Turquie : information sur la situation des Kurdes dans les villes de l’Ouest comme Ankara, Istanbul, Izmir, Konya et Mersin; la réinstallation dans ces villes (2009-mai 2012)
1. Migration kurde vers les villes de l’ouest de la Turquie
Minority Rights Group International (MRG) affirme que les Kurdes sont la plus importante minorité ethnique et linguistique de la Turquie et qu’ils sont majoritaires dans les régions est et sud-est du pays (16 mars 2009, 10). Les sources divergent quant au nombre de Kurdes en Turquie : selon MRG, les Kurdes représentent de 10 à 23 p. 100 de la population (MRG 16 mars 2009, 10), alors que selon le World Factbook de l’Agence centrale de renseignements (Central Intelligence Agency - CIA) des États-Unis, les Kurdes constituent 18 p. 100 de la population totale de 79 749 461 habitants (É.-U. 23 avr. 2012). Lors d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le coordonnateur du Réseau d’études kurdes (Kurdish Studies Network), réseau mondial de chercheurs, a affirmé que, dans les années 1960 et 1970, il y a eu des migrants économiques kurdes dans les villes de l’Ouest (coordonnateur 22 mai 2012). Dans les années 1990, les Kurdes migraient en masse vers les villes de l’Ouest en raison du conflit dans le Sud-Est (ibid.). Des sources affirment que des villages ont été détruits (coordonnateur 22 mai 2012; Al Jazeera 8 mai 2012) et que des Kurdes ont été forcés de migrer (ibid.; coordonnateur 22 mai 2012; MRG s.d). Des sources estiment que le nombre de Kurdes déplacés à l’intérieur du pays est d’environ un million (MRG 16 mars 2009, 12) à un à quatre millions (Al Jazeera 8 mai 2012). Selon MRG, ces Kurdes ont été en majeure partie déplacés au [traduction] « début des années 1990 » des régions est et sud-est de la Turquie (MRG 16 mars 2009, 12). Des sources précisent que ces personnes déplacées ont migré vers des villes de l’Ouest comme Izmir, Istanbul (É.-U. 24 mai 2012, 25; MRG 16 mars 2009, 12) et Ankara (ibid.). Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, cette migration a été [traduction] « politisée » et les divisions ethniques sont devenues [traduction] « beaucoup plus visibles » (22 mai 2012). Il a ajouté qu’il y a eu une augmentation du nationalisme turc alors que les Kurdes se sont également radicalisés et que la question kurde, qui se concentrait auparavant dans les régions kurdes, s’est déplacée dans les villes de l’Ouest (coordonnateur 22 mai 2012). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un représentant de la Human Rights Association, organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits de la personne située à Ankara (13 mars 2008), a affirmé que les Kurdes migrent également vers les villes de l’Ouest pour travailler temporairement dans des secteurs comme l’agriculture et la construction (24 mai 2012a).
2. Sentiment général dans les villes de l’Ouest
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la Fondation des droits de la personne de Turquie (Human Rights Foundation of Turkey - HRFT) à Ankara a souligné que, depuis les élections locales de mars 2009, il y a une [traduction] « atmosphère de pression » contre les Kurdes (14 mai 2012). Selon la Human Rights Association, les affrontements continus et une impasse relative à la question kurde ont donné lieu à une [traduction] « culture de violence [et à la] propagation du nationalisme et du chauvinisme » (11 avr. 2012). Dans un même ordre d’idées, au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur agrégé d’histoire à l’Université d’Akron en Ohio, aux États-Unis, a souligné qu’il y a une [traduction] « réaction nationaliste vive » contre les Kurdes vivant dans les villes de l’Ouest (23 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a affirmé que les [traduction] « relations ethniques [sont] tendues » et que [traduction] « [l’] atmosphère [est] enflammée » et que lorsqu’il y a un affrontement entre des Turcs et des Kurdes, des Kurdes sont ciblés dans des villes de l’Ouest (22 mai 2012).
