Réponses aux demandes d'information

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26 juin 2014

IRN104897.EF

Iran : information sur le traitement que la société et les autorités réservent aux militants pour les droits des femmes et aux femmes travaillant pour des organisations de défense des droits des femmes, y compris celles dont les efforts visent des affaires de divorce et de garde d'enfant (2012-2014)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu des organisations de défense des droits des femmes en Iran
1.1 Defenders of Human Rights Center (DHRC)

Selon le Report of the Special Rapporteur on the Situation of Human Rights in the Islamic Republic of Iran de 2014 publié par les Nations Unies, le DHRC est l'une des [traduction] « plus importantes organisations de défense des droits de la personne en Iran » (13 mars 2014, paragr. 33). Des sources précisent que le DHRC a été fondé en 2001 (Independent Print Ltd. 31 mai 2013; Legal Monitor Worldwide 30 mai 2014) en vue de donner des ateliers sur les droits de la personne et les droits des femmes et d'offrir des services juridiques bénévoles aux prisonniers politiques et aux prisonniers d'opinion (ibid.). Sur son site Internet, le DHRC affirme qu'il offre gratuitement de la formation aux militants et aux groupes d'action sociale sur des sujets comme les droits des femmes (s.d.). Le Centre a été fondé par la première femme juge en Iran, Shirin Ebadi, qui a fait campagne pour les droits des femmes et des enfants, notamment dans le but de faire modifier les lois régissant la garde d'enfant, qui [traduction] « font encore passer l'homme avant la femme » (Independent Print Ltd. 31 mai 2013). Mme Ebadi s'est vu remettre le prix Nobel de la paix pour ses travaux relatifs aux droits des femmes et des enfants en 2003 (ibid.). Des sources signalent que les bureaux du DHRC ont été fermés par le gouvernement iranien (Nations Unies 13 mars 2014, paragr. 33; Legal Monitor Worldwide 30 mai 2014). On précise dans des sources que le DHRC est toujours en fonction (ibid.; professeure 24 juin 2014), mais que, depuis sa fermeture en 2008, il a cessé ses activités en Iran et qu'il s'est établi au Royaume-Uni (ibid.). On peut lire sur le site Internet du DHRC que le ministère de l'Intérieur (Ministry of the Interior) de l'Iran a refusé de lui délivrer un permis d'exploitation (s.d.). D'après CNN, la fondatrice du Centre, Shirin Ebadi, a subi un [traduction] « procès à huis clos », des suites duquel elle a été incarcérée pendant trois semaines en 2000 et s'est vu interdire de pratiquer le droit pour cinq ans (CNN 16 déc. 2013). CNN signale aussi que des manifestants s'en sont pris au domicile de cette femme en 2009 et qu'ils l'ont accusée de soutenir Israël (ibid). Des sources ajoutent que Shirin Ebadi a quitté l'Iran et qu'elle n'y a jamais remis les pieds (ibid.; professeure 24 juin 2014).

1.2 Campagne One Million Signatures

La campagne One Million Signatures est un mouvement qui a été lancé en Iran en 2006 en vue de militer pour la réforme des lois discriminatoires contre les femmes (The New York Times 28 nov. 2013; ICHRI 14 janv. 2009; IHRDC août 2010, 8). Dans un article publié par le journal The Australian, Ida Lichter, également auteure de l'ouvrage Muslim Women Reformers: Inspiring Voices Against Oppression, déclare que la campagne visait à faire abroger les lois sexistes, qui prévoient entre autres [traduction] « l'octroi de la garde des enfants à l'homme en cas de divorce, le droit de la femme à seulement la moitié de l'héritage d'un homme et le poids deux fois moins important accordé au témoignage d'une femme en cour comparativement à celui d'un homme » (The Australian 13 juin 2013). D'après Human Rights Watch, la campagne avait pour but de recueillir la signature de personnes appuyant la réforme de ces lois; dans cette optique, un site Internet a été mis en ligne, et des ateliers ont eu lieu à Téhéran et dans d'autres villes afin d'éduquer la population au sujet des [traduction] « difficultés qu'éprouvent les femmes et les filles sur le plan juridique » (Human Rights Watch déc. 2012, 15). La même source affirme que [traduction] « la campagne est venue inspirer et appuyer les militants pour les droits des femmes œuvrant à l'extérieur de Téhéran » (ibid.). Selon l'International Campaign for Human Rights in Iran (ICHRI), une organisation indépendante, non partisane, à but non lucratif, dont le siège se trouve à New York et qui mène des recherches sur des questions relatives aux droits de la personne en Iran en plus de défendre ceux-ci (ICHRI s.d.), la campagne battait son plein dans plus de 15 provinces de l'Iran en 2009 (ibid. 14 janv. 2009). Des femmes associées à cette campagne ont été arrêtées, incarcérées et accusées de crimes mettant en danger la sécurité nationale (ibid.; IHRDC août 2010, 14; Human Rights Watch déc. 2012, 23, 24).

