Réponses aux demandes d'information

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22 décembre 2014

SOM105011.EF

Somalie : information sur le groupe ethnique des Tunni, y compris les régions où vivent ses membres; le traitement qui est réservé à ses membres par la société, les autorités et al-Shabaab; les relations de ses membres avec ceux d'autres clans (2012-décembre 2014)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Familles claniques

Des sources affirment qu'il y a en Somalie quatre familles claniques [traduction] « nobles » [aussi appelées clans [traduction] « majoritaires » (MRG oct. 2010, 7)] : Darod, Hawiye, Dir et Isaaq (BEA août 2014, 43; Danemark 2000, 5). Ces familles claniques dites [traduction] « nobles » se revendiquent d'un ancêtre commun du nom de Samaale [Somali, Samaal] (ibid., 56; BEA août 2014, 43), qui serait un descendant du prophète Mahomet (ibid.).

Les Digil-Mirifle/Rahanweyn sont une autre famille clanique ayant pour ancêtre un descendant présumé du prophète Mahomet, cette fois du nom de Sab [Saab] (ibid., 44; Abbink 2009, 10).

Dans le document de travail de 2009 intitulé The Total Somali Clan Genealogy, M. Jan Abbink, anthropologue au Centre d'études africaines (African Studies Centre - ASC) de l'Université de Leyde qui mène des recherches sur l'histoire et les cultures des peuples de la Corne de l'Afrique (Leiden University s.d.), écrit que la perception veut que les groupes Saab comme les Digil-Mirifle et les Rahanweyn qui parlent af-may dans le Sud soient [traduction] « différents des "vrais Somaliens" », (ceux qui descendent de Samaale) (Abbink 2009, 36). Toutefois, le Minority Rights Group International (MRG) affirme dans un rapport publié en 2010 sur les minorités en Somalie que les Digil-Mirifle/Rahanweyn constituent une fédération clanique agricole [traduction] « dont le statut est maintenant considéré comme équivalent » à celui des clans pastoraux dominants [Darod, Hawiye et Dir (qui comprend les Isaaq au dire du MRG)] (MRG oct. 2010, 7). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement allant dans le même sens.

2. Groupe ethnique Tunni [aussi orthographié Tuni, Tueni]

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du MRG a écrit que, selon une ONG de Mogadiscio que le groupe a interviewée, les Tunni sont un [traduction] « clan mineur indépendant » (MRG 9 déc. 2014). D'autres sources décrivent les Tunni comme une [traduction] « minorité«» (professeur titulaire 1er déc. 2014), ou comme appartenant à un groupe minoritaire (ACCORD déc. 2009, 17, 20).

Des sources signalent que les Tunni font partie de la famille clanique des Digil (ibid., 20; chercheur indépendant 9 déc. 2014; Abbink 2009, 10-11). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur indépendant spécialiste de l'histoire culturelle et intellectuelle de la Somalie du Sud, ayant publié des écrits sur la culture Banadir [1] et un livre sur l'histoire de la Somalie du Sud aux 19e et 20e siècles, a expliqué que les Digil sont divisés en sept groupes claniques : les Tunni (y compris les Gibil'ad de Brava), les Geledi, les Begedi, les Garre, les Jiiddo [Jiddo], les Dabarre et les Shan 'Alemod (chercheur indépendant 9 déc. 2014).

Cependant, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur titulaire d'histoire africaine de l'Université Rutgers, spécialiste de l'Afrique de l'Est et du Sud, y compris de la Somalie, a fait observer que les Tunni ne sont [traduction] « pas affiliés à d'autres groupes dans la région de la Basse-Shabelle [la région administrative où habitent les Tunni] » et ne font pas partie du clan des Digil-Mirifle/Rahanweyn « officiellement » [dans le sens où ils s'adresseraient à eux pour obtenir la protection du clan], mais entretiennent une « relation négociée » avec les Digil pour ce qui est du partage de l'accès aux terres et aux ressources (professeur titulaire 1er déc. 2014). Il a précisé que

[traduction]

[p]our les Digil-Mirifle, le principe d'association se fait par l'établissement, en ce sens qu'ils constituent le clan le plus ancien autour duquel les autres se sont établis. Comme le territoire des Rahanweyn/Digil-Mirifle est contigu à celui des Tunni, il est parfois possible que certains Tunni relèvent du rôle dirigeant des Digil-Mirifle, mais ils ne font pas officiellement partie de cette famille clanique. Selon le territoire et la saison, les Tunni peuvent avoir négocié une relation avec les Digil-Mirifle. Le groupe qui contrôle les zones où il pleut, par exemple, négociera des ententes entre des clans pour permettre l'accès au territoire, mais elles ne constituent pas une relation clanique officielle [...] (ibid.).

