Turquie : information sur le service militaire, tant obligatoire que volontaire, y compris les exigences, la durée, les solutions de rechange et les dispenses; conséquences de l'insoumission et de l'objection de conscience (2011-mai 2014)
1. Aperçu du service militaire obligatoire
Des sources signalent que tous les citoyens de sexe masculin doivent accomplir le service militaire obligatoire en Turquie (Forum 18 1er mai 2012; IFOR sept. 2012; AFP 21 oct. 2013). Citant des renseignements reçus du Département du recrutement du ministère de la Défense en juin 2011, Enfants Soldats International, organisme de défense des droits de la personne établi au Royaume-Uni, souligne que les conscrits militaires doivent s'enrôler à l'âge de 20 ans et commencer leur service militaire à 21 ans (Enfants Soldats International 2012, 159). Selon deux médias turcs, la fourchette d'âge pour le service militaire obligatoire est de plus de 20 ans jusqu'à 38 ans (Cihan 22 oct. 2013; Today's Zaman 25 oct. 2013). D'après Forum 18, une ONG de Norvège qui promeut la liberté de religion et de conscience (Forum 18 s.d.), les hommes âgés de 20 ans à 41 ans sont tenus d'accomplir leur service militaire (Forum 18 1er mai 2012). Dans une déclaration faite au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'International Fellowship of Reconciliation (IFOR), un réseau d'organisations présent dans plus de 50 pays qui a pour objectif de régler des conflits de façon pacifique et d'établir des solutions de rechange à la violence (IFOR 21 mai 2014), signale que le service militaire obligatoire en Turquie commence à 19 ans (IFOR sept. 2012). L'IFOR déclare également que, bien qu'il soit parfois indiqué que la [traduction] « limite d'âge supérieure » est de 41 ans, dans la pratique, il n'y a pas de limite d'âge auquel un homme peut être appelé à faire son service militaire (IFOR sept. 2012).
D'après des médias, le 1er janvier 2014, la durée du service militaire obligatoire est passée de 15 mois à 12 mois (ANSA 2 janv. 2014; Today's Zaman 25 oct. 2013; AFP 21 oct. 2013).
Selon certaines sources, les diplômés universitaires qui ont suivi un programme d'études de quatre ans peuvent servir pendant six mois en tant que simples soldats ou pendant 12 mois en tant que sous-lieutenants (Cihan 22 oct. 2013; Today's Zaman 25 oct. 2013). Les changements apportés au service militaire obligatoire le 1er janvier 2014 n'auraient eu aucune incidence sur les exigences visant les diplômés universitaires (Cihan 22 oct. 2013; Today's Zaman 25 oct. 2013).
Des sources signalent que des hommes inscrits dans des programmes d'enseignement supérieur sont autorisés à reporter leur service militaire jusqu'à ce qu'ils reçoivent leur diplôme (Today's Zaman 25 oct. 2013; Turquie 3 juin 2013, 17). Dans une déclaration faite à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les autorités turques expliquent que les étudiants inscrits dans des programmes d'enseignement supérieur, notamment des programmes universitaires, de maîtrise en droit ou de doctorat, peuvent terminer leurs études, pourvu qu'ils conservent leur statut d'étudiant et qu'ne soient pas âgés de plus de 35 ans (Turquie 3 juin 2013, 11).
On peut lire dans le Hurriyet Daily News que le droit turc autorise également les citoyens turcs qui ont vécu à l'étranger pendant au moins trois ans à accomplir leur service militaire en 21 jours, soit l'entraînement militaire de base (26 avr. 2012).
L'Agence France-Presse (AFP) signale que, sur les 750 000 personnes faisant partie de l'armée turque, environ 500 000 sont des conscrits militaires (21 oct. 2013). Par contre, l'Agence de presse Cihan, un média turc, affirme que le nombre total de membres du personnel militaire dans les forces armées est de 439 421, soit 315 390 conscrits et 124 031 professionnels (généraux, officiers, sous-officiers, sous-officiers contractuels et caporaux) (8 oct. 2013).