Le coordonnateur a fait état d’un [traduction] « sentiment anti-Kurdes » dans toutes les villes de l’Ouest, sentiment particulièrement fort à Izmir, à Bursa et à Trabzon (22 mai 2012). Il a ajouté qu’Izmir et Trabzon sont connues pour être particulièrement nationalistes et qu’Izmir est [traduction] « récemment » devenue très [traduction] « anti-Kurdes » (coordonnateur 22 mai 2012). Selon le professeur agrégé, le quart de la population d’Istanbul est kurde et, même s’il y a de la discrimination et du racisme à l’endroit des Kurdes à Istanbul, le sentiment anti-Kurdes n’y est pas aussi fort qu’il ne l’est dans d’autres villes comme Izmir et Mersin (23 mai 2012).
Des sources relèvent que les Kurdes tentent souvent de cacher leur identité (MRG 16 mars 2009; ancien agent du KHRP 28 mai 2012; coordonnateur 22 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a précisé que les Kurdes qui révèlent leur identité ouvertement auront des problèmes (ibid.). Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2011 du Département d’État (Department of State) des États-Unis, [traduction] « les Kurdes qui affirment publiquement ou politiquement leur identité kurde ou qui font de la promotion en kurde dans le domaine public risquent la censure, le harcèlement ou des poursuites judiciaires » (24 mai 2012, 37). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a affirmé que, si l’identité kurde et le lieu de naissance d’une personne demeurent cachés et qu’elle parle bien le turc, elle pourrait être en mesure de [traduction] « vivre sa vie quotidienne sans problèmes importants » (22 mai 2012).
3. Violence
Le représentant de la HRFT a déclaré que, depuis les élections locales en mars 2009, le conflit armé s’est intensifié partout en Turquie (14 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a observé que les crimes haineux commis contre des Kurdes dans des villes de l’Ouest ont eu lieu parallèlement à la montée du nationalisme turc (22 mai 2012). Des sources soulignent que les Kurdes sont souvent cibles de violence à la suite d’incidents; par exemple, lorsque des affrontements se produisent dans des régions kurdes ou lorsque des soldats turcs sont tués (ancien agent du KHRP 28 mai 2012; coordonnateur 22 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a affirmé que de tels incidents font souvent en sorte que des nationalistes turcs pillent des commerces présumés appartenir à des Kurdes et y lancent des bombes incendiaires (ibid.). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un ancien agent de bureau des zones Turquie et Iraq du Projet pour les droits des Kurdes (Kurdish Human Rights Project - KHRP) a affirmé que de tels incidents donnent souvent lieu à des attaques contre des Kurdes ou contre des quartiers à majorité kurde (28 mai 2012). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur de sciences politiques, titulaire de la chaire Strong de politique du Moyen-Orient, à l’Université d’État du Missouri, a écrit qu’à Bursa, à Mersin, à Antalya et dans d’autres villes, des Kurdes ont fait l’objet de [traduction] « violence collective » après le meurtre de soldats turcs par le Parti des travailleurs du Kurdistan (Kurdistan Worker's Party - PKK) (professeur 23 mai 2012). Il a ajouté que [traduction] « l’État turc ne semble pas avoir encouragé ni toléré ces épisodes et y a rapidement mis un terme » (ibid.).
L’ancien agent du KHRP a observé que la violence à l’égard des Kurdes n’est pas seulement réactionnaire, car elle se produit quotidiennement dans des villes de l’Ouest et qu’il y a [traduction] « toujours un risque d’attaque » (28 mai 2012). Il a remarqué que, dans les villes de l’Ouest, les Kurdes peuvent être attaqués violemment s’ils révèlent leur nom, jouent de la musique kurde ou portent un t-shirt d’un artiste kurde, ou même lors de [traduction] « simples incidents entre humains » qui peuvent se transformer en conflits ethniques (ancien agent du KHRP 28 mai 2012). Dans le même ordre d’idées, le représentant de la Human Rights Association a affirmé qu’une personne peut être attaquée si elle parle kurde en public (24 mai 2012a) et qu’il y a eu plusieurs attaques contre des migrants kurdes travaillant dans l’agriculture ou la construction dans les provinces de l’Ouest (24 mai 2012b).
