Révoqué | Guide juriprudentiel - Décision TB6-11632

À huis clos

Motifs et décision

Personne(s) en cause :

XXXX XXXX

 

Appel instruit à :

Toronto (Ontario)

 

Date de la décision :

30 novembre 2016

 

Tribunal :

Leonard Favreau

 

Conseil(s) du (de la/des) personne(s) en cause :

Elyse Korman, Avocate

 

Représentant(e)(s) désigné(e)(s) :

S/O

 

Conseil du ministre :

S/O

 

Motifs de décision

[1] XXXX XXXX (l’appelant) est citoyen de la Chine. Il interjette appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) ayant rejeté sa demande d’asile. Il n’a présenté aucun nouvel élément de preuve à l’appui de son appel. Il demande à la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de casser la décision de la SPR et d’y substituer sa propre décision selon laquelle il a qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger ou, subsidiairement, de renvoyer l’affaire à la SPR.

Décision

[2] Au titre du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), la SAR confirme la décision attaquée et rejette l’appel.

Contexte

[3] L’appelant a soutenu devant la SPR qu’il est venu au Canada en XXXX 2014 muni d’un visa de travail. Il est retourné en Chine en XXXX 2014. Il craint d’être persécuté en Chine parce que le Bureau de la sécurité publique (le PSB) a appris qu’il avait apporté en Chine un exemplaire du livre Zhuan Falun qu’il s’est procuré au Canada pour sa belle-mère, adepte du Falun Gong. L’appelant est entré dans la clandestinité, et le PSB est retourné à son domicile à plusieurs reprises pour exiger qu’il se rende. Craignant pour sa sécurité, l’appelant a quitté la Chine et est venu au Canada avec l’aide d’un passeur. Peu de temps après son arrivée au Canada, il a présenté une demande d’asile. Depuis son arrivée au Canada, l’appelant a appris que sa belle-mère a été condamnée à une peine d’emprisonnement de XXXX ans en raison de sa pratique illégale du Falun Gong.

[4] La demande d’asile de l’appelant a été instruite le 20 juillet 2016. Dans une décision datée du 2 août 2016, la SPR a rejeté la demande d’asile de l’appelant, après avoir conclu qu’il n’était pas crédible.

[5] L’appelant soutient que la SPR a commis une erreur dans son évaluation de sa crédibilité.

Rôle de la Section d’appel des réfugiés

[6] La SAR estime que la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt HuruglicaNote de bas de page 1 fournit une orientation à la SAR au sujet de la norme appropriée que doit appliquer un tribunal spécialisé comme la SAR aux décisions d’un tribunal administratif de première instance.

[7] La SAR conclut de son analyse des dispositions législatives que, en ce qui concerne les conclusions de fait (ainsi que les conclusions mixtes de fait et de droit), la SAR doit examiner les décisions de la SPR en appliquant la norme de la décision correcte. Ainsi, après un examen attentif de la décision de la SPR, la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin d’établir si la SPR a bel et bien commis l’erreur avancée par l’appelant.

Analyse du bien-fondé de l’appel

Crédibilité

[8] L’appelant affirme que, bien que la SPR ait tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité, il ne conteste que les conclusions de la SPR ayant trait à sa sortie de la Chine et à l’évaluation de la citation à comparaître qu’il a présentée à l’appui de sa demande d’asile. Il soutient que ces conclusions étaient déterminantes quant à l’issue de sa demande d’asile.

Sortie de la Chine

[9] La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en se fondant sur la capacité de l’appelant de quitter la Chine en utilisant un passeport à son nom, compte tenu de son allégation selon laquelle le PSB le cherchait activement en vue de l’arrêter pour avoir apporté des documents sur le Falun Gong en Chine. La SPR a conclu que, malgré les allégations de l’appelant selon lesquelles il a eu recours à un passeur, il était invraisemblable qu’il ait réussi à contourner toutes les mesures de sécurité en place.

[10] L’appelant soutient que la conclusion de la SPR est fondée sur l’hypothèse que son passeur n’avait aucun moyen de s’assurer qu’il quitte la Chine sans entraves. Il avance que la SPR n’a pas tenu compte du fait que l’embauche d’un passeur visait à accomplir ce qu’il ne pouvait pas accomplir lui-même. L’appelant ajoute que les conclusions de la SPR selon lesquelles la corruption existe en Chine contredisent sa conclusion selon laquelle son récit à lui est invraisemblable.