D'après des sources, les Tunni comptent cinq divisions [appelées gamas (chercheur indépendant 9 déc. 2014) ou shan gamas, ce qui signifie [traduction] « "cinq boucliers" » (Lewis 2008, 11)] : les Da'farad [Daffarat], les Hajuwe [Hajun, Hayo, Hajuwa Bidda Wali, Hafuwa], les Dakhtira [Diktire, Daqtiro], les Goigal [Goygal] et les Werile [Wirri, Warile Hatimy] (MRG 9 déc. 2014; chercheur indépendant 9 déc. 2014). Le chercheur indépendant souligne que la majorité du rôle dirigeant des Tunni provient du sous-clan des Arweri [des Da'farad (Abbink 2009, 14)] (ibid. 12 déc. 2014). Le document de travail de M. Abbink intitulé The Total Somali Clan Genealogy, annexé à la présente réponse, contient une liste des sous-clans des Tunni répartis entre les cinq gamas.

Des sources ajoutent qu'il y a trois catégories de Tunni, soit les Tunni [traduction] « de ville » ou urbains qui habitent près de Brava [Barawe]; les Tunni « ruraux » qui vivent à l'extérieur de Brava et qui sont associés au clan des Digil; et les « Tunni Torre « (R.-U. oct. 2011, 8; professeur agrégé 26 nov. 2014). Selon le chercheur indépendant, en plus des cinq gamas, les Tunni comprennent également les [traduction] « Gibil'ad [Gibil Cad] de Brava » [2] et les « Tunni Torre » (9 déc. 2014).

2.1 Tunni urbains

Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur agrégé d'histoire de l'Université de Pennsylvanie, qui a été président du Centre d'études africaines (African Studies Center) de l'Université et dont les recherches portent spécialement sur l'Afrique de l'Est et du Sud, y compris la Somalie, a déclaré [traduction] « [qu']il y a une différence entre les Tunni urbains qui sont Bravanese [Rer Brava ou Barawani] et les Tunni ruraux qui ne le sont pas » (26 nov. 2014). Le chercheur indépendant a souligné que les Tunni urbains, qui vivent principalement à Brava, parlent le chimini des Bravanese, et [traduction] « ont les mêmes traits culturels et métiers que les habitants des villes de la côte méridionale de la Somalie, comme Brava » (9 déc. 2014). Des sources précisent que les habitants de Brava parlent chimini, un dialecte swahili (professeur agrégé 26 nov. 2014; MRG oct. 2010, 11), ainsi que le dialecte af-maymay du sous-clan des Tunni (ibid.).

D'après le chercheur indépendant, on trouve à Brava des Tunni des cinq gamas de même que de deux clans des Gibil'ad, qui sont collectivement désignés comme le [traduction] « clan des sept » et qui forment la « majorité » de la population de Brava (12 déc. 2014). Dans un rapport de 2014 publié par le Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEA), organisme de l'Union européenne agissant comme [traduction] « un centre d'expertise en matière d'asile » dont le rôle est d'aider les États membres à s'acquitter des « obligations européennes et internationales en matière de protection des personnes dans le besoin » (s.d.), il est écrit qu'une [traduction] « partie des Barawani [Bravanese] [voir note 1] se considère comme appartenant au clan Tunni de la famille clanique des Digil-Mirifle » (août 2014, 46). Le professeur agrégé a affirmé que les Tunni qui sont Bravanese (ou une partie des Rer Brava) sont un groupe des Benadiri, mais [traduction] « ne se désignent peut-être pas comme des "Benadiri" [voir note 1] parce qu'ils ne veulent peut-être pas être vus comme différents étant donné leur ascendance arabe » (professeur agrégé 26 nov. 2014). Il a ajouté qu'une grande partie de cette population a été prise pour cible par des envahisseurs d'autres clans et a été dépouillée de sa situation sur les plans social et économique dans les années 1990, ce qui en a poussé beaucoup à fuir vers le Kenya (ibid.).

