Réponses aux demandes d'information

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22 mars 2013

BDI104343.F

Burundi : information sur les Imbonerakure, y compris leur profil, leurs activités et leurs liens avec les autorités, particulièrement la police à Bujumbura; information indiquant s'ils ont la capacité de retrouver une personne à travers le pays ou d'empêcher le départ du pays d'une personne (2010-mars 2013)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa|

1. Survol

Les Imbonerakure sont l'aile jeunesse du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense et de la démocratie (CNDD-FDD) (professeur 13 mars 2013; LDGL 13 mars 2013; Nations Unies 29 sept. 2010, paragr. 12). Le CNDD-FDD est le parti au pouvoir au Burundi (ibid.; LDGL 13 mars 2013; Syfia Grands Lacs 24 août 2012). Le nom du groupe signifie « ceux qui voient de loin » (LDGL 13 mars 2013; Nations Unies 5 nov. 2012; International Crisis Group 12 févr. 2010, 17). Selon Human Rights Watch, le concept de « jeunes » dans le contexte de l'affiliation à des partis politiques au Burundi veut habituellement dire des personnes ayant entre 18 et 35 ans (Human Rights Watch mai 2010, 16). Human Rights Watch précise que l'âge limite pour faire partie des Imbonerakure serait de 39 ans (ibid.).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un enquêteur au sein de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL) a déclaré que les Imbonerakure sont « nombreux » et présents à travers tout le Burundi (13 mars 2013). De même, un article publié par IWACU, un site d'information burundais, affirme aussi qu'ils sont actifs dans « diverses localités » du pays (IWACU 30 juill. 2012).

Les Imbonerakure seraient principalement formés d'anciens rebelles démobilisés (LDGL 13 mars 2013; professeur 13 mars 2013; Nations Unies 5 nov. 2012). Dans un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur de sciences religieuses à l'Université de Sudbury qui écrit notamment sur la situation politique au Burundi a affirmé que beaucoup d'entre eux sont des chômeurs et des désœuvrés qui pensent pouvoir obtenir des postes en militant au sein des Imbonerakure (professeur 13 mars 2013). Il a également déclaré que beaucoup sont analphabètes et ont peu d'instruction (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant dans le même sens.

Plusieurs sources signalent que le groupe est parfois décrit comme étant une « milice » (professeur 13 mars 2013; Nations Unies 5 nov. 2012; Arc-en-ciel 17 août 2012). Certains des Imbonerakure seraient armés (ibid.; LDGL 13 mars 2013; IWACU 30 juill. 2012). Selon l'enquêteur de la LDGL, ceux-ci possèderaient « des machettes, des matraques, et des gourdins » (LDGL 13 mars 2013). Des sources signalent que certains possèderaient également des armes à feu (Human Rights Watch mai 2012, 20; Arc-en-ciel 17 août 2012; IWACU 30 juill. 2012). Cependant, selon IWACU, seules les forces de l'ordre ont légalement le droit d'en porter au Burundi (ibid.).

2. Activités

Plusieurs sources font état d'actes de violence commis par les Imbonerakure (LDGL 13 mars 2013; Syfia Grands Lacs 24 août 2012; IWACU 30 juill. 2012). Selon certaines sources, ils seraient notamment impliqués dans

  • des coups et blessures (ibid.; Syfia Grands Lacs 24 août 2012; LDGL 13 mars 2013);
  • des exécutions extrajudiciaires (ibid.; Arc-en-ciel 17 août 2012; É.-U. 24 mai 2012);
  • du banditisme (Arc-en-ciel 17 août 2012);
  • des « meurtres politiques » (Human Rights Watch mai 2012, 72).

Les Imbonerakure s'en prendraient particulièrement aux opposants politiques (LDGL 13 mars 2013; Syfia Grands Lacs 24 août 2012; Nations Unies 5 nov. 2012). Le CNDD-FDD utiliserait les Imbonerakure pour harceler et intimider les membres d’autres partis politiques (ibid. 29 sept. 2010, paragr. 12; Human Rights Watch mai 2012, 20). De même, les Country Reports on Human Rights Practices publiés par le Département d'État des États-Unis pour 2010 et 2009 soulignent que les Imbonerakure auraient menacé et attaqué des membres de l'opposition et qu'ils auraient perturbé le déroulement de certaines de leurs réunions au cours de ces années (É.-U. 8 avr. 2011, 18; ibid. 11 mars 2010, sect. 3). Selon l'enquêteur de la LDGL, les Imbonerakure effectuent également « des fouilles et des perquisitions » chez des membres de l'opposition (13 mars 2013). Dans un rapport préparé pour le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, l’expert indépendant chargé d’examiner la situation des droits de la personne au Burundi a affirmé que les Imbonerakure ont également été impliqués en 2010 dans une dizaine d'affrontements avec des partisans d'autres formations politiques, notamment ceux des Forces nationales de libération (FNL); le 17 janvier, un membre des FNL aurait été blessé, et le 24 janvier, au moins 10 personnes auraient été blessées (Nations Unies 29 sept. 2010, paragr. 27).