[11] L’appelant affirme qu’il a versé une somme importante au passeur et que, compte tenu du fait que toute l’entreprise du passeur est fondée sur sa capacité à faire sortir des personnes de la Chine, il est raisonnable de supposer que le passeur avait les moyens soit d’éviter la détection soit de garantir le consentement des autorités aéroportuaires concernées.

[12] La SAR n’est pas convaincue par l’argument de l’appelant à cet égard. Après avoir procédé à sa propre évaluation de la preuve, la SAR souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle l’appelant n’aurait pas réussi à quitter la Chine en utilisant son passeport authentique, compte tenu de ses allégations selon lesquelles le PSB voulait l’arrêter.

[13] La preuve documentaire révèle que le gouvernement chinois dispose d’un réseau informatique national, connu sous le nom du projet Bouclier d’orNote de bas de page 2 et que le PSB a accès à une base de données nationale de la police qui contient de l’information sur les criminels fugitifs, sur les passeports ainsi que sur les entrées et les sorties. Le Bouclier d’or intègre de nombreux mécanismes de suivi et de contrôle, dont la technologie de surveillance de la reconnaissance faciale.

[14] La SAR constate par ailleurs, après sa propre évaluation et son propre examen de la preuve, que la loi sur la gestion des entrées et des sorties de la Chine (Exit and Entry Administration Law of China), qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013, prévoit que les citoyens chinois qui quittent la Chine ou qui y entrent doivent présenter leur titre de sortie/d’entrée, comme leur passeport ou tout autre titre de voyage, aux agents des services d’inspection à la frontière aux fins de vérification, puis ils doivent suivre les formalités règlementaires; une fois la vérification faite et l’approbation obtenue, ils peuvent sortir du pays ou y entrer.

[15] Selon les éléments de preuve figurant dans le cartable national de documentation (le CND) versé au dossier, un représentant de l’ambassade du Canada a affirmé que, avant le départ, une personne peut avoir à présenter son passeport quatre fois à l’intérieur de l’aéroport. Le représentant de l’ambassade a aussi affirmé que le passeport est balayé deux fois : au comptoir d’enregistrement de la ligne aérienne et au comptoir des départs du service de l’immigration. La même source a signalé que le billet d’avion du passager était balayé à l’entrée de la [traduction] « zone de transit sécurisée » et à la porte d’embarquement de la ligne aérienne Note de bas de page 3.

[16] En outre, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante d’Air Canada qui travaille dans le domaine de la facilitation aérienne a signalé qu’à l’enregistrement, le passeport est balayé […] la zone de lecture automatique du passeport renferme l’information préalable sur le voyageur, qui est recueillie par la ligne aérienne. Les passagers qui quittent la Chine doivent se présenter aux points de contrôle du service de l’immigration, où des agents de l’immigration de la Chine effectuent un contrôle avant que les passagers se rendent à la porte d’embarquement.

[17] Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une directrice adjointe chargée de la sûreté aérienne et de la facilitation à l’Association du transport aérien international (l’IATA) a signalé que, à sa connaissance, la procédure de départ aux aéroports de la Chine comportait trois étapes : 1) l’enregistrement; 2) le contrôle au service d’immigration; et 3) le contrôle de sécurité et que, à ces trois points, les passagers sont tenus de présenter leur passeport. Habituellement, à l’enregistrement, les renseignements du Système d’information préalable sur le voyageur (SIPV) sont saisis manuellement ou par le balayage du passeport; au comptoir de l’immigration, il y a une inspection physique; et au point de contrôle du service de sécurité, les renseignements du passeport sont comparés avec ceux de la carte d’embarquement, soit par l’insertion de la carte d’embarquement dans un lecteur de codes à barres ou par un simple contrôle visuel (en apposant un timbre sur la carte d’embarquement) Note de bas de page 4.

[18] En outre, selon la preuve documentaire, le citoyen chinois n’a pas le droit de sortir de la Chine s’il est un suspect ou un défendeur dans une affaire criminelle. Selon le même article :

[traduction]
Si un étranger ou un citoyen chinois doit se voir refuser la sortie de la Chine à un poste frontalier, la cour populaire qui admet l’affaire doit faire rapport au sommet de la hiérarchie à la Cour populaire suprême, qui publie un avis écrit spécifiant l’interdiction de sortie à un point d’entrée ou de sortie dont la personne fait l’objet, et travailler de concert avec l’organisme de sécurité publique du niveau correspondant pour remplir les formalités de contrôle. Si le point de contrôle n’est pas situé dans la même province, région autonome ou municipalité relevant directement du gouvernement central, la cour populaire doit communiquer avec l’organisme de sécurité publique de la province, région autonome ou municipalité pertinente relevant directement du gouvernement central concernant la gestion des formalités de contrôle. En situation d’urgence, si nécessaire, le poste frontalier doit d’abord empêcher le départ, puis s’occuper ensuite des formalités de contrôleNote de bas de page 5.