1.3 Mourning Mothers of Park Laleh

D'après Amnesty International (AI), les Mourning Mothers of Park Laleh [aussi connues sous le nom de « Mourning Mothers »] sont un groupe de défense des droits des femmes qui fait campagne contre [version française d'AI] « les exécutions illégales et autres violations graves des droits humains » en Iran (févr. 2012, 33). Une professeure de l'Université d'État de la Californie qui est également l'ancienne présidente de la chaire d'études sur la condition féminine et les rapports sociaux entre les sexes (Chair of Gender and Women's Studies) et dont les recherches portent principalement sur les problématiques homme-femme, la politique et les mouvements pour les droits des femmes en Iran et en Azerbaïdjan a fait observer que le groupe Mourning Mothers a été créé par des femmes dont les époux ou les frères ont été tués par les autorités pendant les manifestations contre Mahmoud Ahmadinejad en 2009 (24 juin 2014).

1.4 Campaign to Stop Stoning

Selon le diffuseur allemand Deutsche Welle, qui [traduction] « représente l'Allemagne dans le paysage médiatique international » (Deutsche Welle s.d.), la Campaign to Stop Stoning [aussi connue sous les noms « Campaign Against Stoning » ou « Stop Stoning Forever »] est un groupe qui cherche à empêcher les exécutions par lapidation et à soutenir les femmes qui ont été victimes de violence fondée sur le sexe (ibid. 27 mai 2013). Asieh Amini, cofondatrice de l'organisation, s'est exilée en 2009 après la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad (ibid.). Dans le rapport Silencing the Women's Rights Movement in Iran, publié par l'Iran Human Rights Documentation Centre (IHRDC), organisation du Connecticut dont le but est de [traduction] « dresser un portrait historique objectif et complet de la situation des droits de la personne en Iran depuis [...] 1979 » (août 2010, 2), il est écrit qu'Asieh Amini et une autre dirigeante du groupe, Mahboubeh Abbasgholizadeh, ont été détenues par les autorités pendant une manifestation ayant eu lieu en mars 2007 (août 2010).

2. Traitement réservé aux militants pour les droits des femmes par la société

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une associée de recherche principale [1] au Foreign Policy Centre du Royaume-Uni, [traduction] « un groupe de réflexion indépendant et progressiste se spécialisant dans les affaires étrangères » (Foreign Policy Centre s.d.), a souligné qu'au sein de la société iranienne, [traduction] « les femmes qui sont militantes - peu importe le domaine - sont dépeintes comme des personnes ayant des personnalités à problèmes et [qu'elles] sont souvent étiquetées comme des prostituées », et que « la violence et la discrimination contre les militants pour les droits des femmes demeurent endémiques » (associée de recherche principale 19 juin 2014). La même source a ajouté que certains membres de la société [traduction] « continuent d'étiqueter et de maltraiter les militants pour les droits des femmes et les défenseurs de ces droits afin de les discréditer et de les déshumaniser » (ibid.). On peut lire dans un article publié par Radio Europe Libre/Radio liberté (Radio Free Europe/Radio Liberty - RFE/RL) que le féminisme est considéré comme [traduction] « tabou » en Iran (RFE/RL 13 juill. 2013). Toutefois, au dire de la professeure de l'Université d'État de la Californie, la façon dont sont perçus les militants pour les droits des femmes et le traitement qui leur est réservé peuvent varier selon les régions, les classes et les groupes sociaux; ainsi, l'opinion des gens vivant dans les régions rurales [traduction] « conservatrices et sous-développées » est « négative [et] tendancieuse », par contraste avec celle des gens vivant dans les régions de Téhéran et du Nord, plus « progressistes » (professeure 24 juin 2014). La professeure a affirmé que quelques clercs qui ne sont pas associés au régime [traduction] « interprètent la charia d'une manière plus respectueuse envers les femmes » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