Au dire du professeur titulaire, des familles individuelles appartenant au clan Tunni vivent peut-être dans la ville de Merka [dans la Basse-Shabelle] (1er déc. 2014).

2.2 Tunni ruraux

Selon le chercheur indépendant, les Tunni habitent la ville de Brava ainsi que les régions rurales en périphérie de cette ville (chercheur indépendant 9 déc. 2014). La même source a affirmé que les Tunni qui vivent en région rurale sont [traduction] « agropastoraux » (ibid.). De même, le professeur titulaire a déclaré que la majorité des Tunni vivent dans l'arrière-pays portuaire de Brava et ont [traduction] « une économie mixte axée sur l'agriculture et le pastoralisme » (1er déc. 2014). Dans un rapport publié en 2011 sur les langues et les dialectes somaliens, le Centre norvégien d'information sur les pays d'origine (Norwegian Country of Origin Information Centre), LandInfo, attire également l'attention sur le fait que les locuteurs des dialectes des Tunni sont des [traduction] « nomades » qui font paître des troupeaux de bétail, de moutons et de chèvres, mais pas de chameaux, et qui vivent dans les districts de Dhinsor, de Brava et de Jilib (Norvège 22 juill. 2011, 16).

Le professeur agrégé a affirmé que les Tunni ruraux vivant à l'extérieur de Brava ont des traits [traduction] « plus distinctement "somaliens" » et se désigneront probablement comme des « "Tunni" » (26 nov. 2014).

Selon le rapport de LandInfo, le dialecte des Tunni fait partie du grand groupe de dialectes des Digil et est influencé par le dialecte may [maay] (Norvège 22 juill. 2011, 16). De l'avis de M. Abbink, la langue af-may est une variété de somalien [traduction] « difficilement comprise ailleurs », par exemple dans le Nord et l'Est du pays (Abbink 2009, 36). On peut lire dans le rapport de LandInfo qu'il existe deux dialectes chez les Tunni : l'af-tunni defaraat et l'af-tunni torre (Norvège 22 juill. 2011, 16).

Au dire du chercheur indépendant, les Tunni se distinguent par la langue af-tunni qu'ils parlent, à savoir une [traduction] « langue somalienne liée au maay ayant une façon unique de construire les phrases » (9 déc. 2014). Le professeur agrégé a affirmé que la [traduction] « différence entre les Tunni urbains et ruraux est de nature linguistique : les Tunni ruraux parlent la langue tunni, que ne comprennent pas la plupart des Tunni urbains, qui parlent chimini » (26 nov. 2014).

2.3 Sous-clan des Tunni Torre

Des sources signalent que les Tunni Torre [aussi orthographié Tunni Tor] sont un sous-clan des Tunni et ne font pas partie des cinq gamas (Lewis 2008, 11; chercheur indépendant 9 déc. 2014). La description des Tunni Torre varie selon les sources :

  • un groupe [traduction] « pratiquement considéré comme des parias par les Tunni » (ibid.);
  • [traduction] « "un groupe négroïde fédéré aux Tunni de Brava en tant que vassaux" » (R.-U. oct. 2011, 8);
  • une division [traduction] « subordonnée » des Tunni en grande partie composée « [d']anciens esclaves » (Lewis 2008, 11);
  • des Tunni [traduction] « de statut "inférieur" » qui « ne peuvent être dissociés du fait qu'ils descendent d'anciens "esclaves" ou vassaux des Tunni »; traditionnellement, les Tunni Torre travaillaient pour les Tunni en tant que fermiers (professeur agrégé 26 nov. 2014)

Le représentant du MRG a souligné que, selon une ONG de Mogadiscio que le groupe a interviewée, les Tunni Torre [traduction] « comprennent [les groupes] Gamele, Kumow, Garander, Megan et Minyare » (MRG 9 déc. 2014). Il est écrit dans le rapport publié en 2013 par le ministère fédéral de l'Intérieur de l'Autriche que les Tunni Torre habitent dans les environs de [Brava], dans la région côtière du Sud de la Somalie (Autriche 2013, 67).