[19] Le tribunal reconnaît également qu’il est précisé dans la documentation que les agents de sécurité ont accès à la base de données en ligne sur les citoyens déclarés coupables de crime ou recherchés par les autorités (aussi connue sous le nom de Policenet ou de Bouclier d’or] qui est établie par le PSB de la ChineNote de bas de page 6. Plus particulièrement, la SAR constate que le système a été utilisé pour trouver des adeptes du Falun Gong. L’économiste chinois qui écrit dans Open Magazine affirme que Policenet de Cisco a aidé les organes de sécurité publique [du parti communiste chinois] à dénicher les dissidents politiques et les adeptes du Falun Gong pendant des années (17 févr. 2010)Note de bas de page 7.

Communication de renseignements par les agents de la sécurité publique

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 10 février 2014, le secrétaire général de la Dui Hua Foundation a affirmé que les agents de sécurité dans les aéroports ont accès à la base de données en ligne sur les citoyens déclarés coupables de crime ou recherchés par les autorités [aussi connue sous le nom de Policenet ou de Bouclier d’or] qui est établie par le Bureau de la sécurité publique de la Chine. Par ailleurs, le représentant de la Laogai Research Foundation a expliqué que des rapports sur [traduction] « les expériences vécues par des militants qui ont été mis en détention alors qu’ils tentaient de prendre un vol international démontrent clairement que les agents dans les aéroports ont accès à Policenet » (26 févr. 2014). Une collègue de Cao Shunli, qui s’est aussi fait interdire de se rendre à Genève pour la formation en droits de la personne en septembre 2013 a plus tard parlé dans les médias de ce qu’elle avait vécu à l’aéroport du Guangdong (HRIC 11 oct. 2013). Selon la Laogai Research Foundation, elle a déclaré que, lorsque les autorités aéroportuaires ont passé son passeport dans le lecteur,

[traduction]
l’appareil de balayage a immédiatement émis des sons afin de signaler aux autorités aéroportuaires qu’elle était recherchée par la police. Elle a ensuite été détenue à l’aéroport de Baiyun dans le Guangdong et a dit que la police de Shanghai ne voulait pas la laisser partir. Elle a ensuite été transportée du Guangdong à Shanghai à des fins de détention et d’interrogatoire. L’expérience qu’a vécue cette femme démontre concrètement que les agents dans les aéroports collaborent avec la police pour repérer les dissidents politiques et les mettre en détention. (26 févr. 2014)Note de bas de page 8.

Mesures de sécurité et de contrôle à la sortie

Le représentant de la Laogai Research Foundation a écrit que le gouvernement de la Chine vérifie le passeport des citoyens qui tentent de quitter le pays afin de s’assurer qu’ils peuvent voyager à l’étranger. Les agents des douanes marquent d’une étampe le passeport des citoyens qui peuvent voyager à l’étranger. Les agents de la sécurité publique saisissent souvent le passeport des personnes réputées ne pas avoir le droit de voyager à l’étranger (23 févr. 2014)Note de bas de page 9.

[20] Un article non daté publié sur le site Internet du ministère de la Sécurité publique, intitulé Deepening the Implementation of the ‘Golden Shield’ Project (renforcement de la mise en œuvre du projet Bouclier d’or), montre que tous les services de police à l’échelle du pays ont accès à huit bases de données de sécurité publique, dont la « base nationale de renseignements sur la population ("National Basic Population Information Database") » (Chine s.d.). Les bases de données donnent aussi accès à des renseignements sur l’enregistrement des ménages [hukou], les entrées‑sorties aux frontières, la circulation routière et les enquêtes criminelles (ibid.)Note de bas de page 10.

[21] En outre, selon le représentant de la Laogai Research Foundation, le Bouclier d’or intègre de nombreux mécanismes de suivi et de contrôle, comme l’exigence d’inscription en ligne sous son vrai nom, la surveillance GPS et la technologie de surveillance de la reconnaissance faciale dans une approche à volets multiples visant à repérer les individus potentiellement perturbateurs. Policenet, qui est une composante du Bouclier d’or, comprend une grande quantité d’information sur les citoyens chinois et établit des liens entre les divers organismes et échelons de commandement au sein de l’appareil de sécurité publique. Ce système intégré permet aux forces de sécurité publique chinoises de cibler efficacement et de neutraliser les dissidents politiquesNote de bas de page 11.

