Colombie : information indiquant si les documents d’état civil frauduleux sont accessibles et répandus, et information sur les moyens de s’en procurer et les liens avec des groupes criminels; information sur des cas où des documents authentiques sont obtenus au moyen de faux renseignements (2022–juin 2024)
1. Aperçu
Selon le site Internet du Bureau national du registre de l’état civil (Registraduría Nacional del Estado Civil) de la Colombie, il existe trois types de registre de l’état civil : le registre des naissances, le registre des mariages et le registre des décès (Colombie s.d.).
Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un professeur adjoint au Département d’études professionnelles en sécurité (Professional Security Studies Department) de l’Université de New Jersey City, aux États-Unis, dont les recherches portent principalement sur le trafic de stupéfiants, le crime organisé et la sécurité en Amérique latine, a déclaré que [traduction] « la corruption est omniprésente » en Colombie et que « l’impunité qu’on constate à tous les niveaux pose des obstacles de taille » (professeur adjoint 2024-06-05). La même source a précisé que la fraude liée aux documents existe, mais [traduction] « [qu’]il y a peu de données à cet égard ou les cas sont rarement déclarés »; de plus, le problème des documents falsifiés « passe inaperçu dans une large mesure », et « il n’existe pas de statistiques détaillées permettant de savoir s’il est répandu » (professeur adjoint 2024-06-05). Le professeur adjoint a ajouté qu’il n’y a pas [traduction] « de données ou d’études exhaustives » sur l’ampleur de la fraude liée aux documents; cependant, les médias locaux signalent « fréquemment » des cas de falsification de documents par des groupes criminels (2024-06-05).
1.1 Cadre juridique
La loi 599 de 2000, le Code criminel de la Colombie (Ley 599 de 2000 (julio 24), por la cual se expide el Código Penal), prévoit ceci relativement aux documents frauduleux :
[traduction]
Article 286. Altération d’un document public (Falsedad ideológica en documento público). Tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, et en délivrant un document public pouvant servir d’élément de preuve, saisit de faux renseignements ou omet entièrement ou partiellement la vérité est passible d’une peine d’emprisonnement de quatre (4) à huit (8) ans et ne pourra exercer ses droits ni occuper une fonction publique durant une période de cinq (5) à dix (10) ans.
Article 287. Contrefaçon d’un document public (Falsedad material en documento público). Toute personne qui falsifie un document public pouvant servir d’élément de preuve est passible d’une peine d’emprisonnement de trois (3) à six (6) ans.
Si la conduite est imputable à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, la peine d’emprisonnement sera de quatre (4) à 8 (8) ans, à laquelle s’ajoute une interdiction d’exercer ses droits et d’occuper une fonction publique durant une période de cinq (5) à dix (10) ans.
Article 288. Obtention d’un faux document public. Toute personne qui, afin d’obtenir un document public pouvant servir d’élément de preuve, trompe un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions en lui faisant saisir une fausse déclaration ou omettre entièrement ou partiellement la vérité, est passible d’une peine d’emprisonnement de trois (3) à six (6) ans.
Article 289. Contrefaçon d’un document privé. Toute personne qui contrefait un document privé pouvant servir d’élément de preuve est passible, si elle utilise ce document, d’une peine d’emprisonnement d’un (1) à six (6) ans.
Article 291. Utilisation d’un document contrefait. Modifié par l’article 54 de la loi 1142 de 2007. Toute personne qui, sans avoir participé à la contrefaçon, utilise un document public contrefait pouvant servir d’élément de preuve est passible d’une peine d’emprisonnement de deux (2) à huit (8) ans.
Article 292. Destruction, suppression ou dissimulation d’un document public. Toute personne qui détruit, supprime ou dissimule en totalité ou en partie un document public pouvant servir d’élément de preuve est passible d’une peine d’emprisonnement de deux (2) à huit (8) ans.
Si la conduite est imputable à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, la peine d’emprisonnement sera de trois (3) à dix (10) ans, à laquelle s’ajoute une interdiction d’exercer ses droits et d’occuper une fonction publique durant la même période.
Si le document est une pièce à conviction pour le tribunal, la peine est augmentée dans une proportion allant d’un tiers à la moitié.