1.1 Traitement réservé aux conscrits
On peut lire dans le 2013 Progress Report sur la Turquie de la Commission européenne que des conscrits avaient subi de [traduction] « mauvais traitements » et que le gouvernement devait déployer des efforts pour remédier à la situation (UE 2013, 50). La Commission européenne signale également que le Comité d'enquête en matière de droits de la personne (Human Rights Inquiry Committee) du Parlement a ouvert un [traduction] « dossier de suivi » des violations des droits de la personne pendant le service militaire (UE 2013, 50). Asker Haklari (The Rights of Conscripts Initiative), une organisation qui vise à prévenir les mauvais traitements et les abus commis à l'endroit des conscrits et qui a créé un site Internet pour le signalement des abus commis à l'égard des conscrits, dit avoir reçu 432 plaintes d'avril 2011 à avril 2012, dont les suivantes :
- 48 p. 100 des personnes ont dit avoir fait l'objet d'insultes;
- 39 p. 100 ont dit avoir été battus;
- 16 p. 100 ont dit avoir été contraints de participer à des activités physiques excessives;
- 15 p. 100 ont dit s'être vu refuser des soins de santé adéquats;
- 13 p. 100 ont dit avoir fait l'objet de menaces;
- 9 p. 100 ont dit avoir fait l'objet de sanctions exagérées;
- 5 p. 100 ont dit avoir été contraints de faire des courses pour des superviseurs;
- 4 p. 100 ont dit avoir été privés de sommeil;
- 4 p. 100 ont dit avoir fait l'objet d'intimidation institutionnalisée (Asker Haklari [2012], partie II).
Certaines sources font état d'un nombre élevé de suicides parmi les conscrits militaires (Asker Haklari [2012], partie IV; Hurriyet Daily News 3 déc. 2012). Selon le chef du Comité d'enquête en matière de droits de la personne du Parlement, 175 soldats se sont suicidés de juin 2010 à décembre 2012 (ibid.). Asker Haklari fait état d'un cas où un conscrit a été battu à mort et d'un autre où le conscrit est devenu handicapé après avoir été sévèrement battu ([2012], partie IV).
2. Solutions de rechange au service militaire
Plusieurs sources signalent qu'il n'existe aucune solution de rechange civile au service militaire (AI 18 juill. 2013; professeur 20 mai 2014; VR-DER 20 mai 2014). En outre, l'IFOR souligne qu'il n'y a aucune possibilité de service militaire sans port d'arme (IFOR sept. 2012).
On peut lire dans Today's Zaman, un quotidien turc imprimé et électronique (Today's Zaman s.d.), que les autorités turques ont adopté, le 30 novembre 2011, une loi qui permet aux citoyens nés avant 1983 de payer 30 000 livres turques [environ 16 000 $ CAN (XE 3 juin 2014)] [traduction] « dans un délai de six mois » afin d'être entièrement dispensés du service militaire obligatoire (ibid. 30 nov. 2011). Selon le Hurriyet Daily News, qui mentionne la même solution de rechange au service militaire bien qu'il fasse état d'un délai de paiement différent, soit du 15 décembre 2011 au 15 juin 2012, environ 22 500 candidats sur les 460 000 estimés avaient présenté une demande avant la fin du quatrième mois pour payer la somme prévue en vue d'obtenir la dispense (Hurriyet Daily News 26 avr. 2012). D'après la même source, les autorités turques ont déjà prévu à d'autres occasions le paiement de sommes pour obtenir une dispense du service militaire, mais peu de personnes y ont participé (ibid.).
2.1 Exceptions au service militaire
On peut lire dans le rapport soumis à l'OSCE par les autorités turques qu'il existe des exceptions au service militaire obligatoire, notamment :
- les personnes inaptes, mentalement ou physiquement, au service militaire;
- les frères de personnes décédées au cours de leur service militaire; les frères et les fils de personnes décédées en raison d'actes terroristes commis alors qu'elles faisaient leur service militaire;
- les citoyens turcs qui ont immigré d'autres pays et qui ont déjà servi dans l'armée de leur pays d'origine (Turquie 3 juin 2013, 11).
Les articles 10 et 35 de la loi no 1111 de 1927, soit la loi sur le service militaire, qui comprennent des renseignements sur la conscription miliaire et les dispenses à la conscription, ont été communiqués à la Direction des recherches par un représentant de l'ambassade du Canada à Ankara et sont joints à la présente réponse.