[22] L’appelant a affirmé qu’il a quitté la Chine depuis l’aéroport de Beijing. Selon le CND, la technologie de la reconnaissance faciale est en place à l’aéroport de Beijing. D’après un article paru en 2009 dans le China Daily, en date de septembre 2009, l’aéroport international de Beijing avait recours à des systèmes de reconnaissance faciale pour [traduction] « empêcher des gens de se faire passer pour des employés de l’aéroport afin de se faufiler dans des zones d’accès restreint ». Par ailleurs, le représentant de l’ambassade du Canada a affirmé que l’aéroport international de Beijing était doté d’un système de reconnaissance faciale [traduction] « utilisé par le personnel de l’aéroport entre la zone de transit sécurisée et les sections publiques du terminal » [l]orsque les passagers [se présentent] au comptoir du service de l’immigration, ils [sont] photographiés par une minicaméra, qui enregistre le visage de chaque passager. La technologie de reconnaissance faciale est appliquée à ces images; toutefois, on ne sait pas quelle est l’étendue de la base de données servant à l’analyse des images Note de bas de page 12.

[2] La SAR souligne que, selon l’allégation de l’appelant, le passeur a pris des dispositions pour que son passage se fasse en toute sécurité parce qu’il avait [traduction] « déjà versé des pots-de-vin aux douaniers ». La SAR fait remarquer que l’appelant a également affirmé qu’il a présenté son passeport aux fins d’inspection quatre fois. De surcroît, la SAR estime que les éléments de preuve présentés par l’appelant en ce qui concerne les gestes posés par le passeur sont vagues et manquent de détails. La SAR est d’avis que les éléments de preuve de l’appelant selon lesquels le passeur a versé des pots-de-vin aux douaniers ne tiennent pas compte des contrôles de sécurité supplémentaires auxquels l’appelant a été soumis, y compris l’enregistrement, le contrôle au service d’immigration et le contrôle de sécurité. La SAR fait remarquer que l’appelant ignorait si des pots-de-vin avaient été versés à des agents autres que les [traduction] « douaniers ». Selon la SAR, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne qui tente d’éviter l’arrestation et la détention en quittant le pays veuille savoir quels services pouvait fournir le passeur qu’il embauchait et quelles mesures seraient prises pour qu’il puisse quitter la Chine en toute sécurité. La SAR est d’avis qu’il n’est pas logique que l’appelant ait simplement mis sa vie entre les mains d’un passeur inconnu sans obtenir de renseignements détaillés sur le plan qui serait mis en œuvre pour quitter le pays. Elle estime que le manque de détails donnés par l’appelant en ce qui concerne les gestes posés par le passeur mine ses allégations selon lesquelles il a obtenu l’aide d’un passeur.

[24] Par ailleurs, son explication selon laquelle le passeur a soudoyé les douaniers ne tient pas compte du contrôle supplémentaire effectué par la ligne aérienne à la porte d’embarquement. En outre, la SAR souligne que l’explication fournie par l’appelant ne précise pas la façon dont il a réussi à contourner le système caché de reconnaissance faciale. La SAR estime que son explication selon laquelle il a réussi à contourner toutes les mesures de sécurité en place parce que le passeur a soudoyé les « douaniers » n’est pas crédible.

[25] L’appelant s’appuie sur les récentes décisions de la Cour fédérale SunNote de bas de page 13, RenNote de bas de page 14, YaoNote de bas de page 15 et YangNote de bas de page 16 pour étayer son argument selon lequel la conclusion de la SPR n’est pas raisonnable.

[26] La SAR estime que les faits dans les décisions SunNote de bas de page 17 et RenNote de bas de page 18 sont différents des faits en l’espèce, car il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve en l’espèce pour établir que le [traduction] « passeur » a soudoyé des personnes à chaque point de contrôle de sécurité en place. En outre, la SAR est d’avis que la proposition énoncée dans la décision RenNote de bas de page 19, selon laquelle le fait de soudoyer [traduction] « une personne ayant accès au système informatique suffirait » pour permettre à l’appelant de quitter la Chine sans problème, ne s’applique pas en l’espèce.