Article 293. Destruction, suppression ou dissimulation d’un document privé. Toute personne qui détruit, supprime ou dissimule en totalité ou en partie un document privé pouvant servir d’élément de preuve est passible d’une peine d’emprisonnement d’un (1) à six (6) ans.
Article 294. Document. Aux fins du droit pénal, un document est toute déclaration d’une personne connue ou reconnaissable recueillie par écrit ou sur tout support imprimé mécaniquement ou techniquement, un support matériel qui exprime ou intègre des données ou des faits ayant une capacité probante (Colombie 2000).
2. Information indiquant si les documents civils frauduleux sont accessibles et répandus, et information sur les moyens de s’en procurer
Selon un article publié en 2019 par InSight Crime, groupe de réflexion et organisation médiatique qui étudie le crime organisé dans les Amériques (InSight Crime s.d.), de fausses cartes d’identité (cédulas) peuvent être obtenues auprès de [traduction] « fonctionnaires corrompus » des organismes qui délivrent les pièces d’identité, ou auprès de « faussaires spécialisés en pièces d’identité » (2019-11-21). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un consultant indépendant et chercheur dans le domaine des migrations a déclaré qu’il y a des organisations [traduction] « spécialisées » dans la production de documents frauduleux (chercheur 2024-06-02).
Le professeur adjoint a affirmé qu’il est possible de falsifier un document à [traduction] « prix raisonnable », et il a ajouté que les gens peuvent faire appel à leurs relations, y compris à des groupes criminels, et utiliser leurs ressources financières pour obtenir de faux documents (2024-06-05). Selon le professeur adjoint, les grands réseaux criminels ont [traduction] « facilement accès à des documents frauduleux », mais les personnes qui se livrent à cette activité illicite n’appartiennent pas toutes à de gros cartels (2024-06-05).
3. Information sur les documents frauduleux liés à des réseaux criminels, y compris l’obtention de documents authentiques au moyen de faux renseignements
3.1 Documents d’état civil
Des sources signalent que, selon la Direction générale des enquêtes criminelles et d’INTERPOL (Dirección de Investigación Criminal e INTERPOL – DIJIN) de la Colombie, les autorités ont découvert en mars 2024 un réseau criminel qui falsifiait des documents d’état civil, des cartes de citoyenneté (cédulas de ciudadanía) et des passeports en se servant de l’identité de citoyens colombiens décédés (Bogotá 2024-03-25; El Tiempo 2024-03-25). D’après les mêmes sources, le réseau falsifiait les documents à l’appui exigés pour la délivrance des certificats de naissance colombiens des parents de migrants, et ils fabriquaient entre autres de faux sceaux du ministère des Affaires étrangères ou des consulats, ainsi que de fausses apostilles (Bogotá 2024-03-25; El Tiempo 2024-03-25). Les sources soulignent aussi que cette organisation a délivré [traduction] « plus de 20 000 » certificats de naissance civils (Bogotá 2024-03-25; El Tiempo 2024-03-25).
Radio Nacional de Colombia, un réseau de radiodiffusion de la Colombie qui appartient au gouvernement (CDAC 2022-03, 21), signale que les autorités ont arrêté 31 personnes appartenant à un [traduction] « réseau de passage de migrants clandestins qui offrait de fausses pièces d’identité » (2024-05-16). Selon des sources, d’anciens employés du Bureau national du registre de l’état civil et du ministère des Affaires étrangères (Radio Nacional de Colombia 2024-05-16) ou du ministère de l’Immigration (Bogotá 2024-03-25) faisaient partie du réseau, qui délivrait des documents d’état civil et des passeports frauduleux à des migrants qui se rendaient à divers endroits, notamment aux États-Unis et en Europe (Radio Nacional de Colombia 2024-05-16; Bogotá 2024-03-25). Radio Nacional de Colombia ajoute que 11 personnes avaient pour tâche de trouver des migrants et de leur offrir de faux documents (2024-05-16). La même source, citant la DIJIN, a fourni l’information suivante au sujet du fonctionnement concret du réseau :
[traduction]
« [T]rois employés et six ex-fonctionnaires du bureau du registre avaient pour mandat de trouver les documents d’état civil de personnes n’ayant pas de carte de citoyenneté afin de se faire passer pour elles, tandis que trois employés et cinq ex-fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères s’employaient à "officialiser" les fausses identités dans les passeports » (Radio Nacional de Colombia 2024-05-16).
