Jamaïque : information sur les exigences et la marche à suivre pour déposer une plainte contre un agent de police; les exigences et la marche à suivre pour obtenir un rapport de police; les autres voies pour déposer une plainte contre un agent de police; l'efficacité des mécanismes de plainte (2013-janvier 2015)
1. Le dépôt de plaintes à la police
On peut lire dans le Gleaner, quotidien de Kingston, que le Bureau général d'inspection (Inspectorate General) de la Force constabulaire de la Jamaïque (Jamaica Constabulary Force - JCF) est chargé d'enquêter sur les allégations relatives à la conduite des policiers [traduction] « en service opérationnel » (5 nov. 2013). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un représentant du Bureau général d'inspection de la JCF a dit que la personne qui souhaite porter plainte à la police contre un de ses agents peut signaler l'incident en cause à n'importe quel poste de police de la Jamaïque, ou directement au Bureau général d'inspection de la JCF à Kingston (Jamaïque 29 janv. 2015). Le plaignant, une fois le rapport achevé, se voit remettre un récépissé spécifiant la date et le lieu où ce rapport a été établi (ibid.). Le représentant du Bureau général d'inspection de la JCF a ajouté que, lorsque le poste où le rapport est établi ne s'estime pas capable de régler la plainte, cette dernière est envoyée au Bureau général d'inspection (ibid.).
2. La marche à suivre pour obtenir un rapport de police
Selon le ministère de la Sécurité nationale (Ministry of National Security) de la Jamaïque, la loi de 2002 sur l'accès à l'information (Access to Information Act, 2002), en vigueur depuis 2004, donne au public [traduction] « accès aux documents non soustraits à la communication qui sont sous la garde d'une autorité publique » (ibid. 16 juill. 2012). Le paragraphe (7) de l'article 5 de cette loi porte qu'elle [traduction] « s'applique aux documents officiels détenus par les greffes et autres services des tribunaux, à condition qu'ils se rapportent seulement à des questions de nature administrative » (ibid. 2002).
Le représentant du Bureau général d'inspection de la JCF a précisé que le plaignant qui souhaite obtenir copie d'un rapport établi dans un poste de police doit se rendre au poste même où il a été établi (ibid. 29 janv. 2015). Il faut environ trois jours pour traiter une telle demande, selon la nature du rapport (ibid.).
Le représentant du Bureau général d'inspection de la JCF a ajouté que, si elle se trouve à l'étranger, la personne qui souhaite obtenir copie d'un rapport soumis au Bureau général d'inspection doit s'adresser à ce dernier par courriel, par lettre ou par téléphone, en spécifiant la nature de l'incident en cause (ibid.). Au dire du représentant, il faut environ sept jours pour traiter une telle demande, et le demandeur devrait s'attendre à ce qu'on lui réponde par la même voie que celle qu'il a utilisée (courriel, lettre ou téléphone) (ibid.).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés sur la marche à suivre pour obtenir un rapport de police, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens ni d'autres renseignements.
3. Les autres voies pour déposer une plainte contre un agent de police
La loi sur la Commission indépendante d'enquête ou loi sur l'INDECOM (Independent Commission of Investigations Act - INDECOM Act), promulguée le 15 avril 2010, a institué un organisme désigné Commission indépendante d'enquête (Independent Commission of Investigations - INDECOM) (Jamaïque 14 janv. 2014). L'INDECOM a pour mandat [traduction] « [d']enquêter sur les actes de membres des forces de sécurité ou d'autres agents de l'État qui entraînent la mort, des lésions corporelles ou d'autres violations des droits de la personne, ainsi que sur des questions connexes » (ibid. 2010, préambule). Le site Web de l'INDECOM porte que la loi sur l'INDECOM a abrogé la loi sur l'examen des plaintes contre la police (Police Public Complaints Act) le 15 avril 2010 (ibid. s.d.). L'INDECOM a pris en charge le 16 août 2010 les fonctions qui relevaient auparavant de l'Autorité d'examen des plaintes contre la police (Police Public Complaints Authority - PPCA) (ibid.). D'après le rapport établi par l'INDECOM sur sa première année d'activités, [traduction] « la PPCA aurait souffert de l'opinion erronée qu'elle faisait partie de la police », et elle disposait de ressources et de pouvoirs « insuffisants » (ibid. [2011], paragr. 2.2). Le Gleaner, dans un article paru le 14 août 2010, a fait observer que les membres du personnel de la PPCA allaient être transférés à l'INDECOM, sans changement aux conditions de leurs contrats de travail.