[27] La SAR estime que cette proposition laisse entendre que le versement d’un pot-de-vin pourrait faciliter la suppression de l’intérêt de la police dont fait l’objet l’appelant du système informatique Bouclier d’or. Elle fait remarquer que, selon l’appelant, le passeur l’a accompagné tout au long de son voyage, depuis la Chine jusqu’à Toronto. Si le passeur a réussi à soudoyer un fonctionnaire afin qu’il modifie les dossiers informatisés concernant l’intérêt de la police à l’endroit de l’appelant, la SAR est d’avis qu’il n’est pas logique que le passeur se soit exposé à un risque en accompagnant l’appelant dans l’aéroport et à bord de l’aéronef alors que cela n’était pas nécessaire. Par ailleurs, l’allégation de l’appelant selon laquelle la police a continué de le chercher en Chine depuis son arrivée au Canada mine l’argument selon lequel son nom aurait été, en quelque sorte, supprimé du système.

[28] En outre, la SAR estime que les éléments de preuve montrent que le système du Bouclier d’or est un appareil de sécurité important et global de grande portée. La SAR est d’avis que, compte tenu de l’importance de ce système pour les autorités chinoises en ce qui concerne la surveillance de ses citoyens, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’utilisation de cet appareil fasse aussi l’objet d’une surveillance et que des systèmes redondants soient en place pour empêcher que le système soit compromis par une seule personne.

[29] La SAR est également d’avis que les faits dans la décision YangNote de bas de page 20 sont différents des faits en l’espèce. Elle constate que, dans la décision YangNote de bas de page 21, le tribunal n’a pas tenu compte de la preuve soumise par la demandeure selon laquelle le douanier n’avait pas balayé son passeport ni tapé quelque chose dans l’ordinateur, mais avait simplement estampillé son passeport. La Cour a soutenu que, si le tribunal y croyait, il lui incombait d’expliquer la raison pour laquelle il croyait que la demandeure n’aurait quand même pas réussi à quitter la Chine en toute sécurité; s’il n’y croyait pas, il était tenu d’expliquer pourquoi cette preuve n’était pas crédible.

[30] En l’espèce, la SAR souligne que les éléments de preuve de l’appelant concernant la façon dont il a réussi à quitter le pays étaient insuffisants. La SAR était d’avis que l’explication de l’appelant concernant la façon dont le passeur a contourné toutes les mesures de sécurité en place n’était pas crédible.

[31] La SAR estime que, bien que la Cour fédérale ait conclu, dans la décision YaoNote de bas de page 22, qu’il était possible pour une personne recherchée de quitter la Chine en toute sécurité avec l’aide d’un passeur, un certain nombre de décisions de la Cour fédérale appuient la conclusion de la SAR à cet égard. La SAR souligne particulièrement la décision X (Re), 2015 CanLII 72857 (CA CISR), dans laquelle elle a examiné des circonstances semblables :

Compte tenu des exigences liées à l’IPV [l’information préalable sur un voyageur], qui sont en vigueur depuis des années, en plus du programme Bouclier d’or, qui est très efficace, il est improbable, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne recherchée soit capable de quitter la Chine depuis un aéroport international en utilisant un passeport sur lequel figurent son nom, sa date de naissance et sa photographie. La possibilité de soudoyer le grand nombre de personnes qui interviennent dans le départ d’une personne est minime. Toutes les personnes, y compris la personne qui vend le billet, celle qui travaille au comptoir d’enregistrement, celle qui travaille au point de contrôle de sécurité, les personnes travaillant aux services de douanes et d’immigration, et la personne qui vérifie la carte d’embarquement, peuvent être en poste de façon aléatoire, ce qui fait en sorte qu’il est presque impossible pour quiconque de savoir quelle personne il faut soudoyer à chaque endroit. Il est simplement invraisemblable qu’un homme recherché puisse fuir la Chine en utilisant ses propres documents légitimesNote de bas de page 23.

[32] Cette conclusion est étayée en outre par les décisions Zeng, Su et CaoNote de bas de page 24, dans lesquelles la Cour fédérale a soutenu des conclusions selon lesquelles une personne recherchée par les autorités chinoises ne pouvait pas traverser sans problème les contrôles à la sortie du pays. La SAR conclut que les éléments de preuve objectifs concernant le Bouclier d’or et les autres contrôles mis en place aux frontières chinoises sont convaincants. Il est peut-être possible qu’un passeur contourne certains des contrôles de sécurité, mais la SAR conclut que, selon les éléments de preuve au dossier, il est hautement improbable que l’appelant ait pu contourner tous les contrôles de sécurité mis en place.

