Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

La base de données contient les RDI en français et anglais archivées depuis sept ans. Les RDI antérieures sont accessibles sur le site Web European Country of Origin Information Network.

Les RDI publiées par la CISR sur son site Web peuvent contenir des documents annexés inaccessibles en raison de problèmes techniques et peuvent inclure des traductions de documents initialement rédigées dans d'autres langues que l'anglais ou le français. Pour obtenir une copie d'un document annexé et/ou une version traduite des documents annexés de RDI, veuillez en faire la demande par courriel.

Avertissement

Avertissement

Les réponses aux demandes d'information (RDI) citent des renseignements qui sont accessibles au public au moment de leur publication et dans les délais fixés pour leur préparation. Une liste de références et d'autres sources consultées figure dans chaque RDI. Les sources citées sont considérées comme les renseignements les plus récents accessibles à la date de publication de la RDI.    

Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

30 décembre 2014

DJI105048.F

Djibouti : information sur la situation de la minorité al-akhdam [akhdam, achdam, muhamasheen, al-muhamasheen], y compris le traitement réservé à ses membres par la société et les autorités (2013-décembre 2014)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

Cette réponse remplace la réponse DJI105028 afin d'intégrer des renseignements supplémentaires fournis par le président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH).

1. Origine et répartition géographique de la communauté al-akhdam

Dans des communications écrites envoyées à la Direction des recherches, le président de l'Association pour le respect des droits de l'homme à Djibouti (ARDHD), ONG située à Paris qui dénonce les violations des droits de la personne à Djibouti, notamment par la diffusion d'information sur son site Internet (Irénées.net mars 2014), a fourni des renseignements sur la minorité al-akhdam provenant d'interlocuteurs faisant partie du réseau d'information de l'ARDHD (ARDHD 16 déc. 2014; ibid. 15 déc. 2014a; ibid. 15 déc. 2014b).

Un ancien officier des forces armées de Djibouti exilé en Suède, où il travaille comme interprète pour les services de l'immigration, a écrit au président de l'ARDHD que « la minorité al-akhdam [de Djibouti] est originaire du Yémen » (ibid. 16 déc. 2014). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le président de la LDDH [1] a déclaré que « [l]a minorité al-akhdam vivant à Djibouti constitue un groupe ethnique arabe qui provient du Yémen » (président 28 déc. 2014). Le Joshua Project, un projet de recherche qui recueille de l'information au sujet de groupes ethniques à travers le monde pour soutenir les missions chrétiennes (Joshua Project s.d.a), affirme également que les Al-Akhdam sont des arabes yéménites (ibid. s.d.b). D'autres sources notent la présence de la minorité al-akhdam au Yémen (IDSN 3 juill. 2013; Nations Unies 1er nov. 2005).

Un ancien membre de la garde républicaine de Djibouti, qui habite maintenant en Belgique et qui provient lui-même d'une famille arabe yéménite, a écrit au président de l'ARDHD qu'en plus du Yémen et de Djibouti, les Al-Akhdam seraient présents « dans les pays du Golfe [d'Aden], en Somalie et en Éthiopie, où on les appelle les Midganes » (ARDHD 15 déc. 2014b). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement allant dans le même sens.

L'interprète a dit qu'il y aurait aussi des Al-Akhdam en Égypte, en Arabie saoudite, à Port-Soudan, en Érythrée et à Madagascar (ibid. 16 déc. 2014). Cependant, un troisième correspondant, ancien militant du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD), parti politique djiboutien créé en 1991 (PHW 1994, 397) [2], et réfugié au Danemark, a dit au président de l'ARDHD que les Al-Akhdam ne seraient pas originaires de la péninsule arabique, mais qu'ils constitueraient plutôt une ethnie somalienne, qui est « considérée comme [...] une tribu inférieure par les autres tribus somaliennes » (ARDHD 15 déc. 2014a). Selon lui, ils parleraient le somali plutôt que l'arabe (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement allant dans le même sens.

Selon des sources, les Al-Akhdam seraient victimes de marginalisation et de discrimination au Yémen (ibid. 16 déc. 2014; IDSN 3 juill. 2013; Nations Unies 1er nov. 2005). Le Joshua Project affirme que, historiquement, les Al-Akhdam formaient une classe sociale [traduction] « d'esclaves » chez les arabes yéménites (Joshua Project s.d.b). Pour sa part, l'ancien membre de la garde républicaine de Djibouti provenant d'une famille arabe yéménite a également déclaré que les Al-Akhdam, qui seraient « originaires de l'Afrique noire », auraient « été amenés dans la région [de la Corne de l'Afrique et du golfe d'Aden] comme esclaves » (ARDHD 15 déc. 2014b).

