Afghanistan : information sur la situation des Hazaras et le traitement qui leur est réservé (juin 2010-juin 2011)
Représentant seulement 9 p. 100, ou environ 2,7 millions, des 29 835 392 habitants qui, selon les estimations, forment la population de l’Afghanistan (É.-U. 8 juill. 2011), les Hazaras constituent un groupe ethnique minoritaire (AFP 13 août 2010; MAR 31 déc. 2006). De plus, comme 80 p. 100 de la population afghane est composée de musulmans sunnites (É.-U. 8 juill. 2011), les Hazaras, qui sont en majorité des musulmans chiites (MRG s.d.; É.-U. 3 juin 2011, 7), forment également un groupe religieux minoritaire (MAR 31 déc. 2006).
Situation des Hazaras
Depuis la fin du régime taliban [traduction] « presque exclusivement composé de Pachtounes » (The Christian Science Monitor 24 nov. 2010), la situation des Hazaras en Afghanistan s’est améliorée (MAR 31 déc. 2006; LA Times 16 déc. 2010; É.-U. mai 2011, 215; professeur 12 mai 2011). De nombreux Hazaras qui ont trouvé refuge au Pakistan et en Iran se sont réinstallés à Kaboul après l’éviction des Talibans en 2001 (The New York Times 4 janv. 2010; LA Times 16 déc. 2010). D’après le Los Angeles Times, les [traduction] « nouvelles perspectives et occasions » auxquelles ont eu accès les Hazaras lors de leur séjour à l’étranger les ont aidés à [traduction] « s’adapter au pays désormais transformé [en leur apportant] de nouvelles aptitudes et valeurs » (16 déc. 2010).
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés signale que le gouvernement de l’Afghanistan a déployé des efforts [traduction] « importants [pour s’attaquer aux] tensions ethniques historiques » (Nations Unies 17 déc. 2010, 31). À titre d’exemple, les Nations Unies décrivent ce qu’elles voient comme une [traduction] « évolution positive » (ibid., 31 note 221) : les Hazaras peuvent désormais célébrer ouvertement les fêtes religieuses chiites (LA Times 16 déc. 2010; É.-U. mai 2011, 215), ce qui leur était interdit lorsque les talibans étaient au pouvoir (ibid. 14 sept. 2010, 24). De plus, un professeur d’anthropologie à l’Université Washington, qui a publié des ouvrages sur les Hazaras, a dit à la Direction des recherches dans une communication écrite que certains Hazaras [traduction] « entreprenants et instruits [occupent également] des postes de responsabilité au sein du gouvernement » (professeur 12 mai 2011). La commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (United States Commission on International Religious Freedom) explique par ailleurs que les Hazaras [traduction] « participent pleinement à la vie publique, notamment au Parlement et dans des postes supérieurs au sein du gouvernement de M. Karzaï » (É.-U. mai 2011, 218). Lors des élections de septembre 2010, par exemple, les Hazaras ont remporté 59 des 249 sièges à la chambre basse du Parlement (ibid.; LA Times 16 déc. 2010), soit près du [traduction] « double de la proportion actuelle qu’ils représentent au sein de la population » (The Christian Science Monitor 24 nov. 2010).
Toutefois, selon le Service de recherche du Congrès (Congressional Research Service) des États-Unis, le [traduction] « pouvoir politique accru [des Hazaras] a créé des tensions avec les Pachtounes » (É.-U. 5 mai 2011, 22). Lors des élections de septembre 2010, un [traduction] « nombre démesurément élevé de représentants hazaras [ont été] élus, en particulier comparativement aux Pachtounes, qui forment le plus important groupe ethnique en Afghanistan » (The Christian Science Monitor 24 nov. 2010). Le Service de recherche du Congrès signale que [traduction] « de nombreux [Pachtounes] en voudraient de plus en plus à la minorité chiite hazara » (É.-U. 5 mai 2011, 2). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur agrégé à l’Institut de hautes études de Genève a aussi affirmé [traduction] « [qu’] une forme de jalousie [...] est née à l’égard [des] Hazaras [...] depuis [qu’ils] occupent une meilleure position » sur le plan politique (professeur 16 mai 2011). Il a ajouté que cela fait en sorte que leur situation demeure [traduction] « fragile » (ibid.).
