Réponses aux demandes d'information

​​​Les réponses aux demandes d’information (RDI) sont des rapports de recherches sur les conditions dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideurs de la CISR.

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13 novembre 2012

NGA103996.EF

Nigéria : information sur les conséquences pour un Yorouba qui refuse le titre de chef; la protection offerte aux personnes qui refusent ce titre

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Mode de sélection des chefs yoroubas

Des sources affirment que les chefs yoroubas sont choisis suivant les traditions de chaque communauté (IDMC 8 juin 2012; avocat et planificateur en développement 17 avr. 2012). Chez les Yoroubas, certains titres de chef sont héréditaires, alors que d’autres sont conférés à certaines personnes (ibid.; chef 25 sept. 2012; professeur émérite 16 avr. 2012).

1.1 Titres héréditaires

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur émérite d’anthropologie et de sociologie à l’École des études orientales et africaines (School of Oriental and African Studies) de l’Université de Londres qui a une [traduction] « connaissance approfondie » de la région où le yorouba est la langue dominante (17 mai 2012), a affirmé que les titres de chef - appelés « oye » en yorouba - sont habituellement transmis de père en fils et alternent au fil du temps entre les différentes « "maisons" » qui composent la lignée (16 avr. 2012). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un avocat et planificateur en développement au Nigéria, qui est également chargé d’enseignement dans l’État d’Ogun, a écrit 40 publications et effectue notamment des recherches sur la gouvernance communautaire (18 mai 2012), a déclaré que, dans les communautés où les titres de chef et de roi sont héréditaires, comme à Ile-Ife [État d’Osun] et à Offa [État de Kwara], [traduction] « seuls les descendants des familles royales peuvent se voir conférer le titre » (17 avr. 2012).

Selon le professeur émérite, les familles sont souvent divisées par des luttes intestines puisque les aspirants à un titre de chef peuvent être issus de la même famille (17 mai 2012). D’après lui, [traduction] « que l’aspirant soit un membre reconnu d’une famille (c’est-à-dire un descendant patrilinéaire de l’ancêtre fondateur) constitue une condition sine qua non sine qua non à l’obtention d’un titre héréditaire qui est l’apanage de cette famille » (ibid.).

1.2 Titres non héréditaires

L’avocat et planificateur en développement a expliqué que, dans certaines communautés où la chefferie n’est pas héréditaire, [traduction] « particulièrement lorsque la communauté ou la ville est composée d’étrangers », comme à Ibadan et à Oke-Igbo, les titres de chef sont attribués en alternance et les prétendants attendent leur tour, qui viendra lorsque le chef ou le roi mourra (17 avr. 2012). Il a ajouté que [traduction] « le successeur est placé sur le trône sans qu’il y ait de discussion » (ibid.).

Le professeur émérite a déclaré que, dans certaines communautés et dans certains cas, les titres de chef sont [traduction] « accessibles à tous » et sont accordés à titre « honorifique » par le roi, qui est appelé « oba » (16 avr. 2012). De même, l’avocat et planificateur en développement a affirmé que, dans certaines communautés, les titres de chef sont accordés à [traduction] « des personnes méritantes qui n’appartiennent ni à une famille royale ni à une lignée de chefs » (17 avr. 2012). Selon le professeur émérite, l’oba choisit les nouveaux chefs suivant les recommandations de son conseil de chefs de haut rang, lesquels reçoivent [traduction] « des récompenses substantielles » lors de l’octroi d’un titre non héréditaire (16 avr. 2012). Il a ajouté que les titres importants, notamment celui d’oba, [traduction] « font souvent l’objet d’une intense compétition, compte tenu de l’honneur qu’ils apportent, et les aspirants peuvent dépenser d’importantes sommes d’argent (sous la forme de pots-de-vin ou de présents) pour les obtenir », alors que les titres moins importants « ont moins d’attrait, si bien que nombre d’entre eux sont tombés en désuétude » (ibid.). L’avocat et planificateur en développement a également expliqué que les titres peuvent aussi être accordés aux personnes qui donnent de l’argent aux chefs traditionnels de la communauté (17 avr. 2012). De même, le professeur émérite a déclaré que les aspirants qui soudoient les [traduction] « "faiseurs de rois" » pour obtenir le titre d’oba - ou qui versent un pot-de-vin à l’oba ou à d’autres chefs pour obtenir un autre titre - peuvent recevoir un appui financier de leur famille ou de leurs amis et peuvent emprunter de l’argent (17 mai 2012). Il a précisé que [traduction] « tous ces "commanditaires" s’attendent à être remboursés d’une manière ou d’une autre, que ce soit en argent, par l’exercice d’une certaine influence, par l’octroi d’avantages liés à la fonction, par un droit d’accès à des terres, etc. » (ibid.). Le professeur émérite a également souligné que des conflits opposent souvent la famille de l’aspirant au roi et au conseil (16 avr. 2012).