3. Relations avec d'autres clans, y compris le traitement qui leur est réservé

Dans l'Operational Guidance Note: Somalia publiée en 2011 par l'Agence frontalière du Royaume-Uni (UK Border Agency), on peut lire que les Tunni qui vivent près de Brava sont [traduction] « perçus comme des Bravanese [et] traités comme tels » (R.-U. oct. 2011, 8). Par ailleurs, le professeur agrégé a affirmé que les [traduction] « Tunni de ville » vivant à Brava ont contracté des mariages mixtes avec des Bravanese, sont traités comme ces derniers et « continuent de faire l'objet de harcèlement, de persécution et de discrimination de façon systématique parce qu'ils ne disposent d'aucune protection qui leur serait apportée par l'affiliation à un clan principal » (26 nov. 2014). Pour de plus amples renseignements et de l'information appuyant ce qui précède concernant le traitement des Rer Brava [Bravanese], y compris les endroits où ils habitent et le traitement que leur réservent les autres clans, veuillez consulter la Réponse à la demande d'information SOM104240.

Selon le chercheur indépendant, les Tunni [traduction] « travaillent depuis très longtemps en harmonie » avec les Digil, en raison de leurs intérêts communs visant à protéger les routes commerciales reliant le Sud de l'Éthiopie et Brava, une région « majoritairement habitée par les clans des Digil » (9 déc. 2014). Le professeur titulaire a fait observer qu'en général, les habitants de la région située entre les fleuves [Shabelle et Djouba], comme les Tunni, [traduction] « sont perçus et traités comme des personnes "de second rang" et n'ont jamais eu beaucoup de pouvoir politique à l'échelle nationale » (1er déc. 2014). Le professeur agrégé a expliqué que l'utilisation du terme [traduction] « minorité » dans le contexte des clans somaliens est « complexe », et que les Digil-Mirifle/Rahanweyn descendants de Saab, y compris les Tunni, sont perçus comme étant affiliés à des « catégories professionnelles "de caste inférieure" composées de personnes ayant des compétences spécialisées, mais ne possédant pas de bétail (la marque de la noblesse) » (26 nov. 2014). De même, le professeur titulaire a précisé que les Tunni sont considérés comme un groupe [traduction] « quasi somalien » (professeur titulaire 1er déc. 2014).

Des sources signalent que les terres habitées par les Tunni constituent une région fertile et attrayante de la Basse-Shabelle, ce qui a fait d'eux la cible d'envahisseurs d'autres clans (ibid.; chercheur indépendant 12 déc. 2014). Le chercheur indépendant a déclaré que les Tunni ont [traduction] « toujours été la cible de meurtres ciblés ou commis au hasard par la milice armée des clans Hawiye et Darod » (ibid. 9 déc. 2014). D'après des renseignements fournis par le représentant du MRG, le clan Hawiye, un [traduction] « clan dominant », est à la source de la « majorité » des incidents de violence contre les Tunni (MRG 9 déc. 2014). Le professeur titulaire a souligné que, dans les années 1990, les Tunni se faisaient envahir par les Habar-Gidir, qu'il a décrits comme [traduction] « un peuple pastoral guerrier constituant un sous-clan des Hawiye »; il a en outre affirmé que les Tunni « sont toujours vulnérables aux attaques d'envahisseurs d'autres clans aujourd'hui », car ces clans cherchent à faire main basse sur le territoire fertile où vivent les Tunni (1er déc. 2014).