Le même article précise que 304 faux passeports avaient été délivrés, que 344 cartes de citoyenneté ont été annulées, et que des mesures sont en cours pour annuler plus de 800 cartes de citoyenneté frauduleuses et examiner 180 documents d’état civil [traduction] « "obtenus de manière frauduleuse" » (Radio Nacional de Colombia 2024-05-16).
Selon le journal colombien El Tiempo, un réseau criminel qui fournissait des documents falsifiés a contribué à des migrations irrégulières depuis la côte Atlantique de la Colombie jusqu’aux États-Unis, en Europe et en Amérique du Sud (2022-10-05). En octobre 2022, neuf personnes ont été arrêtées en lien avec ce réseau (El Tiempo 2022-10-05). La même source signale que ce réseau, dont faisaient partie des fonctionnaires des services d’immigration colombiens, était dirigé par un agent travaillant à Paraguachón, dans La Guajira, qui prenait contact avec des étrangers pour leur offrir des pièces d’identité colombiennes ou [traduction] « des prolongations dans leur passeport », ce qui leur permettait de quitter le pays par les aéroports situés à Cartagena et à Soledad (El Tiempo 2022-10-05). L’article signale qu’un autre fonctionnaire des services d’immigration est [traduction] « accusé » d’avoir estampillé des passeports et d’avoir permis à des migrants de franchir les contrôles d’immigration de l’aéroport de Barranquilla; les autres membres arrêtés jouaient des rôles « de faussaires, d’expéditeurs ou d’intermédiaires » dans le processus d’obtention de documents d’état civil auprès de divers bureaux de notaire et bureaux du registre sur la côte Atlantique » (El Tiempo 2022-10-05).
Dans un article d’Infobae, une source d’actualités de l’Argentine en espagnol (The Washington Post 2016-06-08), on peut lire que le Bureau du procureur général de la Colombie (Fiscalía General de la Nación) a découvert un réseau criminel qui [traduction] « se spécialisait dans les vols d’identité pour commettre de la fraude bancaire » et a arrêté deux individus (2024-05-02). La même source signale aussi que le groupe est accusé d’avoir commis de la fraude bancaire en [traduction] « falsifiant des cartes de citoyenneté et en copiant des empreintes digitales afin de se faire passer pour d’autres personnes » (Infobae 2024-05-02). Selon les autorités colombiennes, qui sont citées dans la même source, les personnes accusées [traduction] « accédaient illégalement » aux bases de données du Bureau national du registre de l’état civil et s’y procuraient des documents tels que des relevés d’empreintes digitales; elles s’en servaient ensuite pour altérer les pièces d’identité des membres du gang, qui faisaient alors « des demandes de prêts, de cartes de crédit et de marges de crédit en se faisant passer pour des citoyens légitimes » (Infobae 2024-05-02).
3.2 Autres documents frauduleux
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information indiquant si d’autres types de documents frauduleux sont accessibles et répandus, par exemple de faux dossiers médicaux et de fausses lettres de syndicats, d’employeurs et d’organismes communautaires.