2. Conséquences du refus d’accepter un titre de chef chez les Yoroubas

Des sources affirment qu’il arrive parfois qu’une personne refuse un titre de chef parce qu’elle ne souhaite pas participer aux rituels qui y sont associés (professeur émérite 16 avr. 2012; avocat et planificateur en développement 17 avr. 2012). L’avocat et planificateur en développement a expliqué que, bien qu’il soit [traduction] « très rare » qu’un titre de chef soit décliné, certaines personnes refusent de participer aux rituels et aux sacrifices de rigueur en raison de leur éducation, de leur profession ou de leur religion, particulièrement les chrétiens (ibid.; ibid.18 mai 2012). Selon l’évêque S.O.M. Adebola, l’acceptation d’un titre de chef traditionnel ou local est un [traduction] « comportement non chrétien » (Imaekhai 24 mars 2010). Le professeur émérite a déclaré que des chrétiens et des musulmans refusent parfois le titre de chef en raison des [traduction] « rituels idolâtriques » qui s’y rattachent, précisant que, lorsque cela se produit, « il est toujours possible de trouver » une personne prête à participer aux rituels (16 avr. 2012). À l’inverse, l’avocat et planificateur en développement a affirmé qu’une personne qui décline un titre de chef en raison des rituels exigés pourrait être contrainte par [traduction] « les faiseurs de chefs » d’accepter le titre si elle a été nommée ou désignée comme successeur par ses parents avant leur décès (17 avr. 2012).

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un chef du pays des Yoroubas et des Ibos - qui est également un ancien commissaire des affaires gouvernementales locales et de la chefferie (Local Government and Chieftaincy Affairs) - a déclaré qu’il y avait autrefois des conséquences associées au refus du titre de chef (chef 25 sept. 2012). Il a ajouté que, s’il s’agissait d’un titre héréditaire, il fallait un [traduction] « motif sérieux » pour refuser le titre, sans quoi il y avait des conséquences, qui différaient selon la tribu (ibid.). Le professeur émérite a affirmé qu’autrefois, lorsque les titres de chef revêtaient une [traduction] « une plus grande importance sociale », il arrivait parfois qu’une personne décline un titre familial que sa famille souhaitait la voir accepter (16 avr. 2012). Il a cependant précisé qu’il n’avait personnellement jamais entendu parler de [traduction] « graves sanctions » associées à un refus, « même dans le passé » (ibid.).

Le chef du pays des Yoroubas et des Ibos et le professeur émérite ont affirmé qu’il n’y a actuellement aucune conséquence associée au refus du titre de chef (chef 25 sept. 2012; professeur émérite 16 avr. 2012). À l’inverse, l’avocat et planificateur en développement a déclaré qu’il y avait des conséquences associées au refus du titre de chef (18 mai 2012). Il a expliqué qu’une personne qui décline un titre de chef s’expose à des problèmes et à des risques et qu’elle peut faire l’objet de menaces et de discrimination de la part de sa famille, des autorités gouvernementales, de la communauté ou d’autres acteurs de la société (avocat et planificateur en développement 17 avr. 2012). Il a attiré l’attention sur le fait que cela [traduction] « se produit et peut se produire n’importe où » (ibid. 18 mai 2012). Il a affirmé [traduction] « [qu’]il peut arriver que la personne qui refuse le titre soit tuée », précisant que cette sanction pouvait servir à dissuader les autres d’aller à l’encontre de la tradition (ibid. 17 avr. 2012). Il a également déclaré que [traduction] « nombreux » sont les gens qui pourraient causer des problèmes à la personne qui refuse le titre de chef, particulièrement s’ils croient que cette personne améliorerait la situation de leur communauté (ibid.). Il a ajouté que certains représentants du gouvernement pouvaient également être contrariés par le refus d’une personne et pourraient se servir de [traduction] « l’appareil étatique » contre elle (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune autre information allant en ce sens.

Selon des médias nigérians, le gouverneur de l’État de Lagos a décliné un titre de chef parce qu’il souhaitait se concentrer sur la gouvernance (Daily Trust 11 sept. 2012; The Punch 9 sept. 2012). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement à ce sujet.