Des sources soulignent qu’Izmir est une ville particulièrement violente pour les Kurdes (ancien agent du KHRP 28 mai 2012; coordonnateur 22 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a déclaré qu’Izmir est devenue très anti-Kurdes et que c’est une ville où des commerces kurdes ont été les cibles d’incendies criminels (ibid.). Selon l’ancien agent du KHRP, Izmir est [traduction] « très dangereuse » pour les Kurdes même si c’était auparavant une ville libérale (28 mai 2012). Il a ajouté qu’il y a eu de 20 à 30 attaques, environ, contre des Kurdes dans différentes parties d’Izmir de 2009 à 2012, surtout à l’égard de membres de partis politiques kurdes (ancien agent du KHRP 28 mai 2012).
L’ancien agent du KHRP a affirmé qu’en plus d’Izmir, Mersin est une autre ville reconnue pour sa violence contre les Kurdes (ibid.). Selon ses dires, il y a de nombreux nationalistes turcs à Mersin, et la ville est divisée entre ces nationalistes et les Kurdes aux motivations politiques (ibid.). Il a aussi dit que les Kurdes de Mersin vivent dans des ghettos et qu’ils ont été attaqués dans leurs quartiers par des nationalistes turcs (ibid.).
L’ancien agent du KHRP signale que des autobus quittant des régions kurdes, ou s’y rendant, sont parfois attaqués lorsqu’ils traversent des régions turques (ibid.). Par exemple, il a précisé que, le 27 mai 2012, un jour après l’attaque du PKK contre un poste de police, un autobus voyageant d’Istanbul à une région kurde a été attaqué par des nationalistes turcs (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement sur cet incident dans les délais fixés.
L’ancien agent du KHRP a souligné qu’à Bursa, Sakarya, Bodrum et [traduction] « d’autres villes du centre de la Turquie », la violence et la discrimination à l’endroit des Kurdes sont particulièrement courantes et que des incidents de violence et de discrimination ont également lieu à Istanbul, à Ankara et à Konya (ibid.). En 2011, MRG a fait état d’attaques racistes contre des Kurdes à Hatay, Dörtyol, Bursa et Inegöl (MRG 2011, 203). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a relevé que des commerces kurdes ont été pris pour cibles à Bursa et qu’à Trabzon, des travailleurs migrants kurdes ont fait l’objet de [traduction] « mauvais traitements » (22 mai 2012).
3.1 Lynchage
Des sources affirment que des incidents de lynchage et d’attaque de groupe contre des Kurdes ont eu lieu dans des villes de l’Ouest (Human Rights Association 1er nov. 2009; ancien agent du KHRP 28 mai 2012; Human Rights Association 24 mai 2012b; ANF 25 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a signalé qu’il y a des bandes de lynchage et une [traduction] « mentalité de bande de lynchage » dans des villes de l’Ouest, en particulier à Izmir, à Mersin et à Istanbul (22 mai 2012). Le représentant de la Human Rights Association a évalué que des tentatives de lynchage ou des lynchages pour des motifs ethniques ont lieu environ une fois par semaine (24 mai 2012a).
Le représentant de la Human Rights Association a déclaré que [traduction] « plusieurs tentatives de lynchage, des meurtres par des assaillants inconnus et même des exécutions extrajudiciaires ont été commis contre des Kurdes » entre 2009 et 2012 (24 mai 2012b), y compris une tentative de lynchage d’un Kurde à Istanbul en 2011 (24 mai 2012a). La Human Rights Association fait également état de tentatives de lynchage contre des Kurdes dans le district Zeytinburnu, dans la province d’Istanbul (11 avr. 2012). L’ancien agent du KHRP a affirmé que des travailleurs migrants kurdes ont également été lynchés dans des villes de l’Ouest (28 mai 2012).
