Dans de nombreuses demandes de constat de perte de l’asile, la principale question à trancher est celle de savoir si la personne protégée avait ou non l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité. Il s’agit souvent de savoir si la personne protégée a réfuté ou non la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays, présomption qui s’applique si la personne s’est procurée un passeport de son pays de nationalité. Elle est expliquée plus en détail ci-après.
12.5.3.2.3. Application de la présomption dans la jurisprudence
La question de savoir si une personne protégée a réfuté ou non la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays lorsqu’elle obtient un passeport de son pays de nationalité dépend des circonstances de chaque affaire. Les raisons pour lesquelles la personne a obtenu un passeport et la question de savoir si et comment elle l’a utilisé sont des facteurs pertinents.
Voici des exemples illustrant la façon dont la question de la présomption a été analysée dans la jurisprudence.
1) Exemples où la présomption n’a pas été réfutée
Dans la décision
MaqboolNote 44 , la Cour a conclu que la personne protégée avait forcément l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays en sollicitant un passeport auprès des autorités pakistanaises, car un titre de voyage canadien ne lui aurait pas permis de retourner dans son pays d’origine. La Cour a souligné que cette personne avait la possibilité de se prévaloir d’autres titres de voyage internationaux, tels que le Titre de voyage pour réfugiés, pour aller n’importe où dans le monde à partir du Canada, sauf au Pakistan.
Dans la décision
Maqbool, la Cour a également rejeté l’argument selon lequel l’alinéa 108(1)a) ne s’applique pas aux personnes qui ont obtenu une forme durable de protection, comme le statut de résident permanent du CanadaNote 45 .
Dans la décision
Abadi, la Cour a fait valoir que, lorsque la personne est retournée dans son pays de nationalité, la présomption est « particulièrement forte », et que « c’est seulement “dans certaines circonstances exceptionnelles” que le fait pour le réfugié de se rendre dans le pays de sa nationalité sous le couvert d’un passeport délivré par ce même pays n’entraînera pas la perte de son statut de réfugié; voir le Guide relatif aux réfugiés, au paragraphe 124Note 46 ». Dans cette affaire, le demandeur d’asile, un citoyen de l’Iran, est arrivé au Canada en 1996, à l’âge de 12 ans, et il a obtenu le statut de réfugié en 1999. Il est retourné en Iran au moyen d’un passeport iranien à deux reprises, soit pour assister à un mariage et pour rendre visite à son père âgé, et il y est demeuré environ trois mois au total. La Cour a confirmé qu’il était raisonnable pour la SPR d’avoir conclu qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection diplomatique de l’Iran en se procurant un passeport iranien et en l’utilisant pour s’y rendre, via d’autres pays, à deux reprises.
Dans la décision
AbadiNote 47 , la Cour a également rejeté l’argument selon lequel M. Shamsi, la personne protégée, croyait que, puisqu’il était résident permanent, il bénéficiait de la sécurité afférente à son statut de résident permanent du Canada. Le Cour a déclaré que le statut de résident permanent de la personne protégée peut être pertinent à l’égard de l’alinéa 108(1)d) (retourner s’établir dans le pays), mais qu’il n’en demeure pas moins que M. Shamsi s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays de nationalité en s’y rendant.
Dans la décision
LiNote 48 , la SPR avait accueilli une demande de constat de perte de l’asile visant un citoyen de la Chine qui avait obtenu le statut de réfugié en 1990. Depuis, il s’était rendu en Chine à 13 occasions et y avait fait de longs séjours, pour diverses raisons, notamment pour un mariage et pour affaires. La Cour a jugé raisonnable la décision de la SPR, et en particulier son raisonnement selon lequel le défaut de M. Li de présenter une demande de citoyenneté canadienne démontrait son intention de se réclamer à nouveau de la protection de la Chine plutôt que de celle du Canada. Elle a ajouté que la Commission avait raisonnablement rejeté son explication concernant son défaut de présenter une demande de citoyenneté, à savoir qu’il était trop occupé.
