Albanie : information sur les lettres d’attestation de vendettas; les organisations qui délivrent des lettres; la façon dont les lettres sont délivrées, traitées et conservées; information indiquant si les organisations qui délivrent les lettres sont reconnues par le gouvernement; si le Comité de réconciliation nationale (Committee of Nationwide Reconciliation – CNR) détient les pleins pouvoirs, approuvés par le gouvernement et reconnus par les organisations et institutions internationales, pour confirmer l’authenticité des vendettas; information sur le coût des services de médiation; la délivrance de fausses lettres d’attestation (2020-octobre 2022)
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur les lettres d’attestation de vendettas.
1. Lettres d’attestation de vendettas
1.1 Organisations qui délivrent des lettres, y compris si les organisations qui délivrent les lettres sont reconnues par le gouvernement et si le Comité de réconciliation nationale détient les pleins pouvoirs pour confirmer l’authenticité des vendettas
Dans une déclaration préparée en janvier 2012 par le ministère de l’Intérieur de l’Albanie pour la Direction de la recherche, un représentant a précisé que la police, le Bureau du procureur et les tribunaux sont les institutions de l'État chargées de traiter les problèmes liés aux vendettas, et que les tribunaux et le Bureau du procureur sont les seules organisations autorisées par le gouvernement à délivrer des certificats en lien avec les vendettas (Albanie 4 janv. 2012). En s’appuyant sur un entretien avec les bureaux du procureur régional de Shkodër, de Lezhë, de Tropojë et de Pukë, un rapport sur une mission d’enquête menée en Albanie en mars 2017 par le Cedoca, le département de recherche d’information sur les pays d’origine du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique, souligne que le bureau du procureur [traduction] « peut délivrer des attestations aux citoyens au sujet de dossiers ouverts, mais ces attestations n’indiquent jamais qu’un cas donné est en lien avec une vendetta. Dans ces attestations, les faits relatifs à l’incident sont consignés : ce qui s’est passé, l’identité de la victime et de l’auteur » (Belgique 29 juin 2017, 1, 2, 43). La même source attire l’attention sur le fait qu’un représentant de la Direction de la police régionale de Shkodër a souligné que la police ne délivre pas d’attestations ou de vérifications [traduction] « déclarant que des familles ont des problèmes »; cependant, « "chaque plainte est consignée par écrit et il fait partie de la procédure de fournir une copie de la plainte" » (Belgique 29 juin 2017, 43).
Le représentant du ministère de l’Intérieur de l’Albanie a écrit en 2012 que certaines organisations non gouvernementales (ONG) en Albanie ont délivré des certificats [ou des lettres d’attestation] à des personnes concernées par des vendettas, mais que ces ONG n’ont aucun [traduction] « droit reconnu par la loi » de délivrer de tels certificats (Albanie 4 janv. 2012). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur exécutif de la Fondation albanaise pour la résolution des conflits et la réconciliation (Albanian Foundation for Conflict Resolution and Reconciliation of Disputes - AFCR), ONG albanaise fondée en 1995 afin de résoudre les conflits et de favoriser la tolérance et la compréhension, a affirmé que certaines ONG ont délivré des lettres d’attestation de vendettas, mais qu’elles ne sont pas officiellement autorisées à remplir un tel rôle (AFCR 16 déc. 2011).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches en septembre 2022, le président du CNR a déclaré que [traduction] « [l]e gouvernement albanais reconnaît le [CNR] comme le principal et unique forum pour émettre des lettres et donner des avis sur les vendettas en Albanie et à l’étranger ». (CNR 1er sept. 2022). Toutefois, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches en septembre 2022, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Tirana a expliqué que même si le CNR est une [traduction] « entité enregistrée » en Albanie, « le droit de délivrer une certification officielle concernant les vendettas appartient à la Direction des affaires criminelles de la police d’État albanaise » (Nations Unies 1er sept. 2022). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches en février 2014, un journaliste de Balkan Insight, un site Internet d’actualités en anglais couvrant le Sud et l’Est de l’Europe géré par le Réseau de journalisme d’enquête des Balkans (Balkan Investigative Reporting Network – BIRN) [1] (BIRN s.d.), a affirmé que le CNR " a délivré des lettres d'attestation, mais n'était pas autorisé légalement à le faire. Les statistiques qui indiquent, selon les affirmations de ce comité, qu'il y a eu 10 000 vendettas au cours des 20 dernières années n'ont rien à voir avec la réalité" (BIRN 13 févr. 2014).