Selon l’Associated Press (AP), les autorités colombiennes ont arrêté trois personnes faisant partie d’un groupe [traduction] « voué au trafic de migrants et à la falsification de documents » (2023-11-08). L’article précise que, d’après un communiqué de presse publié par le bureau du procureur, le groupe s’appelle « Los Hunter » et il [traduction] « falsifiait » des dossiers médicaux et d’autres documents qui « faisaient faussement état de maladies nécessitant des soins médicaux urgents et très coûteux aux États-Unis »; les documents falsifiés ont effectivement permis de devancer « des rendez-vous à l’ambassade des États-Unis qui étaient prévus en 2027 » (AP 2023-11-08). L’article de l’AP signale en outre que parmi les faux documents, il y avait aussi des documents bancaires, qui servaient à faire croire aux responsables de l’ambassade des États-Unis que les demandeurs avaient les moyens financiers nécessaires pour payer leurs soins médicaux (2023-11-08). La même source précise que ces faux documents pouvaient coûter [traduction] « jusqu’à » 3 000 $US (AP 2023-11-08).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Associated Press (AP). 2023-11-08. « Colombia: tres detenidos por tráfico de migrantes y fraude en visas para EEUU ». [Date de consultation : 2024-06-07]
Bogotá. 2024-03-25. Alcaldía de Bogotá. « Desarticulan red dedicada al tráfico de migrantes en Bogotá ¡Once capturados! » [Date de consultation : 2024-05-08]
Chercheur, Colombie. 2024-06-02. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Colombie. 2000 (modifiée en 2009). Ley 599 de 2000 (julio 24), por la cual se expide el Código Penal. Extraits traduits par le Bureau de la traduction, Services publics et Approvisionnement Canada. [Date de consultation : 2024-06-10]
Colombie. S.d. Registraduría Nacional del Estado Civil. « ¿Cuántos tipos de Registro Civil existen? » [Date de consultation : 2024-05-22]
Communicating with Disaster-Affected Communities Network (CDAC). 2022-03. Colombia: Media Landscape Guide. [Date de consultation : 2024-06-25]
El Tiempo. 2024-03-25. Alicia Liliana Méndez. « Bogotá: cayó mujer que lideraba red que falsificaba documentos a nombre de fallecidos ». [Date de consultation : 2024-06-04]
El Tiempo. 2022-10-05. « Red falsificaba papeles para que migrantes pudieran salir del país ilegalmente ». [Date de consultation : 2024-06-03]
Infobae. 2024-05-02. Sebastián Vargas Rueda. « Así operaba sofisticada red que falsificaba cédulas y suplantaba a personas para realizar fraudes bancarios en Colombia ». [Date de consultation : 2024-05-27]
InSight Crime. 2019-11-21. Alejandra Rodriguez. « Colombian Criminals Confuse Authorities with False Identities ». [Date de consultation : 2024-06-03]
InSight Crime. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-06-03]
Professeur adjoint, New Jersey City University. 2024-06-05. Entretien avec la Direction des recherches.
Radio Nacional de Colombia. 2024-05-16. María Camila Idrobo Munevar. « Desarticulada red de tráfico de migrantes que ofrecía documentos de identidad fraudulentos ». [Date de consultation : 2024-05-27]
The Washington Post. 2016-06-08. « Infobae Now Powered by the Washington Post's Arc Technology ». [Date de consultation : 2024-06-10]
Autres sources consultées
Sources orales : association d’avocats spécialisés en droit du travail en Colombie; Bogotá – Salud Digital; cabinets d’avocats en immigration aux États-Unis (5); cabinets d’avocats spécialisés en droit du travail en Colombie (2); clinique à Cali; Colombie – Ministerio de Salud y Protección Social; coordonnateur du département de l’administration des services de santé dans une université colombienne; groupe de défense des droits des travailleurs en Colombie; hôpital public à Bogotá; InSight Crime; ONG de défense des droits des travailleurs et groupe de réflexion en Colombie; professeur adjoint dans une université de la Colombie qui s’intéresse principalement aux études mondiales et à la violence en Colombie; professeur dans une université américaine qui s’intéresse principalement à la sécurité et à la criminalité en Amérique latine et dans les Caraïbes; professeur en santé et société dans une université colombienne; professeurs en administration des services de santé dans des universités colombiennes (6); réseau de militants des droits du travail établi en Colombie; syndicats de travailleurs en éducation en Colombie (5).
Sites Internet, y compris : Austrian Red Cross – ecoi.net; Colombie – Ministerio de Educación, Ministerio de Tecnologías de la Información y las Comunicaciones, Ministerio de Trabajo, Ministerio de Justicia y del Derecho; Edison Travel Documents; États-Unis – Department of State; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Global Organized Crime Index; International Crisis Group; INTERPOL; Royaume-Uni – Home Office; Union européenne – Public Register of Authentic Identity and Travel Documents Online.