Dans la décision
NorouziNote 49 , la personne protégée était un citoyen de l’Iran. Celui-ci est arrivé au Canada en 2001 et a obtenu le statut de réfugié peu de temps après. De 2003 à 2007, il est retourné en Iran sept fois, pour une durée totale d’environ 18 mois. La SPR a accepté le fait que sa mère était malade, mais elle a conclu que l’état de santé de sa mère ne justifiait pas le nombre et la durée des voyages en Iran, d’autant plus qu’il y avait d’autres membres de la famille en Iran qui pouvaient prendre soin de sa mère. Par conséquent, la présomption n’a pas été réfutée. La Cour a confirmé la décision et a déclaré que la SPR avait dûment procédé à une analyse contextuelle.
Dans la décision
TungNote 50, la personne protégée était devenue résidente permanente en 2004 et avait présenté une demande de passeport chinois un mois plus tard. Elle a utilisé ce passeport pour se rendre en Chine à 12 reprises, pendant au moins un mois chaque fois. Elle a déclaré que le but de ses séjours était de s’occuper de sa mère qui était malade et d’aider son époux qui était incarcéré. La Cour fédérale a jugé raisonnable la décision de la SPR selon laquelle la personne protégée n’avait pas réfuté la présomption. Rien ne démontrait que sa présence en Chine était nécessaire, car d’autres membres de sa famille étaient là pour prendre soin de sa mère qui était malade et aider son époux, ce qu’ils ont d’ailleurs fait pendant qu’elle n’y était pas.
Dans un cas similaire,
JingNote 51, la Cour a jugé qu’il était raisonnable que la SPR conclue que la personne protégée n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle qu’il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays. Il a affirmé qu'il était revenu s'occuper de ses parents malades, mais le tribunal a noté que d'autres frères et soeurs étaient présents en Chine pour s'occuper d'eux. La Cour a également tenu compte de la durée de deux voyages sur trois en Chine (deux mois chacun) et du fait que la personne protégée s'était rendue dans d'autres pays en vacances avec son passeport chinois.
Dans l’affaire
SabuncuNote 52, les personnes protégées ont retourné plusieurs fois en Turquie pour recevoir des traitements de fertilité. Ils avaient reçu de tels traitements au Canada mais ont déclaré qu'ils ne pouvaient plus les payer. La SPR a fait droit à la demande de perte d’asile, estimant que, bien que leur désir de fonder une famille soit raisonnable et qu'ils aient le droit de poursuivre des traitements de fertilité à l'extérieur du Canada, contrairement à la situation d’un réfugié qui retourne dans son pays d’origine pour rendre visite à un parent mourant, des traitements de fertilité ne sont pas exclusifs à la Turquie. La SPR a conclu que le « coût et la langue ne justifient pas le risque de se réclamer de nouveau de la protection de l’État ». La Cour a conclu que la décision de la SPR était raisonnable.
Dans l'affaire
AbechkhrishviliNote 53, la Cour fédérale a distingué
Bashir parce que la personne protégée avait utilisé son passeport pour retourner dans son pays. La personne protégée a fait valoir que, la SPR ayant accepté qu'elle ait obtenu un passeport géorgien en pensant à tort qu'elle en avait besoin pour obtenir son statut de résident permanent, il n'était pas raisonnable de conclure qu'elle avait l'intention requise pour se réclamer à nouveau de la protection des autorités géorgiennes. La Cour a déclaré que « le problème que pose ce raisonnement est que la demanderesse a omis de faire la distinction entre le fait d'obtenir son passeport et le fait de l'utiliser pour retourner en Géorgie. Même si, à l'origine, son intention était d'obtenir son passeport en vue de présenter une demande de résidence permanente, la preuve démontre qu'elle a utilisé ce passeport pour se rendre en Géorgie à deux reprises.Note 54 »
Dans l’arrêt
OkojieNote 55, la personne protégée a fait valoir que la SPR n'avait pas tenu compte du fait que son agent de persécution était un acteur non étatique et que cela était un facteur pertinent à prendre en considération lors de l'examen de son intention. La Cour a rejeté cet argument, estimant que les
motifs de la SPR démontraient qu’elle savait que l'agent de persécution était un acteur non étatique. En se procurant des passeports nigérians et en retournant plusieurs fois au Nigéria, la demandeure a reconnu par ses actes qu’elle avait confiance en la capacité du gouvernement du Nigéria de la protéger. Autrement dit, à travers ses gestes, la demandeure a reconnu qu’elle bénéficiait désormais d’une protection de l’État adéquate contre les préjudices que pouvait lui faire subir un agent de persécution non étatique. Elle a démontré qu’elle n’était plus réticente à se réclamer de la protection de son pays de nationalité ou qu’elle n’était plus dans l’incapacité de le faire.
