiques face à un phénomène jusque[-]là confiné dans le silence » (Dosso 25 nov. 2014). Selon Libération, « [l]'habituelle permissivité de la justice ivoirienne sur les dossiers dit de "violences coutumières" faites aux femmes perd du terrain face à des magistrats de plus en plus zélés » (23 nov. 2014). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements sur la judiciarisation des mariages forcés.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L'enquête, menée de décembre 2011 à mai 2012, a porté sur « [u]n échantillon national de 10 413 ménages […] sélectionné […] de façon à fournir une représentation adéquate » (Côte d'Ivoire juin 2013, 7).

[2] Pour plus de renseignements sur le groupe ethnique des Malinkés, veuillez consulter la réponse à la demande d'information CIV105478.

Références

Agence France-Presse (AFP). 29 octobre 2014. « Côte d’Ivoire : un père condamné à un an de prison pour le mariage précoce de sa fille ». [Date de consultation : 4 mars 2016]

Agence France-Presse (AFP). 28 octobre 2014. « Côte d'Ivoire : Aïcha, 11 ans, héroïne malgré elle de la lutte contre le mariage précoce ». [Date de consultation : 4 mars 2016]

Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). 26 février 2016. Entretien téléphonique avec la secrétaire générale.

Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). S.d. « Objectifs et missions ». [Date de consultation : 17 mars 2016]

Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI). 1er mars 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la présidente.

Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire (CEFCI). S.d. « Présentation du CEFCI ». [Date de consultation : 17 mars 2016]

Côte d'Ivoire. Juin 2013. Ministère de la Santé et de la Lutte contre le sida et Institut national de la statistique (INS). Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS) 2011-2012. [Date de consultation : 3 mars 2016]

Côte d'Ivoire. 1981 (modifié en 2015). Le Code pénal. [Date de consultation : 23 mars 2016]

Dosso, Aïssatou. 25 novembre 2014. « Journée contre les violences faites aux femmes : premier procès pour mariage précoce en Côte d’Ivoire ». Blogue Afriknow. [Date de consultation : 4 mars 2016]

États-Unis (É.-U.). 25 juin 2015. Department of State. « Rapport 2014 sur les droits de l'homme en Côte d'Ivoire ». Country Reports on Human Rights Practices for 2014. [Date de consultation : 26 févr. 2016]

L'Inter. 10 mars 2016. « "20,7 % de jeunes filles mariées avant 15 ans" selon Amnesty Côte d'Ivoire ». [Date de consultation : 16 mars 2016]

Libération. 23 novembre 2014. Solène Chalvon. « En Côte-d’Ivoire, les jeunes promises ne sont plus de mise ». [Date de consultation : 4 mars 2016]

Nations Unies. 28 avril 2015. Comité des droits de l’homme. Observations finales concernant le rapport initial de la Côte d’Ivoire. (CCPR/C/CIV/CO/1) [Date de consultation : 26 févr. 2016]

Les Offices jeunesse internationaux du Québec (LOGIQ). S.d. « Cinq Québécois accueillis à Strasbourg par le Conseil de l’Europe pour participer à un séminaire international contre le discours sexiste en ligne ». [Date de consultation : 22 mars 2016]

Organisation nationale pour l'enfant, la femme et la famille (ONEF). 6 mars 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le chargé de programme protection, éducation et renforcement des capacités.

Organisation nationale pour l'enfant, la femme et la famille (ONEF). S.d. « Connaître l'ONEF : domaines d'intervention ». [Date de consultation : 17 mars 2016]

Professeure agrégée d'histoire, Howard University, Washington, DC. 8 mars 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Autres sources consultées

Sources orales : Côte d'Ivoire – ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant; Fondation Djigui, la bonne espérance; Ligue ivoirienne des droits de l'homme.

Sites Internet, y compris : Abidjan911.com; AllAfrica; Amnesty International; BBC; Côte d'Ivoire – Institut national de la statistique; ecoi.net; Factiva; Fraternité matin; Freedom House; Genre en action; Girls Not Brides; Human Rights Watch; IRIN; Jeune Afrique; Minority Rights Group International; Nations Unies – Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Fonds des Nations Unies pour la population, ONU Femmes, Programme des Nations Unies pour le développement, Refworld; Norvège – Landinfo; Le Sursaut.



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