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur adjoint de relations internationales de l'Université Bilkent, à Ankara, qui est spécialiste de la sécurité à la frontière et de la circulation transfrontalière a souligné qu'il y a très peu d'exceptions au service militaire obligatoire et que celles-ci ont trait à des restrictions liées à la taille et au poids ainsi qu'à certaines restrictions liées à l'état de santé (professeur 20 mai 2014). Il a affirmé que, dans des cas de restrictions liées à l'état de santé, le conscrit est envoyé à l'hôpital militaire aux fins d'évaluation par une équipe de médecins et qu'il est évalué régulièrement pendant deux à trois ans avant d'être libéré du service militaire (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ce qui vient d'être dit.
La BBC signale que des homosexuels sont parfois dispensés du service militaire, mais qu'il n'y a aucune procédure pour déterminer si une personne peut être dispensée en raison de son orientation sexuelle, et que les personnes cherchant à obtenir une dispense doivent souvent soumettre des photographies explicites comme preuve de leur orientation sexuelle (BBC 25 mars 2012). La même source précise que les hôpitaux militaires en Turquie caractérisent l'homosexualité comme une [traduction] « maladie » psychologique (ibid.).
3. Processus de conscription
Les renseignements suivants ont été communiqués à la Direction des recherches par un représentant de l'ambassade de Turquie à Ottawa en 2003, et l'ambassade de Turquie a confirmé que ces renseignements étaient toujours exacts en 2006, en 2010 et au 21 mai 2014:
[traduction]
Les citoyens turcs de sexe masculin sont tenus de se présenter aux différents bureaux responsables de la conscription entre le 1er juillet et le 31 octobre de l'année de leurs 20 ans. À ce moment, « l'inspection définitive des recrues militaires » est amorcée pour que les conscrits puissent s'inscrire eux-mêmes au service militaire. Les conscrits qui ne sont pas prêts pour le service militaire doivent présenter des documents en expliquant les raisons (être aux études, avoir des problèmes de santé, être en détention, etc.). Si ces personnes omettent de se présenter à leur bureau militaire, elles deviennent des yoklama kaçagi (conscrits réfractaires avant enregistrement) le 1er novembre de cette année-là.
Les conscrits qui remplissent le formulaire d'inscription des recrues militaires entrent dans l'armée au cours de l'année où ils atteignent l'âge de 21 ans. Ceux qui ne répondent pas à l'appel de leur bureau militaire ou ceux qui omettent de se présenter à l'unité ou au centre d'entraînement correspondant après avoir rempli leur formulaire d'inscription deviennent bakaya (conscrits réfractaires après enregistrement).
Une fois que le gouvernement a pris connaissance de l'identité des gens qui sont devenus yoklama kaçagi ou bakaya, les autorités administratives (les bureaux des gouverneurs) envoient le nom et l'adresse de ces derniers aux autorités responsables de la sécurité (policiers ou gendarmes). Ces autorités ont ensuite l'autorisation de commencer à rechercher ces personnes. En même temps, les bureaux militaires des personnes en question envoient une lettre officielle à leur adresse, lettre dans laquelle il est indiqué qu'elles sont devenues des yoklama kaçagi ou bakaya et qu'elles doivent s'inscrire à leur bureau militaire afin de terminer les procédures pertinentes (Turquie 21 mai 2014).
Le professeur a fourni les renseignements suivants au sujet du processus de conscription militaire et des mesures prises par le gouvernement :
[traduction]
Les bureaux responsables des affaires relatives à la conscription (Asker Alma Subesi) sont des bureaux militaires qu'on retrouve dans chaque district. Chaque citoyen turc de sexe masculin est automatiquement inscrit dans ces bureaux dès sa naissance. Une fois que le citoyen de sexe masculin atteint l'âge de 18 ans, il se voit offrir deux options, soit qu'il s'inscrive dans un programme d'études supérieures et reporte son service militaire (l'établissement d'enseignement envoie une lettre confirmant l'inscription et le bureau militaire reporte la date du service militaire), soit qu'il parte faire son service militaire. Des conditions sont prévues pour la conscription, et, si votre délai est arrivé à son terme, vous recevez un avis vous informant que vous serez appelé à faire votre service militaire.