L'IHRDC a attiré l'attention sur le fait que certains militants pour les droits des femmes [traduction] « ont été congédiés en raison de leur militantisme » (août 2010, 2). À titre d'exemple, Deutsche Welle affirme qu'Asieh Amini, cofondatrice de la Campaign to Stop Stoning, a perdu son emploi de journaliste parce qu'elle militait contre les exécutions par lapidation auxquelles se livre secrètement le gouvernement (27 mai 2013). L'associée de recherche principale a écrit que les militantes doivent composer avec [traduction] « des pressions sociales après leur libération, qui se manifestent par des refus d'embauche, des expulsions d'établissements d'enseignement, des congédiements et des contestations judiciaires relatives au mariage, au divorce et à la garde d'enfant, ainsi qu'au droit à la propriété et à un héritage, en plus de l'exposition à diverses formes de violence et de complots de propagande » (19 juin 2014).

3. Traitement réservé aux militants pour les droits des femmes par les autorités (2009-2014)
3.1 Traitement réservé aux militants pour les droits des femmes par les autorités après les élections de 2009

Des sources signalent que, pendant la période qu'a passée le président Ahmadinejad au pouvoir [d'août 2005 à août 2013 (CNN 23 juin 2013)], la situation et le statut des femmes en Iran se sont [traduction] « détériorés » (RFE/RL 13 juill. 2013; ICHRI 14 janv. 2009). Le rapport intitulé Why They Left, publié en 2012 par Human Rights Watch et fondé sur des entretiens réalisés avec des militantes iraniennes qui ont quitté l'Iran après la [traduction] « répression » ayant suivi la réélection du gouvernement en 2009, fait état du fait que le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad « a accru les mesures répressives contre les militants et les organisations pour les droits des femmes » lorsqu'il a été élu président pour la première fois, en 2005 (déc. 2012, 23). L'IHRDC a réuni des renseignements sur les mesures prises par le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad pour [traduction] « cibler les militants pour les droits des femmes au cours de la période ayant mené à l'élection de 2009 et à la suite de celle-ci » (IHRDC août 2010, 2). Il est écrit dans son rapport que les autorités ont rebaptisé la campagne One Million Signatures la [traduction] « "campagne des prostituées" » ou la « "campagne de la corruption" » et que « ces insultes ont été publiées dans [le journal iranien] Kayhan » (ibid., 10). L'IHRDC affirme également que les autorités [traduction] « ont arrêté, détenu et interrogé arbitrairement » des militants pour les droits des femmes dans le but « [d']anéantir » le mouvement pour les droits des femmes (ibid., 2). D'après le rapport, après l'élection de 2009, les membres du mouvement pour les droits des femmes - [traduction] « tant des bénévoles à temps partiel que des défenseurs des droits de la personne reconnus mondialement » - qui ont continué à se battre risquaient « de voir des allégations criminelles formulées contre eux, d'être arrêtés et détenus arbitrairement, et d'être interrogés et torturés, voire tués » (ibid.). Selon cette même source, pendant cette période,

[traduction]

[l]a répression a pris de l'ampleur, tant sur le plan de la fréquence et de l'envergure que de la portée. Les autorités ont arrêté des militants pendant des manifestations et continuent d'en arrêter chez eux et en public, souvent sans mandat. Elles ont fouillé leur domicile et saisi leurs biens. Elles ont détenu des militants sans qu'aucune accusation n'ait été portée contre eux et leur ont refusé le droit de communiquer avec leur avocat ou leur famille. Les autorités carcérales ont soumis les militants à de longues périodes d'isolement cellulaire ainsi qu'à de longs interrogatoires, souvent violents (ibid.).

Dans le rapport The Systematic Repression of the Women's Rights Movement-May 2008, publié en 2009, l'ICHRI déclare que les autorités iraniennes avaient [traduction] « systématiquement contrecarré les efforts déployés par la société civile dans la paix et le respect de la loi pour défendre les droits des femmes en Iran » (14 janv. 2009, 1). Par ailleurs, on peut lire dans le rapport de mars 2014 du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation en Iran que, depuis 2010, [traduction] « les arrestations massives coordonnées de militants pour les droits de la personne ont permis, dans les faits, de démanteler les plus importantes organisations pour les droits de la personne » en Iran, y compris le DHRC (Nations Unies 13 mars 2014, paragr. 33).