Dans l’arrêt
ChokheliNote 56, la Cour a conclu qu'il était raisonnable pour la SPR de conclure que la personne protégée n'avait pas réfuté la présomption parce qu'elle n'était pas contrainte par des circonstances exceptionnelles de retourner en Géorgie. Le défendeur a déclaré qu'il était revenu trois fois pour soigner son père malade. La SPR a conclu qu'il n'était pas obligé de retourner en Géorgie parce que sa sœur se trouvait en Géorgie et pouvait aider son père, et qu’il aurait pu lui fournir un soutien financier. Le facteur le plus important indiquant que le défendeur n'était pas obligé de rentrer, cependant, était le fait qu’il avait témoigné qu'il ne serait pas retourné en Géorgie si son agent de persécution n'avait pas été emprisonné.
Dans l’arrêt
Al-HabibNote 57, le défendeur [la personne protégée] a affirmé être retourné au Tchad pour soigner sa mère malade et l'aider à se faire soigner en Égypte. La Cour a conclu qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que la motivation principale du défendeur d’aller au Tchad n’était pas pour prendre soin de sa mère, et ce, pour les raisons suivantes : d’autres membres de sa famille pouvaient prendre soin d’elle ; il n’a pas gardé un profil bas pendant son séjour ; il n’a pas mentionné à l’Agence des services frontaliers du Canada être allé au Tchad pour aider sa mère, mais a plutôt affirmé y être allé pour visiter sa femme et son fils ; et le visa égyptien de sa mère indiquait qu’elle n’y est allée qu’en mai 2015 sans explication pour laquelle la personne protégée a voyagé au Tchad six mois avant, soit en décembre 2014.
2) Exemples de cas où la présomption a été réfutée et de cas où la décision de la SPR a été renvoyée pour un nouvel examen
Dans l’affaire
CamayoNote 58, la personne protégée a acquis des passeports colombiens lorsqu'elle était mineure mais les a utilisés pour se rendre en Colombie après être devenue adulte. La SPR a accueilli la demande de perte d’asile du ministre, concluant que tous les éléments du paragraphe 108(1)a) étaient satisfaits. La Cour a examiné la jurisprudence en matière d'intention et a noté que « plusieurs décisions de la Cour dans le domaine de la perte de l’asile semblent se contredire».Note 59 Dans ce cas, il n'y a aucune preuve quant à l'intention, le cas échéant, que la personne protégée a formée à l'âge adulte; rien n'indiquait non plus qu’elle était au courant de la modification de la loi qui avait affecté son statut de résidente permanente. En conséquence, la SPR a commis une erreur en concluant que le fait d'utiliser le passeport était, en soi, suffisant pour démontrer que la personne protégée avait l'intention requise. La Cour a annulé la décision, a certifié trois questions d'importance généraleNote 60 et a déclaré:
[51] Mme Galindo Camayo était mineure lorsque sa mère a renouvelé son passeport pour la première fois; le passeport a ensuite été renouvelé involontairement lorsqu’elle a eu 18 ans, car les autorités colombiennes l’exigeaient, sans quoi elle n’aurait pas pu quitter le pays. Aucun élément de preuve ne montre que Mme Galindo Camayo avait une quelconque intention en tant qu’adulte lorsqu’elle a continué de faire des voyages, comme elle le faisait alors qu’elle était mineure. Rien ne prouve non plus qu’elle était consciente des modifications législatives qui ont fait en sorte que ses habitudes de voyage compromettaient son statut de personne protégée au Canada; il s’agit d’un facteur qui pourrait refléter sa crainte subjective et objective et qui doit être examiné dans ce contexte. Par conséquent, je conviens que la SPR a conclu de manière déraisonnable que « l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide » en ce qui concerne la question de savoir si une personne visée par une procédure relative à la perte de l’asile pourrait manifester l’intention requise sans en connaître les conséquences.