Une fois que le conscrit est appelé à faire son service, s'il ne se présente pas, le bureau militaire responsable de la conscription envoie une lettre à la police. Lorsque celle-ci verse la lettre dans le système, la personne y est signalée en tant que conscrit réfractaire. La police se rend ensuite à l'adresse du conscrit réfractaire afin de vérifier où il se trouve. Comme les renseignements sur le conscrit réfractaire figureraient dans la base de données de la police, dans l'éventualité d'un contrôle policier (de tels contrôles sont effectués régulièrement en Turquie), le conscrit se présentant à un point de contrôle serait détenu, puis il serait envoyé au bureau militaire responsable de la conscription et, enfin, au poste où il devrait effectuer son service militaire (professeur 20 mai 2014).
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l'Association relative à l'objection de conscience (Vicdani Ret Dernegi - VR-DER), une organisation d'Istanbul qui a été créée en mai 2013 et qui promeut les droits des personnes qui rejettent le service militaire obligatoire, a déclaré que, dans les cas d'insoumission, le ministère de la Défense nationale délivre un mandat d'arrestation contre la personne qui se soustrait à la conscription, mais qu'il n'envoie pas d'avis à l'intéressé (VR-DER 20 mai 2014). Les renseignements contenus dans le mandat sont versés dans la base de données pour la collecte de renseignements généraux (Genel Bilgi Toplama - GBT) [également intitulé Système de collecte de renseignements généraux (Genel Bilgi Toplama Sistemi - GBTS) (IFOR janv. 2014)], et la police ou la gendarmerie peut procéder à l'arrestation de l'intéressé (ibid.).
Selon l'IFOR, de récents progrès technologiques ont permis d'identifier des personnes s'étant soustraites à la conscription (IFOR janv. 2014). Le code à barres contenu dans les pièces d'identité et les passeports récents est lié aux renseignements sur l'intéressé versés au GBTS, ce qui comprend le statut militaire ainsi que d'autres renseignements comme les déclarations de culpabilité, les mandats d'arrestation et les impôts impayés (ibid.). Les policiers et les agents frontaliers peuvent consulter ces renseignements au moyen d'un appareil portatif et peuvent détenir l'intéressé si celui-ci est en situation de manquement (ibid.).
4. Capacité de voyager à l'étranger
D'après un représentant de l'ambassade de Turquie, ni les yoklama kaçagi ni les bakaya ne sont autorisés à voyager à l'étranger jusqu'à ce qu'ils [traduction] « régularisent leur situation » (Turquie 21 mai 2014).
Le professeur a expliqué que la Turquie dispose de mesures de contrôle des sorties à la frontière, et l'identité de l'intéressé fait l'objet d'une vérification dans la base de données PolNET, qui recherche certains marqueurs, dont le statut relatif à la conscription (professeur 20 mai 2014). Si le rapport sur l'insoumission de l'intéressé est versé au système, l'intéressé ne pourra pas voyager à l'étranger (ibid.). Le professeur a toutefois souligné que, comme il s'écoule souvent un certain temps avant que le statut ne soit versé au système, l'intéressé pourrait ainsi être en mesure de quitter le pays (ibid.).
5. Insoumission
5.1 Objection de conscience
Plusieurs sources signalent que la Turquie ne reconnaît pas le droit à l'objection de conscience au service militaire (AI 18 juill. 2013; Today's Zaman 18 déc. 2011; Turquie 3 juin 2013, 10). Certaines sources affirment qu'il n'y a pas de données officielles sur le nombre d'objecteurs de conscience (IRG 13 déc. 2012; VR-DER 20 mai 2014), de conscrits réfractaires ou de déserteurs (ibid.). Dans un communiqué de presse diffusé en 2012 sur les objecteurs de conscience en Turquie, l'Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG), organisation de Londres qui prône le recours à des mesures non violentes pour lutter contre les causes de la guerre (IRG s.d.), a déclaré avoir été informée que 130 personnes au pays disaient être des objecteurs de conscience (IRG 13 déc. 2012).
Selon Today's Zaman, aux termes de l'article 45 du code pénal militaire de la Turquie, [traduction] « [t]ous doivent faire leur service militaire, et les sanctions ne peuvent être révoquées pour des motifs d'ordre religieux ou moral » (18 déc. 2011).