Le chercheur indépendant a ajouté que les Tunni ont aussi eu maille à partir avec les Shikhal [Sheekhal], un sous-clan des Hawiye qui a tenté d'étendre son influence dans les territoires des Tunni ou de perturber le commerce (chercheur indépendant 9 déc. 2014). Les Tunni sont également en conflit avec des clans Bimal [Bimaal] voisins pour le contrôle de pâturages et de ressources hydriques (ibid.). Le professeur titulaire a d'ailleurs déclaré que la région située entre la ville portuaire de Kismayo et Brava, où vivent des Tunni, est le théâtre d'un [traduction] « conflit opposant les "envahisseurs" ou Habar-Gidir [Hawiye] (à l'Est), les Marehan [Darod] (à l'Ouest), et les clans locaux indigènes, dont les Tunni, les Bimaal et les Geledi » (1er déc. 2014).

3.1 Traitement réservé par al-Shabaab

Des sources signalent qu'al-Shabaab contrôle de [traduction] « vastes portions » de la Somalie (Freedom House 2014; Reuters 5 oct. 2014). D'après des sources, Brava est sous le joug d'al-Shabaab depuis environ 2006 (ibid.; chercheur indépendant 12 déc. 2014). Selon Reuters, al-Shabaab utilisait la ville portuaire de Brava pour importer des armes et des combattants [traduction] « de l'étranger » (5 oct. 2014). L'International Crisis Group a dit de la Basse-Shabelle, qui comprend Brava, le Bas-Djouba et le Moyen-Djouba, qu'il s'y trouvait des [traduction] « refuges et places fortes d'al-Shabaab » (26 juin 2014, 2). Le professeur titulaire a affirmé qu'al-Shabaab est [traduction] « surtout actif » dans des régions où vivent les Tunni et que le groupe contrôle des secteurs géographiques peuplés par les Tunni (1er déc. 2014). De même, le chercheur indépendant a fait observer que les régions où habitent les clans Digil, y compris les Tunni, sont actuellement sous la férule d'al-Shabaab (12 déc. 2014).

De l'avis du professeur agrégé, [traduction] « al-Shabaab punit sévèrement les criminels présumés, mais n'a pas la réputation de violer des civils ni de perpétrer des actes de violence sans discrimination contre eux »; les personnes qui restent à Brava sont « facilement prises pour cible » parce qu'elles ne bénéficient pas de la protection d'un clan (26 nov. 2014). D'après le chercheur indépendant, al-Shabaab [traduction] « n'a pas pour habitude de cibler précisément des clans ou des sous-clans »; il a toutefois expliqué que ce groupe estime que quiconque n'adhère pas à son idéologie est un « ennemi » (9 déc. 2014). De même, le professeur titulaire a souligné que [traduction] « le fait que les Tunni sont pris pour cibles par al-Shabaab est purement circonstanciel, en ce sens que les personnes [qui] n'acceptent pas le groupe se feront nécessairement harceler » (professeur titulaire 1er déc. 2014).

3.1.1 Soufisme et al-Shabaab

Selon le professeur titulaire, comme tous les groupes ethniques de la Somalie, certains groupes Tunni comportent des éléments du soufisme, mais, bien que [traduction] « certains Tunni comme les anciens de clan religieux peuvent se dire soufis », la « majorité d'entre eux n'en sont pas disciples » (ibid.). Par contre, le chercheur indépendant a affirmé que pour les Tunni, tout particulièrement ceux de Brava, [traduction] « la pratique du soufisme fait partie de leurs traditions » (9 déc. 2014). Le professeur agrégé a lui aussi fait observer qu'il est probable que [traduction] « la plupart » des Somaliens vivant dans la région centrale, y compris les Tunni (s'ils sont pratiquants), adhèrent à la confrérie soufie Qadiriyya de l'islam, qui est « très répandue » et toujours actuelle (professeur agrégé 26 nov. 2014).

La même source signale qu'al-Shabaab s'oppose au soufisme et restreint sa pratique dans les zones qu'il contrôle (ibid.). Le chercheur indépendant a expliqué que, quand al-Shabaab s'est emparé de Brava [en 2006], [traduction] « le groupe a ciblé les habitants de la ville dans ses vastes efforts visant à débarrasser la ville et ses environs de tous les aspects du soufisme » (chercheur indépendant 9 déc. 2014). Toujours selon cette source, les membres d'al-Shabaab éprouvent [traduction] « beaucoup de méfiance et de suspicion » à l'égard des habitants de Brava, et c'est pourquoi ces derniers sont traités plus durement (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens. Pour obtenir des renseignements sur le traitement réservé aux soufis par al-Shabaab à Mogadiscio, veuillez consulter la Réponse à la demande d'information SOM104995.