D’après le Service de recherche du Congrès, les Hazaras [traduction] « craignent [toujours] de subir de la répression de la part des Pachtounes et d’autres grands groupes ethniques » (É.-U. 3 juin 2011, 7). Une longue série de conflits avec les Pachtounes est à l’origine de l’opposition des Hazaras aux efforts qu’a déployés récemment le gouvernement du pays en vue de négocier un accord sur le partage du pouvoir avec les talibans (professeur 12 mai 2011). Les Hazaras, comme les Tadjiks et les Ouzbeks, considèrent ces efforts comme l’expression du [traduction] « désir qu’éprouve depuis longtemps [le président Hamid Karzaï] de rétablir la dominance des Pachtounes » au pays (The New York Times 26 juin 2010). Comme l’explique un correspondant de Radio Free Europe/Radio Liberty basé à Washington, les Hazaras [traduction] « ont très peur que les talibans réintègrent le gouvernement » (22 avr. 2011). Le New York Times affirme d’ailleurs que [traduction] « les gains continus des Hazaras [...] ne sont assurés que si les talibans ne reprennent jamais le pouvoir officiel » (4 janv. 2010).
Traitement réservé aux Hazaras
Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2010 publiés par le Département d’État des États-Unis, les Hazaras chiites continuent à vivre de la [traduction] « discrimination sociale [...] par rapport à leur classe, à leur race et à leur religion » (8 avr. 2011, 49). Contrairement aux Pachtounes qui peuvent traverser la frontière librement par exemple, les Hazaras doivent [traduction] « parfois [verser] des pots-de-vin supplémentaires » (É.-U. 8 avr. 2011, 49). Dans certaines régions, les Hazaras et d’autres chiites sont victimes d’extorsion d’argent [traduction] « au moyen d’impositions illégales [et font l’objet] de recrutement et de travaux forcés, d’agressions physiques et de détention » (ibid.). Freedom House signale aussi dans son rapport annuel que les musulmans chiites hazaras étaient l’un des trois groupes religieux qui a subi [traduction] « officiellement des obstacles et de la discrimination de la part des musulmans sunnites, qui forment la majorité » (3 mai 2010).
Plus précisément, diverses sources ont fait état d’une attaque mortelle en juin 2010 par les talibans contre un groupe d’homme hazaras de la province de l’Uruzgan (aussi appelée Oruzgan ou Uruguan) (The New York Times 25 juin 2010; Reuters 25 juin 2010; É.-U. mai 2011, 218). Selon le New York Times, les talibans ont tendu une embuscade à neuf hommes hazaras en Uruzgan, région peuplée majoritairement de Pachtounes, et les ont tué car ils soupçonnent les Hazaras de travailler pour les forces militaires internationales (25 juin 2010). Les policiers afghans qui ont parlé aux représentants du journal new-yorkais à l’époque étaient incapables de confirmer les allégations selon lesquelles les hommes avaient été décapités (The New York Times 25 juin 2010). Toutefois, Reuters, citant un agent de police supérieur, a signalé que les corps de 11 hommes hazaras décapités avaient été trouvés dans le district de Khas Uruzgan, dans la province de l’Uruzgan, au nord du [traduction] « bastion taliban » de Kandahar (25 juin 2010). Le policier a déclaré que ces exécutions [traduction] « portaient la signature des talibans », ajoutant que les hommes avaient été tués [traduction] « "parce qu’ils étaient des Hazaras et des musulmans chiites" » (Reuters 25 juin 2010).
Des médias internationaux, nationaux et locaux ont également fait état de conflits entre les Hazaras et les Kuchis (aussi appelés Kochis) (Pajhwok Afghan News 13 août 2010; AFP 13 août 2010; Daily Outlook Afghanistan 15 août 2010; Kabul Weekly 18 août 2010; Nations Unies 23 nov. 2010; EurasiaNet.org 23 nov. 2010). Les Hazaras et la communauté nomade des Kuchis pachtounes s’affrontent, habituellement avec violence, au sujet du droit de disposer de terres (Nations Unies 23 nov. 2010; EurasiaNet.org 23 nov. 2010). Les Kuchis [traduction] « accusent les Hazaras de nier, pour des motifs ethniques, leurs droits aux pâturages qu’ils possèdent depuis des siècles », alors que les Hazaras des provinces de Wardak et de Bamiyan [traduction] « accusent les éleveurs kuchis d’envahir leurs villages et de causer des dommages à leurs terres agricoles et à leurs propriétés » (Nations Unies 23 nov. 2010). En août 2010, la violence a éclaté dans un quartier de l’ouest de Kaboul en raison d’un conflit au sujet d’une terre réclamée par les Kuchis, mais utilisée comme cimetière par les Hazaras (EurasiaNet.org 23 nov. 2010; Daily Outlook Afghanistan 15 août 2010). Le nombre de personnes tuées au cours de l’incident varie, selon les sources, de deux (AFP 13 août 2010) à cinq personnes (Daily Outlook Afghanistan 15 août 2010).