Certaines sources signalent que le fait de manifester son appui à l'idée de l'objection de conscience peut donner lieu à des poursuites en application de l'article 318 du code pénal (IRG 13 déc. 2012; IFOR sept. 2012), qui prévoit des peines pour l'infraction consistant en [traduction] « l'aliénation envers les forces armées » (ibid.). D'après l'IFOR, des personnes ont fait l'objet de poursuites en application de l'article 318 pour avoir porté des bannières indiquant que [traduction] « Chaque Turc naît bébé », parce que le slogan aurait été perçu comme ridiculisant le slogan [traduction] « Chaque Turc naît soldat » (ibid. janv. 2014). Amnesty International (AI) signale qu'en 2013, un objecteur de conscience ayant enregistré le site Internet www.savaskarsitlari.org a été accusé au titre de l'article 318, mais qu'il a été acquitté (AI 12 déc. 2013).
5.2 Conséquences de l'insoumission
D'après la loi turque sur le service militaire (avec corroboration par des représentants tant de l'ambassade de Turquie à Ottawa que de l'ambassade du Canada à Ankara), l'article 63 de la loi sur les conscrits absents, les conscrits réfractaires, les personnes non inscrites [au service militaire] et les déserteurs prévoit les peines suivantes en temps de paix :
[traduction]
Un mois d'emprisonnement pour ceux qui se présentent aux autorités dans un délai de sept jours;
Trois mois d'emprisonnement pour ceux qui sont arrêtés dans un délai de sept jours;
De 3 à 12 mois d'emprisonnement pour ceux qui se présentent aux autorités dans un délai de 3 mois;
De 4 à 18 mois d'emprisonnement pour ceux qui sont arrêtés dans un délai de 3 mois;
De 4 à 24 mois d'emprisonnement pour ceux qui se présentent aux autorités après un délai de 3 mois;
De 6 à 36 mois d'emprisonnement pour ceux qui sont arrêtés après un délai de 3 mois (Turquie 21 mai 2014; Canada 26 mai 2014).
Certaines sources confirment que cette loi a toujours cours (VR-DER 20 mai 2014; Turquie 21 mai 2014; Canada 26 mai 2014). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le représentant de l'ambassade du Canada à Ankara a déclaré que cette loi prévoit également une peine maximale de dix ans d'emprisonnement dans le cas de circonstances aggravantes, notamment lorsqu'il s'agit de blessures auto-infligées ou du recours à de faux documents (Canada 26 mai 2014). Le représentant a fourni à la Direction des recherches une traduction, jointe à la présente réponse, des articles 63 à 81 de la loi sur le service militaire, qui comprennent les peines prévues pour diverses infractions liées à l'insoumission et à la désertion.
Selon le représentant de VR-DER, l'article 63 peut être appliqué à de multiples reprises; une cause différente est créée chaque fois que le conscrit réfractaire refuse de faire son service militaire (VR-DER 20 mai 2014).
L'IFOR signale que les déserteurs et les conscrits réfractaires peuvent également être accusés au titre des articles 87 ou 88 de la même loi pour avoir refusé de prêter le serment militaire, de porter un uniforme ou d'obéir à des ordres (IFOR sept. 2012).
Selon Amnesty International (AI), des objecteurs de conscience ont été poursuivis et ont été condamnés à des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans (AI 18 juill. 2013). Plusieurs sources soulignent qu'une fois libérés, les objecteurs de conscience sont souvent conscrits de nouveau, et le processus de détention se répète (ibid.; IFOR sept. 2012; VR-DER 20 mai 2014). AI donne l'exemple d'un objecteur de conscience qui a déserté en 2006, puis qui a fait l'objet d'une poursuite et qui a été condamné à dix mois d'emprisonnement; en 2009, il a de nouveau fait l'objet d'une poursuite et a été condamné à une peine d'emprisonnement après avoir refusé d'aller rejoindre son unité (AI 18 juill. 2013). Après avoir purgé sa deuxième peine, il a été appréhendé une troisième fois en juillet 2013 parce qu'il refusait toujours de faire son service militaire (ibid.). AI affirme que, selon son avocat, l'objecteur de conscience a fait l'objet de mauvais traitements pendant ses deux périodes d'emprisonnement à la prison militaire de Canakkale (ibid.). L'IFOR signale que [traduction] « [l]a plupart des objecteurs de conscience qui ont été détenus en Turquie ont fait état de mauvais traitements d'ordre physique » (IFOR sept. 2012).