4. Discrimination
Des sources signalent que les Kurdes dans les villes de l’Ouest font l’objet de discrimination (Human Rights Association 24 mai 2012a; ancien agent du KHRP 28 mai 2012). L’ancien agent du KHRP a affirmé que la discrimination peut se produire sur une base quotidienne (ibid.) alors que le représentant de la Human Rights Association a déclaré que la discrimination est [traduction] « courante » (24 mai 2012a). Dans le même ordre d’idées, The Daily Star, journal du Liban, attire l’attention sur le fait que le racisme contre les Kurdes est [traduction] « quotidien » et fournit l’exemple d’un graffiti à Istanbul qui dit : [traduction] « Exterminez tous les Kurdes » (21 nov. 2011). Le représentant de la Human Rights Association a affirmé que les Kurdes font l’objet de discrimination lorsqu’ils affichent leur identité; par exemple, s’ils écoutent de la musique kurde (24 mai 2012a). Il a également souligné que la discrimination est particulièrement marquée durant l’été, en raison du plus grand nombre de travailleurs migrants kurdes saisonniers dans le domaine de l’agriculture (Human Rights Association 24 mai 2012a).
Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, les représentants du gouvernement peuvent faire preuve de discrimination envers les gens qui appuient ouvertement les droits des Kurdes (22 mai 2012). Par ailleurs, l’ancien agent du KHRP a déclaré que les Kurdes subissent divers types d’oppressions et de discriminations de la part de la société et des autorités gouvernementales (28 mai 2012). Pour sa part, le professeur de sciences politiques de l’Université d’État du Missouri a écrit que
[traduction]
les Kurdes ne subissent pas la discrimination du gouvernement ou de la société s’ils n’étalent pas leur identité kurde trop effrontément. Pour ceux qui insistent pour présenter leur identité kurde plutôt que leur identité turque, des dispositions du code pénal de Turquie et des articles de la constitution interdisant de miner l’unité de l’État et de la nation de Turquie ou d’insulter la « turquicité », ou des injonctions semblables, sont souvent appliqués (professeur 23 mai 2012).
4.1 Logement
Selon le professeur de sciences politiques à l’Université d’État du Missouri, les Kurdes ne font pas l’objet de discrimination en ce qui concerne l’accès au logement où que ce soit en Turquie (23 mai 2012). Toutefois, selon l’ancien agent du KHRP, dans les villes de l’Ouest, il est fréquent que des gens ne louent pas de maisons à des Kurdes (28 mai 2012). Il a ajouté que les Kurdes doivent chercher des sympathisants pour trouver des maisons ou des commerces à louer (ancien agent du KHRP 28 mai 2012). Selon la Human Rights Association, les autorités civiles locales ne permettent pas aux gens de donner aux travailleurs saisonniers kurdes un logis dans les provinces de l’Ouest; elles [traduction] « les chassent » (1er nov. 2009).
4.2 Éducation
Des sources affirment que des élèves kurdes dans les villes de l’Ouest font l’objet de discrimination à l’école (ancien agent du KHRP 28 mai 2012; professeur 23 mai 2012). Selon le professeur de sciences politiques à l’Université d’État du Missouri, [traduction] « les Kurdes qui insistent pour poursuivre des études en lien avec l’histoire ou la culture kurde font encore l’objet de pénalités et de discrimination par les enseignants et les professeurs » (23 mai 2012). Selon l’ancien agent du KHRP, dans les écoles, la discrimination vient tant des enseignants que des autres élèves, et les Kurdes peuvent même ne pas être en mesure d’envoyer leurs enfants à l’école (28 mai 2012). MRG signale que les élèves et les enseignants kurdes ont tendance à cacher leur identité (16 mars 2009, 25). MRG affirme également qu’il n’y a pas d’organisations indépendantes vers lesquelles les étudiants victimes de discrimination pourraient se tourner pour obtenir de l’aide (16 mars 2009, 25). MRG ajoute que, même si chaque province dispose d’une commission des droits de la personne, selon les militants pour les droits de la personne, ces commissions sont [traduction] « majoritairement composées de fonctionnaires et ne sont pas impartiales ou efficaces » (16 mars 2009, 25).