[33] Bien que, selon certains éléments de preuve documentaire, la corruption existe dans les services de police de la Chine et que les autorités chinoises n’appliquent pas toujours les règles de façon uniforme, la SAR estime que la prépondérance de la preuve documentaire montre que les autorités aux frontières effectuent un contrôle rigoureux. Le tribunal a tenu compte du fait que la preuve documentaire établit qu’il est beaucoup plus facile d’obtenir des documents de voyage auprès des autorités chinoises qu’il y a quelques années. Il est toutefois souligné que certaines personnes sont toujours exclues, dont les personnes déclarées coupables ou surveillées par la police. Par ailleurs, en mars 2008, l’Administration générale de l’aviation civile de la Chine (la CAAC), organisme de réglementation du transport aérien en Chine, aurait mis en application un nouveau règlement de sécurité. Le nouveau règlement interdit les services [traduction] « d’embarquement facile », qui, dans le passé, ont permis à des passagers d’obtenir des contrôles de sécurité plus rapides et un embarquement prioritaire. Selon un article publié le 27 mars 2008 par l’agence de presse chinoise Xinhua, la CAAC a également demandé que tous les transporteurs aériens internationaux fournissent aux autorités frontalières chinoises de l’information [traduction] « exacte » « complète » et « à jour » sur les passagers et le personnel navigant. L’appelant affirme avoir quitté la Chine en utilisant son propre nom et son propre passeport. La ligne aérienne qu’il a utilisée aurait communiqué cette information aux autorités chinoises. L’information demandée comprend le nom, la nationalité, le sexe, la date de naissance ainsi que le numéro et la date d’expiration du passeport. Selon le Travel Information Manual [guide d’information sur les voyages] de juin 2008 publié par l’Association du transport aérien international, les responsables de l’immigration en Chine effectuent maintenant des vérifications [traduction] « plus rigoureuses » des documentsNote de bas de page 25.

[34] La SAR souligne que les personnes qui voyagent à l’étranger doivent présenter leur passeport à de nombreuses reprises à la sortie de l’aéroport, y compris au poste d’enregistrement initial de la ligne aérienne. La SAR estime qu’il est très improbable que le passeur ait su à l’avance quels agents il devait soudoyer pour permettre à son client de passer sans problème chacun des points de contrôle. Elle est d’avis que, à la lumière des allégations de l’appelant selon lesquelles il était recherché par les autorités chinoises et à la lumière des éléments de preuve concernant la poursuite vigoureuse de la part du PSB, il est raisonnable de s’attendre à ce que les autorités locales aient entré les renseignements concernant l’appelant dans la base de données afin de multiplier leurs efforts en vue de l’arrêter.

[35] La SAR estime que la SPR a le droit de tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, et qu’elle peut rejeter des éléments de preuve s’ils ne correspondent pas aux probabilités qui concernent l’ensemble du dossierNote de bas de page 26. Lorsque la SPR conclut à un manque de crédibilité en se fondant sur des conclusions concernant la vraisemblance de la preuve, il faut que la preuve permette d’étayer ces dernièresNote de bas de page 27. Dans la présente affaire, les conclusions de la SPR sont étayées par la preuve.

[36] Après avoir examiné et apprécié la preuve, la SAR souscrit aux conclusions de la SPR et estime qu’il n’est ni crédible ni vraisemblable que l’appelant ait réussi à quitter la Chine en utilisant son passeport authentique. La SAR est d’avis que la capacité de l’appelant de quitter la Chine mine son allégation selon laquelle il était recherché par le PSB.

Citation à comparaître

[37] L’appelant a présenté une citation à comparaître qui, à première vue, indique qu’il devait se présenter au Bureau de l’équipe de la sécurité publique du PSB du comté de XXXX en vue d’un interrogatoire portant sur le fait qu’il aurait [traduction] « apporté des livres sur le Falun Gong en Chine ». La SPR a conclu que, compte tenu du grand nombre et de la disponibilité de documents frauduleux en ChineNote de bas de page 28, de la preuve documentaire citée et des conclusions quant à la crédibilité, il existait des raisons de douter de l’authenticité de la citation à comparaître; elle a donc accordé peu de valeur probante à la citation à comparaître pour corroborer les allégations de l’appelant selon lesquelles il est recherché par le PSB.

[38] La SPR a souligné que la preuve documentaire sur le pays montre que, si une personne citée ne se conforme pas à une citation à comparaître, une citation à comparaître coercitive ou un mandat d’arrestation sera délivré par le PSB. Le tribunal n’a été saisi d’aucun élément de preuve établissant qu’un tel document avait été reçu par la famille de l’appelant lorsque le PSB s’est présenté à son domicile après la date à laquelle l’appelant devait se présenter au PSB du comté de XXXX. La SPR a également fait remarquer que le comté de XXXX est administré par la ville de XXXX, soit une préfecture de Shangxi où le PSB appliquerait vraisemblablement les exigences de la loi. La SPR a ajouté que la déclaration de l’appelant selon laquelle le PSB a délivré une citation à comparaître est une indication que le PSB consigne les mesures qu’il prend.