[52] Comme il a été mentionné plus haut, l’intention, dans le contexte d’une procédure relative à la perte de l’asile, ne peut être fondée uniquement sur l’intention de la personne d’accomplir l’acte en question; il faut également qu’elle comprenne les conséquences de son acte :
Cerna, précitée, aux para 19-20. De plus, je juge que rien ne justifie la conclusion de la SPR, dans le cas de Mme Galindo Camayo, selon laquelle une adulte instruite et avertie aurait pu demander des renseignements sur les conditions à remplir pour maintenir son statut au Canada. Ce n’est qu’au moment où le ministre a présenté la demande de constat de perte de l’asile, après la mise en œuvre de la LPSIC, que Mme Galindo Camayo a pris conscience des graves conséquences de ses actes, qu’elle a demandé un avis juridique, qu’elle a obtenu un titre de voyage pour réfugié et qu’elle a cessé ses voyages en Colombie, ce qui témoigne de son intention à l’égard de la possibilité de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. Je souligne également que sa crédibilité n’était pas en cause.
[53] En outre, je note que la SPR a déclaré que Mme Galindo Camayo « en savait assez [sur son exposition potentielle à des préjudices ou à des menaces] pour demander à des agents d’une entreprise de sécurité privée de l’accompagner lorsqu’elle est retournée en Colombie, ce qui signifie qu’elle connaissait les dangers associés au fait de se rendre en Colombie ». Cependant, je conviens que la SPR ne s’est pas penchée sur la question de savoir si cela voulait dire que Mme Galindo Camayo pensait que l’État ne pouvait toujours pas la protéger – une question liée directement à l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité :
Peiqrishvili, précitée, aux para 17-24; Yuan, précitée, au para 35. La SPR avait la possibilité de rejeter ces mesures au motif qu’elles étaient insuffisantes. Toutefois, en ne les examinant pas dans leur contexte, et en mettant plutôt l’accent sur la question de savoir si Mme Galindo Camayo aurait dû connaître le danger plutôt que sur celles de savoir si elle connaissait la possibilité et les conséquences de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et si elle l’a tout de même fait, la SPR passe à côté de l’essentiel [de la preuve de la demanderesse, qui, prise en considération dans son ensemble, visait à démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité], ce qui est, à mon avis, déraisonnable : Din, précitée, au para 39.
Dans la décision
CernaNote 61, M. Cerna, la personne protégée, a obtenu le statut de réfugié en 2009 parce qu’il craignait d’être persécuté au Pérou du fait de son orientation sexuelle. Il a renouvelé son passeport péruvien à deux reprises et s’est rendu au Pérou plusieurs fois; la durée de ses séjours variait de deux à sept semaines. La SPR a accueilli la demande du ministre. La Cour fédérale a annulé la décision, ayant conclu que la SPR n’avait pas tenu compte du fait que M. Cerna croyait jouir de la sécurité découlant de son statut de résident permanent au Canada. La SPR aurait dû se demander si les éléments de preuve relatifs à la compréhension subjective de M. Cerna quant aux avantages découlant de son statut de résident permanent réfutaient la présomption selon laquelle il avait eu l’intention d’obtenir la protection du Pérou. Toutefois, cette décision doit être interprétée à la lumière des décisions
Maqbool et
Abadi décrites dans la section précédente, dans lesquelles la Cour a rejeté des arguments semblables fondés sur le statut de résident permanent de la personne protégée.
Dans la décision
MayellNote 62, la personne protégée était un citoyen de l’Afghanistan qui avait obtenu le statut de réfugié en 2003. Il a obtenu un passeport afghan en 2012 et s’en est servi pour se rendre en Afghanistan quatre fois entre 2012 et 2015. Il a fait ses voyages pour se marier, rendre visite à son épouse et assister aux funérailles de son beau-père. Dans son témoignage, il a affirmé que son avocat lui avait dit qu’il serait « acceptable » d’obtenir un passeport et de retourner en Afghanistan. La Cour a conclu que, d’après le dossier, il était évident que, si M. Mayell avait été bien conseillé, il ne se serait pas procuré un passeport et ne serait pas allé en Afghanistan. La SPR aurait dû examiner si la preuve relative à la compréhension subjective par M. Mayell de sa capacité à obtenir et à utiliser un passeport pour voyager en Afghanistan sans compromettre son statut au Canada réfutait la présomption selon laquelle il avait l’intention de réclamer la protection de l’Afghanistan.