Selon la professeure, malgré une plus grande [traduction] « prise de conscience par rapport aux disparités entre les sexes » attribuable à la « répression intense et généralisée » à l'endroit des militants pour les droits des femmes, « il n'y a pas eu de mouvement pour les droits des femmes homogène [...] ou bien organisé » en Iran; elle a ajouté que de nombreux militants pour les droits des femmes ont quitté l'Iran après 2009 et que

[traduction]

[d]epuis 2009, en raison des mesures prises par les autorités afin de réprimer les militants pour les droits des femmes, le mouvement pour les droits des femmes est devenu plus fragmenté, désorganisé, segmenté; il a été mis en veilleuse, et le moral de ses troupes est bas. Depuis l'élection de [Hassan] Rohani, on peut dire de manière générale que le mouvement n'est [composé de] guère plus que de petits réseaux et d'ONG de petite taille, plutôt que [d']organisations cohésives. Les anciens réseaux ont pour ainsi dire été démantelés par les arrestations des dirigeants, participants et membres que perpètrent les autorités depuis 2009 (24 juin 2014).

De même, l'associée de recherche principale a affirmé que de nombreuses [traduction] « personnes bien connues » du mouvement pour les droits des femmes ont quitté l'Iran et que

[traduction]

des personnes et des réseaux qui collaboraient peut-être bien auparavant ont éclaté, au cours des quatre ou cinq dernières années, pour se regrouper en cellules de militants de petite taille mais vibrantes d'activités. En raison des politiques répressives et des modifications législatives, la sécurité demeure une grande préoccupation. [...] [L]e mouvement n'est peut-être plus d'envergure nationale ni aussi visible et structuré qu'il l'a été, mais [...] il mène ses activités à une échelle plus locale et organique (19 juin 2014).

3.2 Réunion et surveillance

Il est écrit dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2012, publiés par le Département d'État des États-Unis, que le gouvernement iranien [traduction] « a restreint la liberté de réunion et [qu'il] surveille de près les rassemblements » tels que les rencontres et les manifestations pour les droits des femmes (É.-U. 19 avr. 2013, 30). Selon l'IHRDC, les autorités surveillaient les communications par téléphone et par courriel des militants pour les droits des femmes (août 2010, 10). Des sources signalent que certains militants ont également été visés par des interdictions de voyager (É.-U. 19 avr. 2013, 44; AI févr. 2012, 32). La professeure a fait observer que le groupe Mothers of Park Laleh était toujours [traduction] « illégal », que ses membres n'avaient pas le droit de se rencontrer (professeure 24 juin 2014). Selon elle, la campagne One Million Signatures est [traduction] « en dormance [et] inactive », alors que les femmes associées à ce groupe continuent d'être victimes « de harcèlement, de menaces d'arrestation et de répression » (ibid.). Il est écrit dans le rapport publié par Freedom House et intitulé Freedom in the World 2013 que les militants pour les droits des femmes, tout particulièrement les participants de la campagne One Million Signatures, [traduction] « continuent de subir de la répression » (2013).

3.3 Arrestation, détention et emprisonnement

On peut lire dans les Country Reports de 2012 et de 2013 qu'au cours de ces deux années, le gouvernement a arrêté des militants pour les droits des femmes et qu'il en a accusé un bon nombre de crimes comme la [traduction] « "propagande" » et la « "profération d'insultes contre le guide suprême ou le régime" », affaires qu'il a traitées au moyen de procès relatifs à la sécurité nationale (É.-U. 19 avr. 2013, 17; ibid. 27 févr. 2014, 14). De même, AI a signalé en 2012 qu'au cours de cette année-là, plusieurs défenseurs des droits des femmes ont été arrêtés parce que pesaient contre eux des [version française d'AI] « chefs d'accusation formulés en termes vagues relatifs à des infractions contre l'État » (févr. 2012, 32). Human Rights Watch a fait observer que, selon les militants interviewés, les forces de sécurité et le corps judiciaire ont [traduction] « systématiquement soumis les militants pour les droits des femmes à des menaces, à du harcèlement, à des interrogatoires et à des peines d'emprisonnement » (déc. 2012, 23). Selon les Country Reports 2012, le gouvernement [traduction] « a continué à réprimer la campagne One Million Signatures » et, « à la fin de l'année, plusieurs membres étaient toujours visés par des peines d'emprisonnement et des interdictions de voyager suspendues, étaient incarcérés ou s'étaient exilés volontairement » (É.-U. 19 avr. 2013, 44). De même, AI écrit dans son rapport de 2012 intitulé Expanding Repression of Dissent in Iran que plusieurs militants pour les droits des femmes ont été maintenus en détention ou qu'ils purgent des peines d'emprisonnement pour leur engagement dans des activités pacifiques, et que la plupart d'entre eux participent à la campagne One Million Signatures (AI févr. 2012, 32). Certains membres du groupe Mothers of Park Laleh ont été détenus et arrêtés (ibid., 33; Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 15). Certains membres ont aussi été déclarés coupables [version française d'AI] « "[d']atteinte à la sécurité de l'État" » en raison de leur affiliation au groupe (AI févr. 2012, 33).