AI fait aussi état d'un cas en 2014 où un objecteur de conscience qui avait terminé son service militaire obligatoire mais qui avait refusé de participer à des exercices militaires annuels dans le Nord de la Chypre en 2009, en 2010 et en 2011 a été emprisonné pendant dix jours pour [traduction] « "défaut de répondre à l'appel à la mobilisation" », accusation portée contre lui en 2009; il fait toujours l'objet d'accusations pour ses refus de 2010 et de 2011 (7 mars 2014).
On peut lire dans un rapport de janvier 2014 soumis par l'IFOR au Comité des droits de l'homme des Nations Unies que
[traduction]
[l]es procédures contre des objecteurs de conscience se poursuivent, et de nouvelles procédures ont été entamées. En première instance, la peine imposée est plus souvent une amende que la détention, mais la menace ultime de l'emprisonnement demeure lorsque tous les recours judiciaires ont été épuisés et que les appels à la conscription se poursuivent (IFOR janv. 2014).
D'après l'International Religious Freedom Report for 2012 du Département d'État des États-Unis, les personnes qui s'opposent au service militaire obligatoire [traduction] « doivent répondre à des accusations devant des tribunaux militaires et civils et sont passibles de peines d'emprisonnement » (É.-U. 20 mai 2013, 4). La même source donne l'exemple d'un objecteur de conscience qui avait été accusé à 13 reprises d'avoir « "désobéi à des ordres" » depuis 2007, mais qui a été acquitté par un tribunal militaire en février 2012 et qui a été libéré de prison, bien que le procureur ait interjeté appel de la décision (ibid., 6).
L'IFOR a signalé en janvier 2014 que la plupart des cas de conscrits réfractaires ont été entendus par des tribunaux civils plutôt que des tribunaux militaires (IFOR janv. 2014). L'IFOR souligne que la majorité des objecteurs de conscience ne donnent tout simplement pas suite à [traduction] « l'appel au service militaire » et qu'ils vivent « semi-clandestinement de façon à ne pas être identifiés et poursuivis en tant que "conscrits réfractaires" », alors que, dans « nombre de causes faisant partie de la jurisprudence, les objecteurs s'étaient en fait présentés pour faire leur service militaire, mais avaient ensuite exprimé leur objection » (ibid.). Dans certaines des causes d'objection de conscience, les intéressés étaient des témoins de Jéhovah (É.-U. 20 mai 2013, 6; CEDH 22 nov. 2011; Forum 18 1er mai 2012).
5.3 Causes portées devant la Cour européenne des droits de l'homme
En 2006, dans l'affaire Ulke c. Turquie, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a statué en faveur d'un objecteur de conscience turc qui avait été condamné huit fois à purger une peine d'emprisonnement pour avoir refusé de faire son service militaire (CEDH 24 avr. 2006, no 60) et elle a conclu que la Turquie avait enfreint la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH 24 avr. 2006). Le tribunal a conclu que les condamnations successives l'avaient placé [version officielle de la CEDH] « dans une situation d'humiliation ou d'avilissement » (ibid., no 59) et a mentionné que cela équivalait presque [version officielle de la CEDH] « même à la "mort civile", [ce qui est incompatible] avec un régime de répression dans une société démocratique » (ibid., no 62). Il a obtenu 11 000 euros en dommages, coûts et dépenses (ibid., no 74, 77). Certaines sources affirment que la Turquie n'a pas encore satisfait aux exigences prévues dans le jugement rendu en 2006 par la CEDH (Forum 18 1er mai 2012; AI 18 juill. 2013). Forum 18 signale que, dans des causes entendues en 2011 et 2012, la CEDH a réitéré les conclusions tirées dans l'affaire Ulke, c'est-à-dire que la situation des objecteurs de conscience équivaut à une [traduction] « "mort civile", [ce qui est incompatible] avec un régime de répression dans une société démocratique » (Forum 18 1er mai 2012). Dans Savda c. Turquie (CEDH 12 juin 2012) et Ercep c. Turquie (CEDH 22 nov. 2011), la CEDH a conclu que, outre les violations de l'article 9 de la Convention (liberté de pensée, de conscience et de religion), il y avait également eu violation de l'article 6 (droit à un procès équitable), parce que les défendeurs étaient des civils, mais qu'ils subissaient un procès devant une cour martiale. Dans l'affaire Savda c. Turquie en 2012, la Turquie a également été reconnue coupable d'avoir enfreint l'article 3 de la Convention (interdiction de traitements dégradants) (CEDH 12 juin 2012).
