Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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Les RDI n'apportent pas, ni ne prétendent apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile donnée. Elles visent plutôt à appuyer le processus d'octroi de l'asile. Pour obtenir plus de renseignements sur la méthodologie utilisée par la Direction des recherches, cliquez ici.   

C'est aux commissaires indépendants de la CISR (les décideurs) qu'il incombe d'évaluer les renseignements contenus dans les RDI et de décider du poids qui doit leur être accordé après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties.    

Les renseignements présentés dans les RDI reflètent uniquement les points de vue et les perspectives des sources citées et ne reflètent pas nécessairement la position de la CISR ou du gouvernement du Canada.    

20 mai 2014

COD104878.F

République démocratique du Congo : information sur les chefs coutumiers, y compris leurs pouvoirs, les régions où ces postes existent et leur reconnaissance légale; information sur la façon de devenir chef coutumier, y compris la nécessité du sacrifice humain; information sur les conséquences découlant du refus de devenir chef coutumier; protection offerte par l'État

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu de la situation des chefs coutumiers en République démocratique du Congo (RDC)

Selon l'International Crisis Group,

[e]n RDC, les provinces sont divisées en territoires, eux-mêmes divisés en entités territoriales décentralisées (ETD) appelées secteurs, chefferies ou groupements. Les chefferies sont administrées par un chef traditionnel (ou chef coutumier) et son conseil (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3).

Les chefs coutumiers sont connus sous le nom de « mwami » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3; CICR 2 mars 2011). Selon l'International Crisis Group, ce titre signifie littéralement « roi » (23 juill. 2013, 3).

Les chefs coutumiers sont reconnus par la Constitution de la RDC (France 24 17 janv. 2014; International Crisis Group 23 juill. 2013, i; Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012).

L'article 207 de la Constitution déclare ce qui suit :

L'autorité coutumière est reconnue. Elle est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Tout chef coutumier désireux d'exercer un mandat public électif doit se soumettre à l'élection, sauf application des dispositions de l'article 197 alinéa 3 de la présente Constitution. L'autorité coutumière a le devoir de promouvoir l'unité et la cohésion nationales. Une loi fixe le statut des chefs coutumiers (RDC 2006, art. 207).

Selon les dispositions de l'article 197 mentionné ci-dessus, les députés provinciaux

sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le nombre de députés provinciaux cooptés ne peut dépasser le dixième des membres qui composent l'Assemblée provinciale (ibid., art. 197).

L'International Crisis Group explique qu'en pratique, cette disposition de la Constitution fait que « 10 pour cent des sièges au sein des assemblées provinciales reviennent aux chefs coutumiers qui sont cooptés par les députés provinciaux à hauteur d'un chef coutumier par territoire » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 11).

Le chapitre III de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces présente les dispositions relatives aux secteurs et aux chefferies en RDC et des dispositions en ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités des chefs (RDC 2008, ch. III). Ce chapitre est annexé à la présente réponse.

Cependant, selon l'International Crisis Group, le rôle des chefs coutumiers n'a « pas encore [été] totalement formalisé »; l'ONG internationale explique que

cette organisation de la gouvernance locale [les chefferies] n'a été que partiellement mise en œuvre. Les gouvernements successifs n'ont pas procédé aux élections locales ni voté la loi sur le statut des chefs coutumiers (International Crisis Group 23 juill. 2013, i, 17).

Des médias congolais signalent toutefois qu'un projet de loi sur le statut des chefs coutumiers a été présenté et débattu à l'automne 2013 (ACP 5 nov. 2013; Le Potentiel 5 nov. 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements sur l'avancement de ce projet de loi.

Des sources signalent qu'en 2012, il y avait 259 chefferies en RDC (Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012; France 24 17 janv. 2014). Selon France 24, un regroupement de trois chaînes de télévision d'informations en continu, « la plupart » des chefferies seraient situées dans le nord-est du pays (17 janv. 2014). Selon un article rédigé par des universitaires de l'Université de l'Uélé sur les chefferies dans le Haut-Uélé [un district de la province orientale], 139 de ces chefferies seraient situées dans la province orientale (Buaguo Mosabi et Fufulafu Zaniwe 2012).