D'après des sources, les prisonnières politiques étaient soumises à de mauvaises conditions de détention et ne recevaient pas les soins médicaux nécessaires (É.-U. 19 avr. 2013, 8, 9; AI févr. 2012, 32). Selon AI, ces prisonnières ont été placées en isolement cellulaire et n'ont eu droit qu'à un nombre limité de visites de leurs familles et avocats (ibid.). Dans un entretien qu'elle a accordé au Guardian en juin 2014, Nasrin Sotoudeh, avocate et militante pour les droits des femmes qui a été emprisonnée en 2010 et libérée en 2013, a raconté qu'elle avait été interrogée par [traduction] « des représentants du ministère du Renseignement (Intelligence Ministry) », qu'elle avait été placée en isolement cellulaire, qu'on lui avait refusé le droit d'avoir des visiteurs et de recevoir des appels téléphoniques, et que sa santé s'était détériorée (The Guardian 1er juin 2014). Des membres de la famille de Nasrin Sotoudeh auraient également subi de mauvais traitements aux mains des autorités pendant qu'elle était incarcérée (ibid. 19 sept. 2013). Une cour de Téhéran a statué en 2013 qu'Haleh Sahabi, militante pour les droits des femmes qui avait été emprisonnée, était décédée en 2011 [traduction] « de causes naturelles » (É.-U. 27 févr. 2014, 15). Il semblerait toutefois qu'Haleh Sahabi, qui purgeait une peine de deux ans des suites de son arrestation survenue en 2009 pendant des manifestations contre Mahmoud Ahmadinejad, ait été agressée par des agents des forces de sécurité avant son décès en 2011 (ibid. 19 avr. 2013, 20).

3.4 Traitement réservé aux militants pour les droits des femmes depuis les élections de 2013 jusqu'à juin 2014

Selon les Country Reports 2013, une loi en Iran interdit au gouvernement de pratiquer la censure et, à la fois, interdit [traduction] « la diffusion d'information que le gouvernement considère comme "préjudiciable" » (ibid. 27 févr. 2014, 21). La même source précise que l'information [traduction] « "préjudiciable" » comprend les « discussions sur les droits des femmes » ainsi que les films à ce sujet (ibid., 26). D'après une journaliste interviewée par RFE/RL, la majorité des sites Internet traitant des enjeux propres aux femmes sont filtrés et bloqués par les autorités en Iran (13 juill. 2013).

3.4.1 Élections de 2013

Des sources font état du fait que, pendant les élections de juin 2013 en Iran, toutes les candidates à la présidence ont été exclues de la course par le Conseil des gardiens (Guardian Council) (Human Rights Watch janv. 2014; É.-U. 27 févr. 2014, 31). Il est écrit dans les Country Reports 2013 que, [traduction] « d'après l'interprétation qu'en fait le Conseil des gardiens, la constitution interdit aux femmes et aux personnes d'origine étrangère de remplir l'office de guide suprême ou de président, d'être membres de l'Assemblée des experts (Assembly of Experts), du Conseil des gardiens ou du Conseil de discernement de l'intérêt supérieur du régime (Expediency Council) [...] et d'être nommées juges » (ibid.).