Selon MRG, les enfants kurdes déplacés [traduction] « n’ont pas un accès adéquat à l’éducation en raison de la pauvreté » (16 mars 2009, 12). La Human Rights Association souligne aussi que les enfants de migrants forcés sont privés d’éducation et affirme que certains enfants vivent et travaillent dans les rues (1er nov. 2009).
4.3 Emploi
Des sources signalent que les Kurdes font l’objet de discrimination lorsqu’ils cherchent un emploi (professeur 23 mai 2012; ancien agent du KHRP 28 mai 2012; coordonnateur 22 mai 2012). Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, les Kurdes des villes de l’Ouest [traduction] « luttent » pour trouver un emploi et les difficultés augmentent à cet égard (ibid.). Il a ajouté que, même si le chercheur d’emploi kurde ne révèle pas son identité kurde, celle-ci peut être découverte par son accent ou son lieu de naissance (ibid.). MRG souligne qu’un enseignant kurde-alévi a déclaré que les enseignants issus d’une minorité qui divulguent leur identité [traduction] « "n’obtiendront jamais un poste de direction" » (16 mars 2009, 25). L’ancien agent du KHRP a ajouté que les Kurdes peuvent faire l’objet d’intimidation de la part de leur employeur, perdre leur emploi et ne pas pouvoir démarrer une entreprise, car personne ne leur louera un endroit pour le faire (28 mai 2012).
4.4 Soins de santé
Selon le professeur de sciences politiques de l’Université d’État du Missouri, les Kurdes ne subissent pas de discrimination dans le domaine des soins de santé (23 mai 2012). Toutefois, selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, la discrimination contre les Kurdes dans le domaine de la santé dépend du médecin et, si le patient appuie les droits des Kurdes, le risque de discrimination augmente (22 mai 2012). Il a ajouté que les Kurdes qui ne parlent pas turc, en particulier les gens plus âgés, peuvent ne pas avoir accès aux services de santé, car aucun service d’interprétation n’est offert dans les hôpitaux (coordonnateur 22 mai 2012).
5. Traitement réservé aux Kurdes par la police dans les villes de l’Ouest
L’ancien agent du KHRP a affirmé que les policiers des villes de l’Ouest ont une [traduction] « attitude négative » à l’endroit des Kurdes et il a affirmé que, souvent, lorsque des policiers sont témoins d’un incident contre des Kurdes, ils ne les protègent pas, et que parfois, les policiers ont recours à la violence contre les Kurdes et leur réservent un traitement discriminatoire (28 mai 2012). Des sources observent que, lors d’une dispute survenue le 11 mai 2010 (HRFT 7-9 avr. 2012), un policier a tué un étudiant kurde par balle (ibid.; Human Rights Association 24 mai 2012b). La HRFT a affirmé que l’avocat du défendeur a dit à la cour que [traduction] « le policier faisait son travail dans un contexte de légitime défense » et que la cour a ajourné l’audience jusqu’au 25 mai 2012 (7-9 avr. 2012). Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, les mauvais traitements infligés par des policiers peuvent survenir partout, mais particulièrement lors des manifestations ou des rassemblements kurdes (22 mai 2012). Des sources font état de l’utilisation de violence contre des manifestants (É.-U. 24 mai 2012, 2; Human Rights Watch 2012, 505; EUTCC févr. 2010) et de la criminalisation des ceux-ci (ibid.; Human Rights Watch 2012, 505). Selon Human Rights Watch, [traduction] « [t]rop souvent les autorités masquent le problème en enquêtant sur les manifestants pour résistance à la dispersion de la police, participation à une manifestation illégale ou propagande terroriste plutôt que d’enquêter sur les allégations d’abus de pouvoir des policiers […] » (ibid.).