2. Pouvoirs des chefs

Des sources rapportent que les chefs coutumiers sont considérés comme les garants des valeurs morales (ACP 5 nov. 2013; CICR 2 mars 2011). Des médias congolais décrivent aussi le rôle de chef coutumier comme un rôle de « protecteur » de l'identité culturelle (Le Potentiel 5 nov. 2013; ACP 5 nov. 2013). D'après le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les chefs coutumiers « sont ceux qui conseillent et apaisent, mais aussi ceux qui mobilisent la communauté pour trouver des solutions » (2 mars 2011).

L'International Crisis Group déclare que, « [d]ans le système politique et administratif congolais, les chefs traditionnels jouent un rôle prépondérant au lieu d'être des pouvoirs subsidiaires » (International Crisis Group 23 juill. 2013, i). L'ONG ajoute que

les autorités provinciales et nationales n'ont qu'une faible emprise sur la gouvernance locale. Cette primauté des instances coutumières sur les administrations et institutions formelles est renforcée par le manque de légitimité du gouvernement actuel qui, faute de soutien populaire, essaye de construire son assise par l'intermédiaire des chefs traditionnels, à l'instar de bien d'autres pouvoirs en Afrique (International Crisis Group 23 juill. 2013, 16).

Dans un livre sur les relations entre le pouvoir traditionnel et le pouvoir de l'État en RDC, Héritier Mambi Tunga-Bau, un docteur en sciences politiques qui enseigne au département des sciences politiques et administratives de l'Université de Kinshasa et au Centre universitaire de Bandundu (La Prospérité 9 janv. 2012), déclare de son côté « [qu'a]ujourd'hui, comme hier, la structure du pouvoir traditionnel organise et exerce le pouvoir d'État à la base » (Mambi Tunga-Bau 2010, 16).

En pratique, selon l'International Crisis Group, les chefs coutumiers sont « à la fois des administrateurs de terres et des arbitres des querelles foncières » (International Crisis Group 23 juill. 2013, 18). La même source ajoute que

ces fonctions n'ont pas toujours un fondement légal mais elles représentent une réponse populaire à l'absence de l'État. Excédant très souvent les limites de leur pouvoir, les chefs coutumiers cèdent les terres, les retirent et les bradent à volonté, ce qui est source de nombreux conflits fonciers dans l'ensemble du pays (ibid.).

3. Processus de sélection

En ce qui concerne la désignation des chefs, les articles 66 et 67 de la Loi organique n° 08/016 citée plus haut établissent une distinction entre les secteurs et les chefferies :

Le secteur est un ensemble généralement hétérogène de communautés traditionnelles indépendantes, organisées sur base de la coutume. Il a à sa tête un Chef élu et investi par les pouvoirs publics.

[...]

La chefferie est un ensemble généralement homogène de communautés traditionnelles organisées sur base de la coutume et ayant à sa tête un Chef désigné par la coutume, reconnu et investi par les pouvoirs publics (RDC 2008).

L'International Crisis Group précise que les chefs coutumiers sont nommés par les autorités nationales, en l'occurrence le ministère de l'Intérieur et des Affaires coutumières (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3). Cependant, d'après Dr. Mambi Tunga-Bau,

[l]'investiture et la reconnaissance étatiques ne sont qu'appendices qui légalisent une situation entièrement traditionnelle. Elles offrent au pouvoir coutumier la légitimité légale (Mambi Tunga-Bau 2010, 30).

Ainsi, des sources signalent que la charge de chef coutumier est héréditaire (International Crisis Group 23 juill. 2013, 3; Mambi Tunga-Bau 2010, 26-28). Selon l'International Crisis Group, cette charge se « transmet de père en fils » (23 juill. 2013, 3). Dr. Mambi Tunga-Bau signale cependant que « le droit d'aînesse n'est pas un droit absolu » lors d'une succession, expliquant que

[d]ans la pratique, l'aîné devient la personne qui présente plus de qualités pour accéder au pouvoir. C'est donc le candidat généreux et justifiant socialement plus d'atouts qui accède au pouvoir. C'est toute une élection qui s'organise entre les ayant[s] droit excluant toute compétition large au sein de la population aussi bien en termes d'éligibilité des candidats que de la population électrice (Mambi Tunga-Bau 2010, 29).