Hassan Rohani a été élu président en juin 2013 (ibid., 7). Dans le cadre de sa campagne, il aurait exprimé sa volonté de se pencher sur les enjeux concernant les droits des femmes (AWID 11 avr. 2014; Deutsche Welle 13 mars 2014). L'Association for Women in Development (AWID), [traduction] « association mutuelle internationale féministe qui se consacre à l'atteinte de l'égalité entre les sexes, au développement durable et aux droits fondamentaux des femmes » (s.d.), fait observer que, pendant sa campagne, Hassan Rohani [traduction] « s'est dit prêt à [...] mettre un terme à la ségrégation prévalant dans les universités, [...] à revoir l'approche utilisée pour réglementer l'habillement des femmes iraniennes [...] et à se pencher sur le problème de la discrimination licite contre les femmes » (11 avr. 2014). D'après Deutsche Welle, malgré la promesse faite par Hassan Rohani pendant sa campagne électorale selon laquelle il mettrait un terme à [traduction] « la discrimination entre les hommes et les femmes [...] dans toutes les sphères de la vie sociale », les améliorations aux droits des femmes sous sa présidence sont « minimes » (Deutsche Welle 13 mars 2014). La même source précise que, depuis qu'Hassan Rohani est président, il y a eu de [traduction] « petits exemples » de progrès en Iran, comme des initiatives visant à encourager l'embauche de femmes au gouvernement (ibid.). Cependant, il demeure des lois qui [traduction] « répriment les droits des femmes » et, d'après le chercheur de Human Rights Watch cité dans l'article, même les femmes les plus scolarisées se butent à « "des obstacles et [à] des restrictions dans la société" » en raison de ces lois (ibid.). Dans un article publié par l'AWID, Sussan Tahmsebi [Tahmasebi], une militante pour les droits des femmes américano-iranienne [qui a été arrêtée pour avoir participé à la campagne One Million Signatures (Australian Broadcasting Corporation 25 nov. 2013)], écrit que, même si les organisations pour les droits des femmes [traduction] « commencent à se former plus librement », et même si Hassan Rohani a nommé plusieurs femmes à des postes gouvernementaux, il reste que « l'espace consacré à la société civile ne s'ouvre pas rapidement » (AWID 11 avr. 2014). Elle fait remarquer que, pour cette raison, les efforts d'Hassan Rohani sont [traduction] « mitigés en ce qui a trait à l'appui aux droits des femmes » (ibid.). Selon la professeure, [traduction] « aucune campagne importante et médiatisée pour les droits des femmes » n'a eu lieu depuis l'élection d'Hassan Rohani, mais le militantisme continue « à l'échelon communautaire » et par l'entremise de petits ateliers et réunions (professeure 24 juin 2014). Elle a fait état de certains changements [traduction] « positifs », y compris d'une impression de « légère ouverture » de la part de la société et « [d']espoir pour les droits des femmes », de même que d'événements comme la nomination récente de représentantes au gouvernement, la présentation, par Hassan Rohani, d'un projet de loi sur la citoyenneté et les droits civils et son invitation à la discussion lancée à des groupes de la société (ibid.).

Selon le rapport du secrétaire général des Nations Unies de mars 2014, [traduction] « les défenseurs des droits de la personne et les militants pour les droits des femmes continuent d'être arrêtés et persécutés » en Iran (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 5). Selon la professeure, les membres du groupe Mothers of Park Laleh continuent d'être, à son avis, [traduction] « persécutés » (24 juin 2014). L'associée de recherche principale a par ailleurs affirmé que, selon elle, [traduction] « [a]ucune protection n'est offerte aux militants. Étant donné les codes discriminatoires de l'Iran contre les femmes, il n'y a pratiquement aucune protection pour les femmes. Ainsi, les femmes qui sont aussi militantes n'ont vraiment aucune protection » (19 juin 2014). La professeure s'est dite d'avis que

[traduction]

[l]a protection des militants pour les droits des femmes par les autorités n'est garantie par aucun mécanisme clair. Il y a une contradiction en pratique, en ce sens que les organisations qui détiennent le pouvoir fonctionnent en parallèle - celles du gouvernement élu d'Hassan Rohani, et celles de Khamenei et les Gardiens de la révolution. Chaque système a ses propres agents et ses propres prisons. Une militante pour les droits des femmes ne peut prédire qui la prendra pour cible, ce qui rend la situation en matière de sécurité très précaire. Il est très risqué pour les militants pour les droits des femmes d'agir ouvertement. La réaction que pourrait avoir le gouvernement envers ceux qui exigent un changement est extrêmement incertaine (24 juin 2014).