Le 10 février 2009, The Witness [le témoin], programme télévisé d’Al Jazeera, a affirmé que des femmes kurdes ont été enlevées et violées par des hommes qu’on croit être des responsables de l’application de la loi. Bianet, distributeur de nouvelles d’Istanbul, affirme que selon la Plateforme des femmes d’Istanbul (Istanbul Women Platform), la police utilise l’agression sexuelle et le viol pour tenter de réduire les femmes kurdes au silence (29 juin 2010).
Des sources font observer qu’habituellement, les Kurdes ne signalent pas les mauvais traitements qui leur sont infligés par la police, en partie en raison de l’inaction perçue de la police (coordonnateur 22 mai 2012; ancien agent du KHRP 28 mai 2012). L’ancien agent du KHRP a expliqué que les mauvais traitements ne sont pas signalés, parce que les lois ne sont pas efficaces, que les Kurdes ne sont pas protégés et qu’ils craignent de perdre leur emploi s’il y a une enquête ou d’être [traduction] « pris pour cible » par les policiers en raison de leur ethnicité ou de leurs opinions politiques (ibid.). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a dit que les Kurdes craignent d’être détenus au lieu de l’auteur (22 mai 2012). Le professeur agrégé d’histoire de l’Université d’Akron a déclaré qu’un Kurde peut être arrêté sur de simples accusations, sans application régulière de la loi, comme lorsque quelqu’un affirme qu’un Kurde est un partisan du PKK (23 mai 2012).
Selon le professeur de sciences politiques de l’Université d’État du Missouri, la police de Turquie [traduction] « enquête sur les crimes commis contre des Kurdes dans l’ouest de la Turquie et intente des poursuites contre ceux-ci, sauf à quelques exceptions rares et occasionnelles » (23 mai 2012). Toutefois, le coordonnateur du Réseau des études kurdes a déclaré que les cas de mauvais traitements infligés à des Kurdes restent habituellement non résolus (22 mai 2012). Il a dit que les cas sont souvent [traduction] « mis de côté » et expirent après 10 à 15 ans et que, dans les cas qui font l’objet de poursuites, les accusations sont réduites et les peines sont écourtées (coordonnateur 22 mai 2012). L’ancien agent du KHRP a aussi affirmé que les auteurs de crimes contre des Kurdes sont rarement punis et que lorsqu’ils sont arrêtés, ils sont habituellement libérés [traduction] « peu de temps après » (28 mai 2012). Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a ajouté que les Kurdes peuvent signaler les mauvais traitements aux associations de défense des droits de la personne, mais que cela n’est pas efficace en raison du [traduction] « système judiciaire partial » (22 mai 2012). Il a expliqué que les associations de défense des droits de la personne conservent des dossiers, tentent de faire de la [traduction] « sensibilisation » et peuvent porter certaines plaintes devant la Cour européenne des droits de l’homme (coordonnateur 22 mai 2012).
5.1 Cartes d’identité
Selon le professeur de sciences politiques de l’Université d’État du Missouri, les Kurdes dont la carte d’identité porte leur ville d’origine [traduction] « subissent assurément un examen plus approfondi aux barrages routiers aléatoires de la police et lors des ratissages de sécurité et sont plus rapidement identifiés comme suspects lorsque des crimes sont commis » (23 mai 2012). De même, le professeur agrégé d’histoire à l’Université d’Akron affirme que les jeunes hommes et les jeunes femmes [traduction] « considérés avec méfiance » en raison de leur lieu de naissance lorsque leurs cartes d’identité sont examinées (23 mai 2012).