Dans deux éditoriaux publiés par des journaux locaux, les auteurs déplorent la violence et se disent inquiets à propos du risque que les tensions ethniques s’intensifient davantage (ibid.; Kabul Weekly 18 août 2010). Alors que le Daily Outlook Afghanistan demande au gouvernement de [traduction] « prendre au sérieux le conflit entre les Kuchis et les Hazaras » (15 août 2010), le Kabul Weekly reproche au gouvernement d’entretenir les tensions ethniques et aux politiciens [traduction] « de faire mousser leurs intérêts personnels auprès des gens » (18 août 2010). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches au sujet du conflit entre les Hazaras et les Kuchis, un professeur et directeur du Collège de diplomatie Asie-Pacifique de l’Université nationale australienne affirme que
[traduction]
le fait de considérer la violence et les déplacements que vivent les Hazaras [...] comme une simple conséquence des conflits territoriaux entre les Hazaras sédentaires et les Pachtounes nomades (Kuchis) [...] découle d’une interprétation trop simplifiée de relations sociales complexes (professeur 20 mai 2011).
Ce professeur, qui a publié de nombreux ouvrages sur la politique afghane depuis plus de deux décennies, ajoute que
[traduction]
les tensions latentes sur des sujets comme les territoires font parfaitement l’affaire des groupes opposés qui tentent d’acquérir des appuis en apportant leur soutien à un parti ou à un autre, et tout porte à croire que les talibans contribuent à alimenter ces tensions […] [L]a position des Hazaras à titre de minorité non pachtoune essentiellement chiite fait d’eux une cible facile pour les talibans en grande majorité pachtounes qui cherchent à regagner l’appui des groupes pachtounes sunnites, comme les Kuchis (ibid.).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.
Références
Agence France-Presse (AFP). 13 août 2010. Sardar Ahmad. « Deadly Ethnic Clashes Erupt in Afghan Capital ». (Factiva)
The Christian Science Monitor [Boston]. 24 novembre 2010. Tom A. Peter et Ben Arnoldy. « Final Afghan Election Results Show Hazara Minority Trumped Dominant Pashtuns ». (Factiva)
Daily Outlook Afghanistan [Kaboul]. 15 août 2010. « Govt Must Get Serious with Kuchi-Hazara Dispute ». (Factiva)
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Professeur agrégé en études sur le développement et l’histoire et la politique internationales, Graduate Institute, Genève, Suisse. 16 mai 2011. Entretien téléphonique.
Professeur d’anthropologie, Washington University, St Louis. 12 mai 2011. Communication écrite.
Professeur et directeur, Asia-Pacific College of Diplomacy, Australian National University. 20 mai 2011. Communication écrite.
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Autres sources consultées
Sources orales : Les personnes suivantes n’ont pas été en mesure de fournir d’information : un professeur d’anthropologie à la Boston University, un professeur d’histoire à la University of California à Los Angeles et un professeur d’anthropologie et de sociologie au Williams College. Les tentatives faites pour joindre les personnes ou les organisations suivantes ont été infructueuses : un professeur d’histoire à la Stanford University, un agrégé de recherche du programme State Building and Human Rights in Afghanistan and Pakistan de la Harvard Kennedy School, un représentant de Minority Rights Group International, le directeur de recherche du projet Minorities at Risk du Center for International Development and Conflict Management de la University of Maryland, un professeur de sociologie à la Portland State University et un professeur agrégé d’histoire à la Stanford University.
Sites Internet, y compris : Afghan Daily, Afghan Network, Aljazeera, Amnesty International, British Broadcasting Corporation, Hazara.net, Hazara People, Human Rights Watch, Internal Displacement Monitoring Centre, International Crisis Group, Islamic Human Rights Commission, Nations Unies – ReliefWeb.