[39] L’appelant soutient que la SPR a commis une erreur en rejetant la citation à comparaître au motif qu’aucune citation à comparaître coercitive ni aucun mandat d’arrestation n’avait été délivré après qu’il ne s’est pas présenté aux autorités. Il fait valoir que cette conclusion n’est pas appuyée par la preuve. L’unique document sur lequel la SPR s’est appuyée était une réponse à la demande d’information datée du 30 novembre 2012, laquelle faisait partie du CND daté du 31 octobre 2014. L’appelant soutient que quatre nouveaux CND ont été publiés par la suite et que le document sur lequel s’est appuyée la SPR a depuis longtemps été retiré du CND. Quoi qu’il en soit, il affirme que le document sur lequel s’est appuyée la SPR ne mentionne pas qu’une citation à comparaître coercitive est toujours délivrée dans de telles circonstances ni ne mentionne que cette citation est utilisée souvent. Le document mentionne plutôt que cette citation peut être utilisée dans de telles circonstances.

[40] L’appelant soutient que le document sur lequel s’est appuyée la SPR mentionne également que, souvent, les autorités ne tiennent pas compte des procédures et qu’une grande variabilité est observée au sein des organismes d’application de la loi de la Chine en ce qui concerne la délivrance de citations à comparaître. En outre, il affirme que d’autres documents figurant dans le CND daté du 31 octobre 2014 étayent cet argument. L’appelant fait également valoir que le rejet de la citation à comparaître en raison du grand nombre de documents frauduleux en Chine est une erreur.

[41] La SAR n’est pas convaincue par l’argument de l’appelant à cet égard. L’argument de l’appelant est en grande partie fondé sur l’hypothèse selon laquelle la SPR faisait référence à un document figurant dans la version du CND datée du 31 octobre 2014. La SAR souligne que la version du CND figurant au dossier est celle du 31 mai 2016 et que c’est cette version que la SPR a citée. La SAR conclut toutefois que la SPR a cité le mauvais numéro de point dans ses motifs. La SPR a cité incorrectement le point 9.8 du CND lorsqu’elle a examiné la question de l’utilisation de citations à comparaître coercitives plutôt que de citer le point 9.3, à savoir le point exact. La SAR estime qu’il s’agit tout simplement d’une malencontreuse erreur typographique.

[42] Quoi qu’il en soit, après avoir effectué son propre examen et sa propre évaluation de la preuve, la SAR est d’avis qu’il y a des raisons de douter de l’authenticité de la citation à comparaître fournie. La SAR souligne que, à première vue, la citation à comparaître présentée par l’appelant indique que ce document, qui exigeait que l’appelant se présente aux fins d’interrogation, a été délivré en vertu de l’article 82 de la loi sur la procédure criminelle de la République populaire de Chine (Criminal Procedure Law of the People’s Republic of China [CPLPRC])Note de bas de page 29. La SAR fait remarquer que la preuve objectiveNote de bas de page 30 confirme qu’une citation à comparaître coercitive peut être délivrée dans des cas de non-conformité. Elle souligne toutefois que l’appelant n’a pas présenté de citation à comparaître coercitive. Compte tenu de la preuve objective qui établit clairement que les autorités de la Chine perçoivent les adeptes du Falun Gong comme les membres d’une secteNote de bas de page 31 et à la lumière des éléments de preuve objectifs concernant les efforts vigoureux déployés par les autorités en vue de poursuivre les adeptes du Falun Gong et des allégations de l’appelant selon lesquelles d’autres adeptes ont été arrêtés, qu’il y a eu des visites répétées à son domicile familial et que le PSB a informé son employeur à lui ainsi que celui de son épouse, la SAR conclut qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une citation à comparaître coercitive ait été délivrée lorsque l’appelant a omis de se présenter pour l’entrevue.

[43] La SAR conclut que l’absence d’une citation à comparaître contraignante, alors qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une telle citation visant l’appelant soit délivrée, mine l’authenticité de la citation à comparaître présentée.