6. Service militaire volontaire
D'après Enfants Soldats International, le service militaire volontaire peut commencer à 18 ans, mais il n'est pas mis en œuvre dans les faits (2012, 159). Le représentant de l'ambassade du Canada à Ankara a également affirmé que les citoyens turcs peuvent se porter volontaires pour le service militaire dès l'âge de 18 ans (Canada 26 mai 2014). Dans leur déclaration à l'OSCE, les autorités turques précisent que les [traduction] « officiers de la Force régulière » et les sous-officiers, y compris les femmes officiers, sont des volontaires (Turquie 3 juin 2013, 17). La même source souligne que les femmes sous-officiers sont des diplômées universitaires travaillant sur une base contractuelle, alors que les [traduction] « officiers de la Force régulière » sont formés dans des académies militaires (ibid.).
Selon le représentant de VR-DER, le service militaire volontaire en Turquie est accompli en général par des professionnels rémunérés (VR-DER 20 mai 2014). La même source affirme que le gouvernement a lancé un programme relatif au service militaire fondé sur les salaires afin de recruter des volontaires pour participer à la guerre contre le Parti des travailleurs kurdes (Partiya Karkeren Kurdistan - PKK) (ibid.). Le représentant de VR-DER a signalé que ces volontaires ne pouvaient pas annuler leur entente et qu'ils seraient accusés d'insubordination et de désertion s'ils quittaient leur poste (ibid.). De même, le représentant de l'ambassade du Canada à Ankara a affirmé que les conditions de service pour les volontaires dans l'armée étaient les mêmes que pour le service militaire obligatoire (Canada 26 mai 2014).
Selon le représentant de VR-DER, les militaires professionnels formés dans des écoles militaires et occupant des postes de lieutenant, de chef, de commandant ou de général sont assujettis aux mêmes lois que les conscrits (ibid.). VR-DER a donné l'exemple d'un commandant ayant servi dans l'armée pendant 22 ans et qui a fait l'objet d'accusations au criminel après avoir été signalé dans la base de données GBT en tant que déserteur (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement au sujet du traitement réservé aux personnes qui servent volontairement dans l'armée turque.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Agence France-Presse (AFP). 21 octobre 2013. « Turkey Cuts Compulsory Military Service ». (Factiva)
Agenzia Nazionale Stampa Associata (ANSA). 2 janvier 2014. « Defense: Over 70,000 Soldiers Discharged in Turkey ». (Factiva)
Amnesty International (AI). 7 mars 2014. « Urgent Action: Activist Released but Still Facing Charges ». [Date de consultation : 13 mai 2014]
Amnesty International (AI). 12 décembre 2013. « Turkey: Human Rights Defender and Conscientious Objector Halil Savda Acquitted of "Alienating the Public from Military Service" ». [Date de consultation : 9 mai 2014]
Amnesty International (AI). 18 juillet 2013. « Urgent Action: Conscientious Objector Detained in Turkey ». [Date de consultation : 13 mai 2014]
Asker Haklari. [2012]. Executive Summary of the Report; Violations of the Rights of Conscripts in Turkey. [Date de consultation : 15 mai 2014]
BBC. Emre Azizlerli. 25 mars 2012. « Proving You're Gay to the Turkish Army ». [Date de consultation : 9 mai 2014]
Canada. 26 mai 2014. Ambassade du Canada à Ankara. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.