2. Minorité al-akhdam à Djibouti

Deux des correspondants du président de l'ARDHD ont déclaré que les Al-Akhdam du pays vivaient tous dans la région de la ville de Djibouti (ibid. 15 déc. 2014a; ibid. 16 déc. 2014). L'interprète a précisé

[qu'à] Djibouti, on peut trouver une population de 1 000 à 2 000 [membres de la minorité al-akhdam] regroupés pour la plupart d'entre eux à Ambouli [en banlieue de la ville de Djibouti] et dans le quartier 4 (avenue du Yémen) [de la ville de Djibouti] depuis moins de 50 ans (ibid.).

L'ancien militant du FRUD a expliqué qu' « après la création de Djibouti par la France », les membres de la minorité al-akhdam se seraient installés dans la ville de Djibouti « en quête de meilleures conditions de vie » (ibid. 15 déc. 2014a).

Selon le président de la LDDH,

jusqu'à l'indépendance, [...] [les] Akhdam de Djibouti habitaient regroupés dans les quartiers 1, 2 et 4 [de la ville], jusqu'au jour où l'hostilité des voisins les poussa à se disperser.

Ils vivent désormais en communauté, principalement à Ambouli sous [le] protectorat d'autres grandes tribus arabes majoritaires, notamment les Hakmi et les Machlihi (Président 28 déc. 2014).

Le président de la LDDH a également déclaré que les Al-Akhdam « vivent exclusivement dans les zones urbaines » (ibid.). Il a ajouté que les Al-Akhdam

sont considérés comme les descendants d'esclave; à ce titre, ils exercent généralement des métiers peu valorisés, tels que circonciseurs, croque-morts, bouchers, organisateurs de fêtes, forgerons...

Ils vivent dans une extrême pauvreté et dans des conditions de vie précaires. [...][L]eur situation [ne varie pas] selon les régions géographiques du pays, car ils sont considérés tous azimuts comme une communauté vivant entre eux et qui doivent être marginalisés (ibid.).

2.1 Traitement qui est réservé aux Al-Akhdam par la société et les autorités de Djibouti

Selon Freedom House, les groupes ethniques et les clans minoritaires seraient soumis à de la marginalisation sociale et économique et à de la discrimination à Djibouti (Freedom House 2014). On peut lire également dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2013, publiés par le Département d'État des États-Unis, qu'il existerait de la discrimination dans le milieu politique et dans celui des affaires selon l'appartenance à une minorité ethnique ou à un clan (É.-U. 27 févr. 2014, 22).

Cependant, Freedom House ajoute que les arabes yéménites, comme d'autres groupes minoritaires, seraient représentés au sein des institutions gouvernementales du pays (Freedom House 2014). Les Country Reports 2013 signalent aussi que tous les clans et groupes ethniques [traduction] « d'importance » sont représentés dans la coalition au pouvoir et qu'il y a des membres de groupes minoritaires dans des postes de haut niveau (É.-U. 27 févr. 2014, 22). Toutefois, tant Freedom House que les Country Reports 2013 reconnaissent que la majorité issa domine l'appareil gouvernemental du pays (ibid.; Freedom House 2014).

Parlant plus particulièrement des Al-Akhdam, l'ancien militant du FRUD a déclaré que,

[m]inoritaires et sans aucun représentant ni au Parlement ni dans la haute administration, [les Al-Akhdam] doivent se contenter de petits boulots ou de gérer des petits commerces. Ils sont souvent victimes de rackets commis par la police et des hauts gradés (ARDHD 15 déc. 2014a).

De son côté, l'ancien membre de la garde républicaine djiboutienne a dit

[qu'à] Djibouti (et dans les autres pays), [les Al-Akhdam sont] des citoyens à part entière comme tous les autres. Mais souvent ils sont victimes de discrimination, [...] par exemple :

  • Ils n'ont pas le droit de se marier avec des membres d'autres tribus.
  • Pour les autres tribus, ils sont toujours considérés comme des serviteurs, mais ce n'est pas le cas pour l'État.
  • En général, s'ils commettent un délit, la justice sera plus sévère envers eux et ils ne peuvent pas espérer la moindre clémence.
  • Fort peu de personnes de cette communauté ont pu fréquenter de bonnes écoles et rares sont ceux qui ont pu obtenir des postes clés dans l'administration (ibid. 15 déc. 2014b).