[44] En outre, la SAR note que, selon la preuve documentaire, les citations à comparaître peuvent être délivrées de vive voix ou par écrit et peuvent uniquement être délivrées après qu’un cas a été déféré pour enquête et lorsque les suspects ou les défendeurs ne répondent pas à certains critères, par exemple s’ils ne se préparaient pas à commettre un crime ou n’avaient pas commis de crime, s’ils ne se trouvaient pas en possession d’éléments de preuve de nature criminelle, s’ils n’ont pas trafiqué la preuve, s’ils n’ont pas refusé de s’identifier et s’ils n’étaient pas soupçonnés d’avoir commis de crimes ailleursNote de bas de page 32.

[45] La SAR observe que, d’après la preuve documentaire, les citations à comparaître coercitives et les mandats d’arrestation sont des instruments auxquels le PSB peut recourirNote de bas de page 33. Compte tenu des allégations au sujet des efforts vigoureux du PSB pour arrêter l’appelant, la SAR conclut qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que le PSB utilise ces instruments coercitifs, plutôt qu’un instrument d’enquête, pour exécuter son intention d’arrêter l’appelant. La SAR souligne que l’appelant a affirmé que, la première fois que des représentants du PSB se sont présentés à son domicile, ils ont délivré une citation de comparaître de vive voix et qu’ils ont seulement délivré une citation à comparaître écrite lorsqu’il ne s’est pas conformé à la citation à comparaître délivrée de vive voix. La SAR estime que cette allégation de l’appelant laisse entendre que les représentants du PSB étaient disposés à utiliser les outils à leur disposition et à respecter la primauté du droit pour l’arrêter.

[46] La SAR estime que, à la lumière des allégations de l’appelant, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une citation à comparaître coercitive le visant ait été délivrée. En outre, elle est d’avis que, étant donné que la famille de l’appelant a informé ce dernier lorsque la citation à comparaître le visant a été délivrée, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle l’ait informé si une citation à comparaître coercitive le visant avait été délivrée.

[47] Plus important encore, la SAR fait remarquer que la citation à comparaître fournie par l’appelant ne concorde pas avec la preuve documentaire versée au dossier. La SAR souligne que la citation à comparaître mentionne qu’elle a été délivrée en vertu de l’article 82 de la loi sur la procédure criminelle de la République populaire de Chine. La SAR fait toutefois remarquer que cet article de cette loi porte sur les pouvoirs d’arrestation et de détention des citoyens. Il n’y a aucune mention du Falun Gong, de l’importation illégale de marchandises interdites ou de la délivrance de citations à comparaître dans l’article mentionné dans la citation à comparaître. La SAR estime que cette divergence importante mine l’authenticité de la citation à comparaître.

[48] Compte tenu de l’analyse qui précède et de l’ensemble des conclusions défavorables quant à la crédibilité, y compris la capacité de l’appelant de quitter la Chine sans problème, la SAR estime que la citation à comparaître fournie par l’appelant n’est pas un document authentique. En outre, la SAR est d’avis que le dépôt d’un document frauduleux par l’appelant à l’appui de sa demande d’asile mine sa crédibilité générale.

Conclusions quant à la crédibilité non contestées

[49] La SAR souligne que la SPR a tiré des conclusions défavorables fondées sur les divergences importantes entre le témoignage de vive voix de l’appelant et les allégations formulées dans l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire Fondement de la demande d’asile en l’espèce. La SPR a notamment relevé des incohérences importantes dans les allégations de l’appelant concernant le moment où il s’est vu demander, et qui lui a demandé, d’apporter le livre Zhuan Falun, du Canada en Chine, ainsi que le moment où et la façon dont il a appris que le PSB le cherchait. La SAR est d’avis que ces conclusions quant à la crédibilité minent davantage l’allégation de l’appelant selon laquelle il est recherché par le PSB parce qu’il a apporté une copie du livre interdit sur le Falun Gong, Zhuan Falun, en Chine pour sa belle-mère.

Résumé

[50] La SAR conclut, à la lumière de l’ensemble des conclusions défavorables quant à la crédibilité, que l’allégation de l’appelant selon laquelle il est recherché par le PSB en Chine parce qu’il y a apporté une copie du livre interdit sur le Falun Gong, Zhuan Falun, n’est pas crédible.

Conclusion

[51] Compte tenu de l’ensemble de la preuve et des conclusions cumulatives ainsi que des conclusions défavorables tirées ci-dessus, la SAR souscrit à la conclusion de la SPR et conclut que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir qu’il existe une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté ou qu’il soit, selon la prépondérance des probabilités, personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture par une autorité quelconque en République populaire de Chine.

[52] Au titre du paragraphe 111(1) de la LIPR, la SAR confirme la décision attaquée et rejette l’appel.

Signé :

Leonard Favreau

 

Date :

30 novembre 2016