5.2 Arrestations
Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a affirmé que l’atmosphère de méfiance est croissante à l’égard des Kurdes dans les villes de l’Ouest (22 mai 2012). Des sources soulignent que les défenseurs des droits des Kurdes sont souvent considérés comme des terroristes (MRG s.d; coordonnateur 22 mai 2012). Selon Human Rights Watch, la Turquie dispose d’une [traduction] « définition du terrorisme excessivement large » qui [traduction] « permet l’imposition arbitraire des plus graves accusations de terrorisme contre des personnes au sujet desquelles il y a peu d’éléments de preuve du fait qu’elles ont apporté un soutien logistique ou matériel au terrorisme ou participé à la planification d’activités violentes » (2012, 504). Des sources attirent l’attention sur le fait que la Turquie a un taux d’arrestation disproportionnellement élevé relativement à des allégations de terrorisme (Commission européenne 9 nov. 2010, 35; Al Jazeera 8 mai 2012).
Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, des centaines de Kurdes ont été arrêtés, certains pour des [traduction] « motifs peu convaincants » (22 mai 2012). Des sources font observer que des gens ont été arrêtés pour avoir prétendument des liens avec une organisation considérée comme la [traduction] « branche urbaine » du PKK (MRG 2011, 203; Human Rights Watch 2012, 504; OMCT 25 oct. 2011) et appelée l’Union des collectivités du Kurdistan (Kurdish Communities Union - KCK) (ibid.; MRG 2011, 203). Pour obtenir davantage d’information sur la KCK et le PKK, veuillez consulter la réponse à la demande d’information TUR104075.EF.
Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a déclaré qu’au cours des deux dernières années, soit depuis que les négociations avec le PKK ont échoué, l’État a ciblé des gens qui, selon elle, font partie de l’aile urbaine du PKK (22 mai 2012). De même, Al Jazeera affirme que des [traduction] « centaines de Kurdes », y compris des politiciens, ont été arrêtés parce qu’ils auraient fait partie de l’aile urbaine du PKK (9 juin 2011). En 2011, des personnes qui avaient prétendument un lien avec la KCK auraient été arrêtées dans des villes de l’Ouest, comme Ankara (Kurd Net 13 févr. 2012) et Istanbul (ibid.; OMCT 25 oct. 2011) et la police a mené des rafles chez des militants politiques pro-Kurdes à Istanbul et à Izmir (New York Times 21 déc. 2011). Human Rights Watch a affirmé que des centaines de membres du parti politique kurde Parti pour la paix et la démocratie (Peace and Democracy Party - BDP) sont en détention avant procès et que des [traduction] « milliers subissent un procès relativement à des accusations de terrorisme » parce qu’ils auraient des liens avec la KCK (2012, 504).
Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a affirmé que des universitaires, des centaines de politiciens et 91 journalistes kurdes ou journalistes qui écrivent dans des journaux kurdes sont en prison (22 mai 2012). Kurd Net, portail de nouvelles indépendant situé en Autriche (Kurd Net s.d.), affirme que des étudiants, des militants pour les droits de la personne et des membres de syndicats sont également détenus (13 févr. 2012). Des sources signalent que des enfants kurdes ont également été arrêtés (Kurd Net 13 févr. 2012; EUTCC févr. 2010; Al Jazeera 8 mai 2012). Selon Al Jazeera, de nombreux enfants kurdes ont été arrêtés aux termes des lois anti-terrorisme de la Turquie pour des motifs comme avoir lancé des pierres et avoir assisté à des funérailles de membres du PKK (ibid.).