De son côté, le président de la LDDH a affirmé que les Al-Akhdam seraient

considérés comme des personnes de « sang impur »; par conséquent, ils ne peuvent contracter un mariage avec des personnes en dehors de leur communauté, y compris les membres des autres tribus arabes.

Ils sont généralement victimes de discriminations, surtout [de la part] des autres membres de la communauté arabes, car ils représentent pour eux une classe inférieure en raison de leur couleur de peau et de leur origine sociale.

Ce sont des personnes condamnées de par leur naissance à vivre exclues et marginalisées. Pour les autorités, les [Al-Akhdam] constituent une minorité « dans la minorité arabe » : ils sont victimes des mêmes discriminations à l'embauche, ils ne peuvent accéder à des hautes responsabilités (président 28 déc. 2014).

Le président de la LDDH a ajouté que les Al-Akhdam

peuvent faire appel à la police en cas de mauvais traitements, mais généralement, ils ne font pas confiance à la suite qui sera donnée à leurs doléances parce qu'ils sont assimilés à des « sous hommes » ou à des « hommes inférieurs », ce qui représente un frein à leurs recours aux institutions étatiques [...].

Cette barrière est réelle, notamment quand les mauvais traitements sont liés à des opinions politiques; dans ce cas, l'appartenance ethnique à une minorité, et a fortiori aux Al-Akhdam, constitue sans aucun doute une circonstance aggravante et une double peine.

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Située à Djibouti, la LDDH est affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) (FIDH s.d.)

[2] Selon Political Handbook of the World (PHW) 2014, le FRUD est [traduction] «dominé par la minorité afar » et il compterait également un bras armé » et il compterait également un bras armé (PHW 2014, 397).

Références

Association pour le respect des droits de l'homme à Djibouti (ARDHD). 16 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le président.

Association pour le respect des droits de l'homme à Djibouti (ARDHD). 15 décembre 2014a. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le président.

Association pour le respect des droits de l'homme à Djibouti (ARDHD). 15 décembre 2014b. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le président.

États-Unis (É.-U.). 27 février 2014. Department of State. « Djibouti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2013. [Date de consultation : 18 déc. 2014]

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). S.d. « Ligue djiboutienne des droits humains ». [Date de consultation : 30 déc. 2014]

Freedom House. 2014. « Djibouti ». Freedom in the World 2014. [Date de consultation : 18 déc. 2014]

International Dalit Solidarity Network (IDSN). 3 juillet 2013. « Yemen's Al-Akhdam Face Brutal Oppression ». [Date de consultation : 3 déc. 2014]

Irénées.net. S.d. « Association pour le respect des droits de l'homme à Djibouti (ARDHD) ». [Date de consultation : 17 déc. 2014]

Joshua Project. S.d.a. « About Joshua Project ». [Date de consultation : 15 déc. 2014]

Joshua Project. S.d.b. « Arab, Yemeni in Djibouti ». [Date de consultation : 15 déc. 2014]

Political Handbook of the World 2014 (PHW). 2014. « Djibouti ». Sous la direction de Tom Lansford. Washington, DC : CQ Press. [Date de consultation : 18 déc. 2014]

Président, Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH). 28 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Nations Unies. 1er novembre 2005. Réseaux d'information régionaux intégrés. « Yemen: Akhdam People Suffer History of Discrimination ». [Date de consultation : 3 déc. 2014]

Autres sources consultées

Publications : Djibouti 2013-14, collection Petit futé.

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre dans les délais voulus les organisations suivantes ont été infructueuses : Association pour la défense des droits de l'homme et des libertés Djibouti; Réseau de la diaspora de Djibouti du Canada.

Sites Internet, y compris : Africa.com; Africa Intelligence; Africa Time; Agence djiboutienne d'information; L'aménagement linguistique dans le monde; Amnesty International; Association Cultures & Progrès; Djibouti – site officiel de la République de Djibouti; ecoi.net; Ethnologue; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Francetv info; Human Rights Watch; Jeune Afrique; Minority Rights Group International; Minority Voices Newsroom; La Nation; Nations Unies – Refworld, ReliefWeb; Panapress; Petit futé; Radiotélévision de Djibouti.



​​​