Selon le Vanguard, un journal de Lagos, un diocèse chrétien d’Amichi a interdit à ses membres d’accepter le titre d’ozo (23 juin 2011). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement à ce sujet.

3. Protection offerte par l’État

L’avocat et planificateur en développement et le professeur émérite ont tous deux déclaré qu’ils ne connaissaient aucune mesure de protection offerte par l’État aux personnes qui refusent un titre de chef yorouba (avocat et planificateur en développement 17 avr. 2012; professeur émérite 16 avr. 2012). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement à ce sujet.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Références

Avocat et planificateur en développement, Nigéria. 18 mai 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 17 avril 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Chef (pays des Yoroubas et des Ibos). 25 septembre 2012. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Daily Trust [Abuja]. 11 septembre 2012. Kayode Ekundayo. « Why I Rejected Oba’s Chieftaincy Title - Fashola ». <http://allafrica.com/stories/201209110363.html> [Date de consultation : 20 sept. 2012]

Imaekhai, Friday John. Révérend. 24 mars 2010. « A Report by the House of Bishops on Discipleship Given by the Most Rev’d Dr. Friday John Imaekhai on Wednesday March 24, 2010 at the Standing Committee Meeting Holding in Abuja ». Appendix IV of the Bishop’s Presidential Address Delivered to the Second Session of the First Synod. <http://anglicandioceseofamichi.org/printarticle.php?pageid=29> [Date de consultation : 15 oct. 2012]

Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC). 8 juin 2012. Nigeria: Increasing Violence Continues to Cause Internal Displacement. <http://www.internal-displacement.org/8025708F004BE3B1/(httpInfoFiles)/6DA44661CA84A0E8C1257 A1700522DA1/$file/Nigeria+-+June+2012.pdf> [Date de consultation : 20 sept. 2012]

Professeur émérite, School of Oriental and African Studies, University of London. 17 mai 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 16 avril 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

The Punch [Lagos]. . 9 septembre 2012. Anna Okon. « Fashola Declines Oba’s Chietaincy Title ». <http://www.punchng.com/news/fashola-declines-obas-chieftaincy-title/> [Date de consultation : 20 sept. 2012]

Vanguard [Lagos]. 23 juin 2011. Anayo Okoli. « Church Bans Chieftaincy Titles, Wedding for Pregnant Women, Others ». <http://www.vanguardngr.com/2011/06/church-bans-chieftaincy-titles-wedding-for-pregnant-women-others/> [Date de consultation : 20 sept. 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : anthropologue; avocat; chargé d’enseignement en histoire africaine, Clare College Cambridge; directeur du Centre for Diaspora and Transnational Studies, University of Toronto; Nigerian Institute of Advanced Legal Studies; professeur, Deparment of Archaeology and Anthropology, University of Ibadan; professeur, Stony Brook University; professeur adjoint et chercheur en langue yorouba, University of Georgia; professeur agrégé de sciences politiques et d’affaires internationales, Kennesaw State University; professeur d’acquisition d’une langue seconde, culture et langue yoroubas, University of Wisconsin; professeur d’anthropologie culturelle africaine; professeur d’études afro-américaines, University of New York; professeur d’histoire, University of Texas; professeur d’histoire et d’études africaines, State University of New York; professeur et directeur du Department of Sociology and Anthropology, Lincoln University. Les personnes et les organisations suivantes n’ont pas pu fournir de renseignements : ambassade du Nigéria à Ottawa; professeur émérite d’histoire africaine, University of Stirling; professeur émérite et enseignant-chercheur associé, School of Oriental and African Studies, University of London.

Sites Internet, y compris : Africa Confidential; Africa Research Bulletin; African Studies Centre, University of Leiden; Al Jazeera; All Africa; Amnesty International; Australie – Refugee Review Tribunal; Commonwealth Local Government Forum; Current Research Journal of Social Sciences; ecoi.net; États-Unis – Congressional Research Service, Department of State; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; Ministry of Local Government and Chieftaincy Affairs – État d’Akwa Ibom, État d’Edo, État de Lagos; Minority Rights Group International; Nations Unies – Refworld, Réseaux d’information régionaux intégrés; Nigéria – ambassade du Nigéria à Ottawa; Nigerian Institute of Advanced Legal Studies; Revue canadienne des études africaines; Royaume-Uni – Border Agency; This Day; World Organization Against Torture.



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