Un rapport publié par l'INDECOM en date de janvier 2014 signale que cet organisme compte trois bureaux, respectivement situés à St. James, Mandeville et Kingston, et avait 1 900 enquêtes en cours au 14 janvier 2014 (Jamaïque 14 janv. 2014). Ce rapport explique que les allégations sont classées en 23 catégories, dont la mort d'homme sans égard pour les circonstances, l'abus de pouvoir, la faute professionnelle, l'agression, la corruption, le viol, le détournement de biens et les menaces (ibid.). Le rapport de mars 2013 publié par l'INDECOM et intitulé Safeguarding the Right to Life: Issues from Investigations of Jamaica's Security Forces in 2012répartissait les allégations formulées de 2009 à 2012 entre les catégories suivantes : fusillade mortelle, agression, arrestation illégale, enlèvement, détention et détention de durée excessive, harcèlement, menaces, conduite indigne d'un policier, saisie de documents relatifs à une voiture, refus d'intervenir, faute professionnelle, manquement au devoir, destruction de biens et fraude (ibid. 29 mars 2013, registre du rapport de l'INDECOM). Sur les enquêtes en cours au 14 janvier 2013, 60 p. 100 étaient classées dans les catégories des fusillades mortelles, des agressions et des blessures par balle (ibid. 14 janv. 2014).
4. La compétence et les procédures de l'INDECOM
L'article 10 de la loi sur l'INDECOM dispose ce qui suit :
[traduction]
- [P]eut porter plainte devant la Commission quiconque attribue à un membre des forces de sécurité ou à tout fonctionnaire visé à la présente loi :
- des actes qui ont entraîné, avaient en vue ou risquaient d'entraîner la mort de toute personne ou des lésions corporelles sur toute personne;
- une agression sexuelle;
- des violences ou voies de fait (y compris des menaces de préjudice ou de représailles, ou d'autres d'actes d'intimidation);
- des dommages matériels, ou le vol d'argent ou d'autres biens;
- des actes qui violent selon la Commission les droits d'un citoyen, même s'ils ne sont pas prévus aux alinéas a) à d).
- Les plaintes peuvent être portées en la forme réglementaire à l'administration centrale de la Commission ou à l'un de ses bureaux régionaux.
- Au reçu d'une plainte formée suivant le paragraphe (1), le directeur des plaintes :
- la consigne en la forme réglementaire et remet au plaignant une copie du procès-verbal ainsi établi, portant la signature du réceptionnaire de la plainte;
- ordonne que soit ouverte sans délai une enquête sur la plainte;
- transmet sans délai une copie de la plainte au directeur des poursuites pénales dans le cas où la Commission estime que les actes qui en font l'objet constituent un délit.
- Sous réserve de l'alinéa 40(1)b) et du paragraphe (5), la Commission ne donne suite qu'aux plaintes formées dans un délai de douze mois à compter du jour où le plaignant a eu connaissance des actes dont il se plaint (ci-après désigné « délai de prescription »).
- La Commission peut à son gré donner suite aux plaintes formées hors du délai de prescription si elle estime que les circonstances le justifient (Jamaïque 2010, art. 10).
La loi sur l'INDECOM fait en outre obligation à la Commission d'établir un rapport, spécifiant notamment les mesures recommandées, à la suite de l'enquête sur une plainte, ainsi que de communiquer copie de ce rapport au plaignant, au policier ou au fonctionnaire visé par la plainte, et à d'autres instances de maintien de l'ordre et autorités publiques (ibid., paragr. 17(9-10)). Pour obtenir de plus amples renseignements concernant la loi sur l'INDECOM, veuillez consulter l'annexe.
Selon un article du 7 décembre 2014 publié par l'Associated Press (AP), les tribunaux ont statué en 2013 que l'INDECOM est compétente pour arrêter et accuser des agents de police (AP 7 déc. 2014). Cet article rappelle que ces fonctions relevaient auparavant d'un service interne à la police et du ministère public (ibid.).