D'après un article publié par RFE/RL en juillet 2013, les femmes faisant campagne contre les lois islamiques qui les empêchent d'obtenir facilement le divorce ont été [traduction] « citées à comparaître, menacées, incarcérées ou forcées de quitter le pays » (RFE/RL 13 juill. 2013). Au cours d'un entretien avec RFE/RL, Narges Mohammadi, vice-présidente du DHRC, qui a déjà été condamnée à six ans d'emprisonnement pour [traduction] « atteinte à la sécurité nationale », a déclaré « "[qu']un militant pour les droits des femmes ou des enfants [...] [qui] prend des mesures concrètes [ne peut savoir avec certitude] s'il sera cité à comparaître devant le corps judiciaire deux jours plus tard" » et que de telles personnes pourraient éprouver des « problèmes en matière de sécurité » (ibid.). De même, l'associée de recherche principale a fait observer que

[traduction]

[d]e nombreux [militants pour les droits des femmes] sont harcelés, cités à comparaître régulièrement et interrogés, voient leurs peines suspendues, sont emprisonnés et subissent de la torture psychologique et physique [...] Depuis le départ de certaines des personnes les mieux connues du mouvement iranien pour les droits des femmes, qui ont commencé à s'exiler en 2009, bon nombre de celles qui sont restées en Iran sont en prison, ou elles ont vu la peine qu'elles purgeaient être suspendue et subissent régulièrement du harcèlement de la part des autorités (19 juin 2014).

Selon la professeure, [traduction] « la situation des militants pour les droits des femmes continue d'être marquée par le risque, l'insécurité et la répression en raison de leurs activités. Plusieurs militants sont toujours en prison, ou sont "libérés" sous conditions » (24 juin 2014).

3.4.2 Militants pour les droits des femmes libérés de prison

D'après le Report of the Secretary General on the Situation of Human Rights in Iran, publié en mars 2014 par les Nations Unies, en septembre 2013, les autorités auraient libéré plus de 80 prisonniers politiques, y compris plusieurs militants pour les droits des femmes, dont certains avaient participé à la campagne One Million Signatures et fait partie du groupe Mourning Mothers of Laleh Park (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 15). Toutefois, des sources font observer que la peine d'emprisonnement de ces militants arrivait à terme (Human Rights Watch 21 janv. 2014; É.-U. 27 févr. 2014, 16).

Des sources signalent que parmi les militants libérés en 2013 figurait Nasrin Sotoudeh (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 15; É.-U. 27 févr. 2014, 16), avocate spécialiste des droits de la personne (ibid.). Nasrin Sotoudeh a représenté des femmes incarcérées pour les efforts qu'elles avaient déployés en vue d'atteindre l'égalité sur le plan des droits (The New York Times 28 nov. 2013; The Guardian 1er juin 2014); elle s'était spécialisée en droits de l'enfant et avait représenté Parvin Ardalan, fondatrice de la campagne One Million Signatures (ibid.). Elle a été déclarée coupable [traduction] « [d']atteinte à la sécurité nationale » (The New York Times 28 nov. 2013; AI 18 sept. 2013) en raison de son travail au sein du DHRC, puis a été condamnée à six ans d'emprisonnement (ibid.).

Mahboubeh Karami, de la campagne One Million Signatures, a aussi été libérée en 2013 (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 15; É.-U. 27 févr. 2014, 40). Selon les Country Reports 2013, elle avait été accusée d'être membre d'une [traduction] « "organisation illégale" » (ibid.). AI affirme que Mahboubeh Karami, également l'ancienne directrice de l'Unité des femmes (Women's Unit) de l'Association pour les droits de la personne (Human Rights Association) d'Iran (dont plus de 30 membres ont été arrêtés en 2010), avait commencé à purger une peine de trois ans en 2011 (févr. 2012, 32).

L'ICHRI signale qu'en juin 2014, Narges Mohammadi, avocate [traduction] « bien en vue » qui s'est spécialisée en droits des femmes et qui a également fait partie du DHRC, a été accusée de nouveau de crimes mettant en danger la sécurité nationale en raison de sa présence à une réunion tenue en mars 2014 avec la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton; Mme Mohammadi aurait été libérée après versement d'une caution de 10 000 $ (ICHRI 11 juin 2014b).

3.4.3 Militants pour les droits des femmes toujours incarcérés en 2014

Les Nations Unies signalent que, depuis mars 2014, [traduction] « bon nombre » de prisonniers politiques, y compris des militants pour les droits des femmes, continuent de purger des peines « liées à des accusations qui, croit-on, se rapportent à l'exercice de leurs libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique » (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 17). Le rapporteur spécial des Nations Unies a fait observer que, d'après des renseignements transmis à son bureau en janvier 2014, 92 [traduction] « défenseurs des droits de la personne » sont incarcérés, ce qui comprend un certain nombre de militants « pour les droits des femmes » et de militantes (ibid. 13 mars 2014, annexe 1). L'associée de recherche principale a affirmé que Bahareh Hedayat, Maryam Shafipour, Hakimeh Shokri, Mahvash Sabet et Fariba Kamalabadi faisaient partie des personnes toujours en prison, et a ajouté que [traduction] « de nombreuses autres femmes sont toujours incarcérées » (19 juin 2014). Selon des sources, certains des militants pour les droits des femmes incarcérés sont :