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une chercheure indépendante basée au Royaume-Uni qui se concentre sur l’Albanie et le Kosovo a affirmé être au courant d'organisations qui émettent des lettres d’attestation, y compris le CNR et les Missionnaires de la paix (Peace Missionaries) (chercheure indépendante 13 sept. 2022). En s’appuyant sur une mission d’enquête menée en avril 2013 en Albanie au sujet des vendettas, l'Office nationale suédois des migrations affirme que le CNR était l'organisation la plus fréquemment signalée par les sources consultées en Albanie comme étant liée à des [traduction] « accusations de corruption et de délivrance de fausses lettres d'attestation » (Suède 14 juin 2013, sect. 4.2.3). Un représentant de Caritas Albania, organisation établie par l'Église catholique et ayant 95 missions en Albanie qui offrent des services de secours d'urgence et de développement social (Caritas s.d.), aurait décrit le CNR à l'Office nationale suédois des migrations comme étant [traduction] « l'organisation la plus importante dans le domaine [de la médiation de vendettas], qui dispose de beaucoup de ressources et de pouvoir, précisant toutefois qu'elle est controversée et qu'il est difficile d'évaluer si elle connaît vraiment le domaine » (Suède 14 juin 2013, sect. 4.2.3). Le représentant de Caritas s'est également dit d'avis que le CNR faisait du bon travail dans les années 1990, mais qu'il était devenu [traduction] « corrompu » après 1997 (Suède 14 juin 2013, sect. 4.2.3). En outre, un représentant du Comité Helsinki s'est interrogé sur la capacité du CNR à mener [traduction] « des activités autres que purement financières » (Suède 14 juin 2013, sect. 4.2.3). Dans une décision rendue en 2012 par la chambre de l'immigration et du droit d'asile (Immigration and Asylum Chamber) du Tribunal supérieur (Upper Tribunal) du Royaume-Uni, les juges ont affirmé ce qui suit : [traduction] « [n]ous estimons que l'organisation [CNR] et M. Marku [le président du CNR] sont fort peu fiables et qu'aucune importance ne peut être accordée aux lettres d'attestation qu'ils produisent » (R.-U. 15 oct. 2012, paragr. 55). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure agrégée d’anthropologie à l’Université de Bournemouth au Royaume-Uni qui se concentre sur les Balkans occidentaux a signalé que [traduction] « depuis les procédures judiciaires de 2013 », [voir section 4 de la présente réponse] Gjin Marku « est resté un porte-parole pour les questions en lien avec les vendettas en Albanie, comme le montrent clairement plusieurs apparitions et citations dans les médias albanais »; toutefois, l’autorité du CNR et de son président pour délivrer des lettres d’attestation « ne semble être étayée que par leurs propres allégations » (professeure agrégée 18 sept. 2022).
2. Façon dont les lettres sont délivrées, traitées et conservées
Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement sur la façon dont les lettres sont délivrées, traitées et conservées
3. Coût des services de médiation
La chercheure indépendante a expliqué que les frais pour les services de médiation [traduction] « varient selon les moyens de la famille qui demande de l’aide » (chercheure indépendante 13 sept. 2022). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.
4. Délivrance de fausses lettres d’attestation
Selon le Cedoca, le directeur général de la police d’État albanaise [traduction] « a mentionné que des organisations de réconciliation non officielles ont profité des demandes d’attestation de vendetta d’un certain nombre de citoyens » et que des Albanais « ont obtenu des documents de ces institutions en prétendant faussement qu’ils sont dans une vendetta », « même » en « falsifi[ant] » « des signatures d’autorités municipales et policières » (Belgique 29 juin 2017, 43). La chercheure indépendante a souligné que des lettres d’attestation étaient [traduction] « souvent émises frauduleusement avant 2012 », mais qu’elles sont « beaucoup moins souvent produites » « maintenant » (chercheure indépendante 13 sept. 2022).
Dans sa communication écrite de 2011, le directeur exécutif de l’AFCR a déclaré que le CNR a délivré de fausses lettres d’attestation et que les autorités de l'État ont intenté des poursuites pénales contre l’organisation (AFCR 16 déc. 2011). De même, un communiqué de presse de la police d’État albanaise signale que la Direction des crimes financiers du Département du crime organisé et des crimes graves de la police d’État a fourni au Bureau du procureur des documents contre Gjin Marku (Albanie 2 déc. 2011). Selon la même source, Marku était soupçonné [traduction] « d’utiliser [son] post[e] officie[l] […] pour délivrer des certificats contrefaits à différentes personnes qui souhaitent injustement présenter une demande d’asile et obtenir l’asile dans certains pays d’Europe, commettant ainsi l’infraction de falsification de documents, aux termes de l’article 186 du code pénal » (Albanie 2 déc. 2011). La professeure agrégée a souligné que cela a donné lieu à des poursuites judiciaires en 2013 qui se sont soldées par la libération de Marku (professeure agrégée 5 sept. 2022).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.
Note
[1] Le Réseau de journalisme d’enquête des Balkans (Balkan Investigative Reporting Network – BIRN) est un réseau d’ONG [traduction] « qui défend la liberté d’expression, les droits de la personne et les valeurs démocratiques dans le Sud et l’Est de l’Europe » (BIRN s.d.).
Références
Albanie. 4 janvier 2012. Ministry of Interior. « Protocol Number 101: Reply to the Immigration and Refugee Board ». Traduit par le Bureau de la traduction, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Document envoyé à la Direction des recherches dans une communication écrite.
Albanie. 2 décembre 2011. Albanian State Police. « Materials Passed on to the Prosecution Office Against Gjin Marku, Chairman of the Committee of Blood Feuds Reconciliation and Pashko Popaj ». Traduit par le Bureau de la traduction, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. [Date de consultation : 9 janv. 2012]
Albanian Foundation for Conflict Resolution and Reconciliation of Disputes (AFCR). 16 décembre 2011. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le directeur exécutif.