Les personnes qui souhaitent signaler un incident, ou déposer une plainte contre un membre des forces de sécurité, un agent correctionnel ou un agent de l'ordre public, peuvent trouver sur le site Web de l'INDECOM une ligne de dénonciation, un numéro de téléphone, une adresse électronique et une adresse où se présenter en personne (Jamaïque s.d.).
5. L'efficacité des mécanismes de plaintes contre la police
Dans le rapport qu'elle a publié en mars 2013 sur ses activités de 2012, l'INDECOM expliquait que ses enquêtes sur les fusillades policières étaient gênées par le fait qu'elle s'en remettait à la JCF pour des [traduction] « parties importantes » de ses enquêtes, et que cette dernière se montrait lente à réagir, peu coopérative et encline à « encourager la collusion » parmi ses agents (ibid. 29 mars 2013, iii, 7). Ce rapport de l'INDECOM reprochait à la JCF ses pratiques permettant aux agents impliqués dans un homicide de reprendre le service quelques jours après le fait, avant l'achèvement de l'enquête (ibid., 7). On trouve l'observation suivante dans les Country Reports 2013 :
[traduction]
[L]e gouvernement a pris des mesures pour enquêter sur les abus policiers et punir les membres des forces de sécurité qui s'en rendent coupables, mais dans bien des cas le manque de témoins et l'insuffisance de matériel criminalistique ont empêché les arrestations et les poursuites, ce qui a créé une apparence d'impunité pour les policiers qui commettent des crimes (É.-U. 27 févr. 2014, 1).
En outre, un article publié le 19 mai 2013 dans le Gleaner cite le directeur des plaintes, qui a fait les remarques suivantes :
- Il y a encore des agents de police qui omettent de donner leur déclaration dans le délai réglementaire de dix heures suivant l'incident.
- [Traduction] « [L]a police n'exige pas que ses membres ayant participé à une opération soient séparés avant de faire leur première déclaration aux enquêteurs », leur donnant ainsi le temps de « se concerter », ce que le Gleaner décrit comme une « préoccupation souvent exprimée » par l'INDECOM.
- Les policiers ne sont pas tenus de rester sur les lieux après l'incident, ce qui est [traduction] « encore un obstacle » à l'enquête, étant donné que les enquêteurs de l'INDECOM veulent recueillir les déclarations sans délai.
Le Gleaner ajoutait que ces préoccupations de collusion avaient été signalées au Parlement, qui n'y avait pas encore donné suite en mai 2013, au moment de mettre sous presse (19 mai 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement additionnel sur la collusion entre policiers ou la réaction du Parlement à ce problème.
Le directeur des plaintes à l'INDECOM a aussi fait état de progrès dans ce même article du Gleaner daté du 19 mai 2013 (Gleaner 19 mai 2013) :
- Le [traduction] « programme de sensibilisation publique » de l'INDECOM, dans le cadre duquel des fonctionnaires de cette dernière s'adressent à divers services et groupes de police à l'échelle du pays pour les informer sur la loi et leurs responsabilités en cas d'incident, s'est avéré une franche réussite (ibid.).
- [Traduction] « [D]ans certains cas, nous [c'est-à-dire les agents de l'INDECOM] sommes invités (sur le lieu du crime) longtemps avant le moment où nous prenons contact » (ibid.).
- Les agents de police sont devenus plus coopératifs, de sorte que les enquêtes de l'INDECOM avancent plus vite et se rapprochent [traduction] « du délai d'exécution de 60 jours fixé comme objectif par le commissaire » (ibid.).
Un rapport en date du 14 janvier 2014 publié par l'INDECOM dénombrait 210 [traduction] « incidents mortels liés aux forces de sécurité » en 2011, et 219 en 2012 (Jamaïque 14 janv. 2014). Ce même rapport précise aussi que 258 civils [traduction] « ont perdu la vie dans des incidents impliquant les forces de sécurité » à la Jamaïque en 2013, soit une augmentation de 17,8 p. 100 par rapport à l'année précédente (ibid.).