Selon l'enquêteur de la LDGL, les Imbonerakure « travaillent de connivence » avec les autorités et « s'ingèrent [dans les] activités des administratifs à la base, [dans les] activités de la police; [dans les] activités du service national de renseignement (SNR) » (13 mars 2013). De même, un article publié en août 2012 par l'hebdomadaire burundais Arc-en-ciel souligne que les Imbonerakure agissent en complicité avec la police ainsi qu'avec la Force de défense nationale (17 août 2012). D'après l'enquêteur de la LDGL, à Bujumbura, les Imbonerakure ont surtout des liens avec la police dans les communes périphériques (13 mars 2013). Human Rights Watch signale que les Imbonerakure auraient mené des actions conjointes avec le SNR en 2011 contre d'anciens membres des FNL (Human Rights Watch mai 2012, 20). L'organisation ajoute qu'il « n'est pas toujours évident que de hauts responsables du gouvernement ou du parti aient planifié ou ordonné les actes de membres individuels », mais que leur impunité et leur possible coopération avec le SNR semblent montrer « la participation et l'intérêt de l'État dans le soutien de leurs actions » (ibid.).

L’expert indépendant des Nations Unies a affirmé que des Imbonerakure accompagnent parfois des agents de l'État lors d'arrestations (Nations Unies 29 sept. 2010, paragr. 12). De même, d'après l'enquêteur de la LDGL, des Imbonerakure participent parfois à des arrestations « arbitraires » de membres de l’opposition « sous la casquette des agents de police nationale ou du SNR » (13 mars 2013).

Plusieurs sources signalent que les Imbonerakure font des patrouilles (Syfia Grands Lacs 24 août 2012; Nations Unies 29 sept. 2010, paragr. 12; LDGL 13 mars 2013). Ils seraient armés au cours de ces patrouilles (ibid.; Human Rights Watch mai 2012, 21; Arc-en-ciel 17 août 2012). D’après certaines sources, ces patrouilles auraient lieu la nuit (ibid.; Syfia Grands Lacs 24 août 2012; LDGL 13 mars 2013).

Selon IWACU, les Imbonerakure « semblent vouloir se substituer aux forces de l'ordre » (30 juill. 2012). L'article publié dans Arc-en-ciel signale que les Imbonerakure « commencent à éclipser progressivement la Police nationale du Burundi et la Force nationale de défense dans certaines provinces du pays » (17 août 2012).

Selon plusieurs sources, les Imbonerakure agissent en toute impunité (Human Rights Watch mai 2012, 72; LDGL 13 mars 2013; Syfia Grands Lacs 24 août 2012). Selon les Country Reports, cette impunité leur serait accordée en raison de leur affiliation avec le parti au pouvoir (É.-U. 11 mars 2010, sect. 3).

Cependant, certains observateurs rejettent ces accusations de complicité avec les autorités (professeur 13 mars 2013; IWACU 30 juill. 2012). Un porte-parole de la police cité par IWACU a nié les allégations de complicité entre des agents de police et des membres des Imbonerakure, et a ajouté que ce ne sont pas tous les Imbonerakure qui commettent des actes répréhensibles et que la police ne sévit que contre les personnes ayant commis des infractions (ibid.). D'après le professeur de sciences religieuses, les Imbonerakure seraient plutôt une entrave aux activités du pouvoir et de la police que leurs complices (professeur 13 mars 2013). Le professeur est aussi d'opinion que l'association entre les malfaiteurs au sein des Imbonerakure et le pouvoir « se fait trop rapidement » (ibid.). D'après lui, ce n'est qu'une partie de ceux-ci qui cause des méfaits, mais il y aurait une tendance au Burundi à appeler « Imbonerakure » tous les « bandits armés » (ibid.). Il a également ajouté qu'il « ne pense pas que le service national de renseignement les emploierait » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant dans le même sens.