3.1.2 Relations des Tunni avec al-Shabaab

Le professeur titulaire a expliqué que les Tunni vivant dans des régions occupées par al-Shabaab sont parfois les [traduction] « alliés d'al-Shabaab pour des motifs opportunistes », une situation « attribuable aux circonstances avec lesquelles ils doivent composer », tandis que d'autres Tunni s'opposent à ce groupe (1er déc. 2014). Le chercheur indépendant a déclaré qu'al-Shabaab s'est montré [traduction] « très astucieux en tentant de défendre la cause des "minorités" en son sein », et « il se peut que [des clans] tendent une perche à [al-Shabaab] pour lui témoigner leur soutien ou s'éviter des problèmes » (chercheur indépendant 12 déc. 2014). Il a en outre signalé que la [traduction] « majorité des combattants d'[al-Shabaab] sont recrutés parmi les milices des clans dominants » (ibid.). De même, le professeur agrégé s'est dit d'avis que les dirigeants d'al-Shabaab, bien qu'ils soient surtout des Hawiye, [traduction] « peuvent être qualifiés d'"inter-claniques" », ce qui signifie que le soutien à al-Shabaab dans les différentes régions qu'il occupe peut dépendre des dirigeants locaux; à titre d'exemple, « un dirigeant local Hawiye sera plus enclin à appuyer [al-Shabaab] dans une région à prédominance Hawiye » (professeur agrégé 26 nov. 2014). La même source explique que les décisions prises par les Tunni en vue de former des alliances

[traduction]

ne sont pas nécessairement idéologiques; il est possible qu'elles résultent d'une impossibilité d'avoir recours à d'autres formes de protection, ou d'un calcul utilitaire fondé sur des circonstances particulières sur le plan de la sécurité présentes à un certain moment. Les alliances entre clans et l'identité clanique sont des concepts en mouvance qui peuvent changer en fonction de la situation locale et des besoins en matière de protection et de sécurité (ibid.).

D'après Radio Al-Furqaan, que la BBC décrit comme un site Internet [traduction] « somalien pro-al-Shabaab » (BBC 22 oct. 2014), en avril 2014, le clan Tunni de la ville de Buulo Mareer [aussi orthographié Bulo Marer, Bulo Barer] a fait don de bétail et d'autres produits alimentaires à « [l']administration islamique de la région de la Basse-Shabelle », geste qui lui a valu les remerciements du gouverneur d'al-Shabaab dans la région, qui a affirmé que les Tunni avaient « contribué à la lutte contre les envahisseurs étrangers et à l'aide d'urgence offerte aux personnes déplacées par les combattants étrangers » (Radio Al-Furqaan 8 avr. 2014). Un des anciens du clan Tunni aurait incité les autres clans somaliens à fournir une contribution similaire (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens. Buulo Mareer a été [traduction] « libérée » par les forces de la Somalie et de l'Union africaine (UA) à la fin août 2014, selon un communiqué de presse de l'UA (UA 30 août 2014).

3.1.3 Offensive de 2014 contre al-Shabaab à Brava

Des sources signalent qu'au début d'octobre 2014, les forces de la Somalie et de l'UA se sont emparées de Brava (Reuters 5 oct. 2014; chercheur indépendant 12 déc. 2014). D'après le chercheur indépendant, en date de décembre 2014, la situation à Brava était [traduction] « extrêmement volatile », et les militants d'al-Shabaab étaient encore actifs dans la ville même (ibid.). Il a ajouté que dans les régions [traduction] « "sous le contrôle du gouvernement" », al-Shabaab continue à percevoir des sommes sur les habitants et les propriétaires de petites entreprises, qui doivent payer pour « éviter d'être pris pour cibles ou tués par al-Shabaab » (ibid.). D'après des renseignements recueillis lors d'une entrevue réalisée par Reuters en octobre 2014 avec un habitant de Brava qui s'apprêtait à fuir la ville, al-Shabaab a dit aux habitants que le groupe quitterait la ville et les a mis en garde de ne pas aider le gouvernement (Reuters 5 oct. 2014).