Cihan News Agency. 22 octobre 2013. « Compulsory Military Service Shortened to 12 Months as of Jan. 1 ». (Factiva)
Cihan News Agency. 8 octobre 2013. « What Will Be the Impact of Reduced Military Service? » (Factiva)
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). 12 juin 2012. « Press Release: Refusal to Grant Conscientious Objector Status Is Not Necessary in a Democratic Society ». [Date de consultation : 30 mai 2014]
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). 22 novembre 2011. « Press Release: The Absence of an Alternative to Military Service in Turkey Is in Breach of the Right to Conscientious Objection ». [Date de consultation : 30 mai 2014]
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). 24 avril 2006. Affaire Ulke c. Turquie. [Date de consultation : 26 mai 2014]
Enfants Soldats International. 2012. Louder than Words: An Agenda for Action to End State Use of Child Soldiers. [Date de consultation : 15 mai 2014]
États-Unis. 20 mai 2013. Department of State. « Turkey ». International Religious Freedom Report for 2012. [Date de consultation : 30 mai 2014]
Forum 18. 1er mai 2012. Mine Yildirim, Abo Akademi Uni. « Turkey: Selective Progress on Conscientious Objection ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
Forum 18. S.d. « About ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
Hurriyet Daily News. 3 décembre 2012. « Suspicious Deaths of Three Soldiers Raise Serious Concerns ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
Hurriyet Daily News. 26 avril 2012. « Few Opt for Paid Military Waiver in Turkey ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
International Fellowship of Reconciliation (IFOR). 21 mai 2014. Communication écrite envoyée par un représentant.
International Fellowship of Reconciliation (IFOR). Janvier 2014. Turkey: Follow-up Report on Paragraph 23 of the Concluding Observations. (Renseignements contenus dans une communication écrite du représentant de l'IFOR)
International Fellowship of Reconciliation (IFOR). Septembre 2012. Turkey (Military Service, Conscientious Objection and Related Issues). (Renseignements contenus dans une communication écrite du représentant de l'IFOR)
Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG). 13 décembre 2012. « The Current Situation Regarding Conscientious Objectors in Turkey ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG). S.d. « About War Resisters' International ». [Date de consultation : 3 juin 2014]
Professeur de Relations internationales, Bilkent University, Ankara. 20 mai 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Today's Zaman. 25 octobre 2013. « Turkey to Track Down Draft Dodgers ». (Factiva)
Today's Zaman. 18 décembre 2011. « Soldiers Torture Conscientious Objector in Prison ». [Date de consultation : 15 mai 2014]
Today's Zaman. 30 novembre 2011. « Parliament Approves Bill on Military Service Exemption ». [Date de consultation : 3 juin 2014]
Today's Zaman. S.d. « About us ». [Date de consultation : 3 juin 2014]
Turquie. 21 mai 2014. Ambassade de la République de Turquie à Ottawa. Entretien téléphonique avec un représentant.
Today's Zaman. 3 juin 2013. Permanent Mission of the Republic of Turkey to the Organization for Security and Cooperation in Europe. « Questionnaire on the Code of Conduct on Politco-Military Aspects of Security ». (Renseignements contenus dans une communication écrite d'un représentant de l'ambassade du Canada à Ankara)
Union européenne (UE). 16 octobre 2013. Commission européenne. Turkey 2013 Progress Report. [Date de consultation : 15 mai 2014]
Vicdani Ret Dernegi (VR-DER). 20 mai 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.
XE. 3 juin 2014. « Currency Converter ». [Date de consultation : 3 juin 2014]
Autres sources consultées
Sources orales : Les tentatives faites pour joindre Asker Haklari ont été infructueuses.
Sites Internet, y compris : Bianet; ecoi.net; Factiva; Human Rights Watch; Interpol; Nations Unies – Refworld; Turquie – ambassade à Washington, ministère de la Défense nationale; Union européenne – Commission européenne.
Documents annexés
Turquie. 1927. Turkey: Law No. 1111 of 1927, Military Law. (Renseignements contenus dans une communication écrite envoyée le 26 mai 2014 par un représentant de l'ambassade du Canada à Ankara)
Turquie. S.d. « Chapter Three--Absentee Conscripts, Draft Evaders, Persons Unregistered [for Military Service], and Deserters ». (Renseignements contenus dans une communication écrite envoyée le 26 mai 2014 par un représentant de l'ambassade du Canada à Ankara)