Balkan Investigative Reporting Network (BIRN). 13 février 2014. Balkan Insight. Entretien téléphonique avec un journaliste.
Balkan Investigative Reporting Network (BIRN). S.d. « About BIRN ». Balkan Insight [Date de consultation : 20 sept. 2022]
Belgique. 29 juin 2017. Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), Cedoca. Blood Feuds in Contemporary Albania: Characterisation, Prevalence and Response by the State. [Date de consultation : 6 sept. 2022]
Caritas. S.d. « Albania ». [Date de consultation : 11 févr. 2014]
Committee of Nationwide Reconciliation (CNR). 1er septembre 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le président.
Chercheure indépendante, Royaume-Uni. 13 septembre 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Nations Unies. 1er septembre 2022. Organisation internationale pour les migrations (OIM), Tirana. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Professeure agrégée, Bournemouth University, Royaume-Uni. 18 septembre 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Professeure agrégée, Bournemouth University, Royaume-Uni. 5 septembre 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Suède. 14 juin 2013. Migrationsverket. Blodfejder i Albanien. Traduit par le Bureau de la traduction, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. [Date de consultation : 2 janv. 2014]
Royaume-Uni (R.-U.). 15 octobre 2012. EH (Blood Feuds). Tribunal Decisions, [2012] UKUT 348. [Date de consultation : 27 févr. 2014]
Autres sources consultées
Sources orales : adjoint de recherche dans une université américaine qui se concentre sur la région des Balkans; Albanian Institute for International Studies; Albanie – Institute of Statistics, Ministry of Justice, Policia e Shtetit; associé de recherche dans une université au Royaume-Uni qui s’intéresse en particulier aux vendettas, à la sécurité et à la criminalité; avocat en Albanie qui pratique le droit pénal; Belgique – Cedoca; Center for the Study of Democracy and Governance; chercheur dans une université au Royaume-Uni qui s’intéresse en particulier aux études sur la paix en Albanie; chercheur juridique au Royaume-Uni qui s’intéresse au droit de l’immigration, de l’asile et de la nationalité; chercheur principal invité dans une université au Royaume-Uni qui se concentre sur la protection sociale dans les Balkans occidentaux; États-Unis – ambassade à Tirana; Gruaja në Zhvillim; Hellenic Resources Network; Komiteti Shqiptar i Helsinkit; Kosovar Centre for Security Studies; Lëvizja Socialiste për Integrim; Open Society Foundations; professeur agrégé dans une université canadienne qui s’intéresse en particulier à la justice traditionnelle en Albanie; professeur agrégé dans une université au Royaume-Uni qui s’intéresse en particulier aux vendettas en Albanie; professeur dans une université albanaise qui s’intéresse en particulier aux relations entre l’État et la société et la transition en Albanie; professeur dans une université au Royaume-Uni qui s’intéresse en particulier à l’anthropologie sociale en Albanie; stagiaire postdoctoral dans une université allemande qui s’intéresse en particulier aux vendettas en Albanie.
Sites Internet, y compris : 24 Ore Lajme; 55 News; ABYZ News Links; Albanian Daily News; Albanian Foundation for Conflict Resolution and Reconciliation of Disputes; Albanian Post; Albanian Telegraphic Agency; Albanian Times; Albanie – Institute of Statistics, Policia e Shtetit; Al Jazeera; Allemagne – Office fédéral des migrations et des réfugiés; American Broadcasting Company; Amnesty International; Article 19; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; Austrian Red Cross – ecoi.net; BBC; Bertelsmann Stiftung; Brookings Institution; Center for Strategic and International Studies; Comité de liaison pour la solidarité avec l’Europe de l’Est; Committee of Nationwide Reconciliation; Conseil de l’Europe; Council on Foreign Relations; États-Unis – Department of State, Library of Congress; Wilson Center; EURACTIV; European Observatory of Crimes and Security; Europe-Asia Studies; Exit News; Fair Observer; Fédération internationale pour les droits humains; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; Free Movement; Gazeta Fjala; Gazeta Panorama; Gazeta Shqiptare; Gazeta SOT; Gazeta TemA; Global Initiative Against Transnational Organized Crime; The Guardian; Hellenic Resources Network; Human Rights Watch; Institute for War and Peace Reporting; International Crisis Group; INTERPOL; Irish Examiner; Islington Law Centre – Migrant and Refugee Children's Legal Unit; Koha Jonë; Komiteti Shqiptar i Helsinkit; Médecins sans frontières; Mondo Times; Nations Unies – Comité des droits de l’enfant, Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Organisation internationale pour les migrations, Refworld; The New Humanitarian; Norvège – Landinfo; Open Society Foundations; Organisation suisse d’aide aux réfugiés; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; Radio Free Europe/Radio Liberty; Reporters sans frontières; Rilindja Demokratike; Shekulli; Royaume-Uni – Home Office; shqip.media; Tirana Times; Transparency International; Union européenne – Agence de l’Union européenne pour l’asile.