4. Protection clanique

Des sources signalent que les Tunni ne bénéficient pas de la protection d'autres clans (chercheur indépendant 9 déc. 2014; professeur agrégé 26 nov. 2014; MRG 9 déc. 2014) et qu'ils [traduction] « se fient aux membres de leur propre clan en cas de conflit avec d'autres groupes » (ibid.). Le professeur titulaire a fait observer que les Tunni sont [traduction] « laissés à eux-mêmes pour se défendre et peuvent parfois y arriver, si les groupes [formés par les anciens] pour les besoins de la cause sont bien organisés et suffisamment armés » (1er déc. 2014).

Le professeur agrégé a expliqué que, [traduction] « en raison des alliances que des [groupes] des Digil-Mirifle ont conclu avec certaines milices [à la suite de l'invasion par des groupes nomades dans les années 1990], il se peut que des Tunni disposent d'une protection; ceux qui ont résisté sont devenus plus facilement la cible de violences, et d'autres encore se sont retrouvés coincés entre al-Shabaab et les milices » (26 nov. 2014).

Le représentant du MRG a affirmé que, d'après le personnel de deux ONG de Mogadiscio que le groupe a interviewé, le clan Tunni n'est [traduction] « pas armé » (9 déc. 2014). Le chercheur indépendant a d'ailleurs souligné que les Tunni [traduction] « n'ont pas de milice armée qui garantirait leur protection » (chercheur indépendant 9 déc. 2014).

Le chercheur indépendant s'est dit d'avis que les Digil sont [traduction] « les plus faibles sur le plan militaire et l'un des groupes les plus vulnérables du Sud de la Somalie » (ibid.). Selon le professeur titulaire, les [traduction] « Tunni ne peuvent pas s'en remettre à la famille clanique Rahanweyn/Digil-Mirifle pour recevoir une protection en raison d'un manque de fiabilité », et les deux groupes n'entretiennent pas de « relation clanique officielle au nom de laquelle les Tunni pourraient demander la protection des Digil-Mirifle lorsqu'ils sont menacés d'invasion » (1er déc. 2014).

Pour obtenir des renseignements sur la situation générale en matière de sécurité et la possibilité d'obtenir une protection de l'État à Mogadiscio, veuillez consulter la Réponse à la demande d'information SOM104995.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Banadir [Benadir] est la forme au pluriel d'un mot persan ancien signifiant [traduction] « port » ou « refuge » (professeur agrégé 26 nov. 2014). Lorsqu'il est question d'une catégorie de gens, le mot « Benadiri » renvoie au peuple (« Rer ») des villes côtières méridionales de Mogadiscio (Rer Hamar), Merka (Rer Merka) et Brava (Rer Brava [Bravanese, Barawani]) (ibid.). Pour obtenir des renseignements sur les Rer Hamar et les Benadiri, y compris leur territoire ancestral, les clans affiliés et les risques auxquels ils sont exposés aux mains d'autres clans, veuillez consulter la Réponse à la demande d'information SOM104241.

[2] D'après un rapport de 2013 sur les minorités somaliennes produit par le ministère fédéral de l'Intérieur de l'Autriche, les Gibil'ad sont des groupes composés de personnes [traduction] « "au teint pâle" » d'origine arabe vivant le long de la côte de Benadir, principalement dans les villes portuaires de Mogadiscio, de Merka et de Brava (Autriche 2013, 68).

Références

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Austrian Centre for Country of Origin & Asylum Research and Documentation (ACCORD). Décembre 2009. Clans in Somalia:Report on a Lecture by Joakim Gundel, COI Workshop Vienna, 15 May 2009 (revised Edition). [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Autriche. 2013. Federal Ministry of the Interior. Somalia: Security, Minorities and Migration. [Date de consultation : 25 nov. 2014]

British Broadcasting Corporation (BBC). 22 octobre 2014. « Somali al-Shabab Court "Stones Teenager to Death" ». [Date de consultation : 20 mars 2015]

Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEA). Août 2014. EASO Country of Origin Information Report: South and Central Somalia Country Overview. [Date de consultation : 19 nov. 2014]