Selon le coordonnateur du Réseau d’études kurdes, des Kurdes sont parfois arrêtés lors de manifestations, comme lorsqu’ils n’ont pas eu l’autorisation de manifester à un certain endroit (coordonnateur 22 mai 2012). D’après un rapport de la Human Rights Association, en mars 2012, lors du Nouvel An kurde, les célébrations de la Newroz ont été interdites dans 129 endroits (2 avr. 2012). On précise également dans le rapport que, lors de la Newroz, la police a effectué des descentes chez des gens, puis les a arrêtés et a utilisé des bombes à gaz et de [traduction] « l’eau sous pression » lors de manifestations (Human Rights Association 2 avr. 2012). Le rapport souligne également le recours à la violence par des agents d’application de la loi contre des députés du BDP (ibid.). La Human Rights Association fournit les statistiques suivantes concernant les célébrations de la Newroz :
[traduction]
- Istanbul : 1 personne tuée, 26 blessées, 179 détenues et 23 arrêtées
- Izmir : 42 personnes détenues et 21 personnes arrêtées, y compris 8 enfants
- Mersin : 8 personnes blessées, 53 détenues et 9 arrêtées
- Ankara : 10 personnes détenues (2 avr. 2012).
Le coordonnateur du Réseau d’études kurdes a déclaré qu’une fois arrêtés, les Kurdes sont souvent maltraités et torturés et que leur cause se rend rarement devant les tribunaux (22 mai 2012). Selon Al Jazeera, en prison, les enfants kurdes peuvent faire l’objet d’intimidation, de violence et d’agression sexuelle (8 mai 2012).
5.3 Cour
Des sources affirment qu’il est interdit aux Kurdes de se défendre en utilisant la langue kurde devant les tribunaux (coordonnateur 22 mai 2012; MRG 2011, 203; EUTCC 29 janv. 2011). Selon les Country Reports 2011, les décisions des cours concernant l’utilisation de la langue kurde devant les tribunaux ne sont pas uniformes (24 mai 2012, 17).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Al Jazeera. 8 mai 2012. Akbar Ahmed et Frankie Martin. « Saving the Lost Generation of Kurds ». <http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2012/05/20125514162054639.html> [Date de consultation : 23 mai 2012]
_____. 9 juin 2011. Behlul Ozkan. « Kurds Could Revolt if Grievances Aren't Fixed ». <http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2011/06/201169131053712220.html> [Date de consultation : 23 mai 2012]
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New York Times. 21 décembre 2011. Sebnem Arsu et Dan Bilefsky. « Turkey Detains Dozens Accused of Having Links to a Kurdish Separatist Group ». (Factiva)
Organisation mondiale contre la torture (OMCT). 25 octobre 2011. « Turkey: New Wave of Arbitrary Arrests and Detention of Human Rights Defenders ». <http://www.omct.org/human-rights-defenders/urgent-interventions/turkey/2011/10/d21460/?prn=1> [Date de consultation : 25 mai 2012]
Professeur agrégé d’histoire, University of Akron, États-Unis. 23 mai 2012. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.
Professeur de sciences politiques et titulaire de la chaire Thomas G. Strong de politique du Moyen-Orient, Missouri State University. 23 mai 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.
Autres sources consultées
Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les organisations et les personnes suivantes ont été infructueuses : auteur et professeur en Turquie, Center for the Research of Societal Problems; Human Rights Foundation of Turkey - Istanbul, Izmir, Van; Human Rights Watch (Europe and Central Asia Division); Istanbul University Centre for Research and Practice in Human Rights Law; Kurdish Human Rights Project; Mazlumder; professeur de la San Francisco State University, deux professeurs de la University of Utrecht; Today's Zaman; Washington Kurdish Institute; Yeni Ozgur Politika. Un représentant de la Middle East Media Research Institute n’a pas pu répondre à la demande de renseignements.
Sites Internet, y compris : Amnesty International; Alliance for Kurdish Rights; Australia Refugee Review Tribunal; British Broadcasting Corporation; Congressional Research Service; Daily News; ecoi.net; Eurasianet.org; European Journal for Turkish Studies; Freedom House; Internal Displacement Monitoring Centre; International Crisis Group; Kanal 7; Jamestown Foundation; Kurdish Human Rights Project; Middle East Media Research Institute; The Nation; Nations Unies – Refworld; Today's Zaman; Turquie – General Command of the Gendarmerie, Ministries of Interior Affairs, Health, Justice, Labour and Social Security, National Education.