Dr. Mambi Tunga-Bau ajoute ce qui suit :

Il va de soi qu'aucune possibilité n'est offerte à des personnes extérieures à la famille cheffale d'exercer le pouvoir (ibid.).

4. Conséquences découlant du refus de devenir chef coutumier

Selon Dr. Mambi Tunga-Bau, les mandats des chefs coutumiers sont « illimités », et « le chef reste investi pour toute sa vie »; « la succession n'est possible qu'en cas de mort, de révocation ou d'abdication du chef au pouvoir » (Mambi Tunga-Bau 2010, 26, 29). D'après l'auteur, il est « rare » que les chefs « renoncent volontairement au pouvoir coutumier » parce que « [s]a détention procure non seulement la richesse mais aussi le prestige » (Mambi Tunga-Bau 2010, 26). Il ajoute que « les chefs coutumiers qui ont abdiqué l'ont fait, sans doute par contraintes sociales, pour préserver leur vie après avoir transgressé les règles coutumières » (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement sur les conséquences d'un refus de devenir chef coutumier ni sur la protection offerte par l'État.

5. Nécessité du sacrifice humain

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la nécessité du sacrifice humain dans le processus de sélection des chefs coutumiers.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Agence congolaise de presse (ACP). 5 novembre 2013. « Le ministre de l'Intérieur Richard Muyej défend devant le Sénat le statut du chef coutumier congolais ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

Buaguo Mosabi, Dieudonné et Amand-Félix Fufulafu Zaniwe. 2012. Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Comité international de la Croix-Rouge (CICR). 2 mars 2011. « Violences sexuelles en RD du Congo : la tradition contre l'exclusion ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

France 24. 17 janvier 2014. « Assassinats en série des chefs coutumiers au nord-est de la RDC ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

International Crisis Group. 23 juillet 2013. Comprendre les conflits dans l'Est du Congo (I) : la plaine de la Ruzizi. Rapport Afrique n° 206. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Mambi Tunga-Bau, Héritier. 2010. Pouvoir traditionnel et pouvoir d'État en République démocratique du Congo : esquisse d'une théorie d'hybridation des pouvoirs politiques. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Le Potentiel. 5 novembre 2013. Stéphane Etinga . « Sénat : le projet de loi sur le statut des chefs coutumiers soumis à l'examen de la plénière ». [Date de consultation : 14 mai 2014]

La Prospérité. 9 janvier 2012. Cherry Mwanda. « Pouvoir traditionnel et pouvoir d'État en Rdc contemporaine ». [Date de consultation : 15 mai 2014]

République démocratique du Congo (RDC). 2008. Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces. [Date de consultation : 14 mai 2014]

République démocratique du Congo (RDC). 2006. Constitution de la République démocratique du Congo. [Date de consultation : 14 mai 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les organisations suivantes ont été infructueuses : Centre des droits de l'homme et du droit humanitaire; Ligue pour la paix, les droits de l'homme et la justice.

Sites Internet, y compris : AllAfrica; Amnesty International; Congo Forum; Digital Congo; ecoi.net; États-Unis – Department of State; Factiva; France – Cour nationale du droit d'asile; Freedom House; Human Rights Watch; Jeune Afrique; Leganet.cd; Nations Unies – Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo, Refworld, Réseaux d'information régionaux intégrés; L'Observateur; Le Phare; Radio France internationale; Radio Okapi; République démocratique du Congo – ministère de l'Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières; Royaume-Uni – Home Office; Search for Common Ground; Le Soft International.

Document annexé

République démocratique du Congo (RDC). 2008. Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'État et les provinces. [Date de consultation : 14 mai 2014]



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