3. Capacité de retrouver une personne ou d'empêcher le départ d'une personne

Selon l'enquêteur de la LDGL, les Imbonerakure sont capables de trouver une personne partout à travers le Burundi, notamment en raison de la petitesse du pays (LDGL 13 mars 2013). Il a expliqué que

tout le monde connaît tout le monde; le déplacement est le bus commun. Dans une localité, un étranger est connu de tous. Toute la population parle la même langue. Et comme les Imbonerakure sont éparpillés à travers toute l'étendue [du territoire], ils surveillent le mouvement de tout passant, car c'est leur travail quotidien (ibid.).

De même, Human Rights Watch a souligné qu'au cours d'un entretien mené en octobre 2011, une ancienne autorité gouvernementale a affirmé qu'un membre démobilisé du CNDD-FDD aurait demandé à des Imbonerakure de suivre les déplacements d'anciens membres des FNL (mai 2012, 30-31).

L'enquêteur a également signalé que les Imbonerakure seraient aussi capables d'entraver le départ d'une personne cherchant à quitter le Burundi (LDGL 13 mars 2013). Il a expliqué que puisque les Imbonerakure ont une structure hiérarchique qui monte jusqu'au niveau national, s'ils veulent empêcher le départ d'une personne, ils peuvent en informer « les autorités habilitées au niveau le plus haut » (ibid.).

Cependant, d'après le professeur de sciences religieuses, les Imbonerakure ne recherchent pas des personnes en tant que telles; ils s'en prendraient plutôt à ceux qui se retrouvent sur leur chemin (professeur 13 mars 2013). Le professeur a également soulevé des doutes sur la capacité des Imbonerakure de faire partie des rouages administratifs qui pourraient permettre de retracer une personne ou d'empêcher son départ du pays (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Arc-en-ciel [Bujumbura]. 17 août 2012. Thierry Ndayishimiye. « Imbonerakure, une source de descente aux enfers pour le pouvoir CNDD-FDD ». [Date de consultation : 14 mars 2013]

États-Unis (É.-U.). 24 mai 2012. Department of State. « Burundi ». Country Reports on Human Rights Practices for 2011. [Date de consultation : 22 mars 2013]

États-Unis (É.-U.). 8 avril 2011. Department of State. « Burundi ». Country Reports on Human Rights Practices for 2010. [Date de consultation : 22 mars 2013]

États-Unis (É.-U.). 11 mars 2010. Department of State. « Burundi ». Country Reports on Human Rights Practices for 2009. [Date de consultation : 14 mars 2013]

Human Rights Watch. Mai 2012. « Tu n'auras pas la paix tant que tu vivras » : l'escalade de la violence politique au Burundi. [Date de consultation : 21 mars 2013]

Human Rights Watch. Mai 2010. « Nous allons vous ligoter et vous abattre » : les violences politiques restent impunies au Burundi. [Date de consultation : 14 mars 2013]

International Crisis Group. 12 février 2010. Burundi : garantir un processus électoral crédible. Rapport Afrique n° 155. [Date de consultation : 14 mars 2013]

IWACU [Bujumbura]. 30 juillet 2012. Elyse Ngabire, Dieudonné Hakizimana, Edouard Madirisha, Fabrice Manirakiza et Lyse Nkurunziza. « Les Imbonerakure, militants ou miliciens ? ». [Date de consultation : 14 mars 2013]

Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). 13 mars 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un enquêteur.

Nations Unies. 5 novembre 2012. Réseaux d'information régionaux intégrés (IRIN). « Scrutin de 2015 au Burundi - un parcours semé d'embûches ». [Date de consultation : 14 mars 2013]

Nations Unies. 29 septembre 2010. Conseil des droits de l'homme. Rapport de l’expert indépendant chargé d’examiner la situation des droits de l’homme au Burundi, Akich Okola. [Date de consultation : 14 mars 2013]

Professeur de sciences religieuses, Université de Sudbury. 13 mars 2013. Entretien téléphonique.

Syfia Grands Lacs. 24 août 2012. Paul Durand. « Burundi : des jeunes bras armés des politiciens ». [Date de consultation : 14 mars 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre un professeur émérite à l'Université de Floride et une chargée de recherche au Centre d'études africaines de l'École des hautes études en sciences sociales en France ont été infructueuses.

Sites Internet, y compris : Agence de presse africaine; AllAfrica; Amnesty International; Bujumbura News; Burundi Bwacu; Burundi Réalités; ecoi.net; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Freedom House; Nations Unies – Refworld; Radio Isanganiro; Radio sans frontières Bonesha; Radio télévision nationale du Burundi.



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