Amnesty International (AI) signale que [traduction] « les plus de 2 220 fusillades policières mortelles enregistrées de 2000 à 2010 n'ont donné lieu qu'à la déclaration de culpabilité de deux agents » (24 juill. 2014). D'après l'AP, il y a eu plus de 2 000 fusillades policières mortelles de 2004 à 2014, mais peu d'entre elles ont été portées devant les tribunaux, et [traduction] « seulement quelques-unes » ont entraîné des déclarations de culpabilité (7 déc. 2014).
Dans un rapport daté du 11 novembre 2014, l'INDECOM recensait 103 incidents mortels liés aux forces de sécurité pour les 10 premiers mois de 2014, soit une diminution de 53,18 p. 100 par rapport à la même période de 2013 (Jamaïque 11 nov. 2014; Gleaner 14 nov. 2014). En décembre 2014, l'AP a signalé une [traduction] « diminution considérable du nombre de morts d'homme attribuables à des policiers dans l'ensemble de la Jamaïque » à la suite de la mise en accusation de 11 agents de police à Clarendon (AP 7 déc. 2014). Dans ce même article, l'AP cite le militant d'AI responsable des Caraïbes, qui a dit [traduction] « "[qu']un message clair comme quoi toutes les morts causées par des policiers font l'objet d'enquêtes rigoureuses est envoyé" » (ibid.).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un avocat qui travaille pour l'organisation Jamaicans for Justice (JFJ), [traduction] « groupe de défense des droits de la personne sans but lucratif, non partisan et non violent qui plaide pour la bonne gouvernance, ainsi que pour l'accroissement de la responsabilisation et de la transparence de l'État » (JFJ s.d.), a expliqué que les mécanismes de plaintes contre la police à la Jamaïque comprennent l'INDECOM, la JCF, le défenseur public (Public Defender), les Bureaux du commissaire de police (Commissioner of Police Offices) et le Bureau général d'inspection de la police (ibid. 9 févr. 2015). Selon l'avocat, ces mécanismes sont [traduction] « très peu efficaces » et « déçoivent souvent les plaignants, qui abandonnent leurs plaintes » (ibid.). Il a ajouté que la situation s'est [traduction] « quelque peu » améliorée depuis la création de l'INDECOM, mais que cette dernière est amenée, du fait des moyens limités dont elle dispose, à concentrer ses efforts principalement sur les fusillades policières mortelles (ibid.). Il a affirmé que les fusillades mortelles exigent [traduction] « des années » d'enquête, et qu'il faut « même plus de temps » pour obtenir une décision judiciaire (ibid.). Il a expliqué que de nombreux autres cas d'inconduite policière relevant de l'INDECOM passent ainsi [traduction] « inaperçus » (ibid.).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Amnesty International (AI). 24 juillet 2014. « Jamaica Must Act with Full Transparency on Allegations of Human Rights Violations ». (AMR 38/003/2014) <http://www.amnesty.org/en/library/asset/AMR38/003/2014/en/8319c06e-f581-4a9c-9879-ae18bed9557f/amr380032014en.html> [Date de consultation : 20 janv. 2015]
Associated Press (AP). 7 décembre 2014. David McFadden. « Jamaica Sees Success in Curbing Killings by Police ». (Factiva)
États-Unis (É.-U.). 27 février 2014. Department of State. « Jamaica ». Country Reports on Human Rights Practices for 2013. <http://www.state.gov/documents/organization/220666.pdf> [Date de consultation : 30 janv. 2015]
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Jamaicans for Justice (JFJ). 9 février 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un avocat.
_____. S.d. « Overview ». <http://jamaicansforjustice.org/whoweare/overview/> [Date de consultation : 9 févr. 2015]
Autres sources consultées
Sources orales : Un représentant de l'INDECOM n'a pas pu fournir de renseignements dans les délais voulus.
Sites Internet, y compris : Caribbean Daily News; ecoi.net; Freedom House; Human Rights Initiative; Human Rights Watch; Jamaïque – Jamaica Constabulary Force; Jamaica Observer; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés, Programme pour le développement, RefWorld; Organisation des États américains – Commission interaméricaine des droits de l'homme.
Document annexé
Jamaïque. 2010. The Independent Commission of Investigations Act, 2010. <http://www.japarliament.gov.jm/attachments/341_The%20Independent%20Commission%20of%20Investigation%20Act,%202010,.pdf>