Dans la décision
BashirNote 63, la SPR a rejeté la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre. M. Bashir, la personne protégée, avait renouvelé son passeport pakistanais à trois reprises dans l’espoir de pouvoir aller rendre visite à ses parents à Dubaï et parce qu’un ami lui avait dit que Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) exigerait qu’il présente ce passeport pour sa demande de résidence permanente. La SPR a conclu que, puisque M. Bashir n’avait pas l’intention d’utiliser le passeport pour se rendre au Pakistan, il n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. La Cour fédérale a confirmé la décision, car « il est difficile de voir comment le renouvellement d’un passeport national en vue de le présenter à CIC pour conclure le processus d’acquisition du statut de résident permanent peut être considéré comme indiquant une intention de la part du défendeur de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité ». La Cour a rejeté l’argument du ministre selon lequel le fait que l’individu désirait se rendre dans un pays tiers en utilisant son passeport mène de manière irréfutable à la conclusion qu’il avait l’intention de se réclamer à nouveau de la protection de ce pays. Chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres.
Dans l’affaire
DinNote 64, la Cour a estimé que la SPR n’avait pas suffisamment pris en compte l’explication du demandeur concernant son intention à son retour au Pakistan. Bien qu'il soit retourné s'occuper de questions relatives à sa retraite et à un différend avec des locataires d’une propriété, il a témoigné que, notamment lors de ses visites, il se cachait toujours, ne pratiquait pas ouvertement sa foi ahmadie, vivait dans une peur constante et ne disait rien à personne qu'il venait au Pakistan. La Cour a jugé que, à la lumière de ce témoignage, le raisonnement de la SPR selon lequel «la protection des réfugiés ne comprend pas de disposition permettant à la personne de retourner dans son pays en provenance… d’un endroit 'où elle demande une protection simplement pour des raisons financières, en raison de différends concernant des biens ou pour d'autres raisons» a manqué à l'essentiel de la preuve de la personne protégée que, pris dans son ensemble, il n'avait pas l'intention de réclamé de nouveau de la protection du Pakistan.
Dans l’affaire
PeiqrishviliNote 65, la personne protégée avait obtenu l'asile en 2005 en raison du risque de persécution de son ex-mari en Géorgie. Elle a demandé et obtenu un passeport géorgien en 2009, qu'elle a utilisé pour se rendre en Géorgie à trois reprises. Elle a témoigné devant la SPR qu'elle avait pris des précautions lorsqu'elle était en Géorgie pour empêcher son ex-mari de savoir qu'elle était revenue. La Cour a annulé la décision de la SPR parce que celle-ci n’a pas évalué l’incidence de ces éléments de preuve sur l’intention de la personne protégée de se réclamer de nouveau de la protection du Géorgie. La Cour a reconnu que d'autres décisions, telles que
Yuan, analysaient ces éléments de preuve dans le cadre de la troisième branche du test; «cependant, il se peut qu’il convienne mieux d’analyser la preuve concernant les efforts déployés par un réfugié pour éviter son agent de persécution en tenant compte de son intention (la deuxième exigence du critère de l’alinéa 108(1)a)), puisque des décisions de jurisprudence donnent à penser que le fait d’obtenir effectivement la protection du pays de nationalité (la troisième exigence du critère) concerne surtout la question de savoir si un passeport a véritablement été délivré par le pays en question.» En outre, ces éléments de preuve devaient être pris en considération même s'il n'y avait pas de circonstances exceptionnelles ou impérieuses sous-jacentes à l'obtention par la personne protégée de son passeport ou sous-jacentes à ses voyages.
Dans l’affaire
AntoineNote 66, la SPR avait rejeté la demande de perte de l’asile du ministre, concluant que la personne protégée avait réfuté la présomption qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection d’Haïti en y retournant trois ou quatre fois. Le ministre a demandé un contrôle judiciaire. La Cour a rejeté le contrôle judiciaire, concluant qu’il était raisonnable de conclure que les voyages de la personne protégée étaient dus à une circonstance exceptionnelle et qu’il n’y avait aucune intention de sa part de se réclamer de nouveau de la protection d’Haïti. La SPR a noté que le défendeur a pris des précautions quand il était dans son pays de nationalité et qu’il avait affirmé s’être déplacé avec un ami policier, en voiture blindée, et uniquement quand il était nécessaire de le faire, lors de ses séjours en Haïti. Il ne s’est pas promené quand il était au pays, se limitant à visiter son père et à en prendre soin, et demeurant dans son domicile familial. Ces considérations sont pertinentes quant à la détermination que la SPR doit faire.