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Chercheur indépendant. 12 décembre 2014. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Chercheur indépendant. 9 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Danemark. 2000. Danish Immigration Service. Report on Minority Groups in Somalia - Joint British, Danish and Dutch Fact-finding Mission to Nairobi, Kenya: 17 - 24 September 2000. [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Freedom House. 2014. « Somalia ». Freedom in the World. [Date de consultation : 18 déc. 2014]

International Crisis Group. 26 juin 2014. « Policy Briefing: Somalia: Al-Shabaab - It Will be a Long War ». Briefing Afrique no 99. [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Leiden University. S.d. « Jan Abbink ». African Studies Centre. [Date de consultation : 18 déc. 2014]

Lewis, Ioan M. 2008. Understanding Somalia and Somaliland: a Guide to Cultural History and Social Institutions. Columbia University Press : New York.

Minority Rights Group International (MRG). 9 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Minority Rights Group International (MRG). Octobre 2010. Martin Hill. No Redress: Somalia's Forgotten Minorities. [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Norvège. 22 juillet 2011. Somalia: Language Situation and Dialects. The Norwegian Country of Origin Information Centre (Landinfo). [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Professeur agrégé d'histoire, University of Pennsylvania. 26 novembre 2014. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Professeur titulaire d'histoire africaine, Rutgers University. 1er décembre 2014. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Radio Al-Furqaan. 8 avril 2014. « Somali Clan Donates Livestock, Other Items to Al-Shabab ». (Factiva)

Reuters. 5 octobre 2014. Feisel Omar. « African Union and Somali Forces Claim Shabaab Stronghold of Barawe ». [Date de consultation : 8 déc. 2014]

Royaume-Uni (R.-U.). Octobre 2011. Operational Guidance Note: Somalia. Home Office. UK Border Agency. [Date de consultation : 15 nov. 2014]

Union africaine (UA). 30 août 2014. « Somali National Army and AMISOM Forces Liberate Bulo Marer in Lower Shabelle ». [Date de consultation : 26 nov. 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes dans les délais voulus ont été infructueuses : Canadian Somali Congress; Center for Research and Dialogue Somalia; chercheur indépendant sur la Somalie affilié à la University of London; chercheur principal, African Studies Centre, Leiden University; Elman Peace and Human Rights Centre; Heritage Institute for Policy Studies; Life & Peace Institute; Observatory of Violence and Conflict Prevention; professeur d'histoire de l'Afrique et du Moyen-Orient, Savannah State University; Somali Bravanese Association in London; Somali Minority Rights and Aid Forum / Somalida Rafaadsan; Somalia Conflict Early Warning Early Response Unit.

Les personnes et organisations suivantes n'ont pas pu fournir de renseignements dans les délais voulus : agent politique principal, Inter-Governmental Authority on Development; analyste-consultant spécialiste de la Somalie dont le bureau se situe au Kenya; chargé de cours en anthropologie sociale, University of Leipzig; chargé de cours senior en études du développement, University of London; consultant indépendant de recherche sur la Somalie; International Crisis Group – bureau de la Corne de l'Afrique; professeur agrégé de sociologie, Iowa State University; professeur d'histoire, Wellesley College; professeur, Political Science Department, Davidson College.

Sites Internet, y compris : Africa Confidential; AllShabelle.com; Amnesty International; Asharq Al-Awsat; Baraawepost.com; Bartamaha.com; Bildhaan International Journal of Somali Studies; ecoi.net; Factiva; Garoweonline; Heritage Institute for Policy Studies; Hiraan Online; Human Rights Watch; Institute for War and Peace Reporting; Ishabaydhaba.com; Journal of Contemporary African Studies; Kismaayonews.com; Life & Peace Institute; Nations Unies – Refworld, ReliefWeb, Réseaux d'information régionaux intégrés; Raxanreeb.com; Shabelle Media Network; Somalia Conflict Early Warning Early Response Unit; Somalia Public Radio.

Document annexé

Abbink, J. 2009. « Tunni sub-clans ». The Total Somali Clan Genealogy (Second Edition). [Date de consultation : 17 nov. 2014]



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