  • Bahareh Hedayat, une des membres fondatrices de la campagne One Million Signatures (Change for Equality 18 mars 2014). Des sources signalent qu'elle purge une peine de 10 ans (Human Rights Watch 8 mars 2014; Change for Equality 18 mars 2014) pour avoir commis des [traduction] « crimes mettant en danger la sécurité nationale » (ibid.).
  • Maryam Shafipour a été arrêtée en juillet 2013 en raison de son militantisme pour les droits des étudiants, accusée et déclarée coupable de crimes mettant en danger la sécurité nationale, et condamnée à sept ans d'emprisonnement en mars 2014 (ibid.; AI 10 juin 2014).
  • Hakimeh Shokri fait partie du groupe Mourning Mothers of Park Laleh (ICHRI 7 mars 2014). Elle purgerait actuellement une peine de trois ans (ibid.; Human Rights Watch 8 mars 2014).
  • Mahnaz Mohammadi, militante pour les droits des femmes et cinéaste, a commencé à purger une peine de cinq ans en juin 2014, après avoir été reconnue coupable des accusations liées à la sécurité nationale pesant contre elle (The Guardian 18 juin 2014; ICHRI 11 juin 2014a).
  • Le rapport de mars 2014 du secrétaire général des Nations Unies fait également état du fait que deux avocats de sexe masculin, membres du DHRC, purgent actuellement des peines d'emprisonnement en raison de leur adhésion à l'organisation et de crimes mettant en danger la sécurité nationale (Nations Unies 11 mars 2014, paragr. 20).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L'associée de recherche principale est aussi la rédactrice en chef de la publication du Centre des politiques étrangères (Foreign Policy Centre) du Royaume-Uni intitulée Iran Human Rights Review, ainsi qu'associée de recherche à titre honorifique au Centre Crucible pour la recherche sur les droits de la personne (Crucible Centre for Human Rights Research), à l'Université de Roehampton.

Références

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Associée de recherche principale. 19 juin 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

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Legal Monitor Worldwide. 30 mai 2014. « Public Statement - The Law Society of Upper Canada Expresses Grave Concerns About the Trial and Ongoing Harrassment of Hadi Esmaeilzadeh in Iran ». (Factiva)

Nations Unies. 13 mars 2014. Report of the Special Rapporteur on the Situation of Human Rights in the Islamic Republic of Iran. (A/HRC/25/61) [Date de consultation : 29 mai 2014]

Nations Unies. 11 mars 2014. Report of the Secretary-General on the Situation of Human Rights in the Islamic Republic of Iran. (A/HRC/25/75) [Date de consultation : 29 mai 2014]

The New York Times. 28 novembre 2013. Shirin Ebadi. « Women Rising ». (Factiva)

Professeure d'études de la condition féminine et des rapports sociaux entre les sexes, California State University. 24 juin 2014. Entretien téléphonique.

Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). 13 juillet 2013. Golnaz Esfandiari. « Women's Rights Activists Tell Rohani What They Want ». (Factiva)

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre dans les délais voulus les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : boursier, Brookings Institution; Defenders of Human Rights Center; Foundation for Democracy in Iran; International Campaign for Human Rights in Iran; Justice for Iran; professeur, Center for Iranian Studies, Université Concordia; professeur d'études de la condition féminine, Boston University; professeur de sciences politiques, York University.

Les personnes et organisations suivantes n'ont pu fournir de renseignements : Iran Human Rights Documentation Center; Ligue iranienne pour la défense des droits de l'homme; professeur, programme sur le Moyen-Orient, Woodrow Wilson Center; professeur de droit, Université McGill.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Campaign for Equality; Defenders of Human Rights Center of Iran; ecoi.net; FARS News Agency; Frontline Defenders; Institute for War and Peace Reporting; International Civil Society Action Network; International Crisis Group; Iran – Center for Women and Family Affairs, site Internet du président; Nations Unies – ONU Femmes, Refworld, Réseaux d'information régionaux intégrés; Pars Times; Radio Zamaneh; Tehran Times.



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